Test Blu-ray / L’Emprise des Ténèbres, réalisé par Wes Craven

L’EMPRISE DES TÉNÈBRES (The Serpent and the Rainbow) réalisé par Wes Craven, disponible en édition Blu-ray + DVD + Livret le 6 septembre 2017 chez Wild Side Video

Acteurs : Bill Pullman, Cathy Tyson, Zakes Mokae, Paul Winfield, Brent Jennings, Conrad Roberts…

Scénario : Richard Maxwell, A.R. Simoun d’après le livre The Serpent and the Rainbow de Wade Davis

Photographie : John Lindley

Musique : Brad Fiedel

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1988

LE FILM

Dennis Alan, un jeune anthropologue, est envoyé en mission dans une clinique à Haïti pour rencontrer un patient diagnostiqué mort et enterré quelques années plus tôt. Arrivé sur l’île, Alan apprend l’existence d’une mystérieuse poudre vaudou capable de plonger un homme dans une mort artificielle. Son enquête le met bientôt aux prises avec les Tontons Macoutes, des miliciens paramilitaires qui utilisent cette drogue pour éliminer les opposants politiques au régime. Menacé de mort, Alan tente de récupérer la recette du poison avant de repartir pour Boston. Mais, ensorcelé par ses ennemis, il ne tarde pas à sombrer dans un univers de magie noire, où se mêlent hallucinations, cauchemars et réalité.

Réalisé entre L’Amie Mortelle (Deadly Friend) et Shocker, L’Emprise des TénèbresThe Serpent and the Rainbow (1988) est aujourd’hui considéré par la critique et les spectateurs comme l’un des meilleurs films de Wes Craven. Un temps envisagé par Peter Weir avec Mel Gibson dans le rôle principal, basé sur des « faits réels », le huitième long métrage du réalisateur tourné pour un budget conséquent de 7 millions de dollars (le plus important à l’époque pour le cinéaste) s’inspire de l’ouvrage documentaire éponyme de l’ethnobotaniste canadien Wade Davis, sur les pratiques vaudou en Haïti, notamment ce qui concerne le processus dit de la zombification. Comme l’indique un carton en ouverture « Dans la légendu du vaudou, le serpent symbolise la Terre, l’arc-en-ciel le Paradis. Entre les deux, toute créature doit vivre et mourir. Mais, parce qu’il a une âme, l’homme peut se retrouver emprisonné en un lieu où la mort n’est qu’un commencement ». Il n’en fallait pas plus pour Wes Craven pour y trouver là l’inspiration pour son nouveau film d’horreur.

Dennis Alan, un anthropologue diplômé de Harvard, est de retour à Boston après un long séjour en Amazonie, où il a pu étudier et expérimenter les drogues utilisées par les chamanes. Un représentant d’une entreprise pharmaceutique lui propose alors de se rendre en Haïti, en quête d’une hypothétique substance utilisée par les sorciers vaudous pour zombifier leurs victimes. En effet, si les rumeurs sur les zombis sont fondées et qu’une telle drogue existe, ses applications dans le domaine de l’anesthésie seraient des plus intéressantes. Il débarque afin d’étudier l’univers mystérieux et inquiétant du culte vaudou. Très vite, il découvre l’existence du poison violent – en fait un psychotrope appelé tétrodotoxine – et sournois, qui transforme instantanément les êtres humains en zombies, en ralentissant le rythme cardiaque, au point que les autres les croient morts. Les détenteurs de cette poudre maléfique forment une communauté de prêtres, de politiciens et d’hommes d’affaires corrompus qui contrôlent l’île avec l’aide des Tontons macoutes. Il fait la connaissance de Marielle Duchamp, une belle psychiatre haïtienne, dont la famille tente depuis des années de s’opposer à ces rites destructeurs. Ensemble, ils vont se battre aux côtés des opposants au régime pour la liberté et la paix sur l’île.

La grande réussite de L’Emprise des Ténèbres, même si loin du Vaudou de Jacques Tourneur (1943), provient du surnaturel « plausible » que Wes Craven observe et détaille avec une mise en scène souvent très documentaire, avec sérieux et en tournant vraiment en Haïti (le premier long métrage américain à être tourné sur place dans sa quasi-intégralité), avant d’être contraint de terminer les prises de vue en République dominicaine pour des raisons politiques instables et des menaces de mort. Un réalisme qui n’est pas sans rappeler celui d’A la recherche du plaisir de Silvio Amadio, giallo atypique tourné en Haïti en 1972. Le malaise ne s’instaure pas uniquement durant les séquences dites à sensation et donc plus « fictionnelles », mais également par l’usage d’une caméra à l’épaule qui capture les rites et les coutumes. On sent le cinéaste passionné par son sujet, bien qu’il n’hésite pas à recourir au grotesque et au grand-guignolesque dans un dernier acte moins inspiré, mais néanmoins généreux envers les spectateurs avides de sensations fortes.

Parallèlement au « film de genre », Wes Craven s’intéresse également à la situation politique d’un pays où les hommes de main du dictateur Jean-Claude Duvalier, alias Baby Doc, n’hésitent pas à avoir recours aux prêtres Vaudou – et à leur usage de la torture physique, scène très éprouvante – afin de renforcer l’emprise de la dictature sur la société. Le personnage interprété par Bill Pullman dans son premier rôle en vedette, est malmené du début à la fin. Un peu arrogant, sûr de lui-même, cartésien et croyant tout savoir sur les us des pays qu’il visite, Alan va très vite déchanter et se retrouver face à des pratiques occultes, des événements qui dépassent l’entendement et une population qu’il n’aurait pas dû sous-estimer. Alan est donc confronté à la puissance ténébreuse du Vaudou et va voir ses repères s’écrouler jusqu’à la folie. Impression renforcée par la composition de Brad Fiedel, dont les percussions et les entêtantes notes de synthétiseur ne sont pas sans rappeler son thème de Terminator.

Hormis son dernier acte que l’on qualifierait aujourd’hui de « nawak », L’Emprise des Ténèbres est donc film fantastique, morbide et d’épouvante réaliste placé sous hallucinogènes, qui a plutôt bien vieilli grâce à une mise en scène inspirée et qui remplit encore ses promesses d’émotions fortes.

LE BLU-RAY

Le test a été réalisé sur un check-disc. Cette édition de L’Emprise des Ténèbres se compose du Blu-ray et du DVD du film, ainsi que d’un livret exclusif de 60 pages, spécialement écrit par Frédéric Albert Levy (journaliste cinéma et co-fondateur de la revue Starfix), illustré de photos d’archives rares. Le menu principal est animé et musical.

En ce qui concerne les suppléments, c’est plutôt chiche. Toutefois, il serait dommage de passer à côté du bel hommage rendu à Wes Craven par le cinéaste Alexandre Aja (29’). Dans un premier temps, le réalisateur se souvient de sa découverte du cinéma de Wes Craven à travers les bandes-annonces mais aussi et surtout les VHS de films d’horreur dans les bacs des vidéo-clubs, ainsi que dans les articles publiés dans les magazines Mad Movies et L’Ecran fantastique. Alexandre Aja évoque ensuite l’influence des Griffes de la nuit et de La Dernière maison sur la gauche qui ont contribué à lui donner sa vocation de réalisateur. Puis, le metteur en scène en vient à sa rencontre avec le maître en personne suite à la présentation de son second long métrage Haute tension au Festival du film de Toronto en 2003. S’ensuit un formidable portrait où Alexandra Aja croise à la fois l’intime (« un homme très complexe et paradoxal, rempli de luttes intérieures, qui se sentait responsable de l’influence de ses films dans la vie réelle ») et leur collaboration professionnelle. La peur au cinéma selon Wes Craven, le travail sur le remake de La Colline a des yeux, mais aussi sa passion pour le « bird watching » et les oiseaux morts qu’il collectionnait, ce module est peu avare en anecdotes sincères et intéressantes. Si Alexandre Aja aborde finalement très peu L’Emprise des Ténèbres, cette présentation sans langue de bois et avec beaucoup d’émotions est un très beau supplément.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Ce nouveau master HD brille de mille feux. D’une propreté absolue (même si quelques points blancs qui ont échappé au Biactol numérique), l’image met en valeur la photo de John Lindley (Blue-Jean Cop, Pleasantville, La Somme de toutes les peurs) et offre un rendu très impressionnant des séquences en extérieur. Si la définition n’est pas optimale avec quelques très légers fourmillements constatés ainsi que des visages tirant sensiblement sur le rosé dans les scènes diurnes, on apprécie le niveau des détails, l’affûtage du piqué, le grain cinéma respecté (parfois plus prononcé), la richesse des contrastes, la luminosité et l’aplomb de la compression numérique qui consolide les scènes plus agitées. On attendait peut-être des noirs un peu plus fermes. Clair et net, ce Blu-ray au format 1080p offre une deuxième jeunesse bien méritée à ce film.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 2.0 Surround sont propres et distillent parfaitement la musique de Brad Fiedel. La piste anglaise (avec les sous-titres français imposés) est la plus équilibrée du lot avec une homogénéité entre les dialogues et les bruitages, ainsi qu’un niveau des dialogues plus plaisant. Le changement de langue est impossible à la volée et nécessite le retour au menu contextuel.

Crédits images : © Universal Studios. / Wild Side Video / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Picnic, réalisé par Joshua Logan

PICNIC réalisé par Joshua Logan, disponible en DVD et Blu-ray le 23 août 2017 chez Carlotta Films

Acteurs : William Holden, Kim Novak, Betty Field, Susan Strasberg, Cliff Robertson, Arthur O’Connell…

Scénario : Daniel Taradash, d’après la pièce éponyme de William Inge

Photographie : James Wong Howe

Musique : George Duning

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Dans une petite ville du Kansas, un pique-nique annuel est organisé pour célébrer la fête du Travail. C’est ce jour-là que débarque Hal Carter, ancien camarade d’université d’Alan Benson, dont le père est un riche céréalier de la région. Avant de retrouver son ami, Hal fait la connaissance des sœurs Owens : Millie, « garçon manqué » au tempérament bien trempé, et Madge, la plus jolie fille du coin et petite amie d’Alan. Le nouveau venu tombe immédiatement sous son charme. Le pique-nique sera pour les deux jeunes gens l’occasion de se rapprocher…

Incontestablement, le scénariste et metteur en scène Joshua Logan (1908-1988) a plus marqué le monde du théâtre que celui du cinéma. Très jeune il participe à la création d’une troupe de théâtre au sein de l’université de Princeton, où s’invitent les débutants Henry Fonda et James Stewart. Tout d’abord comédien au début des années 1930 et adepte de la méthode Stanislavski qu’il a étudié à Moscou, il rencontre et collabore avec le grand David O. Selznick à Hollywood, tout en gardant un pied à Broadway. Après la Seconde Guerre mondiale, il se consacre à la mise en scène de pièces de théâtre et accumule les récompenses. Parmi ses grands succès, il y a notamment la pièce Picnic du dramaturge William Motter Inge (1913-1973), auréolée du prix Pulitzer du théâtre en 1953. Ouvertement sexuelle, la pièce attire quand même les convoitises de certains producteurs. Joshua Logan, qui vient d’être rappelé à Hollywood afin de remplacer John Ford alors souffrant pour terminer Mister Roberts, est lui-même désigné pour adapter Picnic sur grand écran, en Technicolor et Cinémascope.

Le jour de la fête du travail, dans une petite ville du Kansas. Un jeune homme débarque d’un train de marchandises, visible vagabond qui n’a qu’un baluchon, un pantalon élimé et une chemise crasseuse. Le nouveau venu, Hal Carter, cherche aussitôt un emploi. Une charmante vieille dame, Helen Potts, lui fournit le gîte et le couvert en échange de quelques travaux de jardinage. Hal espère se faire engager dans la minoterie familiale d’Alan Benson, un ancien camarade. Benson convie Hal à prendre part au traditionnel pique-nique qui réunit toute la population et lui présente sa fiancée, Madge Owens. Entre les deux jeunes gens, c’est le coup de foudre. Picnic condense les thèmes de prédilection de William Inge avec ses personnages en quête d’indépendance, isolés dans leur caste sociale, englués dans leur quotidien, dans leur famille et leur environnement, rêveurs mais trop lâches pour réaliser leurs fantasmes, résigner à accepter leur situation ou laissant tomber s’ils échouent à s’échapper la première fois. Avec acuité, le scénariste Daniel Taradash, auteur de Tant qu’il y aura des hommes de Fred Zinnemann (1953) et de Troublez-moi ce soir (1952) de Roy Ward Baker transpose l’univers, l’environnement, les mots et les maux de William Inge, le tout pris en charge par Joshua Logan, qui signe ici son meilleur film.

Le cinéaste plonge immédiatement l’audience dans une petite bourgade du Kansas, ainsi que l’élément qui va perturber le quotidien morne et trop bien réglé de ses habitants, autrement dit le personnage de Hal Carter, interprété par William Holden. Avec son cadre large et la merveilleuse photographie de l’immense chef opérateur James Wong Howe, Picnic subjugue d’entrée de jeu, tandis que les émotions submergent progressivement, entre amour et haine, entre la rage et le désespoir. Joshua Logan filme la fureur de (sur)vivre. L’arrivée de cet homme sensuel, qui exhibe innocemment son corps musclé et bronzé va être mal vue de la part de cette petite société sclérosée dans les convenances. Une mère de famille va ainsi se rendre compte qu’elle vit par procuration en voulant faire de sa fille aînée Madge, incarnée par Kim Novak qui avait explosé l’année d’avant en femme fatale dans Du plomb pour l’inspecteur de Richard Quine, la reine de beauté de la ville lors de la fête du travail organisée une fois par an. La frustration sexuelle, la jeunesse éphémère et l’élévation dans l’échelle sociale sont également les sujets abordés dans Picnic avec une rare subtilité, dans une unité de temps (24 heures, de l’aube jusqu’au lever du soleil du jour suivant), de lieu (une petite ville) et d’action avec la préparation du pique-nique, la fête, le retour au bercail.

Joshua Logan ne force jamais le trait et semble prendre beaucoup de plaisir à filmer – avec tendresse – les petites habitudes, les jeux organisés, les concours de chansons, les bébés qui pleurent, les amis qui trinquent durant cette journée si particulière à laquelle tout le monde semble attachés. Hal Carter ne fait pas partie de ce monde millimétré et sa présence, même si tolérée au départ, va progressivement devenir embarrassante (alors que l’alcool coule à flot), surtout lorsque les invités vont se rendre compte qu’il ne laisse pas Madge indifférente et réciproquement lors d’une incroyable scène de danse où les sentiments se dévoilent. Ancien grand sportif de son université, mais qui ne pouvait vraiment compter que sur ses exploits au football pour être populaire, Hal souhaite renouer avec son ancien meilleur ami Alan (Cliff Robertson), héritier d’une grande entreprise agricole, afin d’espérer obtenir un emploi bien rémunéré. Si Alan est tout d’abord très heureux de revoir Hal, il tue dans l’oeuf ses espoirs de gérer un poste important puisqu’il n’est pas diplômé. La soirée va s’envenimer puisque Madge doit épouser Alan, selon les désirs de la mère de la jeune femme.

Picnic est un entrecroisement de récits initiatiques et rappelle dans une moindre mesure le Théorème de Pier Paolo Pasolini sorti presque quinze ans après, qui ciblait le milieu bourgeois. La présence d’un être attirant, bâti comme une statue grecque, sans attaches ni fortune et surtout libre, va donc faire imploser cette communauté engluée dans la routine et où le déni est devenu quotidien. Picnic obtiendra un grand succès aux Etats-Unis, à tel point que l’année suivante Joshua Logan, Golden Globe du meilleur réalisateur, se verra confier la transposition d’une autre pièce de théâtre de William Inge, Arrêt d’autobus (Bus Stop) avec la star Marilyn Monroe. Dernière chose, Picnic reste l’un des rares films diffusés aux Etats-Unis en incluant deux messages publicitaires subliminaux, insérés toutes les cinq secondes à l’aide d’un tachistoscope. Procédé qui a visiblement porté ses fruits, puisque les vendeurs de popcorn et de sodas voyaient leurs ventes grimper auprès des spectateurs venus voir le film de Joshua Logan !

LE BLU-RAY

Le test de l’édition HD de Picnic, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette, tout comme celui du menu principal fixe et musical, est étonnamment sobre, mais très élégant.

Aux côtés de la bande-annonce originale, l’éditeur livre une formidable présentation et analyse de Picnic de Joshua Logan, mais également de l’oeuvre du dramaturge William Inge (27’). On doit ce brillant exposé à Marguerite Chabrol, professeure à l’université Paris 8 et auteure de l’ouvrage De Broadway à Hollywood (CNRS Editions). Vous saurez tout sur la création de la pièce Picnic à Broadway en 1953 ! Les thèmes abordés, la mise en scène, l’importance du décor (unique, entre deux façades de maisons voisines), des lumières et même du son, élément encore rare au théâtre à l’époque. Marguerite Chabrol dresse le portrait de William Inge et dresse un panel de ses thèmes de prédilection, tout en replaçant Picnic dans sa carrière. La professeure en vient ensuite à sa transposition au cinéma par Joshua Logan, qui avait également mis en scène la pièce, en évoquant notamment l’évolution à l’écran de la représentation du corps masculin à moitié dénudé, élément important dans la trame de Picnic.

L’Image et le son

C’est avec un immense plaisir de redécouvrir un Technicolor 2.55 dans de telles conditions ! Le master HD (1080p, AVC) affiche une propreté sidérante (restauré en 2K par Sony), restituant la vivacité et la saturation de la colorimétrie, tout en délivrant un relief inédit (la séquence du pique-nique est fantastique), un piqué inouï, une clarté appréciable, une profondeur de champ de haut niveau et des détails foisonnants. Hormis la scène d’ouverture et le générique aux teintes fanées et à la définition moindre, la restauration n’en finit pas d’étonner et la copie demeure stable. Malgré quelques flous sporadiques mais vraisemblablement d’origine, Picnic a bénéficié d’un lifting de premier ordre, tout en conservant le merveilleux grain de la photo de l’immense chef opérateur James Wong Howe.

Soyons honnêtes, la piste anglaise DTS-HD Master Audio 5.1 ne sert pour ainsi dire à rien, à part pour créer une légère chambre d’écho lors des scènes soutenues par la musique de George Duning. Et encore, les latérales se révèlent bien trop avares pour créer une spatialisation solide. A sa sortie, Picnic avait été exploité en format 4 canaux, donc revoir le film en 5.1 reconstitue quelque peu les conditions acoustiques originales. Toutefois, n’hésitez pas à sélectionner d’emblée le mixage DTS-HD Master Audio 2.0, d’excellent acabit et qui instaure le même si ce n’est un meilleur confort. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale. L’éditeur joint également une piste dans la langue de Molière DTS-HD Master Audio 1.0 avec des dialogues forcément moins naturels et dynamiques, aux ambiances plus feutrées, mais néanmoins dépourvue de souffle parasite.

Crédits images : © 1955, RENOUVELÉ 1983 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés. / Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Supergirl – Saison 1

SUPERGIRL – SAISON 1, disponible en DVD et Blu-ray  le 5 juillet 2017 chez Warner Bros.

Acteurs : Melissa Benoist, Mehcad Brooks, Chyler Leigh, Jeremy Jordan, David Harewood, Calista Flockhart, Chris Wood, Jenna Dewan Tatum…

Musique : Blake Neely

Durée : 20 épisodes de 43 minutes

Date de sortie initiale : 2015

LA SÉRIE

Les aventures de Kara Zor-El, la cousine de Superman, alias Supergirl. A 24 ans, la jeune femme, qui mène sa vie en marge de celle de son célèbre cousin, se sent impuissante face à ses pouvoirs extraordinaires qu’on lui a appris à ne pas utiliser. Employée dans un grand média de National City, elle va se retrouver à mener une double vie pour combattre le crime dans sa ville.

When I was a child, my planet Krypton was dying. I was sent to Earth to protect my cousin. But my pod got knocked off-course and by time I got here, my cousin had already grown up and become Superman. And so I hid my powers until recently when an accident forced me to reveal myself to the world. To most people I’m assistant at Catco Worldwide Media. But in secret, I work with my adoptive sister for the DEO to protect my city from alien life and anyone else that means to cause it harm. I am Supergirl.

Ainsi démarre chaque épisode de la nouvelle série DC Comics, Supergirl ! Apparue en mai 1959 dans le n°252 du comic book Action Comics, la cousine de Kal-El / Superman est souvent restée dans l’ombre de l’Homme d’acier. Si l’adaptation live de 1985 par Jeannot Swzarc s’est soldée par un échec cinglant au box-office, les fans de la super-héroïne espéraient son retour sur le grand ou sur le petit écran. Il aura donc fallu attendre l’explosion des super-héros au cinéma puis leur incursion à la télévision avec Arrow et Flash (produit par le même homme Greg Berlanti), pour que Supergirl renaisse de ses cendres.

On reprend tout depuis le début avec des effets spéciaux dernier cri, ce qu’il faut de romance, d’humour, de créatures fantastiques, de méchants impitoyables, d’affrontements et quelques touches nostalgiques afin de caresser l’audience dans le sens du poil. Et ça fonctionne ! Etrange mais très attachant cocktail de Lois & Clark, Buffy contre les vampires et du Diable s’habille en Prada (oui oui), Supergirl repose avant tout sur un excellent casting et en premier lieu sur le charme de la lumineuse comédienne principale Melissa Benoist. Aperçue dans le remarquable Whiplash de Damien Chazelle et la série Glee, l’actrice née en 1988 s’avère aussi à l’aise dans la peau de Kara, jeune secrétaire et larbin d’une grande rédactrice en chef, que dans les collants (qu’elle porte admirablement d’ailleurs) et le costume estampillé d’un S. Son sourire, son sex-appeal et son jeu naturel, même si un peu limité certes, participent évidemment à la réussite de la série. Cependant, elle est également excellemment entourée, notamment par Chyler Leigh, vue dans la série Grey’s Anatomy, aussi bad-ass que sa partenaire et qui interprète un personnage tout aussi important, celui de la soeur terrestre de Kara. Femme d’action, elle est l’un des membres d’élite d’une organisation destinée à réguler l’existence extraterrestre sur Terre, le DEO, dirigé par Hank Henshaw (David Harewood). Ce dernier dissimule également sa véritable identité. Il s’agit en réalité de l’Homme de Mars J’onn J’onzz, qui possède quasiment les mêmes pouvoirs que Superman et Supergirl, en plus de celui de prendre n’importe quelle apparence.

La cultissime Calista Flockhart est aussi l’un des grands points forts de cette première saison 1. La comédienne d’Ally McBeal incarne Cat Grant, une ancienne journaliste du Daily Planet (que l’on voit dans la première saison de Lois & Clark et dans la série Smallville), devenue elle-même la boss d’un grand journal concurrent à celui tenu par Perry White. Calista Flockhart bénéficie des meilleures répliques et livre une grande performance, inspirée il est vrai par celle de Meryl Streep dans Le Diable s’habille en Prada. Vacharde, cynique, narcissique, elle est aussi celle qui permettra à Kara de devenir Supergirl (elle trouvera même son “nom de scène”), qui la poussera à se surpasser, mais aussi et avant tout à s’imposer et s’améliorer dans ses exploits. Aux côtés de Melissa Benoist, nous trouvons Mehcad Brooks qui incarne Jimmy Olsen. Oui le petit photographe est devenu un grand black d’1m91 bâti comme une armoire à glace. Venu de Metropolis, complice de Superman/Clark Kent, il débarque à National City pour oublier une liaison qui s’est mal terminée avec Lucy Lane, la petite soeur de, mais il est également envoyé en mission par Clark pour veiller sur sa cousine. Le coup de foudre est réciproque entre les deux, ce qui n’est pas vraiment du goût de Winn (très bon Jeremy Jordan), le collègue de Kara qui en pince pour elle depuis le premier jour et qui devient d’ailleurs la première personne au courant de la double identité de la jeune femme. Quant au “méchant qui n’en est pas vraiment un, mais qui n’est pas très honnête quand même”, il s’agit du personnage de Maxwell Lord, interprété par Peter Facinelli, vu dans la saga Twilight. Largement inspiré par Lex Luthor, Lord joue un multimilliardaire, scientifique, arrogant et charismatique, qui souhaite tirer avantage de chaque situation et peu importe si cela met en danger la population.

Tout ce beau petit monde se débat entre les peines de coeur et les invasions d’aliens aux mauvais desseins. Supergirl est une série qui assume le kitsch hérité de certains shows des années 1990, Buffy contre les vampires donc, mais aussi Charmed, X-Files, le tout matiné de chassés croisés amoureux dignes d’un soap opéra. Notre héroïne invincible, mais pas invulnérable, a donc fort à faire dans cette première saison très bien rythmée, à l’humour bon enfant, qui parvient à trouver rapidement son ton, sans égaler pourtant la grande réussite de Flash, qui fait d’ailleurs une apparition bien sympathique. Les geeks s’amuseront à noter quelques clins d’oeil faits à l’univers de Superman (les cacahuètes lancées sur les bouteilles dans le bar fait évidemment référence à Superman III), tout comme les acteurs qui ont marqué l’univers DC avec les participations récurrentes d’Helen Slater, ancienne Supergirl du film de Jeannot Swzark ou bien encore Dean Cain, le Superman de Lois & Clark, tous deux interprétant les parents adoptifs de Kara.

Après cette première saison et en raison de performances peu satisfaisantes, Supergirl a été retiré de la grille des programmes de CBS, avant d’être rachetée par la CW pour une saison 2, chaîne diffusant les séries Arrow, Flash et Legends of Tomorrow. La troisième saison est prévue pour octobre 2017.


LE BLU-RAY

La première saison de Supergirl en Blu-ray, disponible chez Warner Bros., se compose de trois disques placés dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné. La liste des épisodes apparaît au verso, tout comme celle des suppléments et des acteurs de la série. Le menu principal est identique sur les trois Blu-ray, fixe et musical, qui reprend le visuel de la jaquette.

Peu de suppléments à se mettre sous la dent et qui présentent au final peu d’intérêt.

C’est le cas des scènes coupées (15’) dispersées sur les trois disques, pour les épisodes 6, 8, 9, 11, 13, 15, 16, 17 et 18. Hormis une séquence où Alex remet Maxwell Lord à sa place dans l’épisode 16 quand Kara croit être revenue sur Krypton, l’ensemble s’avère bien trop anecdotique et reflète simplement les coupes effectuées au montage pour accélérer le rythme.

Le reste des bonus est présenté sur la troisième galette.

On commence par le lancement de la série donné au Comic-Con de 2015 (15′) en présence de l’équipe principale. Melissa Benoist, Mehcad Brooks, Chyler Leigh, Jeremy Jordan, David Harewood, ainsi qu’une petite apparition de Peter Facinelli, sans oublier les producteurs et le créateur Greg Berlanti, répondent aux questions banales de leur host qui fait tout pour mettre l’ambiance et promouvoir le show.

S’ensuivent deux featurettes promotionnelles qui se focalisent sur le personnage de J’onn J’onzz – L’Homme qui vient de Mars (10’) et sur la création de la planète Krypton (11’). Les comédiens et les showrunners présentent les personnages, quelques images dévoilent l’envers du décor. Attention aux divers spoilers !

L’interactivité se clôt sur un bêtisier amusant (4’).

L’Image et le son

Les épisodes sont proposés au format HD (1080p, AVC). Les couleurs sont chaudes et resplendissantes, le piqué acéré, les contrastes au top et la profondeur de champ abyssale. Les séquences diurnes sont éclatantes et seules quelques séquences à effets spéciaux s’avèrent sensiblement moins définies en raison des images composites. En dehors de ça, Warner Bros. met la barre haute et prend soin de l’arrivée de Supergirl dans les salons avec même un léger et élégant grain typique du tournage avec la caméra Arri Alexa. Le résultat est superbe et la promotion HD indispensable, ne serait-ce que pour admirer les jambes admirables de Melissa Benoist. Bah quoi ?

Sans surprise, seule la version originale est livrée au format DTS-HD Master Audio 5.1. Privilégiez évidemment cette option qui instaure un confort acoustique digne des plus grands blockbusters avec une spatialisation tonitruante, des effets latéraux à foison, une percutante délivrance des dialogues et une balance frontale explosive. Mention également au caisson de basses très souvent sollicité dans les scènes d’action. Les réfractaires à la V.O. devront se contenter d’une toute petite VF Dolby Digital 2.0 Stéréo au doublage nian-nian souvent indigne de la série. Etrangement, les allemands disposent d’un mixage Dolby Digital 5.1.

Crédits images : © Warner Bros. / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Chiens, à vous de créver !, réalisé par Frank Wisbar

CHIENS, À VOUS DE CREVER ! (Hunde, wollt ihr ewig leben) réalisé par Frank Wisbar, disponible en DVD le 11 juillet 2017 chez Movinside

Acteurs : Joachim Hansen, Peter Carsten, Wolfgang Preiss, Horst Frank, Wilhelm Borchert, Carl Lange, Richard Münch, Günter Pfitzmann…

Scénario : Frank Wisbar, Frank Dimen, Fritz Wöss, Heinz Schröter

Photographie : Helmuth Ashley

Musique : Herbert Windt

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Octobre 1942. Le général Friedrich Paulus qui commande la 6ème Armée obéit aveuglement à Hitler qui exige, coûte qui coûte, qu’il tienne Stalingrad et résiste par tous les moyens à l’encerclement des troupes soviétiques. Dans les rangs allemands, les soldats privés d’armes et de vivres commencent à prendre conscience de la folie mégalomane du Führer. Parmi eux, le lieutenant Wisse, le sergent Böse, le caporal Krämer et un aumônier, redécouvrent des valeurs humaines que la guerre avait annihilé.

Hormis le film soviétique Stalingradskaja Bitva (The Battle of Stalingrad) réalisé en 1949 de Vladimir Petrov, restauré il y a une dizaine d’années par l’International Historique Films, Chiens, à vous de crever !Hunde, wollt ihr ewig leben ! de Frank Wisbar est le premier long métrage allemand à parler de la débâcle allemande lors de la bataille de Stalingrad. De son vrai nom Frank Wysbar (1899-1967), le cinéaste né à Tilsit alors en Prusse-Orientale livre un très grand film de guerre malheureusement et injustement oublié aujourd’hui. Il est donc grand temps de réhabiliter Chiens, à vous de crever ! qui aborde frontalement et avec objectivité l’une des batailles les plus sanglantes de la Seconde Guerre mondiale, qui a opposé l’armée soviétique à l’armée allemande de juillet 1942 à février 1943.

Le film adopte le point de vue de l’armée allemande et montre comment les soldats et leurs supérieurs ont été tout simplement abandonnés par Adolf Hitler, qui promettait alors de les ravitailler en nourriture, en armes et en hommes. L’histoire s’attache à une poignée de personnages livrés à eux-mêmes, affamés, démunis, rongés par le froid (on brûle les photos encadrées du Führer pour se réchauffer) et la maladie, tandis que les cadavres s’amoncellent sur leur chemin, avant de se retrouver encerclés dans la ville de Stalingrad alors à feu et à sang. Dès la première séquence, Frank Wisbar montre une armée triomphante qui défile sous les yeux brillants du Führer, tandis qu’une voix-off vient couper court à cette parade en commentant des images du front dévasté, des soldats allemands morts au combat : « Jusqu’à ce que la neige et le vent recouvrent les cadavres et fassent oublier l’entrée triomphale. Le soldat mort n’a que faire de l’issue victorieuse ou non de la guerre ». Sur un montage percutant et fluide, Chiens, à vous de crever ! intègre d’incroyables et impressionnants stockshots, parfois très difficiles et violents, qui rend compte des tensions et des divisions au sein de la 6e armée envoyée sur le front de l’Est.

Avec des moyens plutôt conséquents, Frank Wisbar rend compte de la situation sur le front qui n’a de cesse de se dégrader (un soldat allemand meurt toutes les 7 secondes), tandis que les russes mieux équipés, resserrent leurs unités jusqu’à étouffer littéralement leurs adversaires. Adolf Hitler apparaît de dos principalement, tandis que sa voix exprime clairement son désintérêt pour ces hommes qui seraient très vite remplacés s’ils devaient tous tomber. De leur côté, Goebbels déclare déjà la victoire allemande sur Stalingrad et Göring s’époumone à la radio pour célébrer le dixième anniversaire de la prise du pouvoir. Jusqu’à la reddition des troupes allemandes après plus de six mois de combats, plus de 800.000 pertes soviétiques (civils et soldats) et 400 000 militaires allemands, roumains, italiens, hongrois et croates.

S’il démarre comme un documentaire, Chiens, à vous de crever ! s’avère un film maîtrisé et épatant, aussi passionnant sur le fond que sur la forme, porté par de remarquables comédiens et qui s’avère un témoignage sans concession ni faux héroïsme, qui colle au plus près de la vérité. C’est le cas de la séquence où durant une courte trêve demandée entre les deux armées afin d’aller récupérer leurs soldats décédés sur le front, un officier allemand trouve un piano dans les décombres recouvertes de neige et commence à jouer une sonate de Beethoven.

Sorti en France en 1960, le film de Frank Wisbar attire plus d’1,2 million de spectateurs dans les salles, et se voit récompenser par de nombreux prix en Allemagne, dont le meilleur réalisateur et le Deuxième meilleur film aux Prix du film allemand. Il faudra attendre 1989 et le film russe Stalingrad de Youri Ozerov pour que le cinéma s’intéresse à nouveau à cet épisode clé de la Seconde Guerre mondiale.

LE DVD

Chiens, à vous de crever ! intègre la collection Grands films de guerre disponible chez Movinside. Aucun supplément ni de chapitrage, le menu principal, animé et musical, ne propose que le choix des langues avant le lancement du film. Si l’éditeur aurait pu proposer une présentation de Chiens, à vous de crever ! par un historien du cinéma, la grande rareté du film l’emporte sur l’absence des suppléments.

L’Image et le son

La restauration est impressionnante ! Movinside a pu mettre la main sur un master qui permet de (re)découvrir Chiens, à vous de crever ! dans de très bonnes conditions. Certes, les stockshots n’ont évidemment pas été restaurés et détonnent avec les images filmées par Frank Wisbar, mais la copie s’avère propre, stable, les contrastes sont bien gérés, les noirs sont denses et certaines séquences s’avèrent lumineuses. Quelques points blancs et rayures verticales ont pu échapper au nettoyage, mais dans l’ensemble l’image est de fort bon acabit.

La version originale est proposée dans son intégralité avec des sous-titres français non imposés. La piste est étonnamment propre, ne serait-ce que deux ou trois craquements, sans souffle parasite et sans bruits de fond. Le confort acoustique est donc assuré. Une piste française est également au programme, un peu plus sourde, mais qui ne démérite pas.

Crédits images : © BETA FILM. / Movinside / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Soudain l’été dernier, réalisé par Joseph L. Mankiewicz

SOUDAIN L’ÉTÉ DERNIER (Suddenly, Last Summer) réalisé par Joseph L. Mankiewicz, disponible en DVD et Blu-ray le 23 août 2017 chez Carlotta Films

Acteurs : Elizabeth Taylor, Katharine Hepburn, Montgomery Clift, Albert Dekker, Mercedes McCambridge, Gary Raymond…

Scénario : Gore Vidal d’après la pièce de théâtre Suddenly, Last Summer de Tennessee Williams

Photographie : Jack Hildyard

Musique : Malcolm Arnold, Buxton Orr

Durée : 1h54

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Dans la Nouvelle-Orléans de 1937, une riche veuve, Violet Venable, propose de financer l’hôpital public Lyons View si l’un de ses praticiens, le docteur Cukrowicz, accepte de pratiquer une lobotomie sur sa nièce Catherine Holly. Celle-ci est internée depuis le décès mystérieux, durant un périple estival, de Sebastian Venable, poète et fils de Mrs Venable. La version que raconte Catherine du décès de Sebastian paraît tellement loufoque, que Violet la croit folle à lier. Avec l’aide du Dr Cukrowicz, Catherine va peu à peu recouvrer la mémoire jusqu’à révéler une vérité que certains auraient préféré rester enfouie.

Tout d’abord scénariste (Alice au pays des merveilles de Norman Z. McLeod, L’Ennemi public n°1 de W.S. Van Dyke), puis producteur (Furie de Fritz Lang, Indiscrétions de George Cukor), Joseph L. Mankiewicz (1909-1993) passe derrière la caméra en 1946 avec Le Château du dragon, en remplacement d’Ernst Lubitsch, victime d’une crise cardiaque. Suite à ce premier et grand succès, Mankiewicz choisit une pièce de Lee Strasberg, qu’il adapte avec Howard Dimsdale. Ce sera Quelque part dans la nuit, un film noir dans le style du Faucon maltais de John Huston (1941) et du Grand sommeil de Howard Hawks, par ailleurs sorti quelques semaines après le film de Mankiewicz. Suivront Un mariage à Boston (1947), L’Aventure de madame Muir (1947), Escape (1948) et Chaînes conjugales (1949). Autant dire que Joseph L. Mankiewicz a le vent en poupe à la fin des années 1940. Il clôt cette fabuleuse décennie avec La Maison des étrangersHouse of Strangers, drame familial qui annonce notamment Le Parrain plus de 20 ans avant. Le cinéaste prend alors son envol avec Eve (1950), On murmure dans la ville (1951), L’Affaire Cicéron (1952) et Jules César (1953). En revanche, il connaît quelques revers commerciaux et enchaîne les échecs avec La Comtesse aux pieds nus (1954), Blanches colombes et vilains messieurs (1955) et Un Américain bien tranquille (1958). Pour se refaire au box-office, Joseph L. Mankiewicz accepte la proposition du producteur Sam Spiegel (L’Odyssée de l’African Queen, Sur les quais et Le Pont de la rivière Kwaï), l’audacieuse adaptation de la pièce de Tennessee Williams, Soudain l’été dernier.

A l’hôpital psychiatrique de Lion’s View, le docteur Cukrowicz pratique dans des conditions vétustes la psychiatrie et la neurochirurgie. Le directeur lui annonce que Violet Venable, une riche veuve, lègue un million de dollars à l’établissement, à condition que Cukrowicz accepte de pratiquer une lobotomie sur sa nièce, Catherine. La jeune fille, traumatisée par la mort récente de son cousin Sebastien, le fils de Violet donc, a sombré dans la folie. Le jeune médecin s’efforce alors de provoquer chez sa patiente le souvenir de la scène fatale. C’est ainsi qu’il découvre peu à peu une troublante vérité que tous s’entendent, par intérêt, à lui tenir cachée, et dont l’innocente Catherine pourrait bien être la victime. Soudain l’été dernier aborde des thèmes extrêmement graves et rarement évoqués au cinéma à la fin des années 1950 comme l’homosexualité, la pédophilie, l’inceste et même le cannibalisme. A partir d’un scénario principalement écrit par Gore Vidal, qui a étendu l’histoire de la pièce originale en un acte de Tennessee Williams, le cinéaste signe un drame psychologique haletant qui s’apparente souvent à un thriller avec une tension maintenue du début à la fin. Fin lettré, Joseph L. Mankiewicz use des mots comme de véritables munitions et les longues, très longues séquences dialoguées, à l’instar de l’apparition de Katharine Hepburn, mettent les nerfs des spectateurs et ceux des personnages à rude épreuve.

Cette atmosphère pesante et oppressante sur le déni et le transfert, renvoie également aux difficiles conditions de tournage, en particulier pour Montgomery Clift, imposé par sa grande amie Elizabeth Taylor, qui venait d’avoir un très grave accident de voiture. Miraculé mais défiguré, le comédien avait dû subir de nombreuses opérations de chirurgie esthétique. Si son visage s’est ensuite transformé en figeant ses traits figés, ce traumatisme n’a fait qu’accentuer ses penchants pour l’alcool et sa dépendance aux médicaments. Le voir trembler à l’écran est souvent difficile, ce qui ne l’empêche pas de livrer une remarquable performance, même si Mankiewicz avait sérieusement envisagé de le remplacer par Peter O’Toole, avant que ses deux partenaires à l’écran ne prennent sa défense. De son côté, Elizabeth Taylor vient de perdre son troisième mari Michael Todd dans un accident d’avion et tombe en dépression. Quant à Katherine Hepburn, elle fait preuve d’une jalousie exacerbée envers Elizabeth Taylor et passe le tournage à pester contre cette histoire qu’elle trouve répugnante et qui la montre presque sans fard à l’écran. Elle finira ses prises de vue en allant cracher sur le plateau et dans le bureau de Sam Spiegel. Les deux comédiennes seront nommées pour l’Oscar de la meilleure actrice, qui sera finalement remporté par Simone Signoret pour Les Chemins de la haute ville. Sublime et d’ailleurs sublimée par Mankiewicz (tous les cinéphiles ont en tête la comédienne moulée dans son maillot de bain affriolant) Elizabeth Taylor obtiendra le Golden Globe pour sa prestation.

La pièce de théâtre originale était l’une des créations les plus personnelles du dramaturge puisque très inspirée de l’histoire de sa sœur aînée Rose, qui atteinte de schizophrénie aiguë avait subi une lobotomie en 1937 après une décision de leur mère castratrice et tyannique. Cet événement traumatisera Tennessee Williams toute sa vie et entraînera une rupture définitive avec les membres de la famille. Si les thèmes tabous et sulfureux sont évidemment plus suggérés qu’explicites, Soudain l’été dernier instaure un malaise qui ne fait que s’accentuer au fil des révélations de Catherine sur l’étrange disparition de son cousin, jeune poète que tout le monde adulait comme un Dieu, en premier lieu sa mère (Katharine Hepburn donc, immense) qui ne le quittait jamais et dont la relation trouble faisait jaser jusqu’à l’intelligentsia. Lors de la révélation finale qui s’apparente à un épisode des enquêtes d’Hercule Poirot (remplacé ici par un neurochirurgien en quête de la vérité) quand tous les suspects sont réunis dans une même pièce autour du détective, on comprend ainsi que Sebastian, prédateur sexuel, utilisait sa mère comme appât afin d’attirer de jeunes garçons démunis afin d’abuser d’eux. Voyant sa mère Violet vieillir, Sebastian a ensuite jeté son dévolu sur sa cousine Catherine, présente lors de sa mort l’été dernier. Délaissée, Violet voit sa nièce devenir sa rivale en occultant son désir pour son propre fils et décide alors de s’en débarrasser en la faisant interner puis en demandant sa lobotomisation.

Soudain l’été dernier condense tous les tourments propres à Tennessee Williams et le film de Joseph L. Mankiewicz demeure l’une des plus transpositions les plus denses, complexes, terrifiantes et impressionnantes d’une des œuvres de l’écrivain aux côtés d’Un tramway nommé désir d’Elia Kazan et La Nuit de l’iguane de John Huston.

LE BLU-RAY

Le test de l’édition HD de Soudain l’été dernier, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette, tout comme celui du menu principal fixe et musical, est étonnamment sobre, mais très élégant.

Avec la bande-annonce originale, l’éditeur joint une passionnante présentation de Soudain l’été dernier par Michel Ciment, critique, historien du cinéma et directeur de la revue Positif (26’). Ce dernier indique comment Joseph L. Mankiewicz s’est emparé de la pièce de Tennessee Williams pour la transcender, avant d’analyser l’adaptation, le style et l’interprétation d’un trio d’acteurs hors du commun. Michel Ciment replace Soudain l’été dernier dans la carrière du cinéaste, avant de très vite enchaîner sur les thèmes de la pièce originale et de sa transposition. Dans la dernière partie de cet entretien, le critique parle de l’accueil mitigé de la part de la critique américaine et française (Jean-Pierre Melville appelait même au boycott du film), ce qui n’a pas empêché Soudain l’été dernier de remporter un immense succès à travers le monde.

L’Image et le son

Le film de Joseph L. Mankiewicz avait bénéficié d’une édition en DVD en 2002 chez Sony Pictures. Le nouveau master restauré 4K au format respecté 1.85 de Soudain l’été dernier livré par Carlotta se révèle extrêmement pointilleux en terme de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté (l’éclat des yeux de Montgomery Clift) et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans, la photo entre ombre et lumière signée par le grand Jack Hildyard (Le Pont de la rivière Kwaï, L’Etau, Vacances à Venise) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Les contrastes ne cessent d’impressionner, la copie est stable, tout comme les fondus enchaînés qui n’entraînent pas de décrochages. Il s’agit sans nul doute de la plus belle copie de Soudain l’été dernier disponible à ce jour.

Comme pour l’image, le son a également été restauré de fond en comble. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur le mixage anglais DTS-HD Master Audio 1.0. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, jamais étouffés, les effets annexes probants et les plages de silence très impressionnantes. La partition entêtante est impeccablement restituée. Néanmoins, cette piste paraît parfois trop « propre » et donne un côté quelque peu artificiel à l’ensemble. La version française est correcte, un peu plus sourde, mais étonnamment plus naturelle. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © 1960, renouvelé 1988 Horizon Pictures (G.B.) LTD. Tois droits réservés. / Columbia Pictures / Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Baby Phone, réalisé par Olivier Casas

BABY PHONE réalisé par Olivier Casas, disponible en DVD le 12 juillet 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Medi Sadoun, Anne Marivin, Pascal Demolon, Lannick Gautry, Michel Jonasz, Marie-Christine Adam, Barbara Schulz…

Scénario : Olivier Casas, Serge Lamadie, Audrey Lanj

Photographie : Sylvain Rodriguez

Musique : Laurent Aknin

Durée : 1h21

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Au détour d’un dîner, les révélations faites à travers le baby-phone d’une chambre d’enfant vont créer un véritable cataclysme au sein d’une famille et d’un groupe d’amis…

A l’origine de Baby Phone il y a un court-métrage du même nom réalisé par Olivier Casas en 2014, qui reprend exactement le même point de départ. Si l’idée était séduisante et convenait parfaitement à un format court, on ne peut vraiment pas en dire autant pour la version long métrage qui ne fonctionne pas du tout et ce dès les premières minutes. Autant le dire d’emblée, Baby Phone est une catastrophe sur le fond comme sur la forme. Ben est marié Charlotte, avec qui il vient d’avoir une petite fille. Jeune compositeur en mal de reconnaissance, il décide de demander à leur ami d’enfance, manager d’une chanteuse très connue, de devenir le parrain de leur fille, dans l’espoir de dynamiser sa carrière. Pour le convaincre de venir chez eux, lors d’un dîner de famille, et réunir le quatuor d’amis qu’ils formaient à l’époque, il fait croire que son père est sur le point de mourir. De quiproquos en malentendus, la soirée se transforme vite en cauchemar pour Ben. Jusqu’au point de non-retour, quand le futur parrain et l’autre vieux pote se rendent dans la chambre du bébé et entament une série de mauvaises blagues. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que le baby phone est branché dans le salon et que tout le monde profite de leur conversation.

Si les comédiens font le boulot, en particulier Medi Sadoun (très sobre), Pascal Demolon (agité, comme d’habitude) et Michel Jonasz (qui détient les meilleures scènes), ils sont tous au service d’une mécanique qui tourne à vide et sont malheureusement peu aidés par des dialogues d’une platitude confondante avec un pauvre « Elle a fait caca ? » récurrent. Ils valent tellement mieux que ça ! Les décors, le rythme, le montage, la mise en scène sont franchement atroces et on a très vite de la peine de voir ces acteurs, que l’on aime habituellement, se débattre comme ils le peuvent pour faire exister ces personnages sans aucune consistance. Par ailleurs, le pitch n’a rien de bien nouveau et la mixture finale s’apparente à une salade composée d’Un air de famille de Cédric Klapisch, de Cuisine et dépendances de Philippe Muyl, du Prénom d’Alexandre De La Patellière et Matthieu Delaporte, mais aussi sur le méconnu et sympathique Les Meilleurs amis du monde de Julien Rambaldi. En effet, dans ce dernier, à la suite d’une mauvaise manipulation téléphonique, un couple entendait aussi ce que leurs amis pensaient réellement d’eux. Rien de nouveau dans Baby phone donc, qui se contente d’enchaîner les scènes sans enjeux et de façon répétitive. De plus, Baby Phone n’est pas vraiment une comédie, on esquisse à peine deux sourires, mais instaure un véritable malaise, d’une part en raison de son ratage technique, mais également par ses situations qui n’ont rien de drôles.

Olivier Casas, réalisateur, producteur et scénariste, racle les fonds de tiroir pour étendre son film sur 81 minutes (génériques compris) avec ses sept personnages enfermés dans un appartement. L’émotion est poussive (la chanson finale), artificielle, tandis que l’histoire se clôt de façon gratuite et bien trop facile après une succession de saynètes empilées à la va comme je te pousse. Mauvaise pièce de boulevard filmée, Baby phone compile donc toutes les tares du cinéma français dans ce qu’il peut faire de pire et l’on se demande parfois comment des projets aussi paresseux sur le papier et aussi pauvres techniquement réussissent encore à voir le jour. Très embarrassant.

LE DVD

Le test du DVD de Baby Phone, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé sur une musique guillerette et ne reflète pas du tout le film.

Chose étonnante pour un petit film de cet acabit, nous trouvons un commentaire audio du réalisateur Olivier Casas accompagné pour l’occasion de l’excellent Pascal Demolon. Si la complicité entre les deux hommes, visiblement amis, est évidente, on ne peut pas dire que ce commentaire vole bien haut et l’intérêt demeure très limité. Ce n’est pas que le commentaire soit désagréable, mais les deux intervenants paraissent eux-mêmes conscients de ne pas avoir grand-chose à dire sur le tournage de Baby Phone. On y évoque parfois le casting et les conditions des prises de vues, la musique, le court-métrage à l’origine de Baby Phone (déjà avec Pascal Demolon et Marie-Christine Adam) et on apprend que le comédien a fumé beaucoup de cigares et mangé beaucoup de quiches pour les besoins du tournage. Rien de passionnant donc.

Le making of (18’) est plutôt sympathique. Olivier Casas et sa compagne Audrey Lanj (tous les deux scénaristes) reviennent sur la genèse de Baby Phone, les comédiens présentent les personnages et l’histoire, tandis que des images dévoilent l’envers du décor. Dommage que le film ne soit pas à la hauteur des propos intelligents, des compliments tenus ici par les acteurs et de la rigueur apparente du réalisateur.

S’ensuivent trois scènes coupées (5’) qui n’apportent évidemment rien à l’ensemble, si ce n’est une fin alternative plutôt pas mal et qui aurait pu être gardée tant elle se révèle bien plus réussie et mise en scène par rapport à celle finalement gardée au montage final.

L’Image et le son

Ce master offre des conditions de visionnage banales et sans esbroufe. La colorimétrie est plutôt bien agencée, mais la définition demeure passable, même sur les quelques plans rapprochés. La clarté est de mise, les contrastes corrects, cependant le piqué manque de précision et certaines séquences apparaissent plus ternes que d’autres et s’accompagnent de moirages ainsi que de saccades.

Baby Phone n’est pas un film à effets et le mixage Dolby Digital 5.1 assure le service minimum. L’essentiel de l’action est canalisé sur les enceintes avant, même si chacune des très rares séquences en extérieur s’accompagne inévitablement d’ambiances naturelles. Il en est de même pour la musique systématiquement mise en valeur par l’ensemble des enceintes. Les voix sont solidement délivrées par la centrale. La piste Stéréo saura contenter ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. Pas de sous-titres pour les spectateurs sourds et malentendants.

Crédits images : © La Belle Company / M6 Vidéo / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Planète sauvage, réalisé par René Laloux

LA PLANÈTE SAUVAGE réalisé par René Laloux, disponible en DVD et Blu-ray le 7 juin 2017 chez ARTE Editions

Acteurs : Jennifer Drake, Sylvie Lenoir, Jean Topart, Jean Valmont, Michèle Chahant, Yves Barsacq, Gérard Hernandez, Claude Joseph…

Scénario : Roland Topor, René Laloux d’après le roman Oms en série de Stefan Wul

Photographie : Boris Baromykin, Lubomir Rejthar

Musique : Alain Goraguer

Durée : 1h12

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

Sur la planète Ygam, vivent des androïdes géants appelés les Draags. Ils élèvent de minuscules êtres humains qu’ils surnomment Oms. Mais un jour, l’Om de la jeune Tiwa se révèle plus intelligent et va déclencher une révolte…

La Planète sauvage est un film culte, un chef d’oeuvre de l’animation qui marque une étape primordiale dans le cinéma y compris dans le genre de la science-fiction. Librement inspiré du roman Oms en série de Stefan Wul publié en 1957, La Planète sauvage est l’aboutissement de la rencontre et du travail en commun du réalisateur, dessinateur, peintre et sculpteur René Laloux (1929-2004) et de Roland Topor (1938-1997), illustrateur, peintre, dessinateur, poète, écrivain, chansonnier, cinéaste, acteur, metteur en scène et scénariste. Les deux amis et collaborateurs signent l’histoire en commun, tandis que Roland Topor s’occupe seul des dessins et des illustrations. Prix spécial du jury à Cannes en 1973 et Prix Saint-Michel à Bruxelles en 1974, immense succès critique et public (plus de 800.000 entrées en France), La Planète sauvage est l’un des rares longs métrages d’animation français (pour adulte) à obtenir une reconnaissance internationale.

Réalisé à partir de 1969 dans les studios d’animation Jiří Trnka de Krátký Film à Prague – mais interrompu de 1968 à 1971 en raison du printemps de Prague –  pour des questions de budget et de technique, à partir de la technique dite du papier découpé, le film de Laloux/Topor demeure un véritable OVNI près de 45 ans après sa conception, de par son récit, mais également par ses images insolites. Les Draags, êtres humanoïdes bleus et aux yeux rouges mesurant douze mètres de haut, vivent sur une planète étrange, Ygam, à l’extravagante végétation. Leur existence s’écoule lentement, tout entière tournée vers la méditation. Ils ont recueilli le minuscule peuple des Oms, qu’une catastrophe a chassé de la lointaine planète dévastée Terra. Les adolescents Draags privilégiés ont le droit d’élever des Oms comme de minuscules animaux domestiques, qu’ils tentent d’élever et de promener en laisse. C’est ainsi que Tina chérit sa petite mascotte, Terr, et le laisse profiter des leçons que lui dispensent ses écouteurs. Terr devient ainsi fort savant. Les dirigeants des Draags s’aperçoivent tardivement de l’intelligence des Oms et constatent leur rigoureuse organisation. Pressentant une menace, ils décident d’en finir une bonne fois pour toutes avec leurs petits hôtes désormais considérés comme nuisibles. Mais rien ne va se passer comme prévu et Terr, devenu adolescent et bientôt un véritable adulte, parvient à s’évader puis, nourri de la connaissance des Draags, va devenir le leader de la révolution des Oms sauvages contre le peuple Draag.

Laloux et Topor mettent tous leurs sujets de prédilection dans La Planète sauvage, le film étant ainsi nourri d’une forte croyance en l’homme, mais redoutablement pessimiste comme l’avait déjà démontré leur premier court-métrage Les Temps morts réalisé en 1964. Merveille visuelle, La Planète sauvage agit comme une véritable séance d’hypnose avec ses images uniques, inquiétantes et même cauchemardesques (le prologue en aura traumatisé plus d’un) qui rappelle Les Escargots, réalisé par le duo en 1965, son ton inclassable, la beauté incommensurable des décors (et de la faune) et de la musique pop électro expérimentale d’Alain Goraguer.

Viscéralement poétique et philosophique, mais aussi trip psychédélique, le film de Laloux/Topor fait appel à tous les sens des spectateurs, en flattant à la fois leurs yeux et leur pensée avec une réflexion aussi virtuose qu’insondable et foisonnante sur la nature humaine, la société, l’émancipation par la connaissance, le libre-arbitre, les régimes totalitaires, la tolérance, l’esprit critique et le droit à la différence. Ambitieux, fascinant et envoûtant.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de La Planète sauvage, disponible chez Arte Editions, ainsi que le livret de 12 pages René Laloux l’extra-terrestre écrit par Fabrice Blin, reposent dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est sobre, animé sur la superbe musique planante d’Alain Goraguer.

Hormis les extraits des longs-métrages Les Maîtres du temps et Gandahar, cette nouvelle édition HD reprend les mêmes suppléments déjà disponibles sur le DVD sorti en 2001 et le premier Blu-ray édité en 2009. A l’occasion de cette ressortie restaurée 2K, Arte Editions nous propose également un entretien inédit avec Laurent Valière, journaliste, auteur de Cinéma d’animation, la French Touch (Editions de La Martinière), qui revient sur la genèse de La Planète sauvage, sur l’évolution de l’animation en France à la fin des années 1960, sur les thèmes du film, sur le travail de René Laloux avec Roland Topor, sur l’adaptation du roman de Stefan Wul, sur la réalisation dans les studios de Prague, sa réception avec l’engouement de la critique et la récompense au Festival de Cannes en 1973.

Ne manquez pas la rencontre avec René Laloux réalisée en 2001 (26’), durant laquelle le réalisateur, dessinateur, peintre et sculpteur revient sur ses débuts, sur la genèse et la conception des Dents du singe, Les Temps morts, Les Escargots et bien sûr de La Planète sauvage et de Gandahar avec quelques extraits à l’appui. Avec son célèbre franc-parler, René Laloux est visiblement très heureux de partager ses souvenirs liés à sa collaboration avec Roland Topor. Parallèlement, le producteur André Vallio-Cavaglione intervient aussi sur les conditions de tournage des Escargots et de La Planète sauvage.

Véritables trésors à part entière, les trois magnifiques courts-métrages de René Laloux, Les Dents du singe, Les Temps morts et Les Escargots sont également disponibles sur cette édition.

Les Dents du singe (13’, 1960) : C’est l’histoire d’un homme qui va chez le dentiste pour se faire arracher une dent mais qui ignore que le dentiste vole les dents des pauvres pour les donner aux riches. Réalisé pour Les Films Paul Grimault, Les Dents du singe est le premier film professionnel de René Laloux, animé en papier découpé sur une histoire écrite par les patients de la clinique psychiatrique de La Borde à Cour-Cheverny, où il exerce alors l’art thérapie depuis 1956 à travers des ateliers de peinture, de marionnettes et d’ombres chinoises.

Les Temps morts (10’, 1964) : Suite de séquences en prise de vue réelles ou en animation accompagnées d’un texte de Jacques Sternberg dit par Roland Dubillard. Ce film pessimiste et très sombre, réalisé en N&B, première collaboration entre René Laloux et Roland Topor, avec Alain Goraguer à la musique, dénonce l’appétit de mort de l’humanité et le cercle vicieux de la violence, qui mène de la brutalité à la guerre et au crime, pour finir par la peine de mort. Certaines images, notamment de véritables décapitations, peuvent heurter la sensibilité de certains spectateurs.

Les Escargots (10’, 1965) : Alors qu’un paysan vient enfin de trouver un remède contre la sécheresse pour faire pousser ses salades, un pays est progressivement envahi par des escargots géants. En apparence inoffensifs, ils se révèlent carnivores et particulièrement sournois. Rien ne semble pouvoir leur résister. Extraordinaire court-métrage fantastique, réalisé par René Laloux sur des dessins de Roland Topor, Les Escargots est reconnu dans le monde entier comme un des meilleurs films d’animation de tous les temps, largement récompensé, notamment par le Grand Prix du Festival d’animation de Mamaia, le Grand Prix des rencontres cinématographiques de Prades, le Prix spécial du jury du Festival de Carcovie et le Prix spécial du jury du film de science-fiction de Trieste.

L’interactivité se clôt sur une galerie de dessins originaux, préparatoires et concepts rejetés de Roland Topor réalisés pour La Planète sauvage, ainsi qu’une galerie de peintures de René Laloux.

L’Image et le son

Déjà disponible en Haute-Définition depuis 2009, La Planète sauvage revient une fois de plus chez ARTE Editions, mais cette fois dans une version restaurée 2K par Eclair/Groupe Ymagis en 2016, à partir du négatif original et de l’interpositif pour certaines séquences. Cette nouvelle version du film de René Laloux est sans aucun doute l’édition définitive de ce chef d’oeuvre. Les couleurs pastel possèdent un nouvel éclat, les poussières qui pouvaient subsister ont ici disparu, la stabilité est de mise, le trait est affiné et le film retrouve une nouvelle jeunesse pour ainsi être découvert par une nouvelle génération de spectateurs, tout en offrant aux cinéphiles un confort de visionnage inédit. Si le DVD et le premier Blu-ray n’étaient franchement pas honteux, ce Blu-ray au format 1080p en met discrètement plein la vue et surpasse les précédents travaux d’ARTE Editions, tout en respectant les partis pris originaux dont le grain argentique et les quelques défauts liés aux conditions de tournage.

Rien à redire concernant l’unique piste audio DTS HD Master Audio Stéréo, d’une fluidité et d’une propreté absolues, sans saturation ni craquements et encore moins de souffle intempestif. La musique d’Alain Goraguen est ici délivrée avec ardeur, tout comme les bruitages et la narration. Les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants sont disponibles.

Crédits images : © Les Films Armorial / Argos Films / ARTE France Développement / Les Dents du singe : Successions Laloux – Jean Oury – Félix Guattari / Les Temps morts : Successions Laloux / Topor / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Pour en savoir plus : http://boutique.arte.tv/f11841-planete_sauvage_version_restauree

Test Blu-ray / Replicant, réalisé par Ringo Lam

REPLICANT réalisé par Ringo Lam, disponible en DVD et Blu-ray le 8 juillet 2017 chez Metropolitan Video

Acteurs : Jean-Claude Van Damme, Michael Rooker, Catherine Dent, Brandon James Olson, Pam Hyatt…

Scénario : Lawrence Riggins, Les Weldon

Photographie : Mike Southon

Musique : Alex Khaskin, Guy Zerafa

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 2001

LE FILM

Depuis longtemps, Garrotte, le tueur en série surnommé la Torche, hante les jours et les nuits de Jake Riley, un inspecteur de police qui s’est juré de l’arrêter. Les victimes de Garrotte ne cessent de s’accumuler et l’enquête de Jake piétine même si l’assassin l’a choisi pour confident. Ecœuré, Jake donne sa démission au moment même où le département secret du gouvernement, la NSA, lui demande de se joindre à ce projet top secret visant à arrêter Garrotte. La NSA crée un «Replicant», un clone issu de l’ADN de Garrotte, doté de capacités télépathiques.

Pour les plus grands fans du comédien, mais aussi pour la critique aujourd’hui quasi-unanime, Replicant, réalisé par le cinéaste chinois Ringo Lam en 2001, est probablement le meilleur film avec Jean-Claude Van Damme. Remarquable film d’action, thriller violent et nerveux, cet opus marque la deuxième sur les trois grandes collaborations entre « les Muscles de Bruxelles » et le metteur en scène, après Risque maximum (1996), dont la sortie avait été gâchée par un montage charcuté par la Columbia, et avant le formidable In Hell (2003). Non seulement Replicant vaut pour son histoire passionnante menée de main de maître par Ringo Lam, mais le film vaut aussi et surtout pour l’interprétation exceptionnelle de JCVD dans un double-rôle où il démontre toute une palette d’émotions qu’on ne lui prêtait pas forcément, ou à de très rares occasions comme dans Timecop de Peter Hyams.

D’un côté, il interprète un tueur redoutable, brutal, impitoyable, glacial, cheveux longs et gras, lunettes teintées, qui s’en prend aux femmes, les bat avant de les arroser d’alcool et de les brûler, parfois devant les yeux de leurs propres enfants. De l’autre, il incarne son clone, enfant dans un corps d’adulte, qui vient d’être « mis au monde » et apprend à marcher, à s’asseoir, à manger. Il se déplace comme un animal craintif, Ringo Lam ayant par ailleurs demandé à JCVD de visionner des documentaires animaliers pour se préparer. Ses regards, sa gestuelle, son jeu n’ont jamais été aussi intenses et habités que dans Replicant et le comédien émeut comme jamais auparavant.

L’aspect buddy-movie avec l’imposant, teigneux et tout aussi génial Michael Rooker fonctionne alors à plein rendement du début à la fin. Un tueur en série assassine des mères de famille et les enflamme avant de disparaître, ce qui lui vaut le surnom de La Torche. Après trois ans et onze victimes, Jake Riley alors chargé d’une enquête qui ne progresse toujours pas, décide de tout abandonner et de quitter la police. Autrefois idéaliste et large d’esprit, Jake en a suffisamment appris sur la nature humaine pour devenir cynique, cachant ses désillusions sous un humour caustique. C’est à ce moment qu’il est contacté par la NSA qui lui propose de continuer la traque avec de nouvelles méthodes, tandis que de son côté Garrotte, qui l’a choisi pour confident et qui l’appelle à chaque nouveau crime, continue de le harceler. Le département des services secrets du gouvernement a enfin peut-être trouvé la solution afin d’arrêter le tueur en série, grâce à un Replicant, c’est-à-dire un clone génétique, créé au moyen du sang de Garrotte trouvé non loin d’un de ses meurtres. Ce Replicant, dont la croissance a été accélérée afin qu’il atteigne l’âge biologique du tueur, double parfait de Garrotte, permettra à Jake de retrouver le meurtrier en question grâce aux dons télépathiques dont il est doté. Mais le Replicant manque de toute l’expérience d’une vie. Tandis que l’officier de police gère les émotions et les souvenirs de ce clone naïf et juvénile, il développe avec lui une relation étrange, se demandant constamment si ce Replicant est aussi dangereux que Garrotte, ou s’il peut lui faire confiance.

Alors que Replicant aurait pu refaire JCVD au box-office américain, où ses films sortaient directement en DTV depuis quelques années, le film de Ringo Lam n’a finalement pas été exploité dans les salles suite au désistement du distributeur Artisan Entertainment après l’échec commercial de Blair Witch 2 : Le Livre des ombres. Le film sort au cinéma dans le reste du monde, mais JCVD alors au sommet de son addiction à la drogue, rate complètement la promotion de Replicant, à l’instar de sa participation à l’émission Loft Story. Replicant n’attirera en France qu’un peu plus de 100.000 spectateurs, un bide vraiment pas mérité. Plus de quinze après, Replicant est et demeure un chef d’oeuvre du genre, probablement l’un des meilleurs thrillers des années 2000. Avec son intrigue mêlant film policier, élément fantastique, dédoublement (thème très prisé par Ringo Lam et JCVD lui-même), on pense fortement au bancal À l’aube du sixième jour de Roger Spottiswoode avec Arnold Schwarzenegger, mais plus encore à Volte/Face, autre référence, également mise en scène par un réalisateur chinois, John Woo. Les deux films se ressemblent tout en étant bien différents, mais bien qu’il ne bénéficie pas de la même reconnaissance internationale, Replicant n’a absolument rien à envier à Volte/Face.

LE BLU-RAY

Replicant fait partie d’un combo Blu-ray spécial Van Damme / Ringo Lam, aux côtés de l’édition HD de In Hell. A l’instar des éditions combo Black Eagle – L’arme absolue + Full Contact et The Order + Le Grand tournoi sorties en 2016, et comme celle récemment consacrée au cinéaste Albert Pyun, Mean Guns + Nemesis, Metropolitan Video fait ainsi le bonheur des fans de la star belge. Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. Une fois le disque inséré, le spectateur est invité à sélectionner le film de son choix. Dans les deux cas, le menu principal est fixe et muet, minimaliste, sans chapitrage. Seuls l’envoi du film, la sélection de la langue et le choix des suppléments sont proposés.

L’historien du cinéma et expert en cinéma d’arts martiaux, sujet auquel il a consacré quelques ouvrages, l’excellent Christophe Champclaux présente Replicant en avant-programme (4’). C’est une véritable déclaration d’amour au film de Ringo Lam, qu’il considère comme le meilleur film avec Jean-Claude Van Damme. Il revient rapidement sur cette deuxième rencontre entre le comédien et le réalisateur, replace Replicant dans la filmographie de JCVD, croise le fond et la forme, tout en saluant la double performance d’acteur de l’acteur belge. Néanmoins, pas un mot sur Michael Rooker.

Hormis une (mythique) interview française de JCVD donnée lors de la promotion du film, le storyboard de la naissance du Replicant et les filmographies, l’éditeur reprend les suppléments disponibles sur l’édition DVD sortie en avril 2002. Quinze années déjà !

Le commentaire audio de Michael Rooker et de Jean-Claude Van Damme (en anglais) est disponible en version originale sous-titrée en français. Ne vous réjouissez pas trop vite car les deux comédiens ont été enregistrés séparément, l’éditeur ayant ensuite relié leurs deux interventions. JCVD intervient finalement peu. Visiblement spectateur de son propre film, il revient de temps en temps pour parler de son partenaire, de la direction d’acteur de Ringo Lam, sur la façon dont il a pu enrichir son propre jeu grâce au cinéaste, sur le tournage des scènes d’action. Quand il ne paraphrase pas ce qui se déroule à l’écran, JCVD sort quelques phrases valent le détour : « Aller, on s’éclate et on regarde Replicant, yeaaah ! », « C’est cool, c’est Replicant, yeeeah ! », « Le public aime voir JCVD faire son grand écart alors on allait pas s’en priver, à plus ! », « Il est trop fort ce film et vous savez quoi ? Je suis là avec mes potes à enregistrer ce commentaire et j’ai rien à dire sur ce film alors que c’est un des meilleurs que j’ai faits ! ». De son côté, Michael Rooker est très généreux et revient sur beaucoup d’aspects du film, sur son investissement dans les séquences d’action, sur le jeu de son partenaire (on apprend qu’ils désiraient tourner ensemble depuis pas mal de temps), le tournage à Vancouver, le travail avec Ringo Lam, etc. Un commentaire sympathique à défaut d’être réellement enrichissant.

Le making of d’époque (2001 – 23’) est très bon et donne la parole aux acteurs Michael Rooker, Jean-Claude Van Damme (« le plus beau cadeau que m’ait fait Ringo Lam, c’est de me rendre meilleur ») et Catherine Dent, au producteur John Thompson, au coordinateur des cascades Mike Crestejo, au chef décorateur Andrew Neskoromny, tous en mode promotionnel (l’histoire, les personnages…), mais dont les propos ne manquent pas d’intérêt, surtout lorsqu’ils évoquent la méthode de tournage de Ringo Lam. Si celui n’intervient pas face caméra, quelques images le montrent sur le plateau avec ses comédiens. Diverses images des prises de vues, ainsi que des répétitions complètent ce documentaire bien fichu, surtout lorsqu’il dévoile l’envers du décor des confrontations de JCVD face à lui-même.

S’ensuivent quelques scènes coupées, certaines rallongées (21’) ou alternatives, à l’instar du premier meurtre. Dans le montage cinéma, le corps en train de brûler de la victime se reflète dans les lunettes de JCVD, alors que la séquence tournée à l’origine montrait frontalement le corps en feu. Les séquences de Michael Rooker avec sa mère d’un côté, et celle avec Catherine Dent ont été raccourci, tout comme celle de la fête de son départ à la retraite.

L’Image et le son

A l’instar de l’édition HD d’In Hell et malgré un léger manque de concision sur certains plans, le Blu-ray de Replicant (1080p, AVC) dépasse toutes les espérances. Toutefois, l’élévation HD s’avère moins flagrante que pour In Hell. Les contrastes sont plutôt beaux, mais la photographie grisâtre gâche un peu l’ensemble. Les ambiances nocturnes sont soignées, les teintes froides excellemment restituées. Les séquences en extérieur manquent cependant de clarté. Si l’on constate quelques points blancs, la propreté est évidente, les détails sont parfois précis, d’autres fois plus riches, les partis pris esthétiques originaux sont respectés, tout comme le léger grain heureusement conservé lors du transfert, mais plus appuyé sur les scènes sombres, qui entraînent un léger bruit vidéo. Le piqué est également un peu doux à notre goût. Mais le résultat vaut le détour et cette édition HD rend caduque la pourtant solide édition DVD.

Replicant bénéficie de pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio 5.1. Dans les deux cas, la spatialisation s’avère agréable, les enceintes latérales délivrent un lot fort appréciable d’ambiances naturelles, d’effets palpables, sans oublier la musique en soutien. Les explosions, poursuites, coups de feu et coups de poing sont exsudés avec force par la centrale, la balance frontales-latérales est intelligemment équilibrée, l’ensemble est toujours dynamique et les basses interviennent à bon escient avec quelques pics remarquables. Dans les deux cas, aucun souffle n’est à déplorer, l’écoute demeure franche, puissante et limpide. Evitez tout de même la version française qui vous fera perdre le timbre inimitable de Michael Rooker.

Crédits images : © Millenium Films / Metropolitan Filmexport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Guardians, réalisé par Sarik Andreasyan

GUARDIANS (Защитники) réalisé par Sarik Andreasyan, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 26 juillet 2017 chez Wild Side Video

Acteurs : Anton Pampushnyy, Sanzhar Madiyev, Sebastien Sisak, Alina Lanina, Stanislav Shirin, Valeriya Shkirando, Vyacheslav Razbegaev, Nikolay Shestak…

Scénario : Andrey Gavrilov, Sarik Andreasyan, Gevond Andreasyan

Photographie : Maksim Osadchiy-Korytkovskiy

Musique : Georgiy Zheryakov

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Durant la Guerre Froide, l’organisation secrète Patriot réalise des expériences sur des humains pour créer des super-soldats. Seuls quatre guerriers dotés de super-pouvoirs y survivent, mais ils parviennent à s’échapper. 30 ans plus tard, un ennemi surpuissant surgit et menace d’anéantir le monde. Les Guardians décident alors de sortir de l’ombre et d’affronter celui qui les a créés… Le combat ne fait que commencer !

Tremble l’Oncle Sam ! Le cinéma russe est bien décidé à concurrencer les Etats-Unis sur son propre terrain et plus particulièrement au cinéma dans le domaine des films de super-héros. Prenez garde Marvel et DC Comics (ou Décès Comiques c’est selon), voici les Guardians aka Защитники, Zashchitniki en version originale, mais cela ne vous avancera pas vraiment. Clamant haut et fort qu’ils peuvent faire aussi bien que les blockbusters américains à 300 millions de dollars de budget, les producteurs soviétiques ont misé près de 400 millions de roubles russes pour ce film fantastique ! Sauf que lorsque la somme est convertie, le budget avoisine en réalité les 5 millions de dollars et que le résultat s’avère un grand et formidable nanar.

En fait, l’essentiel est raconté durant le générique – après plus d’une minute de logos de production – à travers des coupures de journaux, procédé très pratique pour aller d’emblée à l’essentiel, sans véritables séquences d’exposition. Dans les années 1960, alors que la Guerre Froide bat son plein et que la population redoute une Troisième Guerre mondiale, une organisation secrète russe appelée Patriots, a pratiqué des expériences génétiques sur des êtres humains, dans le but de créer une armée de super soldats indestructibles. Après avoir réussi à s’échapper, ils se cachent chacun de leur côté dans différentes régions de la Russie pendant près de trente ans, en vieillissant à peine et en dissimulant leurs pouvoirs aux yeux du monde. Mais alors qu’une nouvelle menace frappe le pays, la major Elena Larina (équivalent féminin de Nick Fury) va être chargée de les retrouver afin de former une unité de défense baptisé Les Guardians. Nous avons alors un ours-garou, une femme qui devient invisible au contact de l’eau, un homme capable de manipuler les pierres rien que par la pensée, et un autre possédant la capacité de se déplacer à une vitesse supersonique en manipulant des lames aiguisées. Cette poignée de nouveaux super-héros, retrouvés en Arménie, au Kazakhstan, en Sibérie et à Moscou où ils pensaient méditer tranquillement, doivent contrecarrer les plans de leur créateur, un ancien scientifique savant-fou, qui au moment d’être arrêté quarante ans plus tôt a été irradié, avant de devenir lui-même un monstre à la force surhumaine.

Voilà, bienvenue en Russie camarade, tu vas bien rigoler ! Réalisé par le jeune et prolifique metteur en scène Sarik Garnikovich Andreasyan (né en 1984), auteur en 2014 d’un American Heist avec Hayden Christensen et Adrien Brody, Guardians est un divertissement hilarant avec ses comédiens improbables, surtout le badguy avec son costume aux abdos en latex qui rappelle le Jekyll/Hyde de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, ses effets visuels périmés qui renvoient aux prémices des images de synthèse, son accumulation de clichés et ses pauvres décors. Mention spéciale à l’homme-ours, réalisé à partir de la prestation en motion-capture d’Anton Pampushnyy, et qui s’avère aussi réaliste que le Dwayne Johnson en CGI du Retour de la Momie, mais en pire.

Sarik Garnikovich Andreasyan et ses scénaristes piochent allègrement dans tous les films US du genre, à tel point que le spectateur à jour dans les Marvel/DC peut s’amuser à énumérer les séquences plagiées durant les 90 minutes que durent le film, génériques compris. Les deux épisodes d’Avengers, Les 4 Fantastiques (dont la dernière version), Watchmen, Iron Man 2, The Dark Knight Rises, Les Gardiens de la Galaxie, X-Men, Suicide Squad, tout y passe, sauf que le résultat à l’écran donne souvent la nausée comme après une murge à la vodka. Les comédiens principaux rivalisent de médiocrité et d’absence de charisme, les actrices fardées ont les fesses moulées dans un pantalon en cuir et filmé à la bonne hauteur, quand il n’est pas transformé l’homme ours se balade à moitié à poil, tandis que le méchant est souvent filmé pendant qu’il marche, en travelling, pendant une plombe, sans qu’il ne se passe rien autour de lui.

Guardians est généreux dans le sens où les scènes d’action s’enchaînent vite grâce à un montage cut et que le film est très court. Il n’est pas interdit de bouder son plaisir, même si Guardians fait rire involontairement et que ses défauts deviennent finalement des qualités pour le cinéphile déviant, ce qui le rend foncièrement sympathique. Dernière chose, si la fin annonce clairement une suite, l’échec critique et commercial du film semble avoir tué la franchise dans l’oeuf. Mais sait-on jamais, peut-être entendrons-nous à nouveau rugir le nounours armé ou ce méchant de pacotille – dont on ne pige rien au plan machiavélique – avec son tuyau de machine à laver planté dans le crâne !

LE BLU-RAY

Guardians débarque en France directement dans les bacs, en DVD et en combo Blu-ray-DVD Steelbook chez Wild Side Video, qui a souvent livré en DTV des films du même acabit. Le menu principal animé et musical en met plein les yeux et les oreilles.

Outre un lot de bandes-annonces, l’éditeur a mis la main sur sept minutes de suppléments réparties en trois featurettes promotionnelles, constituées d’images du tournage et d’interviews du cast. On ne sait jamais qui intervient, mais il est assez facile d’imaginer qui prend la parole. L’ensemble est certes court, mais redondant, tout le monde rabâchant la même chose à savoir qu’ils sont là pour concurrencer le cinéma hollywoodien avec les moyens du bord. Gros plans sur les effets visuels et les images de synthèse, notamment la création de l’ours-garou réalisé en motion-capture à partir de la performance d’un comédien qui portait une tête d’ours sur le plateau. Impossible de ne pas rire.

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080p. Cette copie Haute-Définition se révèle honnête, même si la définition ne brille pas autant qu’espéré pour un divertissement de cet acabit. Le piqué manque parfois de mordant, la gestion des contrastes est bien trop aléatoire et les détails viennent souvent à manquer. C’est finalement la luminosité et la colorimétrie qui s’en sortent le mieux avec des teintes bigarrées à souhait et un aspect bleu-métallique très présent. Ce Blu-ray déçoit quelque peu et les effets numériques se voient comme le nez au milieu de la figure, surtout lorsque les comédiens sont filmés sur fond vert, mais bon, on a déjà vu pire et le visionnage reste plaisant. Finalement, si le résultat en HD paraît artificiel, cela n’est dû qu’au film lui-même.

En russe comme en français, les pistes DTS-HD Master Audio 5.1 assurent le spectacle acoustique avec brio et souvent un fracas assez jouissif. Si la langue de Molière n’est pas aussi dynamique et riche que la version originale, elle n’en demeure pas moins immersive. Dans les deux cas, la balance frontale en met plein les oreilles lors des séquences d’affrontements. Seul bémol, les voix manquent parfois de punch. Quelques scènes sortent du lot avec un usage probant des ambiances latérales et du caisson de basses. La musique omniprésente profite également d’une belle délivrance, mettant toutes les enceintes à contribution, même à volume peu élevé. Le changement de langue est impossible à la volée et nécessite le retour au menu contextuel. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.

Crédits images : © Capelight pictures / Wild Side Video / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Les Chiens sont lâchés, réalisé par Falk Harnack

LES CHIENS SONT LÂCHÉS (Unruhige Nacht) réalisé par Falk Harnack, disponible en DVD le 11 juillet 2017 chez Movinside

Acteurs : Bernhard Wicki, Ulla Jacobsson, Hansjörg Felmy, Anneli Sauli, Erik Schumann, Werner Hinz, Richard Münch…

Scénario : Horst Budjuhn, Albrecht Goes

Photographie : Friedl Behn-Grund

Musique : Hans-Martin Majewski

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1958

LE FILM

En Russie, pendant la Deuxième Guerre mondiale, un pasteur est désigné pour assister un soldat condamné à mort pour désertion. Ce soldat est un très jeune homme, presque encore un adolescent, tendre, doux et buté… Il doit être exécuté le lendemain matin. Le pasteur, en possession du dossier de Boranovski, compte passer la nuit à l’étudier, ignorant encore qu’il ne sera pas seul dans sa chambre d’auberge : un jeune capitaine. Von Arnim, doit la partager avec lui. Celui-ci lui dit qu’il vient d’être désigné pour Stalingrad, d’où on ne revient pas, et qu’il a demandé à sa fiancée, infirmière, de venir passer avec lui cette nuit-là, qui sera bien vraisemblablement leur première et aussi leur dernière nuit…

Grand succès du box-office allemand, Les Chiens sont lâchésUnruhige Nacht est l’oeuvre du réalisateur Falk Harnack (1913-1991), qui fut très actif dans la résistance allemande durant la période nazie. Il est issu d’une famille de savants, d’artistes et de scientifiques, dont plusieurs ont payé de leur vie leur résistance antinazie. En 1943, il déserte pour rejoindre la Grèce où il s’allie au Greek People’s Liberation Army, avant de cofonder plus tard et de diriger le « comité antifasciste pour une Allemagne libre ». Les Chiens sont lâchés, réalisé en 1958, est symbolique de son combat et de son cinéma. Poignant, ce drame de guerre est une véritable révélation. Falk Harnack met en scène une poignée de soldats allemands, plongés en plein coeur de la Seconde Guerre mondiale, au cours de la bataille de Stalingrad. Un pasteur militaire parcourt le dossier d’un soldat allemand condamné à mort pour désertion après être tombé amoureux d’une jeune ukrainienne.

L’aumônier Brunner est interprété par le grand acteur allemand Bernhard Wicki, vu dans La Nuit de Michelangelo Antonioni et Paris, Texas de Wim Wenders. Il est également réalisateur et on lui doit entre autres les parties allemandes du Jour le plus long ou bien encore le célèbre film Le Pont, mis en scène en 1959. Dans Les Chiens sont lâchés, sa prestation tout en colère rentrée et immense délicatesse foudroie le spectateur. Son empathie et son amour pour ce jeune homme prénommé Fedor Boranovski (Hansjörg Felmy), dont le recours en grâce a été rejeté une dernière fois, sont traités avec finesse et intelligence. Malgré l’apparente austérité des décors et la sécheresse du montage, la mise en scène est très inspirée (très beaux mouvements de caméra) et l’émotion affleure progressivement, au fur et à mesure que le pasteur découvre l’histoire de celui qu’il doit informer de son exécution, en essayant de lui apporter une tranquillité d’esprit. L’aumônier arrive sur place en fin d’après-midi et découvre que Boranovski, accusé d’avoir déserté (plus de 200.000 jeunes soldats allemands avaient déserté) en ayant profité de la confusion d’une attaque aérienne, doit se faire fusiller le lendemain matin à l’aube.

Durant la nuit, alors qu’il partage sa chambre avec un capitaine sur le point d’être envoyé sur le champ de bataille à Stalingrad et sa fiancée Melanie, Brunner découvre l’histoire de Boranovski. Falk Harnack use alors de récents flashbacks qui dressent le portrait d’un jeune homme qui n’inspirait qu’à vivre comme n’importe quel être humain, qui a rencontré l’amour auprès d’une jeune mère et veuve ukrainienne. Un petit homme moustachu à frange en a décidé autrement. Par ailleurs, ce dernier apparaît seulement en fond sonore pendant un discours, comme si sa présence, ou plutôt son omniprésence était tellement devenue banale qu’on ne faisait même plus attention à lui. Tandis qu’il s’époumone sur la victoire qu’il sent « imminente », les soldats vaquent à leurs occupations, laissant ce chien aboyer dans le vide. Falk Harnack livre un film pacifiste, antimilitariste et antinazi, fortement engagé, beau et très attachant.

LE DVD

Les Chiens sont lâchés intègre la collection Grands films de guerre disponible chez Movinside. Aucun supplément ni de chapitrage, le menu principal, animé et musical, ne propose que le choix des langues (version originale avec ou sans sous-titres français) avant le lancement du film. Si l’éditeur aurait pu proposer une présentation des Chiens sont lâchés par un historien du cinéma, la grande rareté du film l’emporte sur l’absence des suppléments.

L’Image et le son

Movinside propose Les Chiens sont lâchés dans son format original 1.33 (4/3). Le grain original a été lissé quasiment entièrement, la copie a subi un certain dépoussiérage, même si des rayures verticales, points noirs, tâches et raccords de montages demeurent visibles. L’image est stable, divers moirages sont constatés, notamment sur les galons des officiers, sans oublier les décrochages sur les fondus enchaînés. Le N&B est lumineux, la gestion des contrastes équilibrée. Malgré les défauts énumérés, découvrir le film de Falk Harnack est une chance inespérée et nous ne pouvons que saluer l’éditeur pour cette ambitieuse sortie dans les bacs.

Seule la version originale est proposée avec des sous-titres français non imposés. La piste est étonnamment propre, ne serait-ce que deux ou trois craquements, sans souffle parasite et sans bruits de fond. Le confort acoustique est donc assuré.

Crédits images : © BETA FILM. / Movinside / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr