LAURIN réalisépar Robert Sigl,disponible en Blu-ray chez Bildstörung
Avec : Dóra Szinetár, Brigitte Karner, Károly Eperjes, Hédi Temessy, Barnabás, Kati Sir, Endre Kátay, János Derzsi…
Scénario : Ádám Rozgonyi, Robert Sigl
Photographie : Nyika Jancsó
Musique : Hans Jansen, Jacques Zwart
Durée : 1h23
Date de sortie initiale : 1989
LE FILM
Quelle immense découverte ! Quelle beauté ! Chef d’oeuvre dissimulé du cinéma allemand, Laurin, est le premier long métrage (à ce jour le seul pour le cinéma) réalisé en 1989 par Robert Sigl, après deux courts-métrages, Die Hütte et Der Weihnachtsbaum. Né en 1962, le cinéaste, également comédien, signe un film exceptionnel, à la frontière de plusieurs genres, qui s’inscrit dans la droite lignée de L’Esprit de la ruche (1973) de Victor Erice. Film fantastique, drame sur le deuil, thriller teinté de giallo avec certains éclairages baroques qui rappellent le cinéma de Dario Argento et de Mario Bava, Laurinlaisse pantois le spectateur par sa beauté plastique et se révèle par strates jusqu’à un final bouleversant.
Au début du siècle dernier dans un petit village portuaire, la petite Laurin subit les aléas de son père entre ses activités de pêcheur et ses retours, trop brefs, au foyer familial. Désespérée des départs de son mari, la mère de Laurin se perd dans la nuit noire et se retrouve alertée par des cris d’enfants déchirant la forêt environnante ; quant à sa fille, elle aperçoit le visage d’un petit garçon hurlant à la mort à travers la fenêtre de sa chambre, avant de voir une ombre l’emporter…à tout jamais. Cette même nuit, la mère de Laurin décède dans de mystérieuses circonstances…
Dès le générique avec la splendide composition de Hans Jansen et Jacques Zwart, Laurin happe le spectateur pour ne plus le lâcher durant 83 minutes. Les séquences photographiées comme des œuvres du Caravage, Rembrandt et Vermeer instaurent une atmosphère trouble et troublante. Tel un peintre, Robert Sigl compose des plans à la beauté foudroyante matinée de gothique, au milieu de somptueux décors naturels hongrois. Les spectateurs et cinéphiles français qui découvriront Laurin le verront comme un véritable cadeau, à l’instar d’un dialogue intimiste qui s’instaure directement avec le cinéaste.
A la fin des années 1980, Laurin est quasi-anachronique. Si l’oeuvre mystérieuse de Robert Sigl n’est pas explicite, elle n’est en aucun cas hermétique et parlera différemment au spectateur selon son vécu. La forme s’apparente à un enchaînement de rêves, parfois de cauchemars. Récit initiatique, Laurin suit le processus de deuil d’une petite fille de 10 ans, qui vient de perdre sa mère, tandis qu’elle découvre également la brutalité du monde qui l’entoure. Film sur la perte de l’innocence, Laurin parvient à rendre palpable la crasse derrière une esthétique hyper-léchée, appuyant ainsi le fait que la beauté du monde dissimule en réalité des actes morbides. Dóra Szinetár, la jeune comédienne qui interprète le rôle-titre, cloue le spectateur de son regard sombre qui n’est pas sans rappeler celui d’Ana Torrent dans L’Esprit de la ruche comme nous l’indiquions, mais également dans Cría cuervosde Carlos Saura (1976), deux films évidemment très liés. Le spectre de La Nuit du Chasseur de Charles Laughton plane également sur cette histoire.
Tour à tour inquiétant et envoûtant, mélancolique et ambigu, Laurin, récompensé par le Prix du Film Bavarois est un thriller horrifique complexe, mais absolument passionnant, qui ravit autant le coeur et l’esprit, qui flatte les sens du début à la fin. Difficile d’évoquer plus en détails ce « conte de fées pour adulte narré du point de vue d’un enfant » de Robert Sigl sans en révéler davantage, ce qui dénaturerait l’expérience à part entière de Laurin, magnifique trésor du cinéma de genre à réhabiliter de toute urgence.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray chroniqué ici est disponible en import et bénéficie d’une piste de sous-titres français. Vous n’avez donc aucune excuse pour passer à côté de cette merveilleuse édition concoctée par Bildstörung. Deux disques sont présents dans le boitier, glissé dans un surétui cartonné très élégant. Le premier Blu-ray comprend évidemment le film avec le commentaire audio du réalisateur Robert Sigl (non sous-titré). Tout le reste des suppléments est placé sur un second disque. Le menu principal du disque 1 est animé sur la superbe musique du film, celui du second est fixe et musical.
Seul le film dispose de sous-titres français, ce qui est déjà énorme et inespéré. En plus du commentaire audio de Robert Sigl évoqué, l’éditeur propose moult suppléments :
– « Robert Sigl erzählt… » (interview du réalisateur, 28’)
– « Der Weihnachtsbaum » (court-métrage de Robert Sigl, 19’) + galerie photos
– Interviews de l’actrice Dóra Szinetár (17’30), de l’acteur Barnabás Tóth (9’30) et du caméraman Nyika Jancsó (15’), disponibles en anglais, sous-titrées en allemand
– Interview croisée des historiens de cinéma Jonathan Rigby (31’) & Olaf Möller (17’30) – Making of (9’30)
– Scènes coupées agrémentées du commentaire de Robert Sigl (19’) – Aufnahmen von der Verleihung des Bayrischen Filmpreis (2’30) – Galerie Photos – Livret de 20 pages
Merci à monsieur Patrick Lang de m’avoir mis ce Blu-ray à disposition !
L’Image et le son
Le master HD (1080p) de Laurin provient d’une restauration 2K réalisée à partir du négatif original 35mm. La beauté de la copie participe évidemment à la découverte du film de Robert Sigl. Quelques-uns rechigneront devant le piqué parfois émoussé, divers flous sporadiques ou la gestion aléatoire des noirs, tantôt denses, tantôt bouchés, mais force est de constater que Bildstörung propose un vrai confort de visionnage. Le grain est quasi-omniprésent, mais que serait l’incroyable photo signée Nyika Jancsó, chef opérateur hongrois, sans cette texture argentique qui ne cesse de ravir les yeux ! Certains plans sortent particulièrement du lot avec des détails riches et précis sur les décors naturel, mais également sur les visages des comédiens et les étoffes. Les contrastes (surtout sur les séquences sombres) apparaissent en parfait accord avec les volontés artistiques originales qui rendent largement indispensable l’élévation du film en Haute Définition, d’autant plus que la copie affiche une remarquable propreté et délivre des clairs-obscurs réellement saisissants.
Cette édition comporteles versions allemande et anglaise. Laurin a été tourné en anglais, mais les sous-titres français traduisent le doublage allemand.Toutefois, nous préférerons visionner Laurin en anglais, qui se suit très bien avec les sous-titres français. Les deux versions disponibles sur le Blu-ray jouissent d’un écrin DTS-HD Master Audio de très bonne qualité. Du point de vue dynamique, la version anglaise l’emporte sur son homologue. Dans les deux cas, la musique est joliment restituée et les saturations évitées.
MONEY réalisépar Géla Babluani,disponible en DVD chez M6 Vidéo le 7 février 2018
Avec : Vincent Rottiers, George Babluani, Louis-Do de Lencquesaing, Benoît Magimel, Charlotte Van Bervesselès, Anouk Grinberg, Olivier Rabourdin, Arben Bajraktaraj, Jean-Michel Correia, Féodor Atkine…
Scénario : Géla Babluani
Photographie : Tariel Meliava
Musique : Jean-Michel Bernard
Durée : 1h27
Date de sortie initiale : 2017
LE FILM
Les temps sont durs pour Danis et Eric, deux amis d’enfance qui peinent à boucler leurs fins de mois en travaillant sur les docks du Havre. Un après-midi, Alex, la sœur d’Eric, assiste inopinément à la remise d’une valise remplie de billets et décide de suivre l’homme ayant récupéré le pactole. Alex convainc Eric et Danis que cette valise d’argent pourrait changer leurs vies. Les trois amis décident d’aller cambrioler la maison. En arrivant, ils découvrent un homme sur le point de se pendre, Mercier, dont ils ne connaissent ni l’identité, ni l’importance. Un jeu du chat et de la souris au scénario implacable va alors se refermer sur eux et transformer leur nuit en enfer.
En 2005, une petite bombe explose dans le cinéma français. Si le film est plutôt passé inaperçu, ceux qui ont vu 13 Tzameti au cinéma ne l’ont jamais oublié. A la barre de ce thriller tourné en N&B, le cinéaste franco-géorgien Géla Babluani, né en 1979. En 2006, il coréalise L’Héritage avec son père Temur Babluani, puis signe quatre ans plus tard le remake de 13 Tzameti (intitulé 13) avec un casting de choc, Sam Riley, Jason Statham, Ray Winstone, Alexander Skarsgård, Ben Gazzara, Michael Shannon, Emmanuelle Chriqui, 50 Cent et Mickey Rourke ! Depuis, nous étions sans nouvelle de Géla Babluani. Autant dire que nous attendions son retour avec impatience. Il aura fallu attendre sept ans pour que le cinéaste revienne derrière la caméra, avec un nouveau thriller, un polar tendu, un film noir, Money. Et cette fois encore la réussite est au rendez-vous.
Fatigués de leurs fins de mois difficiles, trois jeunes Havrais sans avenir, vivant dans un quartier ouvrier voient l’opportunité de gagner beaucoup d’argent en volant une mallette à un notable du Havre. Sans le savoir, ils viennent de braquer un secrétaire d’État corrompu et de voler l’argent d’une entreprise criminelle.
Le quatrième long-métrage de Géla Babluani dépasse toutes les espérances. Véritable film de genre, Money ne prétend pas révolutionner les codes du polar, mais joue au contraire avec les anciennes règles, dans une intrigue pourtant contemporaine où trois jeunes trentenaires décident d’enfreindre la loi pour survivre. Drame social sans concession, Money propose une véritable décharge d’adrénaline pendant 90 minutes. Certes, le budget est limité, le montage est parfois approximatif, mais l’histoire est vraiment prenante du début à la fin et le suspense maintenu.
Money impose une fois de plus Vincent Rottiers, le plus grand comédien de sa génération. Son regard bleu intense et furieux montre le feu qui anime le personnage, lancé malgré-lui dans une spirale qui les dépasse complètement lui et ses complices. Pour Géla Babluani « Money est une histoire humaine qui ne triche pas, sous aucun prétexte. C’est une histoire où le sens de la morale se trouve justement dans les actes immoraux commis par les protagonistes. La famille, l’honneur, l’amitié, la trahison et une valise d’argent dont tout le monde a besoin, au cours d’une nuit qui vire au cauchemar ». La tension et l’angoisse sont rythmées par l’enchaînement des événements imprévisibles et les retournements de situations qui ne laissent les personnages que devant des choix radicaux. L’énergie ne faiblit jamais puisque le réalisateur colle à celle qui anime les personnages, tandis que le cadre – très soigné – est d’emblée resserré sur eux. La caméra est sans cesse en mouvement, créant ainsi un sentiment d’urgence. Les protagonistes (tous cupides), comme les spectateurs sont alors étourdis et leurs repères se brouillent. Le trio explose, dépassé par la situation. Chacun suit alors sa trajectoire pour sauver sa propre peau et celle des deux autres.
Egalement au casting, George Babluani (frère du cinéaste), un Louis-Do de Lencquesaing suintant, soutenu par l’excellent Olivier Rabourdin, sans oublier les solides participations de Féodor Atkine et Anouk Grinberg, ainsi que la révélation Charlotte Van Bervesseles. Mais celui qui se taille la part du lion est sans conteste Benoît Magimel. Méconnaissable, bedaine apparente, costume froissé trop grand, l’air boudeur, les grosses lunettes aux verres fumés sur le nez, le comédien vole toutes les scènes dans lesquelles apparaît son personnage de tueur implacable. Sa prestation est aussi dingue qu’inattendue.
Si le film a été rapidement retiré de l’affiche, Money, âpre, violent, non dénué d’humour noir, loin du style boursouflé et de l’idéologie douteuse d’un Olivier Marchal, est assurément l’un des polars de 2017. Nous lui souhaitons de trouver une seconde vie grâce à sa sortie en DVD et ses futures diffusions à la télévision.
LE DVD
Le DVD de Money, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé et musical. Pas d’édition HD pour ce titre.
Aucun supplément sur cette édition.
L’Image et le son
Malgré le très mauvais score de Money au box-office (un peu plus de 25.000 entrées), Géla Babluani peut compter sur M6 Vidéo pour le service après-vente. En effet, l’éditeur livre un beau master, aux contrastes solides et au piqué agréable. Les ambiances nocturnes sont souvent élégantes, la colorimétrie bien restituée, et le relief probant aux quatre coins du cadre large. Seuls quelques petits fourmillements sur les arrière-plans viennent ternir un peu le visionnage, mais rien de bien méchant.
Le mixage Dolby Digital 5.1 instaure un excellent confort acoustique en mettant la musique en avant, tout en délivrant les dialogues avec ardeur, sans jamais oublier les effets et ambiances annexes. Quelques basses soulignent également quelques séquences. La piste Dolby Digital 2.0 se révèle dynamique et même percutante dans son genre. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.
MORTELLES CONFESSIONS (House of Mortal Sin) réalisépar Pete Walker,disponible en combo Blu-ray/DVD chez Artus Films le 6 mars 2018
Avec : Anthony Sharp, Susan Penhaligon, Stephanie Beacham, Norman Eshley, Sheila Keith, Hilda Barry…
Scénario : Pete Walker, David McGillivray
Photographie : Peter Jessop
Musique : Stanley Myers
Durée : 1h44
Date de sortie initiale : 1976
LE FILM
Jenny Welch vit avec sa soeur Vanessa, et mène une vie amoureuse instable après qu’elle s’est faite quitter par son amant. Elle se met alors à fréquenter un vieil ami d’enfance, Bernard, devenu prêtre. Devant la faiblesse de la jeune femme, il l’invite à aller en confessions avec le père Meldrum, un prêtre acariâtre et frustré. Ce dernier va alors prendre pour mission divine de « purifier » Jenny et de préserver leur étrange relation.
Encore plus radical, encore plus sombre et pessimiste que Flagellations – House of Whipcord, voici Mortelles confessions – House of Mortal Sin, toujours écrit par David McGillivray et réalisé par le cinéaste britannique Pete Walker en 1978. Le temps de la sexploitationest bien loin et le réalisateur confirme son talent pour mettre en scène l’horreur et la peur au quotidien. Mortelles confessions va encore plus loin dans le malaise lié à l’hégémonie des institutions. Par son titre, House of Mortal Sin, découle de House of Whipcord et prend le spectateur à la gorge du début à la fin en se focalisant sur le personnage d’un prêtre fou, qui séquestre sa vieille mère et qui n’hésite pas à tuer ses ouailles qui se sont écartées du droit chemin. Pete Walker s’en prend ici au célibat des prêtres et se penche sur la folie qui peut s’emparer de l’homme sexuellement frustré. Thriller tendu, audacieux et violent, emblématique de la situation politique britannique alors extrêmement rigoriste et rétrograde,Mortelles confessions est un vrai bijou.
Jenny (Susan Penhaligon) rencontre inopinément Bernard (Norman Eshley), un ancien copain devenu prêtre en quête de logement. Habitant avec sa sœur Vanessa (Stephanie Beacham), elle l’héberge. Son petit ami l’ayant quitté, Jenny souhaite parler avec Bernard de ce qui la rend malheureuse. Au confessionnal, elle tombe sur le père Xavier Meldrum (Anthony Sharp) qui lui indique « Ne soyez pas gênée de parler sexualité avec moi ! ». Ce dernier va vouloir la prendre sous son aile, avec pour seul objectif de prendre pour action divine de purifier la jeune fille et de s’attaquer à tout ce qui entravera à une éventuelle liaison. Du chantage, Meldrum va très vite passer au meurtre en s’en prenant aux proches de Jenny. Quand il rentre chez lui, le prêtre passe du temps avec sa mère souffrante (et séquestrée), surveillée par la gouvernante borgne Miss Brabazon (glaçante Sheila Keith, actrice fétiche de Pete Walker) qui aime la martyriser. De son côté, Bernard tombe amoureux de Vanessa et décide de donner sa démission.
Pete Walker n’a peur de rien et surtout pas de dire haut et fort de ce que tout le monde pense habituellement tout bas. Le célibat des prêtres et donc la question de la sexualité chez les hommes d’église, mais également leur immunité et leur impunité se trouvent au coeur de Mortelles confessions. Cette frustration et cette schizophrénie sont incroyablement rendues par Anthony Sharp, comédien anglais vu chez Stanley Kubrick (Barry Lyndon, Orange mécanique), dans le James Bond non-officiel Jamais plus jamais et dont la carrière à la télévision et au théâtre en rendrait jaloux plus d’un. Exceptionnel, flippant, repoussant, Anthony Sharp incarne un monstre humain, rendu cinglé par une des règles archaïques de sa profession. Il faut dire qu’on comprend son trouble devant les charmes de Susan Penhaligon et ceux de la pulpeuse Stephanie Beacham, oui oui, la Sable Colby de la série Dynastie !
Pete Walker rue dans les brancards et use du thriller psychologique teinté de giallo (quelques scènes sont très brutales) mâtiné d’un formidable cynisme pour appuyer son message, même si le réalisateur a toujours nié faire du cinéma politique et social. Aujourd’hui, Mortelle confessions, ainsi que la filmographie de Pete Walker, méritent d’être franchement reconsidérés.
LE BLU-RAY
Avec Flagellations (dernièrement chroniqué dans nos colonnes) et Mortelles confessions, l’éditeur Artus Films signe ses premiers pas dans le domaine de la Haute-Définition. Les films de Pete Walker sont bien pris en charge puisque disponibles dans de beaux combos Blu-ray-DVD. Le visuel de Mortelles confessions est attractif et la jaquette glissée dans un boîtier classique de couleur bleue. Le menu principal est fixe et muet.
Après David Didelot, place à Alain Petit. L’historien du cinéma propose une présentation de Mortelles confessions (19’). Si certains propos sur Pete Walker font écho avec ceux entendus lors du brillant exposé de son confrère sur la galette de Flagellations, Alain Petit ne manque pas d’arguments pour défendre à son tour les œuvres du cinéaste qu’il affectionne tout autant. Le fond et la forme sont ainsi mis en parallèle. On apprend également que le rôle du prêtre Meldrum avait été proposé à Peter Cushing, qui avait été obligé de réfuser car malheureusement déjà pris sur un autre film. Le casting est également passé au peigne fin.
L’Image et le son
A l’instar de Flagellations, Artus Films déroule le tapis rouge au film de Pete Walker avec un très beau master Haute-Définition (1080p, AVC). Ce traitement permet de (re)découvrir Mortelles confessions dans les meilleures conditions techniques possibles. Dès le générique, la propreté est indéniable, la copie est stable, le grain original flatteur, le piqué aiguisé et la photo souvent ouatée du chef opérateur Peter Jessop (Schizo, Frightmare)est respectée. Les quelques poussières et griffures qui ont pu échapper à la restauration demeurent subliminales. N’oublions pas l’élégante tenue des contrastes.
Point de version française ici. Le mixage anglais DTS HD Master Audio Mono 2.0 aux sous-titres français (non imposés) instaure une écoute propre avec parfois quelques sensibles chuintements dans les aigus, mais rien de bien méchant.
MON GARÇON réalisépar Christian Carion,disponible en DVD et Blu-ray chez Diaphana le 23 janvier 2018
Avec : Guillaume Canet, Mélanie Laurent, Olivier de Benoist, Antoine Hamel, Mohamed Brikat, Lino Papa…
Scénario : Christian Carion, Laure Irrmann
Photographie : Eric Dumont
Musique : Laurent Perez Del Mar
Durée : 1h24
Date de sortie initiale : 2017
LE FILM
Passionné par son métier, Julien voyage énormément à l’étranger. Ce manque de présence fait exploser son couple quelques années auparavant. Lors d’une escale en France, il découvre sur son répondeur un message de son ex-femme en larmes : leur petit garçon de sept ans a disparu lors d’un bivouac en montagne avec sa classe. Julien se précipite à sa recherche et rien ne pourra l’arrêter.
Etrange film que Mon garçon, réalisé par Christian Carion, découvert en 2001 avec Une hirondelle a fait le printemps, grand succès avec Michel Serrault et Mathilde Seigner, suivi de Joyeux Noël (2005), fresque historique sur fond de Première Guerre mondiale qui réunissait un casting franco-allemand composé notamment de Diane Kruger, Daniel Brühl et de Guillaume Canet. Ce triomphe dans les salles avait permis à ce dernier et au cinéaste de se retrouver pour un thriller d’espionnage inspiré de faits réels, L’Affaire Farewell, dans lequel le comédien donnait la réplique à Emir Kusturica. Cette fois, le public n’avait pas suivi, pas plus pour le film suivant de Christian Carion, En mai, fais ce qu’il te plaît, échec commercial grave. Une fois n’est pas coutume, le réalisateur se lance alors dans une production au budget modeste, avec des prises de vues prévues sur une seule semaine, un thriller pour lequel l’acteur principal, Guillaume Canet une fois de plus, ne serait pas mis au courant du scénario, mais de quelques bribes de l’histoire juste au moment de tourner. Mais l’improvisation et le sentiment d’urgence peuvent-elles réellement créer une vérité à l’écran ? Rien n’est moins sûr et c’est ce qui fait la grande faiblesse de Mon garçon.
Comme dans un nouveau volet de l’émission Rendez-vous en terre inconnue, le cinéaste est venu un matin chez Guillaume Canet afin de lui dire quels vêtements emporter pour le tournage. Quand dans la première scène le personnage principal débarque Gare de Lyon avec sa valise, il s’agit réellement du comédien avec son propre bagage, prêt à embarquer pour rejoindre une équipe réduite dans le Vercors, sans réellement connaître l’histoire qu’il s’apprêtait à tourner. Il en sera de même durant six jours, avec un tournage réalisé quasiment en temps réel et dans l’ordre chronologique de l’intrigue. En amont, ses partenaires, Mélanie Laurent, Olivier de Benoist et les seconds rôles s’étaient préparés pendant deux semaines avec Christian Carion grâce à un acteur doublure représentant Guillaume Canet. Le but était d’anticiper les réactions et de conduire ce dernier à se mettre réellement dans la peau d’un père de famille dont le petit garçon avait été enlevé en haute montagne et qui d’indice en indice parvient à retrouver la piste des ravisseurs, en agissant seul. Guillaume Canet n’avait donc pas de dialogues, ne savait pas où se diriger et devait se laisser guider par la mise en scène, en arpentant chaque recoin du décor et en découvrant le récit à travers les répliques et le jeu de ses partenaires. Chaque scène ayant été tournée en une prise, afin de préserver l’authenticité.
En toute honnêteté, ces partis pris sont bien plus intéressants que le résultat final qui fait penser au surestimé Prisoners de Denis Villeneuve, car il faut bien admettre que Mon garçon est un mauvais film qui pâtit justement des intentions du réalisateur. Guillaume Canet fait partie de ces acteurs qui partent facilement en roue libre quand ils ne sont pas ou mal dirigés. C’est le cas ici. S’il n’est pas l’acteur le plus fin de sa génération, Canet a déjà su se montrer très convaincant chez André Téchiné, Jacques Maillot, Nicolas Saada et Cédric Kahn. Dans Mon garçon, il se montre bien peu inspiré en ayant recours à ses tics récurrents, trogne renfrognée, moue boudeuse, hyperventilation, tandis que ses répliques – improvisées donc – témoignent d’un évident manque d’imagination. C’est notamment le cas lors d’une séquence de torture, vulgaire et gratuite, où son personnage utilise un chalumeau pour faire parler un des sbires qui ont enlevé son rejeton. Ses « Tu vas parler putain de ta race ! » à répétition, font malheureusement plus rire que triturer les tripes et les situations ne vont guère en s’arrangeant. Du coup, l’acteur paraît gêné, tout comme Mélanie Laurent, toujours aussi mauvaise, et Olivier de Benoist, dans une apparition ridicule et grotesque.
Platement filmé, Mon garçon aurait pu aboutir à un thriller tendu, organique et réaliste, mais le résultat est diamétralement opposé puisque ni l’équipe technique ni les comédiens ne semblent guère en mesure de transcender leur dispositif et de maîtriser l’art de l’improvisation.
LE DVD
Le test du DVD de Mon garçon, disponible chez Diaphana, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Cette édition contient un making of (46’) bien plus intéressant que le film. Quelques semaines après sa sortie sur les écrans, Christian Carion revient sur les lieux du tournage de Mon garçon et explique comment les prises de vues se sont déroulées sur six journées. Quelques images de tournage dévoilent l’envers du décor avec un Guillaume Canet évidemment paumé, qui tente de créer son personnage avec les indices donnés par le réalisateur et ses partenaires. Ces derniers, ainsi que le producteur Christophe Rossignon et le chef opérateur Eric Dumont, apparaissent également au cours de ce documentaire, pour parler des répétitions destinées à leur donner des clés pour guider Guillaume Canet là où le cinéaste voulait l’emmener. Christian Carion développe donc longuement et posément ses intentions et partis pris, à savoir plonger son comédien principal dans l’inconnu le plus total, sans scénario, afin de voir si les réactions de Guillaume Canet allaient correspondre à celles du personnage principal. Tout cela pour que l’acteur ne mente pas, ne compose pas, ne triche pas face à la caméra.
L’Image et le son
Cette édition DVD est plutôt soignée et claire. La propreté de la copie est assurée, les couleurs désaturées et glaciales sont superbes et bien restituées. Le piqué est aléatoire, mais s’en tire honorablement, surtout que les partis pris esthétiques auraient pu avoir du mal à passer le cap du petit écran. La gestion des contrastes est solide, même si nous pouvions attendre plus de détails. Heureusement, l’encodage consolide l’ensemble avec brio et toutes les séquences tournées en extérieur sont très belles.
Le mixage Dolby Digital 5.1 impose une spatialisation qui happe le spectateur dans un flot d’ambiances naturelles qui ne se calment que durant les scènes en intérieur, axées sur les dialogues. Le cinéaste fait la part belle aux éléments environnants et la scène arrière ne manque pas l’occasion de briller. L’éditeur joint également une piste Stéréo de fort bon acabit, sans oublier les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
SLEEPLESS réalisépar Baran bo Odar,disponible en DVD et Blu-ray chez TF1 Studio le 12 décembre 2017
Avec : Jamie Foxx, Michelle Monaghan, Dermot Mulroney, David Harbour, Scoot McNairy, Gabrielle Union…
Scénario : Andrea Berloff d’après une histoire originale de Nicolas Saada et Olivier Douyère
Photographie : Mihai Malaimare Jr.
Musique : Michael Kamm
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 2017
LE FILM
Une grosse livraison de cocaïne destinée à la mafia est détournée. Vincent Downs et Sean Tip, deux flics de Las Vegas, sont rapidement suspectés. La police des polices les met sous pression. La mafia aussi. En kidnappant le fils de Downs, la mafia franchit la ligne blanche : blessé et traqué, Downs va devenir un adversaire brutal et impitoyable. Il est prêt à tout pour sauver son fils et il n’a qu’une nuit devant lui.
A l’origine de Sleepless, il y a un film français, Nuit Blanche, un polar réalisé par Frédéric Jardin sorti en 2011. Remarqué avec Les Frères Sœur et Cravate club, le cinéaste délaissait la comédie au profit d’une intrigue sombre, où s’affrontaient flics ripoux, dealers et un mafieux dirigeant un night-club. Ce thriller ultra-efficace se déroulait presque uniquement dans le cadre d’une boîte de nuit branchée, pendant une nuit. Coécrit par l’excellent Nicolas Saada et interprété par Tomer Sisley, JoeyStarr, Serge Riaboukine et un glacial Julien Boisselier, Nuit blanche emportait le spectateur dans une tornade d’action nerveuse, de rebondissements et d’affrontements sans jamais le lâcher une seconde pendant 1h35. Esthétiquement abouti avec sa photo signée Tom Stern, chef opérateur attitré de Clint Eastwood depuis Créance de sang, percutant, passionnant, Nuit blanche n’a malheureusement connu aucun succès dans les salles françaises, mais a su taper dans l’oeil de certains producteurs hollywoodiens puisque le remake a été mis en route. Il s’agit de Sleepless, réalisé par le suisse Baran bo Odar, lauréat du Prix du jury au Festival du film policier de Beaune en 2011 pour son film Il était une fois un meurtre. Si la trame est quasi-identique, le traitement est évidemment différent, plus classique et standard, tandis que le casting mené par un Jamie Foxx comme bien souvent en roue libre n’est guère enthousiasmant.
Il faudra un jour se pencher sur le jeu ou plutôt le surjeu souvent éhonté de ce comédien, qui passe la plupart de son temps à plisser les yeux, à froncer les sourcils et à faire la moue pour se donner un côté bad-ass qui tombe constamment à plat. Dans Sleepless, il roule des mécaniques en murmurant ses répliques, comme dans l’ensemble de ses films, y compris le Miami Vice : Deux flics à Miami de Michael Mann. A ses côtés, Michelle Monaghan s’avère bien plus convaincante, même si elle vaut bien mieux que ce genre de polars de seconde zone. Dermot Mulroney hérite du rôle du proprio d’un hôtel de luxe situé à Las Vegas, qui s’acoquine avec la mafia locale, tandis que David Harbour peine à donner un relief à son personnage dont on comprend d’emblée de jeu la véritable nature.
Sleepless est un thriller d’action qui ne se démarque en rien du tout-venant, qui plagie ouvertement la séquence de la boîte de nuit de Collateral, qui compile les scènes d’action et d’affrontement à la va comme je te pousse, sur un mauvais montage, avec une intrigue jamais prenante et des personnages dont on se fout royalement. Malgré une mise en scène souvent frénétique, le rythme en dents de scie ne parvient jamais à installer des enjeux pourtant simples et l’ensemble se contente de passer d’un personnage à l’autre dans un espace confiné, étouffant, qui a très vite raison de la patience du spectateur. D’ailleurs, même Jamie Foxx a fait savoir lors de la promotion du formidable Baby Driver, que Sleepless était mauvais et qu’il reniait le film. Peut-être était-ce pour se dédouaner de l’échec commercial du film aux Etats-Unis et dans le reste du monde, mais on est plutôt d’accord avec lui. Une série B totalement prévisible et éculée.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Sleepless, disponible chez TF1 Studio, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Le module « sobrement intitulé » Une nuit avec Jamie Foxx (4’) est une featurette sans intérêt qui enchaîne les propos des comédiens et les images de tournage. Rapidement, chacun revient sur les conditions de prises de vue, la préparation des scènes d’action et la collaboration avec le réalisateur.
Dans leur interview (3′) réalisée pour la promotion du film en France, Michelle Monaghan et Jamie Foxx répondent aux questions sans imagination d’un journaliste qui se force à jouer au type qui a adoré le film.
S’ensuivent six scènes coupées (ou rallongées), d’une durée totale de 9 minutes, qui se focalisent essentiellement sur le personnage incarné par Dermot Mulroney.
L’Image et le son
Ce master HD (1080p, AVC) de Sleepless ne déçoit pas et se révèle même superbe. Le piqué et le relief sont acérés tout du long et permet d’apprécier les visages des comédiens, le cadre large offre un lot confondant de détails y compris sur les très nombreuses scènes sombres et la photographie est habilement restituée. Evidemment, la copie est d’une propreté immaculée, les contrastes sont denses. Les meilleures conditions techniques sont réunies et la définition est exemplaire. Un disque de démonstration.
Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 français et anglais, très impressionnants. Les quelques pics de violence peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec les balles qui environnent le spectateur. Les effets annexes sont très présents et dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des actions au moment opportun. La spatialisation est en parfaite adéquation avec le ton du film. L’éditeur joint également les sous-titres français, destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription. Les sous-titres français sont imposés en version originale.
3615 CODE PÈRE NOËL réalisépar René Manzor,disponible en combo Blu-ray+DVD chez Le Chat qui fume le 12 décembre 2017
Avec : Brigitte Fossey, Louis Ducreux, Patrick Floersheim, Alain Musy-Lalanne, François-Eric Gendron, Stéphane Legros, Franck Capillery, Nicole Raucher, Gédéon, Mousse…
Scénario : René Manzor
Photographie : Michel Gaffier
Musique : Jean-Félix Lalanne
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 1990
LE FILM
Il a 9 ans. Il s’appelle Thomas. Il croit au Père Noël. Il a 2 passions : l’informatique et les super-héros. Le 24 décembre, caché sous la table de la salle à manger, Thomas attend l’arrivée du Père Noël, bien décidé à le capturer. Mais, ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il est sur le point de vivre la nuit la plus terrifiante de toute sa vie. Un duel sans merci va l’opposer à un psychopathe.
C’est un film qui revient de loin. Pourtant, ceux qui ont eu la chance de découvrir 3615 Code Père Noël, en ouverture du Festival international du Film Fantastique d’Avoriaz le 13 janvier 1990, durant sa courte exploitation au cinéma ou lors d’une diffusion sur Canal+, ne l’ont jamais oublié. Et pour cause, puisque le second long métrage de René Manzor (né en 1959) est un chef d’oeuvre, une immense référence du cinéma de genre français qui n’a pourtant connu aucun succès dans les salles et longtemps resté incompris. Virtuose, captivant, 3615 Code Père Noël est un véritable conte qui invite le spectateur à entrer dans un univers foisonnant, immédiatement attachant, chaleureux, qui vire ensuite au survival et à l’épouvante, avec une maîtrise exceptionnelle.
Thomas, 9 ans, vit avec sa mère, patronne d’un grand magasin de la capitale et son grand-père, vieil homme quasi-aveugle et atteint de diabète, dans le château familial situé en région parisienne. Ce qu’il préfère faire pour passer ses journées ? Se déguiser comme Arnold Schwarzenegger dans Commando (ou Sylvester Stallone dans Rambo, choisissez) et jouer à la guerre, en poursuivant son chien dans les couloirs de l’immense bâtisse, tout en utilisant des passages-secrets et trappes dissimulées. Il aime aussi les gadgets électroniques, se débrouille comme un as en informatique et sait se servir du Minitel. Le soir du réveillon, un homme solitaire travaille comme père Noël pour le magasin de la mère de Thomas. Suite à une altercation avec une petite fille, il se fait renvoyer et souhaite alors se venger. Il se cache dans une fourgonnette chargée de cadeaux destinés au fils de son ex-patronne. De son côté, bien décidé à prouver à son meilleur ami que le Père Noël existe, Thomas prépare des caméras de surveillance et attend patiemment l’arrivée de la houppelande rouge, devant la cheminée. A minuit pile, Thomas se retrouve nez à nez avec un psychopathe à la barbe blanche. Le duel peut alors commencer.
Révélé par Le Passage avec Alain Delon, deux millions d’entrées en France à sa sortie en décembre 1986, René Manzor signe un véritable coup de maître après son premier coup d’essai déjà très impressionnant. 3615 Code Père Noël n’est pas un film fantastique, mais joue avec les codes du genre pour plonger l’audience dans un univers sombre et même parfois gothique, dont les partis pris – photo de Michel Gaffier – convoquent les films de la Hammer, mais fait aujourd’hui curieusement écho à Edward aux mains d’argent de Tim Burton qui n’était pas encore sorti et d’ailleurs même pas encore tourné. C’est dire l’immense réussite de ce deuxième film !
Adieu au monde de l’enfance, récit initiatique, drame sur le dysfonctionnement familial, thriller d’aventure et psychologique, 3615 Code Père Noël est un film riche, composé de diverses strates qui pourraient s’opposer et former un gloubi-boulga sans consistance, mais c’était sans compter sur l’immense talent de René Manzor, qui fait fi d’un budget limité et entièrement produit par son frère Francis Lalanne, grâce aux recettes du Passage où il officiait en tant que coproducteur avec Alain Delon. Bourré d’imagination, le cinéaste déploie toute sa maestria visuelle au service d’un scénario original. Chaque plan contient une idée (minimum) de mise en scène, chaque plan est étudié (à l’avance avec un storyboard), chaque plan en met plein les yeux.
Si le film est évidemment représentatif de son époque avec la coupe mulet du jeune héros, son clip vidéo intégral de la chanson Merry Christmas de Bonnie Tyler intégré à la narration, son esthétique eighties avec ses ambiances monochromes et voilées, sans oublier ses cadres obliques, 3615 Code Père Noël échappe pourtant aux moqueries qui accompagnent souvent ces réminiscences. D’une part parce que René Manzor croit à son histoire et qu’il la raconte divinement bien. D’autre part, il peut également compter sur l’investissement de ses comédiens, en particulier sur l’interprétation incroyable de son propre fils, Alain Musy (de son vrai nom Alain Lalanne), qui interprétait le fils d’Alain Delon dans Le Passage. Aussi à l’aise dans les scènes intimistes, quand il donne la réplique à la sublime Brigitte Fossey ou au touchant Louis Ducreux, que dans les scènes très physiques de la seconde partie où il n’est vraiment pas ménagé, Alain Musy, incroyable de charisme, foudroie le spectateur, lequel s’attache immédiatement à ce petit garçon sans père, seul, qui parvient à « s’évader » grâce à son immense imagination d’enfant, par ailleurs surdoué.
Quant au fameux Père Noël en question, il est incarné par l’immense Patrick Floersheim, acteur polymorphe vu dans French Connection 2 de John Frankenheimer, Coup de tête de Jean-Jacques Annaud, Frantic de Roman Polanski, mais plus connu pour avoir prêté sa sublime voix à Michael Douglas, Jeff Bridges, Ed Harris, Robin Williams, Christopher Walken, Willem Dafoe, Dennis Hopper. Un monstre du doublage, un très grand comédien. Il est parfait dans ce rôle ambigu, sorte de grand enfant resté bloqué au temps de l’innocence, gamin dans un corps d’adulte qui souhaite avant tout s’amuser. Tour à tour effrayant, sympathique et même drôle avec un humour noir contagieux, ce Père Noël atypique devient un ogre une fois minuit passé. Mais ce qu’il n’avait pas prévu, ce sont tous les pièges astucieux tendus par Thomas, qui redouble d’inventivité pour contrer son adversaire, quitte à utiliser le feu. Non seulement Thomas doit penser à se protéger lui-même, mais il doit également s’occuper de son grand-père, qui au départ prend cela pour un nouveau délire de son petit-fils. Il va alors très vite déchanter.
René Manzor filme les moindres recoins de son incroyable décor et ses personnages lâchés dans un vrai labyrinthe comme des souris poursuivis par un chat sauvage. Un face à face également soutenu par la partition très inspirée du troisième frère Lalanne, Jean-Félix, composante essentielle de la narration. Difficile de ne pas penser à Maman, j’ai raté l’avion – Home Alone de Chris Columbus, sorti sur les écrans in 1990. Il est évident que John Hughes, alors scénariste, a su puiser de nombreux éléments dans le film de René Manzor, tant quelques rebondissements et la débrouillardise de son jeune héros rappellent 3615 Code Père Noël. Les années et le travail de l’éditeur indépendant Le Chat qui fume permettent enfin de réhabiliter ce désormais grand classique, un film culte et audacieux, un bijou poétique, un chef d’oeuvre méconnu et sous-estimé du cinéma français.
LE BLU-RAY
Mais où s’arrêtera-t-il ? Ou plutôt non, prions pour qu’il ne s’arrête jamais ! Le Chat qui fume a encore frappé en proposant sa plus grande, sa plus dingue, sa plus complète édition à ce jour ! Anciennement disponible en VHS et LaserDisc, mais inédit en DVD, 3615 Code Père Noël est ENFIN là, dans les bacs (mais pas à litière), dans nos mains, dans un magnifique combo Blu-ray/Double DVD ! Immense travail éditorial. Les disques – un Blu-ray, deux DVDs – reposent dans un Digipack à trois volets avec au recto un visuel tiré de la séquence de la confrontation dans le garage, et au verso un portrait de Patrick Floersheim en Père Noël vénère. Une fois replié, ce Digipack est glissé dans un surétui cartonné liseré orange, reprenant le visuel mythique de l’affiche originale. Les menus principaux sont animés, bruités et musicaux. Attention, édition tirée à 2000 exemplaires ! Alors, si ce n’est pas déjà fait, précipitez-vous dessus !
La hotte du Père-Noël est pleine à craquer ! 4H30 de suppléments les enfants ! Il y en aura pour tout le monde ! Et chose incroyable, aucun bonus redondant à signaler, tous se complètent et se prolongent parfaitement.
On commence les festivités par un commentaire audio de René Manzor. Calmement, posément, le réalisateur aborde les conditions de production de 3615 Code Père Noël, en indiquant que certains éléments sont abordés ou plus approfondis dans son interview disponible également dans les bonus. Du coup, c’est comme si nous visionnions le film en compagnie de son auteur, qui revient sur chaque séquence, sur tous les aspects du tournage, sur les partis pris et son travail avec les comédiens. René Manzor rend un bel hommage à Patrick Floersheim, décédé en 2016, à qui le Blu-ray est dédié, comme un carton l’indique en avant-programme. Véritable production familiale avec un père derrière la caméra, son fils devant, l’un de ses frères à la production et l’autre à la musique, 3615 Code Père Noël est disséqué pour le grand plaisir de ses fans.
Vous pensiez que René Manzor vous avait tout dit sur son deuxième long métrage ? Erreur ! N’hésitez surtout pas à sélectionner son interview (1h29 !) qui donne de très nombreuses informations sur la genèse de 3615 Code Père Noël, sa rencontre avec Patrick Floersheim, sur les lieux de tournage (trois mois dans d’anciens hangars frigorifiques devenus les studios d’Arpajon, situés le long d’une voie de chemins de fer), le casting, le travail avec son fils Alain, les conditions des prises de vues, les effets visuels (maquettes, matte painting), la sortie du film, les ressemblances « troublantes » avec Home Alone – Maman, j’ai raté l’avion, les décors, ses influences (Marcel Carné, Jean Delannoy, Steven Spielberg, Brian De Palma), les héros des années 80, la musique de Jean-Félix Lalanne, la chanson de Bonnie Tyler, l’investissement personnel de Francis Lalanne en tant qu’unique producteur, ses intentions et les thèmes abordés. Le cinéaste aborde également le cinéma de genre en France, alors inexistant au début des années 90, le succès du Passage qui paradoxalement l’a empêché de tourner et conduit à monter des bandes-annonces pendant trois ans pour pouvoir gagner sa vie. Cette immanquable interview, blindée d’anecdotes de tournage et liée à la production, est illustrée par des extraits du making of d’époque, disponible un peu plus loin dans les suppléments.
Et le petit Alain Musy, de son vrai nom Alain Lalanne ? Qu’est-il donc devenu ? L’éditeur est allé à la rencontre du petit garçon qui a marqué tant de spectateurs dans Le Passage (1986) et 3615 Code Père Noël. Né en 1978, Alain Musy est devenu producteur dans le domaine des effets spéciaux à Hollywood. Il a notamment collaboré à des superproductions de renom comme Avatar, The Dark Knight, Gravity, Edge of Tomorrow, San Andreas et Le Revenant. Dans son entretien (41’), Alain Musy évoque ses débuts devant la caméra de son père dans Le Passage, puis deux ans plus tard (le film a été tourné en 1988) dans 3615 Code Père Noël. Les « Je me souviens » et « J’ai souvenir » s’enchaînent avec émotion, humilité et un naturel très attachants. Alain Musy revient sur cette expérience qui était « juste un jeu que je faisais avec ma famille », sur la genèse de 3615 Code Père Noël, donne son point de vue sur les thèmes du film, ses partenaires à l’écran et même sur sa coupe de cheveux ! Il clôt cette interview en se souvenant de la sortie de 3615 Code Père Noël, de son prix d’interprétation au Festival de Rome, que lui avait remis Christopher Lee, qu’il avait recroisé quelques années plus tard, lui rappelant cet événement et l’invitation à dîner du comédien qui s’ensuivit.
Passons à un module qui croise les interventions d’Alain Schlockoff, rédacteur-en-chef de l’Ecran Fantastique et de Jérôme Pham Van Bouvier, podcasteur (PODSAC) (19’). Si le premier ne peut s’empêcher de tomber dans ses travers habituels (« C’est moi qui », « Moi je… ») sur un rythme très lent, le second s’avère beaucoup plus pertinent et dynamique, tandis que sa passion et son admiration pour le travail de René Manzor se révèlent extrêmement contagieuses. Les propos des deux intervenants se complètent et donnent de nombreuses indications sur le cinéma de genre en France dans les années 1980-90, sur l’énorme contribution de René Manzor au genre fantastique hexagonal. Le fond et la forme de 3615 Code Père Noël sont également analysés, tout comme la mauvaise distribution du film à sa sortie, ce qui agace particulièrement Jérôme Pham Van Bouvier (« On est toujours à côté de la plaque ! ») qui n’hésite pas à balancer certains critiques français qui ont pour habitude de dénigrer le cinéma de genre. Merci Jérôme !
Nous trouvons ensuite le making of d’époque (9’), constitué d’images du plateau, du tournage et d’interviews d’Alain Musy, de Patrick Floersheim, du chef décorateur Eric Moulard, du producteur Francis Lalanne et du réalisateur René Manzor. C’est ici l’occasion d’avoir un réel aperçu des conditions de tournage, de la concentration et de l’étonnante maturité d’Alain Musy qui s’exprime sur son personnage (« il aime trop la guerre… »), tandis que René Manzor s’exprime sur sa façon de collaborer avec son fils. Chose amusante, la version de la chanson Merry Christmas diffusée sur le plateau au moment des prises de vue, est celle chantée par Francis Lalanne lui-même, imitant la voix de Bonnie Tyler !
Les amateurs de cinéma d’animation auront plaisir à trouver le court-métrage Synapses, réalisé en 1981 par René Manzor (5’). Grand prix du festival d’Hyères, Synapses est un petit film étonnant, dans lequel un clochard, qui s’est immiscé dans une pellicule de cinéma, s’assoit sur une chaise électrique, « filmée » par René Manzor qui apparaît brièvement face à sa création, et tente de construire un mur en plein désert.
On enchaîne rapidement sur le clip vidéo Merry Christmas de Bonnie Tyler réalisé par René Manzor (3’), un comparatif film/storyboard (7’), les bandes-annonces française, italienne et anglaise , ainsi que le teaser.
L’interactivité se clôt sur un module explicatif sur la réalisation du teaser (3’), ainsi qu’une large galerie de photos de tournage (18’), les deux suppléments étant commentés par le cinéaste lui-même.
L’Image et le son
Le Chat qui fume se devait d’offrir un Blu-ray soigné pour la sortie dans les bacs de ce film tant attendu et quasiment inédit depuis 30 ans. Et le résultat est exceptionnel. L’éditeur prend soin du film de René Manzor et livre un sublime master HD au format 1080p. Respectueuse des volontés artistiques originales concoctées par Michel Gaffier, la copie de 3615 Code Père Noël affiche une propreté ahurissante, restaurée 2K à partir du négatif original. Le film tire constamment et agréablement partie de la Haute-Définition (une vraie cure de jouvence) avec des teintes froides, glacées, une palette chromatique spécifique qui contraste avec la première partie plus chaleureuse, aux ambiances diffuses et ouatées, le tout soutenu par un encodage de haute volée. Le piqué est souvent tranchant, les arrière-plans sont détaillés, le relief plaisant, les noirs denses et les détails foisonnants. Cette édition Blu-ray offre à 3615 Code Père Noël la grande sortie dont il avait été injustement privé en 1990. Tout finit par arriver.
Point de remixage superflu à l’horizon, l’unique piste française DTS-HD Master Audio 2.0 – également restaurée – instaure un très large confort acoustique. La musique de Jean-Félix Lalanne, à redécouvrir absolument, bénéficie d’une large ouverture des canaux, les effets annexes sont riches et le report des voix très dynamique.Les sous-titres anglais sont également disponibles.
HANGOVER SQUARE réalisépar John Brahm,disponible en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions le 3 janvier 2018
Acteurs : Laird Cregar, Linda Darnell, George Sanders, Glenn Langan, Faye Marlowe, Alan Napier…
Scénario : Barré Lyndon d’après le roman Hangover Square de Patrick Hamilton
Photographie : Joseph LaShelle
Musique : Bernard Herrmann
Durée : 1h17
Date de sortie initiale : 1945
LE FILM
Le cinéaste allemand John Brahm (1893-1982) fuit l’Allemagne à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir. Il arrive à Hollywood et signe son premier long métrage Le Lys brisé en 1936, sous le nom d’Hans Brahm. Eclectique, John Brahm passe facilement du drame à la comédie, d’une Prison centrale à un Pensionnat de jeunes filles, quand la consécration arrive avec son thriller Laissez-nous vivre (1939) avec Henry Fonda et Maureen O’Sullivan. En 1942, The Undying Monster est un tournant dans sa carrière. Pour le compte de la Fox, John Brahm suit le genre fantastique initié par les studios Universal, à travers une histoire de loup-garou mise en scène avec une esthétique expressionniste saluée de la part de la critique. Le cinéaste récidive dans le genre épouvante avec Jack l’Eventreur – The Lodger en version originale, troisième adaptation du roman de Marie Belloc Lowndes. Un an après, John Brahm, les comédiens Laird Cregar et George Sanders se retrouvent pour Hangover Square, le plus beau, le plus grand film du cinéaste.
Londres, 1899. George Bone, pianiste et compositeur classique renommé, est surmené par son travail d’écriture d’un concerto pour piano. Le compositeur est victime de fréquentes crises de pertes de mémoire qui sont provoquées à chaque fois qu’il entend des sons discordants. Pourtant un brave homme dans la vie, il se transforme en un meurtrier sadique lors de ses crises dont il ne garde aucun souvenir. Pourtant, Bone s’interroge quand il retrouve une dague ensanglantée dans sa poche et qu’il lit dans un journal le meurtre sauvage d’un antiquaire. Troublé, et sur les conseils de son ami mécène Sir Henry Chapman et de sa fille Barbara, il se rend chez un spécialiste, le Dr Allan Middleton (Georges Sanders, la classe). Ce dernier le rassure et lui conseille de réduire son travail et de se détendre. Lors d’une soirée dans un pub, il va rencontrer une chanteuse de cabaret, Netta, dont il tombe amoureux. Se rendant compte de ses qualités de compositeur, Netta va profiter de la naïveté de Bone pour l’utiliser. Elle le détourne de son travail pour qu’il lui compose des chansons, lui emprunte de l’argent et profite de ses connaissances pour l’aider dans sa carrière de chanteuse. Plus tard, Bone apprend le futur mariage de Netta avec Eddie Carstairs, un producteur de théâtre. La folie s’empare de lui.
Hangover Square reprend et transcende tout ce qui faisait déjà la très grande réussite de Jack l’Eventreur. Comme pour ce dernier film, John Brahm met en scène un scénario de Barré Lyndon (Crépuscule de Henry Hathaway), et adapte très librement le roman de Patrick Hamilton (La Corde, Hantise). Hangover Square est le dernier film du comédien Laird Cregar (Le Cygne noir de Henry King, Le ciel peut attendre d’Ernst Lubitsch), qui venait de triompher dans le précédent film de John Brahm. Décédé à l’âge prématuré de 31 ans des suites de complications post-opératoires (il avait entamé un régime draconien), Laird Cregar s’impose sans difficulté – surtout quand il est filmé en contre-plongée – avec son mètre 91, même si sa silhouette avait déjà beaucoup diminué. Mais c’est surtout son immense sensibilité qui transparaît à l’écran et qui contraste avec ses crises de folie quand son personnage se retrouve en transe après avoir entendu quelques sons stridents.
De par ses partis pris gothiques et même parfois expressionnistes concoctés par le directeur de la photographie Joseph LaShelle, Hangover Square fait penser à une relecture de Docteur Jekyll et M. Hyde. On s’attache très vite à George Bone, compositeur solitaire qui vit par et pour la musique, aimé par une jeune femme qui l’inspire, mais qui se trouve également hypnotisé par une artiste de bastringue sensuelle, ambitieuse et au charme vénéneux, Netta, incarnée par la vamp Linda Darnell (Le Signe de Zorro, L’Aveu, Chaînes conjugales). Moulée dans ses costumes, Netta inspire la tentation et signera la perte de George.
Drame psychologique et film noir à la frontière du fantastique, Hangover Square joue avec les genres pour mieux déstabiliser les spectateurs. Son héros tragique, colosse aux pieds d’argile, victime d’un dédoublement de la personnalité qu’il ne peut contrôler et qui ne se souvient de rien en reprenant conscience, devient pour ainsi dire un Fantôme de l’Opéra, qui préférera terminer son concerto, l’oeuvre de toute une vie – composé par l’immense Bernard Herrmann (Concerto Macabre for piano and orchestra) pour l’une de ses premières partitions réalisées pour le cinéma – en étant caressé puis finalement emporté par les flammes. Un dernier acte virtuose qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de L’Homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock (1934) avec ses actions simultanées se déroulant durant le concert.
Merveilleusement interprété, réalisé et photographié, Hangover Square, film-miroir à Jack l’Eventreur du même cinéaste, est un chef d’oeuvre absolu de romantisme noir. L’année suivante, John Brahm réitèrera le même exploit pour la troisième fois consécutive avec Le Médaillon – The Locket, porté par l’immense Robert Mitchum.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Hangover Square, disponible chez Rimini Editions, repose dans boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui liseré bleu. Le visuel de la jaquette est très beau, élégant et attractif. Le menu principal est animé et musical. L’éditeur joint également un livret de 32 pages rédigé par Marc Toullec, ancien rédacteur en chef de Mad Movies, intitulé John Brahm, l’illustre inconnu d’Hollywood.
En ce qui concerne les bonus, l’éditeur est allé à la rencontre de la journaliste cinéma Guillemette Odicino (17’30). Nous ne nous étendrons pas sur cette présentation sans intérêt ni argument, qui se contente de réciter les fiches Wikipédia du réalisateur John Brahm et des comédiens. Plus chroniqueuse people que journaliste, elle a en effet l’habitude de s’attarder plus sur les abdos d’un comédien que sur sa performance, Guillemette Odicino évoque ce drame gothique comme si elle parlait de l’épisode final des Teletubbies. Passez votre chemin et sélectionnez immédiatement le supplément suivant.
L’entretien autour de la musique de Bernard Herrmann (27’30) en compagnie du musicien et compositeur (Les Liens du sang de Jacques Maillot) Stephan Oliva, est indispensable pour tous les amoureux de la musique de cinéma. Assis devant son piano, l’improvisateur et musicien de jazz présente les étapes de la carrière de Bernard Hermann (1911-1975), l’évolution de son style, son travail pour la couleur ou le N&B et son influence majeure dans le monde du cinéma, en jouant quelques-uns de ses plus grands thèmes composés pour Laura, Citizen Kane, L’Aventure de mme Muir, Psychose, Sueurs froides, Hangover Square, Les Nerfs à vif, Taxi Driver, Obsession. Absolument passionnant et un délice pour les oreilles.
On termine par une rencontre avec l’incontournable François Guérif (14’). Le critique de cinéma, éditeur et directeur de la collection Rivages/Noir se penche bien évidemment sur la vie et l’oeuvre de Patrick Hamilton, dont le roman Hangover Square a été très librement transposé au cinéma par John Brahm sur un scénario de Barré Lyndon. François Guérif confronte le film avec le livre original, en précisant que le roman était à la base inadaptable, puisqu’il ne fait que raconter des beuveries du personnage principal, d’où le titre de l’ouvrage.
L’Image et le son
La copie HD proposée est très impressionnante. La restauration effectuée est absolument sidérante de beauté et aucune scorie n’a survécu au lifting numérique. Les noirs sont denses, les blancs éclatants, la gestion des contrastes magnifique et le piqué affiche une précision hallucinante. Le codec AVC consolide l’ensemble avec brio, les fondus enchaînés sont fluides et n’occasionnent aucun décrochage et un léger grain demeure flatteur, sans lissage excessif. Il y a certes peu de séquences tournées en extérieur, mais toutes les scènes arborent un relief et une restitution des matière fort étonnants. Un master 4K éblouissant, stable, proposé au format 1.37, qui restitue les partis pris du chef opérateur Joseph LaShelle (La Garçonnière, Laura).
L’unique version anglaise est proposée en DTS-HD Master Audio Mono. L’écoute demeure appréciable en version originale (avec ou sans sous-titres français), avec une bonne délivrance de la musique de Bernard Herrmann, des effets annexes et des voix très fluides et aérées, sans aucun souffle. Si elle manque parfois de coffre, l’acoustique demeure suffisante.
KIDNAP réalisépar Luis Prieto,disponible en DVD et Blu-ray chez TF1 Studios le 7 novembre 2017
Acteurs : Halle Berry, Sage Correa, Chris McGinn, Lew Temple, Jason Winston George, Christopher Berryn…
Scénario : Knate Lee
Photographie : Flavio Martínez Labiano
Musique : Federico Jusid
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 2017
LE FILM
Karla, profite d’un après-midi dans un parc d’attractions en compagnie de son fils lorsque celui-ci disparaît subitement. En alerte, elle repère finalement des inconnus le faire monter de force dans leur voiture. Karla réalise à cet instant que sans réaction de sa part, elle pourrait ne jamais revoir son enfant. Pas le temps d’hésiter, elle se lance à la poursuite des ravisseurs et ne reculera devant rien pour le sauver.
Moins présente sur les écrans (de cinéma) depuis quelques années, Halle Berry, Oscar de la meilleure actrice en 2002 pour À l’ombre de la haine, refait quelques fois surface en tant que second rôle comme dernièrement dans Kingsman : Le Cercle d’or de Matthew Vaughn et X-Men: Days of Future Past de Bryan Singer. Son dernier succès personnel remonte à 2013 avec The Call de Brad Anderson. Pour son retour sur le devant de la scène, la comédienne produit et interprète le rôle principal de Kidnap, thriller qui reprend quasiment la même recette que The Call justement, sauf que cette fois la comédienne n’est pas plantée devant son bureau pendant 1h30, mais se trouve lancée à plus 120 kilomètres à l’heure sur l’autoroute, à la poursuite des kidnappeurs de son fils de six ans. Série B invraisemblable, qui s’enfonce progressivement dans le nawak, Kidnap n’est pas déplaisant en-soi et sait divertir, c’est juste qu’on ne croit malheureusement pas une seule seconde à cette histoire.
Halle Berry est Karla McCoy, serveuse d’une quarantaine d’années, divorcée, qui mène une vie paisible avec son fils Frankie. Un jour, alors qu’ils passent une journée dans un parc d’attractions, Frankie est enlevé par une femme. Karla arrive à repérer la voiture dans laquelle son enfant a été embarqué et s’engage dans une course-poursuite. Dans la panique, elle perd son téléphone portable, et malgré ses efforts durant la poursuite automobile, ne parvient pas à obtenir une aide de la police.
Réalisé par Luis Prieto, metteur en scène espagnol d’un remake de Pusher en 2012, Kidnap repose essentiellement sur le charisme, le talent et l’investissement de sa comédienne principale. Quasiment de tous les plans, filmée sous tous les angles, Halle Berry livre une solide prestation et le film ne vaut d’ailleurs que pour elle. Son charisme est intact, son jeu n’a jamais été aussi bon et on la sent véritablement impliquée du début à la fin. Heureusement d’ailleurs, car le récit, les péripéties et les rebondissements ne sont jamais crédibles. Si Kidnap démarre bien, pour ne pas dire sur les chapeaux de roues, l’histoire fait rapidement du surplace malgré ses bolides lancés à toute vitesse sur l’autoroute.
Ecrit par le scénariste Knate Lee, qui travaillait auparavant sur la série Jackass, producteur de Bad Grandpa et qui vient d’écrire le prochain X-Men intitulé The New Mutants, Kidnap n’est absolument pas réaliste et peine alors à créer l’empathie avec le personnage principal, malgré toute la hargne d’Halle Berry et le rythme soutenu qui font qu’on ne s’ennuie pas. Le gros problème de Kidnap est donc de faire un quasi copier-coller de The Call, sur le fond, sur la forme, y compris lors de l’acte final. Une impression de déjà-vu très maladroite.
A l’origine prévu dans les salles en octobre 2015, puis programmé février 2016 en raison de difficultés financières de la société de production Relativity, pour finalement arriver en août 2016 aux Etats-Unis et le mois suivant en VOD dans nos contrées, Kidnap a connu un succès d’estime, sans pour autant casser la baraque. S’il est toujours plaisant de voir Halle Berry dans de ce genre de divertissement, on aimerait cependant la retrouver désormais dans un film plus ambitieux, qui saurait prendre en compte la nouvelle maturité de son jeu.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Kidnap, disponible chez TF1 Studio, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur une des séquences du film en version française.
Un seul supplément au programme de cette édition, un making of de 14 minutes, entièrement promotionnel et composé d’interviews dithyrambiques des comédiens, du cinéaste et du coordinateur des cascades – réalisateur de la seconde équipe. Les acteurs sont en mode « j’ai appris mon texte par coeur », les propos sont redondants, récités et dévoilent toute l’histoire. Quelques images de tournage montrent Halle Berry prendre le volant lors des séquences agitées sur la route. Heureusement que sa voiture était en réalité conduite par un cascadeur positionné sur le toit du véhicule.
L’Image et le son
Voici un transfert solide et une édition HD qui frôle la perfection. La luminosité est omniprésente, les détails confondants sur les gros plans, surtout sur la superbe Halle Berry, filmée sous tous les angles (et merci au cadre large !), le piqué est aiguisé comme un scalpel, la colorimétrie est étincelante et les contrastes ne cessent d’impressionner. La mise en scène agitée de Luis Prieto entraine quelques baisses de la définition, mais rien de rédhibitoire. Apport HD non négligeable pour ce titre.
Attention les oreilles ! Les courses-poursuites entraînent une très bonne utilisation du caisson de basses, qui rugit à de multiples reprises. Toutes les enceintes plongent le spectateur au milieu de la circulation, avec ses coups de frein et ses klaxons en tous genres, ses sirènes de police, ses vrombissements sur l’asphalte. La musique est délivrée sur chaque baffle avec fracas, les voix des comédiens demeurent claires et jamais noyées sous le brouhaha, en français comme en anglais, grâce aux mixages DTS-HD Master Audio 5.1. Accrochez votre ceinture. L’éditeur joint également les sous-titres destinés au public sourd et malentendant.
IT COMES AT NIGHT réalisépar Trey Edward Shults,disponible en DVD et Blu-ray chez TF1 Studios le 7 novembre 2017
Acteurs : Joel Edgerton, Christopher Abbott, Carmen Ejogo, Riley Keough, Kelvin Harrison Jr., Griffin Robert Faulkner, David Pendleton…
Scénario : Trey Edward Shults
Photographie : Drew Daniels
Musique : Brian McOmber
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 2017
LE FILM
Alors que le monde est en proie à une menace terrifiante, un homme vit reclus dans sa propriété totalement isolée avec sa femme et son fils. Quand une famille aux abois cherche refuge dans sa propre maison, le fragile équilibre qu’il a mis en place est soudain bouleversé.
Etrange film que cet It Comes at Night, deuxième long métrage du jeune réalisateur, scénariste et producteur américain Trey Edward Shults, né en 1988, remarqué en 2016 avec Trisha, Prix de la critique à Deauville en 2015. Ayant fait ses classes auprès d’un certain Terrence Malick sur le tournage de The Tree of Life en tant qu’assistant cameraman, il s’inspire pour son second film de la mort de son père, qui l’a profondément affecté. It Comes at Night est né de ces questions sur la fin de vie, sur ses propres peurs, sur la transmission. Moins un film d’horreur qu’un drame intimiste et thriller psychologique, It Comes at Night déstabilise souvent et ne manque pas d’attraits, même si tout est loin d’être parfait.
Toujours affublé d’un masque à gaz, Paul vit reclus et isolé, avec femme et enfant, dans une maison en bois au milieu de la forêt. Il se voit dans l’obligation d’accueillir une famille chez lui, alors qu’un virus semble avoir mis à mal la civilisation telle qu’on la connaît. Il essaie d’instaurer certaines règles : il faut toujours sortir à deux, passer par la même porte et ne surtout pas s’aventurer dans le bois. Mais ces beaux principes sont mis à mal quand d’étranges événements se produisent.
« Lorsque tombe la nuit » comme nos amis québécois ont intitulé le film, ne révolutionne pas le genre. Voilà ça c’est dit. Il n’en a pas la prétention d’ailleurs. Mais son approche de la peur, celle liée à ses cauchemars, à l’inconnu, au noir et à ce qu’il renferme interpelle bel et bien. Si le rythme est souvent très (trop) lent, Trey Edward Shults a incontestablement le sens du cadre et de la grammaire cinématographique. Sur un postulat simple et bénéficiant d’un budget minuscule de 2,5 millions de dollars, le metteur en scène parvient à tirer profit de son décor limité, une cahute plantée au milieu de nulle part, de son intrigue serrée sur une demi-douzaine de personnages réunis dans la même habitation. Il peut également compter sur de très bons comédiens parmi lesquels se démarquent l’australien Joel Edgerton (Midnight Special, Bright), dont la présence inquiétante et ambigüe met souvent mal à l’aise, ainsi que Riley Keough (Mad Max: Fury Road, Logan Lucky), petite-fille d’Elvis Presley, qui commence à faire sa place à Hollywood.
Trey Edward Shults sait filmer et rendre menaçant une simple forêt en jouant sur les effets suggérés. La menace, puisque menace il y a, vient de l’extérieur et profite souvent de la nuit pour s’engouffrer dans le refuge de la famille principale. Aucun effet gratuit ni tape à l’oeil, la peur et l’angoisse des personnages sont contagieuses, surtout lorsque le réalisateur adopte le point de vue de l’adolescent de la famille, en prise avec ses visions d’horreur et ses premiers émois qu’il est obligé de réfréner. La « routine » de la famille de Paul est ainsi troublée par l’intervention d’un autre couple et de leur enfant. Comment réapprendre à faire confiance quand on a appris à se méfier de tout et de tout le monde ? Où s’arrête l’humanité et où commence l’animalité ? Les sens s’aiguisent dans cet espace fermé, les sentiments contradictoires se déploient et se confrontent, l’instinct de survie prime sur le reste, quitte à réaliser de mauvais choix que l’on pourra sans doute regretter après.
Avec sa photo ténébreuse signée Drew Daniels, ses changements de formats qui soulignent la détresse anxiogène des personnages, sa sécheresse qui rappelle parfois The Witch de Robert Eggers, par ailleurs produit par le même studio A24, It Comes at Night est un film post-apocalyptique maîtrisé, ambitieux, qui peut laisser froid et de marbre certains spectateurs, mais qui n’en demeure pas moins intéressant, au point qu’il n’a de cesse de mûrir encore bien après, et qui révèle surtout un jeune auteur prometteur.
LE DVD
Le DVD d’It Comes at Night, disponible chez TF1 Studio, repose dans un boîtier classique transparent. Changement de visuel par rapport à l’affiche originale, pour la sortie du film dans les bacs. Le menu principal est animé et musical.
Cette édition comprend un seul supplément, un making of de 28 minutes. Sans surprise, ce documentaire se compose d’interviews du réalisateur et des comédiens, ainsi que d’images de tournage. Trey Edward Shults intervient sur la genèse de son second long métrage, ses intentions et partis pris (le cadre, le son, le montage), tandis que les acteurs abordent les thèmes du film. Attention tout de même aux nombreux spoilers. Notons que le metteur en scène indique avoir enregistré un commentaire audio, non disponible sur le DVD français.
L’Image et le son
Pour la photo léchée de son film, Trey Edward Shults a demandé à son chef opérateur Drew Daniels de jouer avec les formats et les ambiances très sombres. Tourné en numérique avec la caméra numérique Arri Alexa XT, prenant comme partis-pris de restreindre le champ visuel, en usant des bords noirs comme dans une toile du Caravage dans les séquences de nuit, le directeur de la photographie plonge ainsi les personnages dans une pénombre froide et angoissante, en passant du format 2.35 au 2.55, jusqu’au format 3.00. Si nous devons vous donner un conseil, c’est de visionner It Comes at Night dans une pièce sans aucune luminosité, afin de mieux plonger dans l’ambiance. Le DVD édité par TF1 Studio restitue habilement la profondeur des contrastes, même si le résultat est forcément moins probant qu’en HD. Par ailleurs, certaines séquences apparaissent plus poreuses et l’on perd parfois en détails. Malgré ces menus défauts, le piqué reste ferme, les fourmillements limités. Ce master SD s’en tire avec les honneurs et contentera ceux qui ne seraient pas passés à la Haute Définition.
Les versions anglaise et française disposent d’un mixage Dolby Digital 5.1 et Stéréo. La spatialisation satisfait amplement et fait sursauter aux moments opportuns grâce à ses effets latéraux et frontaux particulièrement fins. Le caisson de basses participe à cette immersion, les dialogues sont exsudés avec force sur la centrale et les ambiances naturelles et dérangeantes ne manquent pas. La piste anglaise s’en tire le mieux du point de vue richesse acoustique et ardeur, surtout du point de vue musical. Les versions Stéréo sont évidemment moins enveloppantes, mais de fort bonne facture. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français, destinés au public sourd et malentendant.
LES DIABOLIQUES réalisépar Henri-Georges Clouzot,disponible en Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret le 24 octobre 2017 chez TF1 Studio
Acteurs : Simone Signoret, Véra Clouzot, Noël Roquevert, Paul Meurisse, Charles Vanel, Jean Brochard, Thérèse Dorny, Michel Serrault, Robert Dalban, Jean Lefebvre…
Scénario : Henri-Georges Clouzot, Jérôme Géronimi, René Masson, Frédéric Grendel, d’après le romans de Pierre Boileau et Thomas Narcejac – Celle qui n’était plus
Photographie : Armand Thirard
Musique : Georges Van Parys
Durée : 1h57
Date de sortie initiale : 1955
LE FILM
Christina mène une existence malheureuse auprès de son mari, le tyrannique Michel Delasalle, directeur du pensionnat pour garçons dont elle est propriétaire. Elle sait qu’une des institutrices, Nicole Horner, est sa maîtresse, mais cela n’a pas empêché les deux femmes de se rapprocher l’une de l’autre. Christina voit en effet en Nicole une compagne d’infortune, partageant avec elle sa haine envers Michel. Lorsque Nicole demande à Christina de l’aider à tuer Michel, celle-ci accepte.
Difficile d’aborder Les Diaboliques, l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. Oeuvre centrale dans le domaine du thriller et de l’épouvante, qui allait inspirer moult cinéastes, à l’instar d’Alfred Hitchcock pour Psychose, le septième long métrage d’Henri-Georges Clouzot demeure une des références du genre plus de soixante ans après.
Nicole, une institutrice, est devenue la maîtresse de Michel Delasalle, le directeur d’un minable pensionnat de jeunes garçons, à Saint-Cloud. Despotique et cruel, tyrannique et méprisant, Delasalle s’amuse à maltraiter et à terroriser Christina, son épouse, cardiaque et fragile, également propriétaire de l’établissement. Il ne ménage pas pour autant la sensibilité de Nicole. Aussi les deux femmes, pourtant rivales, sont-elles devenues amies. A elles deux, poussées à bout, elles décident de se débarrasser de Michel. Drogué puis noyé dans une baignoire, l’odieux personnage finit sa course au fond de la piscine du pensionnat. Quelque temps après, le cadavre disparaît et d’étranges phénomènes se produisent, qui effraient la faible Christina et attirent l’attention du commissaire Fichet. Les évènements inexpliqués ne cessent alors de rappeler aux deux criminelles la présence obsédante de Michel.
Quel film ! Bien que la plupart des cinéphiles connaissent aujourd’hui son extraordinaire dénouement, Les Diaboliques, (vaguement) basé sur le roman Celle qui n’était plus du tandem Boileau-Narcejac, n’a rien perdu de son intensité et de sa force hypnotique, sentiments renforcés par l’absence quasi-totale de musique (2 minutes au total sur les deux heures du long métrage), qui instaure quelques silences particulièrement glaçants. Avec une atmosphère angoissante qui étouffe le spectateur du début à la fin, le cinéaste plonge son audience dans un récit qui triture autant les méninges que l’estomac et parvient à ancrer le fantastique dans une histoire réaliste, qui continue aujourd’hui d’inspirer les réalisateurs du monde entier. Tourné dans le secret le plus absolu, Les Diaboliques repose également sur une interprétation tendue et exceptionnelle, en particulier celle de Simone Signoret, sublime, vénéneuse et démoniaque à souhait, à mille lieues de son rôle dans Casque d’or de Jacques Becker, qui avait fait d’elle une vedette trois ans auparavant. Une beauté froide et d’une cinglante cruauté que n’aurait pas reniée Alfred Hitchcock, qui par ailleurs était intéressé par le livre de Boileau-Narcejac, qui écriront spécialement pour lui leur roman D’entre les morts, qui deviendra au cinéma Sueurs froides – Vertigo. Pour Psychose, Hitchcock reprendra également le même principe des portes fermées aux spectateurs dès le commencement de la séance, voulu par Clouzot pour Les Diaboliques, afin de préserver les effets et intriguer les spectateurs.
Longtemps critiquée pour son talent limité de comédienne, Véra Clouzot, d’origine brésilienne, tourne pour la seconde fois avec son mari et contrairement au Salaire de la peur, sorti deux ans avant, obtient ici le rôle principal aux côtés de sa partenaire. Rétrospectivement, il est troublant de voir à quel point ce personnage était finalement proche de l’actrice, elle-même cardiaque, et décédée en décembre 1960 à l’âge prématuré de 46 ans, suite à un infarctus. Même s’il est indéniable que Véra Clouzot manque cruellement d’expérience (elle ne tournera que trois films, ceux de son époux), sa fragilité, son charisme, son hésitation et sa spontanéité servent à merveille l’histoire. Quant à Paul Meurisse, monstre du cinéma français, capable de passer de la gaudriole au drame en un regard, il est ici tout simplement abject et repoussant, magnifique donc et d’ailleurs excellemment épaulé par d’autres camarades de jeu tout aussi bons, comme Michel Serrault, Noël Roquevert, Charles Vanel, Pierre Larquey.
Lauréat du Prix Louis Delluc en 1954, Les Diaboliques sort sur les écrans le 26 janvier 1955. Les spectateurs hurlent d’angoisse devant la violence sèche, souvent verbale, et les rebondissements alors avant-gardistes, au point d’être vraiment sonnés en sortant de la salle. Le bouche-à-oreille fait rapidement son œuvre. Heureusement, la plupart des spectateurs respectent le carton final qui apparaît en guise d’épilogue « Ne soyez pas DIABOLIQUES ! Ne détruisez pas l’intérêt que pourraient prendre vos amis à ce film. Ne leur racontez pas ce que vous avez vu. Merci pour eux ». En dépit d’une interdiction aux moins de 16 ans, Les Diaboliques réalisera 3,7 millions d’entrées. Et non, nous n’évoquerons pas le piteux remake de Jeremiah S. Chechik avec Sharon Stone, Isabelle Adjani, Chazz Palminteri et Kathy Bates, non.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray des Diaboliques est disponible chez TF1 Studio (collection Héritage), dans une édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret. Les deux disques disposent des mêmes suppléments et le livret retraçant l’histoire du film et présenté par Pascal Mérigeau (44 pages), ne nous a pas été envoyé.
Les bonus de cette édition française Haute-Définition sont quelque peu décevants.
On commence par le témoignage peu passionnant de Bernard Stora (20’). Le cinéaste et scénariste, qui a fait ses débuts comme stagiaire et assistant-réalisateur d’Henri-Georges Clouzot sur L’Enfer, partage ses souvenirs liés à cette association, tout en revenant sur les conditions de tournage du film qui nous intéresse. Bernard Stora semble avoir du mal à trouver les mots pour évoquer Clouzot et ses oeuvres (« j’aime beaucoup ses films, pas tous… »), et ce qui est finalement le plus intéressant dans cet entretien est le portrait de l’homme et du cinéaste. L’intervenant aborde la forte personnalité du réalisateur, « un homme qui pouvait être attachant et gentil, malgré sa réputation […] qui était très impressionnant », avant de se pencher sur Les Diaboliques. Bernard Stora n’hésite pas à dire que ce film représente bien son « cinéma très carré, écrit et même corseté […] qui contient tous ses motifs, même s’il pâtit peut-être de son côté mécanique, sec et peut-être moins crédible […] qui a peut-être moins de fond, bien qu’admirablement filmé et interprété ». Dans la dernière partie, Stora aborde le cas Véra Clouzot, que « Simone Signoret a porté car sa partenaire n’était pas très bonne actrice ».
S’ensuit une rencontre (23’) entre le journaliste Samuel Blumenfeld (Le Monde) et Jean Ollé-Laprune (historien du cinéma). Leurs propos se complètent et s’avèrent plutôt intéressants, même si nous pouvions espérer plus pour un film de cette envergure. Les Diaboliques est replacé dans la filmographie de Clouzot, la genèse, l’adaptation du roman de Boileau-Narcejac, les houleuses conditions de tournage (avec quelques anecdotes), la faiblesse du jeu de Véra Clouzot (qui n’est vraiment pas épargnée ici), le perfectionnisme de Clouzot, ainsi que le remake américain (« exécrable ») – l’occasion pour Ollé-Laprune de dire que Sorcerer de William Friedkin est « pas mal sans plus », vous avez le droit de vous indigner – sont analysés sans temps mort.
En plus de la bande-annonce originale, l’éditeur joint également un montage de 3 minutes, constitué de propos enregistrés en 1969 et 1985, des écrivains Pierre Louis Boileau et Thomas Narcejac, sur l’adaptation cinématographique de leur roman, sur le travail de Clouzot et ses partis pris.
L’Image et le son
Les Diaboliques a été restauré en 4K à partir du négatif original. Les travaux numériques et photochimiques ont été réalisés et supervisés en 2017 par le laboratoire L21. Force est de constater que nous n’avions jamais vu le film d’Henri-Georges Clouzot dans de telles conditions. Les contrastes sont très appréciables, les noirs sont profonds. Seule la palette de gris n’est pas aussi riche que nous pouvions l’espérer, mais en même temps, la photo a toujours été plutôt blanche. Seul le générique apparaît peut-être moins aiguisé, mais le reste affiche une stabilité exemplaire ! Les arrière-plans sont bien gérés, le grain original est respecté, le piqué est souvent dingue et les détails regorgent sur les visages des comédiens. Avec tout ça, on oublierait presque de parler de la restauration. Celle-ci se révèle extraordinaire, aucune scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’encodage AVC consolide l’ensemble du début à la fin. Ce master très élégant permet de redécouvrir ce chef d’oeuvre dans une qualité technique admirable.
La piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Si certains échanges manquent de punch et se révèlent moins précis (la voix de Véra Clouzot a souvent un rendu métallique), les dialogues sont dans l’ensemble clairs, sans souffle parasite. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.