De Charlie Chaplin à Leonardo DiCaprio, nombre d’acteurs ont été non seulement d’immenses vedettes, mais aussi des figures emblématiques dont la vie et les interprétations ont défrayé la chronique et marqué l’imaginaire. La star illumine et attire le public avant de demeurer dans la mémoire collective, astres furtifs ou monuments marquant plusieurs générations de cinéphiles à l’instar de Marlon Brando, John Wayne, Elizabeth Taylor, Jane Fonda ou plus récemment George Clooney et Meryl Streep. Beaucoup ont été en pointe dans les grands combats politiques et sociétaux du » siècle d’Hollywood » (1920-2020), de la lutte contre le racisme au féminisme en passant naturellement par le récit critique ou héroïque des guerres (mondiales, Vietnam) et la défense des minorités. Le présent ouvrage raconte avec un rare bonheur d’écriture leurs vies privées et publiques tout en faisant une large part à leur travail d’acteur proprement dit, ce que l’on nomme la persona qui leur confère leur aura singulière. L’ensemble forme une véritable histoire du cinéma racontée à travers des portraits biographiques riches en anecdotes, portés par un journaliste historien d’envergure. Il offre en creux une chronique de la célébrité, voulue et magnifiée par le 7e art, avant que la disparition des » monstres sacrés » et le triomphe des superproductions déshumanisées n’interrogent sur sa pérennité.
En 2017, à l’occasion de la sortie de son merveilleux ouvrage Hollywood ne répond plus, tout d’abord publié chez Editions Baker Street, puis réédité dernièrement chez Tempus Perrin, nous avions dit tout le bien que nous pensions du journaliste et historien du cinéma Olivier Rajchman. Celui que les cinéphiles ont pu croiser à travers les bonus de DVD/Blu-ray (La Tulipe noire, Mort d’un pourri, Rocco et ses frères, Deux hommes dans la ville, Borsalino and Co), qui avait déjà signé un autre opus de référence sur la « rivalité » entre Bébel et Delon (Delon/Belmondo: L’Etoffe des héros, Broché, 2010) propose cette fois un livre qui a tout pour venir reposer au pied du sapin de Noël dans quelques semaines. En effet, Le Siècle des stars, sous-titré « 40 portraits d’icônes hollywoodiennes », réunit donc quatre dizaines de biographies de celles et ceux qui ont fait de la Mecque du cinéma ce qu’elle est, ou plutôt ce qu’elle a été, étant donné que le prestige du passage à la postérité n’a aujourd’hui plus la même signification. Dans de cette anthologie, Olivier Rajchman retrace un siècle de cinéma, en invitant le lecteur à (re)faire connaissance avec celles et ceux dont les noms font briller les yeux des cinéphiles. 24 acteurs et 16 actrices, 40 stars, dont la vie et la carrière sont résumées en une dizaine de pages (en moyenne), chaque portrait étant systématiquement accompagné d’une filmographie (très) sélective et même d’une photographie dans un encart placé à mi-livre.
Si cela avait été Noël, Hollywood ne répond plus (Editions Baker Street), sorti le 18 mai 2017, se trouverait au pied du sapin de chaque cinéphile. Journaliste (Télé Star, Studio Ciné Live), auteur en 2010 d’une biographie croisée Delon / Belmondo : L’Etoffe des héros (Timée-éditions) et intervenant dans les suppléments de DVD/Blu-ray de Deux hommes dans la ville, Borsalino & Co, Trois hommes à abattre, Pour la peau d’un flic, Olivier Rajchman signe un vrai trésor pour les passionnés du septième art. 400 pages consacrées au tournage de Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz, comme l’indique une photo du couple Elizabeth Taylor / Richard Burton sur le visuel, mais aussi sur les derniers jours de Marilyn Monroe et le tournage colossal du Jour le plus long réalisé par Ken Annakin, Darryl F. Zanuck, Andrew Marton, Bernhard Wicki, Gerd Oswald…surtout produit par Zanuck. Le titre de l’ouvrage d’Olivier Rajchman est malin et reflète la débâcle de la production de Cléopâtre, qui aurait pu tout ravager et emporter Hollywood dans un vrai raz-de-marée.
Pourquoi ces trois récits entrecroisés ? Parce que c’est précisément à ce moment précis que le monde du cinéma a failli imploser. Entre Marilyn Monroe en prise avec les réalisateurs qui s’impatientaient devant son manque de confiance et sa vie personnelle chaotique, Darryl F. Zanuck réfugié en France qui souhaitait redorer son blason d’ancien grand manitou d’Hollywood en adaptant à l’écran le roman de Cornelius Ryan, et le chemin de croix en Italie de Mankiewicz, dans les studios de Cinecittà, pour mettre en boite un film déjà maudit avant qu’il en reprenne les rênes, Olivier Rajchman utilise les monstres du cinéma pour en tirer comme un véritable thriller. Des monstres sans doute, dans tous les sens du terme, mais Rajchman montre également et surtout des êtres humains pris dans la tourmente, dans leurs problèmes personnels, dans leur ego surdimensionné aussi. Les rebondissements sont distillés au fil de 44 chapitres indiquant le lieu et la date de l’action qui est en train de se dérouler.
Cléopâtre est le couronnement suprême pour Elizabeth Taylor, sublimée à chaque plan, tandis que Marilyn, en quête du rôle qui aurait pu montrer au monde entier qu’elle n’était pas qu’une poupée glamour, se perd dans l’alcool, les amants passagers et les médicaments, jusqu’à Something’s Got to Give, son dernier film resté inachevé…et son dernier sommeil. On lit Hollywood ne répond plus comme un polar avec des protagonistes que l’on connaît, enfin surtout de ce qu’on connaît d’eux via le grand écran, tout en découvrant l’autre facette, celle derrière le strass. A partir d’un travail documenté exceptionnel, y compris des extraits inédits du journal de Joseph L. Mankiewicz (le livre propose quelques extraits), réalisé avec l’accord et même l’amitié de la fille du cinéaste, Alex Mankiewicz, qui signe également la préface, le journaliste nous raconte ces histoires palpitantes, ces portraits dressés d’hommes et de femmes dont les destins ont failli avoir la peau du système hollywoodien. Les trahisons, les démêlés, les coups bas sont dévoilés au grand jour, sans jugement, sans emphase, mais avec un percutant sens du récit et le désir de partager de cinéphile à cinéphile. Ce que l’on retient le plus d’Hollywood ne répond plus, une véritable mine d’or d’informations et qui démontre que la réalité est parfois aussi fascinante pour ne pas dire tragique que la fiction, c’est la façon dont Rajchman retrace l’incroyable épopée du tournage de Cléopâtre, film de tous les excès.
A l’époque jugé lourd, étouffant et bavard, le film de Mankiewicz est aujourd’hui considéré à juste titre comme un puissant chef d’oeuvre. On admire encore plus de nos jours le culot du réalisateur qui au lieu de privilégier l’action et les scènes de batailles s’est surtout concentré sur la complexité des personnages. Ou le drame intimiste le plus cher de l’histoire du cinéma. L’ampleur de la mise en scène n’étant qu’un subterfuge pour ne retenir que les dialogues, admirablement écrits et typiques de la griffe Mankiewicz, et ressentir la dimension humaine de cette histoire dense et implacable. Elizabeth Taylor, l’actrice aux yeux de velours, demeurera dans les mémoires comme étant LA Cléopâtre la plus éblouissante et sensuelle qu’il nous ait été donné de voir. Le film épique de Mankiewicz est une merveille cinématographique d’une suprême élégance, qui plonge le spectateur dans l’Antiquité durant 4 heures sans jamais susciter l’ennui. Comme Hollywood ne répond plus, dont on devient accro dès les premières pages, qui nous fait voyager dans le temps et aux quatre coins du monde, qui nous donne une occasion unique de côtoyer celles et ceux que l’on admire et que l’on continue d’admirer, à la fois acteurs et victimes placés dans un mauvais alignement des astres. L’Armageddon cinématographique était alors très proche, certains n’ont pas survécu à ce chaos, d’autres au contraire en sont sortis plus grands que jamais ou allaient tout simplement revivre. Mais une chose est sûre, Hollywood avait changé et une nouvelle ère commençait. L’âge d’or s’éteignait en emportant Marilyn, son plus beau joyau.
Quelques extraits du journal de Joseph L. Mankiwicz disponibles et reproduits avec l’autorisation des Editions Baker Street :
« Me sens épuisé et ‘migraineux’ à l’extrême. Pris conscience d’avoir avalé aujourd’hui Ritonex, Vitamines, Demerol, Bufferin, Empirin, Codeine, et autres ! »
« Je continue de penser que Z [Zanuck] veut tout prendre en charge mais seulement après que j’en aurai terminé avec les trois vedettes. »
« Le pronunciamiento d’Elizabeth : après 5 mois, c’est soit Fisher, soit Burton, ou elle se tuera. »
HOLLYWOOD NE RÉPOND PLUS
Olivier Rajchman
Préface d’Alex Mankiewicz
Parution : 18 mai 2017 • ISBN : 978-2-917559-47-5 • Prix TTC France : 21€ • 154 x 240mm • broché 416 pages