EL REINO réalisé par Rodrigo Sorogoyen, disponible en DVD et Blu-ray le 21 août 2019 chez Le Pacte
Acteurs : Antonio de la Torre, Monica Lopez, Josep María Pou, Nacho Fresneda, Ana Wagener, Bárbara Lennie, Luis Zahera, Francisco Reyes…
Scénario : Isabel Peña, Rodrigo Sorogoyen
Photographie : Alejandro de Pablo
Musique : Olivier Arson
Durée : 2h11
Date de sortie initiale : 2019
LE FILM
Manuel López Vidal est un homme politique influent dans sa région. Alors qu’il doit entrer à la direction nationale de son parti, il se retrouve impliqué dans une affaire de corruption qui menace un de ses amis les plus proches. Pris au piège, il plonge dans un engrenage infernal.
« Demain, c’est ton tour. »
Révélation de l’année 2016, le cinéaste Rodrigo Sorogoyen avait conquis la critique et les spectateurs avec son premier long métrage réalisé en solo, Que Dios nos perdone. Après 8 citas (2008) et Stockholm (2013), qu’il avait respectivement cosigné avec Peris Romano et Borja Soler, Rodrigo Sorogoyen a bien fait de voler de ses propres ailes. Pour El Reino, il signe un nouveau coup de maître, coécrit une fois de plus avec Isabel Peña, complice du réalisateur depuis plus de dix ans et qui avaient déjà collaboré sur les séries Impares (2008) et La pecera de Eva (2010). El Reino agit comme une caméra embarquée dans un bocal de piranhas. Bienvenue dans le monde des politiciens véreux et corrompus ! Un sujet universel et intemporel, qui renvoie souvent au cinéma engagé transalpin des années 1960, celui de Francesco Rosi, Elio Petri et Giuliano Montaldo. Veine que l’on retrouvera plus tard dans le cinéma américain chez Sidney Lumet et Alan J. Pakula, ou bien encore chez nous chez Costa-Gavras et Yves Boisset dans les années 1970. Mais il y a définitivement un héritage latin dans El Reino, drame politique et psychologique admirable, rythmé comme un thriller paranoïaque, percutant, un véritable uppercut cinématographique.
PREMIÈRES VACANCES réalisé par Patrick Cassir, disponible le 8 mai 2019 en DVD et Blu-ray chez Le Pacte
Acteurs : Camille Chamoux, Jonathan Cohen, Camille Cottin, Jérémie Elkaïm, Vincent Dedienne, Dominique Valadié, Svetlana Gergova, Bar Levy…
Scénario : Camille Chamoux, Patrick Cassir
Photographie : Yannick Ressigeac
Musique : Alexandre Lier, Sylvain Ohrel, Nicolas Weil
Durée : 1h42
Année de sortie : 2018
LE FILM
Marion et Ben, trentenaires, font connaissance sur Tinder. C’est à peu près tout ce qu’ils ont en commun ; mais les contraires s’attirent, et ils décident au petit matin de leur rencontre de partir ensemble en vacances malgré l’avis de leur entourage. Ils partiront finalement… en Bulgarie, à mi-chemin de leurs destinations rêvées : Beyrouth pour Marion, Biarritz pour Ben. Sans programme précis et, comme ils vont vite le découvrir, avec des conceptions très différentes de ce que doivent être des vacances de rêve…
Il y a les comédies, françaises et autres – car ce serait stupide de considérer que seules les comédies hexagonales sont la plupart du temps ratées – qui semblent avoir été écrites par des adolescents, en style SMS, dans le simple but d’être tournées, sans aucun sens de la mise en scène, pour ensuite finir une seule semaine dans les salles de cinéma. On accueille donc à bras ouverts, non pas l’immonde long métrage de Philippe de Chauveron, mais ces Premières vacances, concoctées par Patrick Cassir et Camille Chamoux. Si le premier, venu du clip (Les Plasticines, Arielle Dombasle, Philippe Katerine, Camelia Jordana, Rose) et de la publicité signe ici son premier long métrage, la seconde a percé depuis quelques années avec ses one-woman-show, puis en apparaissant au cinéma dans Bye Bye Blondie de Virginie Despentes et dans Supercondriaque de Dany Boon. Mais ce sont Les Gazelles, film sorti en 2014 qu’elle co-écrit avec la réalisatrice Mona Achache, qui révèle son univers, son tempérament volcanique et son humour décalé. Après le succès de Larguées d’Eloïse Lang, la comédienne signe le scénario de Premières vacances avec son compagnon Patrick Cassir. Et c’est une belle réussite. Non seulement le film est drôle et bien écrit, mais il donne également matière à réflexion sur l’amour au XXIe siècle dans les grandes villes, tout en offrant à l’excellent Jonathan Cohen l’occasion de briller une fois de plus devant la caméra. Et n’oublions pas la participation de Camille Cottin, Jérémie Elkaïm, Caroline Anglade et d’autres qui campent des personnages satellites qui gravitent autour du noyau central de ce very bad trip qui n’oublie pas d’être romantique.
Marion et Ben font connaissance sur Tinder. Ils se donnent rendez-vous un soir sur le bassin de la Villette. Ils font connaissance. Malgré leurs caractères complètement opposés, le courant passe bien, à tel point qu’ils couchent finalement ensemble et décident de partir en vacances à deux, en dépit des doutes de leurs amis et de leurs familles. Les deux tourtereaux se rendront en Bulgarie, pays qui se situe à mi-chemin de leurs destinations initialement envisagées. Sur place, les caractères, désirs, phobies, doutes et sentiments se dévoilent réellement.
Premières vacances est une sorte de road-movie doux-amer, inspiré, joliment mis en scène avec des paysages étonnants – ceux de la Bulgarie – très peu vus au cinéma. Le rythme est maîtrisé, les répliques tordantes et le couple vedette en parfaite osmose. Camille Chamoux, véritable pile électrique est aussi plus sobre qu’à l’accoutumée, rien de péjoratif à dire cela puisque son personnage est ici plus « relax » que le personnage incarné par Jonathan Cohen. Ce dernier, l’une des plus belles révélations comiques de ces quinze dernières années à la télévision (Bref, Serge le Mytho) et au cinéma (Un plan parfait de Pascal Chaumeil, Budapest de Xavier Gens et dernièrement dans Amanda de Michaël Hers) explose enfin en tant que véritable tête d’affiche. Assurément l’un des acteurs français à suivre de près.
Sur une très belle photographie de Yannick Ressigeac, Premières vacances enchaîne les scènes comme on ferait défiler les pages d’un album de photos souvenirs, avec un rythme soutenu, des péripéties calibrées et bien senties, sans jamais oublier la réflexion qui se fraye un chemin, notamment quand le couple se rend dans un hôtel moderne où le confort social, et donc les vraies différences entre les deux individus, se révèlent et s’exacerbent. C’est donc une vraie bonne surprise que cette comédie, excellente, à placer sur le haut du panier du genre et qui s’avère déjà l’une des réussites de l’année 2019.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Premières vacances, disponible chez Le Pacte, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Pour compléter le film, l’éditeur propose deux entretiens. Le premier avec le réalisateur Patrick Cassir et le second avec les comédiens Camille Chamoux et Jonathan Cohen. Nous retiendrons surtout l’intervention du metteur en scène et co-scénariste qui revient sur son parcours, la genèse du film, l’écriture du scénario avec sa compagne Camille Chamoux. Patrick Cassir explique avoir voulu filmer différemment celle qui partage sa vie. Les scènes improvisées (l’apéro-cul), les thèmes, le tournage en Bulgarie, le travail avec le chef opérateur, les volontés artistiques et partis pris sont également abordés.
Jonathan Cohen et Camille Chamoux reviennent pour ainsi dire sur les mêmes sujets avec enthousiasme et une évidente complicité.
L’interactivité se clôt
sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le Pacte frôle la perfection avec le master HD de Premières vacances. Toutes les scènes se déroulant en extérieur impressionnent par leur rendu saisissant. Le piqué reste tranchant comme la lame d’un scalpel, les détails abondent sur le cadre large, la profondeur de champ est appréciable, les contrastes sont denses et la colorimétrie chatoyante. L’encodage AVC consolide l’ensemble, la luminosité ravit constamment les yeux. Un très bel écrin qui sied à ravir à l’élégante photo du chef opérateur Yannick Ressigeac.
Le spectacle est également assuré du point de vue acoustique grâce à un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 qui exploite toutes les enceintes dans leurs moindres recoins. La balance frontale est percutante, les effets nets et précis, les dialogues savamment délivrés sur le point central et les ambiances latérales constantes participent à l’immersion du spectateur. La musique bénéficie d’une belle spatialisation. N’oublions pas le caisson de basses qui tire habilement son épingle du jeu à de multiples reprises. La Stéréo est évidemment plus plate, mais ne démérite pas. L’éditeur joint également une piste audiodescription ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Au retour d’une nouvelle expédition de vol à l’étalage, Osamu et son fils recueillent dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même. D’abord réticente à l’idée d’abriter l’enfant pour la nuit, la femme d’Osamu accepte de s’occuper d’elle lorsqu‘elle comprend que ses parents la maltraitent. En dépit de leur pauvreté, survivant de petites rapines qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux – jusqu’à ce qu’un incident révèle brutalement leurs plus terribles secrets…
Le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda a encore frappé ! Et une fois de plus en plein coeur ! Né en 1962, le cinéaste multi-récompensé pour After Life (1998), Nobody Knows (2004), Still Walking (2008), Notre petite sœur (2015) et bien d’autres aura remporté le Saint Graal en 2018 avec Une affaire de famille, magnifique chronique douce-amère qui réconcilie enfin le cinéma d’auteur avec le cinéma populaire, surtout un an après le calamiteux The Square du suédois Ruben Östlund. Il fallait en effet remonter dix ans en arrière avec Entre les murs de Laurent Cantet, pour trouver une Palme d’or aussi optimiste et lumineuse malgré les évènements narrés. Une affaire de famille happe les spectateurs d’entrée de jeu avec une mise en scène proche du documentaire en composant plusieurs portraits croisés de marginaux. Unis sous un même toit, d’âge très différent, rejetés par la société, trois femmes, un homme et un petit garçon, bientôt rejoints par une petite fille, qui vont pourtant se soutenir face à l’adversité, en (sur)vivant grâce au vol et à la débrouillardise. Deux heures de pur bonheur, un merveilleux long métrage magistralement mis en scène et interprété par des comédiens en état de grâce, Lily Franky, Sakura Ando, Mayu Matsuoka, Kirin Kiki, Kairi Jyo et la petite Miyu Sasaki. Voilà enfin une Palme d’or méritée !
Les Shibata, famille pauvre qui vit grâce à la débrouille, recueillent une petite fille dans la rue. Hatsue, la vieille dame qui les héberge, perçoit une petite retraite. Osamu travaille en indépendant sur un chantier de construction, se blesse sans pouvoir prétendre à des indemnités. Nobuyo travaille dans une blanchisserie, subit une compression de personnel. Aki est une adolescente qui a quitté ses parents et vit de ses charmes, en cabine privative de peep show. Shōta, le jeune garçon, a été trouvé dans une voiture. Et Juri/Yuri, la petite fille, a manifestement été battue et délaissée par ses parents, depuis que sa grand-mère est morte. Tout ce chaos forme une famille, parce que chacun de ses membres l’a choisi. Osamu et Shota volent à l’étalage. Et Yuri, devenue Rin, est initiée, alors que Shota commence à s’interroger.
En refusant le misérabilisme et le spectaculaire, Hirokazu Kore-eda livre un des films les plus solaires vus depuis longtemps sur la Croisette. Là où d’autres se seraient vautrés dans un ersatz d’Affreux, sales et méchants, chef d’oeuvre d’Ettore Scola, le réalisateur éclaire ses personnages, enfants, jeune adolescent, jeunes femmes, homme mature et femme d’âge mur en les caressant de sa caméra avec une infinie douceur. Proche du néoréalisme italien par ses partis pris, mais vouant également un amour absolu pour Les 400 coups de François Truffaut, Kes de Ken Loach et Amarcord de Federico Fellini, Hirokazu Kore-eda avec Une affaire de famille traite d’un sujet social et même politique propre au Japon, avec une sensibilité nippone et des partis pris quasi-européens. Hirokazu Kore-eda filme les visages, la confrontation des générations en vase clos, la peur de la solitude, l’attachement des êtres que le destin a réunis, avec un sens personnel de la fable et toujours teinté de poésie.
Des récits initiatiques qui se croisent, qui se rentrent dedans, qui s’imbriquent jusqu’au dernier acte où l’ordre social traditionnel souhaite reprendre ses droits. Une « famille » recomposée, sans liens du sang, mais malgré tout plus forte que tout. Une affaire de famille a été récompensé par le César du meilleur film étranger, après avoir connu un très beau succès dans les salles françaises avec près de 800.000 entrées.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray d’Une affaire de famille, disponible chez Le Pacte, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Une interactivité
malheureusement réduite pour ce chef d’oeuvre de l’année 2018…
Il faudra se contenter de deux micro-interviews du réalisateur Hirokazu Kore-eda (4’30 et 2’20) durant lesquelles le cinéaste revient sur les thèmes du film, sur la genèse d’Une affaire de famille, ses intentions et partis pris, ainsi que sur ses inspirations à l’instar des longs métrages de Robert Benton (Kramer contre Kramer).
Cette section se clôt sur
une très belle galerie de photos de tournage et la bande-annonce.
L’Image et le son
Un très bel objet que ce master HD. L’image bénéficie d’un codec AVC de haut niveau, renforçant les contrastes, ainsi que les détails aux quatre coins du cadre. Certains plans nocturnes sont magnifiques et tirent entièrement parti de cette élévation en Haute Définition. Les gros plans peuvent être analysés sans problème puisque la caméra colle parfois au plus près des personnages, les ombres et les lumières s’accordent parfaitement. Ce Blu-ray est une franche réussite technique.
Deux pistes au choix, japonaise et française DTS-HD Master Audio 5.1. La version originale 5.1 s’avère tout d’abord dynamique, spatialisée avec une ardeur inattendue, mettant notamment en valeur les ambiances naturelles. Les latérales sont actives dès la première image, les frontales sont également percutantes et le spectateur est immédiatement plongé dans le récit. Les séquences en intérieur et donc plus intimistes sont évidemment plus feutrées, reposent évidemment plus sur les enceintes avant. En revanche, les dialogues sont percutants sur la centrale, que vous ayez opté pour la version française (évidemment facultative) ou la piste japonaise. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
ROULEZ JEUNESSE réalisé par Julien Guetta,disponible en DVD et Blu-ray le 28 novembre 2018 chez Le Pacte
Acteurs : Eric Judor, Laure Calamy, Brigitte Roüan, Ilan Debrabant, Louise Labeque, Déborah Lukumuena, Marie Kremer, Satya Dusaugey…
Scénario : Dominique Baumard, Julien Guetta
Photographie : Benjamin Roux
Musique : Thomas Krameyer
Durée : 1h20
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
Alex, 43 ans, est dépanneur automobile dans le garage que dirige sa mère d’une main de fer. Un jour, il dépanne une jeune femme et passe la nuit chez elle ; mais au petit matin, elle a disparu, lui laissant trois jeunes enfants sur les bras…
Mouais…la critique a été plutôt élogieuse et positive pour le premier long métrage de Julien Guetta, diplômé de la Fémis, département « scénario », promotion 2009. Après moult courts métrages et le scénario de Joueurs de Marie Monge, le jeune cinéaste passe au format long avec Roulez jeunesse. Très inspiré par les liens familiaux et l’héritage familial, Julien Guetta développe ces thèmes dans son premier film. Très mal vendu, comme une simple « comédie de l’été », Roulez jeunesse est pourtant une œuvre mi-figue mi-raisin, qui hésite constamment entre un humour léger et des éléments dramatiques sérieux. Le résultat est trop hésitant pour convaincre. Le choix d’Eric Judor dans le rôle principal était on ne peut pus judicieux et si le comédien est aussi excellent qu’attachant, rien ou pas grand-chose ne fonctionne dans Roulez jeunesse.
Pour une fois, l’affiche est raccord avec le film qu’elle vend. C’est bleu, c’est jaune. Roulez jeunesse n’est qu’une comédie française comme les autres qui tente de donner le change en prenant un virage aussi inattendu que maladroit. Julien Guetta enchaîne alors les gags et quiproquos jamais crédibles et s’emmêle les pinceaux en voulant bien faire et montrer ce dont il est capable. Il y a de bonnes choses dans Roulez jeunesse, les comédiens surtout avec donc un Eric Judor au top de sa forme et dont le talent dramatique semble avoir étonné une partie de la presse qui le considérait sûrement comme un simple trublion sans autres cordes à son arc. Il est parfait dans le rôle de ce (faux) Tanguy malgré-lui dont la mère, incarnée par la géniale Brigitte Rouän, est propriétaire d’un garage dans lequel il bosse, ou du moins il voit passer les jours au volant de sa dépanneuse. La quarantaine entamée, Alex n’a sûrement pas vu passer les années. Pour la première fois de sa vie, il va devoir prendre quelques décisions importantes qui pourraient bien déterminer le futur de trois gamins (dont un bébé) dont la mère camée a disparu. Ça fait beaucoup d’éléments pour ce petit film, qui n’a clairement pas les moyens de ses ambitions et surtout la maturité qui lui faudrait.
C’est gentillet, mais disons le mot c’est aussi nul. Les gamins sont amusants deux minutes, mais tout est tellement rabattu, cliché, prévisible. Si le film est court (1h20 montre en main), le rythme est très mal géré, c’est long, redondant. Dommage, car Julien Guetta, grand cinéphile, a de grandes références et évoque même Cinq pièces faciles – Five Easy Pieces de Bob Rafelson avec Jack Nicholson pour Roulez jeunesse, ainsi que les films de Ken Loach, Martin Scorsese et Steven Spielberg. On se demande juste quel est vraiment le rapport avec son premier long métrage.
Récit initiatique certes, mais tout va trop vite en besogne et le personnage principal évolue bien trop rapidement en prenant une décision importante, sans que rien ne le laisse présager. Finalement, le plus beau personnage du film est l’assistante sociale interprété par la géniale et sensuelle – même coiffée comme un dessous-de-bras – Laure Calamy, dont la douceur et la force de caractère apportent l’âme dont Roulez jeunesse a sacrément besoin. C’est donc un téléfilm Modem, il en a d’ailleurs la couleur orangée, en roue libre, sans force de caractère, qui se laisse regarder, mais qui ne fait ni chaud ni froid.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Roulez jeunesse, disponible chez Le Pacte, repose dans un boîtier économique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné qui reprend le visuel de l’affiche. Le menu principal est animé et musical.
L’entretien avec Julien Guetta est très sympathique (20’). On serait même tenté de redonner une chance à son premier long métrage tant le réalisateur s’avère attachant et visiblement amoureux du cinéma. L’interviewé revient sur son parcours, ses thèmes de prédilection (la famille, la filiation), les partis pris et ses intentions pour Roulez jeunesse, le casting, le travail avec le chef opérateur Benjamin Roux et cite ouvertement Maurice Pialat, Claude Sautet, Steven Spielberg, Martin Scorsese et bien d’autres comme cinéastes de prédilection.
On enchaîne avec trois scènes coupées plus ou moins amusantes, surtout celle en version intégrale où Alex se retrouve flanqué d’un automobiliste complètement camé (7’).
L’éditeur joint également un court-métrage de Julien Guetta, intitulé Lana Del Roy (26’). Jean-Philippe se reconstruit enfin depuis qu’il sort avec Lana, une fleuriste qui bouscule son quotidien morose. Mais au moment des présentations avec son fils Morgan, ce dernier découvre que Lana est une ancienne star du porno. Réalisé en 2016, ce petit film émeut, mais les comédiens peinent à convaincre réellement.
L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et la bande-annonce.
L’Image et le son
Ce transfert HD est soigné, avec une prédominance de couleurs vives et pétillantes (explosion de teintes jaunes et bleues), des contrastes au beau fixe et un piqué agréable. La définition est au top, les détails foisonnants sur le cadre large et ce master demeure un bel objet avec un relief omniprésent, des séquences diurnes aussi magnifiques qu’étincelantes et un grain léger.
Dès le générique, la piste DTS-HD Master Audio 5.1 sollicite l’ensemble des enceintes et offre une solide spatialisation. Ce mixage fait la part belle à la musique, présente pendant tout le film. Les dialogues se détachent sans mal sur la centrale, tandis que les ambiances naturelles en extérieur demeurent constantes comme le bruit assourdissant de la circulation sur l’autoroute. Le spectacle acoustique est assuré. L’éditeur joint également une piste DTS-HD Master Audio 2.0 de fort bon acabit, des sous-titres destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
VISAGES, VILLAGES réalisépar Agnès Varda et JR,disponible en DVD et Blu-ray le 22 novembre 2017 chez Le Pacte
Avec : Agnès Varda et JR
Musique : Matthieu Chedid
Durée : 1h25
Date de sortie initiale : 2017
LE FILM
Agnès Varda et JR ont des points communs : passion et questionnement sur les images en général et plus précisément sur les lieux et les dispositifs pour les montrer, les partager, les exposer. Agnès a choisi le cinéma. JR a choisi de créer des galeries de photographies en plein air. Quand Agnès et JR se sont rencontrés en 2015, ils ont aussitôt eu envie de travailler ensemble, tourner un film en France, loin des villes, en voyage avec le camion photographique (et magique) de JR. Hasard des rencontres ou projets préparés, ils sont allés vers les autres, les ont écoutés, photographiés et parfois affichés. Le film raconte aussi l’histoire de leur amitié qui a grandi au cours du tournage, entre surprises et taquineries, en se riant des différences.
55 ans les séparent. Pourtant, JR, artiste contemporain né en 1983, spécialisé dans la technique du collage photographique et Agnès Varda, réalisatrice, photographe et plasticienne née en 1928 se ressemblent énormément et sont constamment inspirés par les gens. Ceux dont ils capturent les visages, les gestes, parfois avortés, les héros du quotidien. JR et Agnès Varda décident de sillonner les routes de France à bord de la camionnette-studio du street-artist. Ils désirent aller à la rencontre des gens, leur parler, les photographier, développer les photos et les afficher en grand dans leurs lieux de vie. JR et Varda croisent des ouvriers, des agriculteurs, une serveuse. Agnès Varda voudrait également que JR montre enfin ses yeux, toujours dissimulés derrière des lunettes noires.
Si Agnès Varda a imprimé sur pellicule les yeux et les rides de comédiens professionnels comme ceux des petites gens dans ses documentaires, JR a fait de même avec du papier collé sur des châteaux d’eau, des wagons, des façades vierges, des portes et des escaliers du monde entier. Amoureux de la vie et débordant d’énergie, même si la grande petite dame du cinéma français qui avoisine les 90 ans trottine plus qu’elle ne marche aujourd’hui, les deux complices font preuve d’une réelle alchimie tant dans leur démarche artistique que dans la vie de tous les jours, JR apparaissant finalement comme le petit-fils spirituel de la cinéaste.
« L’art est public » pourrait-on dire en visionnant Visages, villages, bien plus attachant et surtout plus intéressant que les deux derniers longs métrages de Raymond Depardon, Journal de France (2012) et Les Habitants (2016), qui se regardaient filmer en se reposant sur ses lauriers. On peut reprocher à Visages, villages son côté mis en scène, son manque de spontanéité, des propos trop écrits et mollement récités par JR en postsynchronisation, finalement bien plus à l’aise quand il entreprend de coller lui-même des poissons géants en haut d’un échafaudage, sans oublier l’aspect énervant quand Agnès Varda et son acolyte en font trop dans l’émotion que l’on sent factice, gros soucis du dernier acte? Pourtant, le charme n’a de cesse d’agir. Visages, villages, « collage » et road-trip né de la rencontre entre Agnès Varda et JR organisée par Rosalie Varda, la fille de la réalisatrice, emmène JR en territoire inconnu, la campagne française, lui qui oeuvre principalement dans l’environnement urbain. Deux univers opposés, même si Agnès Varda a souvent filmé la ville, ses rues et leurs surprises (Cléo de 5 à 7, Daguerréotypes, Les Dites cariatides), se confrontent, dialoguent et s’apprivoisent immédiatement grâce au même amour pour les gens qu’ils croisent sur la route et sur certains chemins perdus.
Agnès Varda et JR atterrissent donc dans des endroits reculés, tandis que la camionnette customisée en cabine de photomaton géante attire la population, qui se prête ensuite au jeu des projets improvisés des deux artistes, en donnant la parole aux protagonistes, en particulier aux femmes, comme cette formidable séquence avec les épouses des dockers du Havre. C’est ce qui fait la réussite de cette entreprise, qui parvient finalement à trouver le bon équilibre entre la mise en avant des français et l’aspect autobiographique, qui relie finalement Visages, villages aux merveilleuses Plages d’Agnès, comme une fable sur le temps qui passe. Si les souvenirs d’Agnès Varda sont bien vivants dans sa tête et que la cinéaste en emmagasine d’autres avant que ses yeux, qui s’affaiblissent plus chaque jour, ne puissent plus rien imprimer, JR parvient grâce à son art à les ramener de manière éphémère à la réalité. C’est beau, universel, poétique et poignant.
LE DVD
Le test du DVD de Visages, villages, disponible chez Le Pacte, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Une toute petite interactivité pour cette édition.
Dans Visages, villages, Agnès Varda compare JR à Jean-Luc Godard, qui avait accepté d’ôter ses célèbres lunettes fumées pour jouer dans l’un de ses courts-métrages, Les Fiancés du pont Mac Donald ou (Méfiez-vous des lunettes noires), mini-film burlesque extrait de Cléo de 5 à 7 (1961) dans lequel « un jeune homme voit la vie en noir quand il porte des lunettes noires. Il lui suffit de les ôter pour que les choses s’arrangent ». Un extrait est d’ailleurs inséré lors de cette scène. Le Pacte propose de visionner ce court-métrage muet, en N&B et virevoltant dans son intégralité (5’). L’occasion d’admirer encore et toujours les complices d’Agnès Varda, Jean-Luc Godard, Anna Karina, Jean-Claude Brialy, Sami Frey, Danielle Delorme, Eddie Constantine et Yves Robert, sur une improvisation musicale de Michel Legrand.
S’ensuivent deux scènes coupées ou allongées, la cabine de plage (4’) et le Département de lettres modernes (3’30).
Cette section se clôt sur une visite de Matthieu Chedid dans le refuge d’Agnès Varda, rue Daguerre (3’30), le teaser et la bande-annonce du film.
L’Image et le son
Dommage de ne pas avoir reçu l’édition HD, car Visages, villages bénéficie d’une édition DVD déjà soignée, qui parvient à restituer les belles images glanées par Agnès Varda et JR tout au long de leurs pérégrinations. La profondeur de champ impressionne, le cadre est très élégant, la colorimétrie scintillante et le relief omniprésent. L’encodage consolide l’ensemble avec fermeté, le piqué est appréciable, les noirs compacts, les ambiances chaudes et les contrastes denses.
A première vue, ou devrait-on dire plutôt à l’oreille, le choix d’une piste Dolby Digital 5.1 pouvait peut-être déconcerter quelque peu pour un film de cet acabit. Pourtant, force est d’admettre que cette option parvient à mettre Visages, villages en valeur avec de belles ambiances intelligemment spatialisées. Les éléments naturels ne manquent pas (le vent, la mer) quand Agnès Varda et JR s’arrêtent pour rencontrer certains habitants, tandis que les voix des protagonistes demeurent constamment claires. Cette piste est donc bien plus qu’une alternative à la piste Stéréo, également de haute qualité. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.
PATERSONréalisé par Jim Jarmusch, disponible en DVD et Blu-ray le 26 avril 2017 chez Le Pacte
Acteurs : Adam Driver, Golshifteh Farahani, Kara Hayward, Trevor Parham, William Jackson Harper, Frank Harts…
Scénario : Jim Jarmusch
Photographie : Frederick Elmes
Musique : Jim Jarmusch, Carter Logan, Sqürl
Durée : 1h58
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Paterson vit dans une ville qui porte le même nom que lui, dans l’Etat du New Jersey. La cité, qui a hébergé plusieurs écrivains, de William Carlos Williams à Allen Ginsberg, inspire également le jeune homme. Chauffeur de bus, Paterson est aussi un poète minimaliste, qui consigne tous ses textes dans un petit carnet. En dehors de cette activité, la vie de Paterson, qui boit tous les jours une bière dans le même bar avant de rentrer chez lui, est parfaitement réglée. Celle de son épouse, l’enthousiaste Laura, artiste particulièrement inventive, s’articule autour du noir et du blanc, qu’elle décline dans toutes ses créations…
Paterson aurait mérité la Palme d’Or. Voilà c’est lâché d’entrée de jeu. Le douzième long métrage de Jim Jarmusch est tellement unique, décalé, inclassable, qu’on lui décernerait d’ailleurs tous les prix. C’est un film magique, mûrit pendant vingt ans, qui agit comme une petite séance d’hypnose, qui installe un univers délicat, moelleux et tendre, teinté d’humour, bordé d’amour et débordant de poésie. Paterson (Adam Driver) vit à Paterson, New Jersey, 150.000 habitants, ville de poètes en décrépitude qui vit passer William Carlos Williams ou encore Allen Ginsberg. Chauffeur de bus d’une trentaine d’années, il mène une vie réglée aux côtés de Laura (Golshifteh Farahani), qui multiplie projets et expériences avec enthousiasme, et de Marvin, bouledogue anglais. Chaque jour, Paterson écrit des poèmes sur un carnet secret qui ne le quitte jamais.
Jim Jarmusch filme le quotidien dans ce qu’il a de plus pur, de plus simple, comme les rituels du matin, 6h15, quand Paterson et Laura se réveillent doucement, caressés par les premiers rayons du soleil. Puis Paterson prend son breakfast avant d’aller travailler. Jim Jarmusch filme sa petite ville située à une trentaine de kilomètres de New York, comme isolée sous un dôme qui serait quasi-infranchissable pour son personnage principal. Il se dégage de Paterson, le film et non le personnage principal, une aura presque fantastique, à l’instar de l’omniprésence de jumeaux croisés sur le chemin du travail. Comme dans Groundhog Day, chaque jour est un éternel recommencement avec les mêmes habitudes d’un couple de jeunes trentenaires. Paterson ne s’en plaint pas, tout comme sa compagne.
S’il n’a visiblement pas l’occasion de dépasser souvent le panneau de sortie de la ville, cela n’empêche pas Paterson de s’évader à travers les mots. Ceux qu’il écoute à travers les multiples conversations dans son bus, le numéro 23, mais aussi ceux qui le hantent, ceux qui viennent à lui, ceux qui doivent être posés dans un carnet qui leur sont destinés. Paterson se réserve plusieurs moments dans la journée, ce sont les siens, faits uniquement pour lui, tandis qu’il se repose dans des lieux encore marqués par la présence du poète William Carlos Williams (1883-1963), grand représentant du modernisme et de l’imagisme, qui lui aussi exerçait une activité professionnelle en parallèle (pédiatre et médecin généraliste) à l’écriture. Dans un autre registre, mais tout aussi présent, il y a aussi le comique Lou Costello, célèbre comparse d’Abbott et dont la statue de bronze trône sur une place. Le personnage principal, magnifiquement interprété par un Adam Driver en état de grâce, n’a pas la prétention d’égaler son poète de référence, qui est d’ailleurs encore omniprésent dans la ville à travers les monuments et fêtes locales organisées, mais les mots le font avancer, accepter doucement, mais sûrement le quotidien. Ces mots exsudent dans une quasi-psalmodie, puis couchés sur le papier, avant d’être recopiés le soir devant une bière en parlant de tout et surtout de rien avec le barman.
Dans cette ville ouvrière, Jim Jarmusch, ne cherche pas le réalisme ou l’étude sociale, d’autant plus que Paterson est une ville en réalité marquée par une forte criminalité et une grande violence jamais évoquées dans le film. Ce que le réalisateur souhaite restituer, c’est cette bulle de confort souvent décriée ou mal vue du train-train, mais aussi la possibilité pour les êtres sensibles d’y trouver leur bonheur et de s’y épanouir. Paterson a donc sa petite amie Laura à ses côtés. Lumineuse, pour ne pas dire solaire, pléonasme quand on sait qu’elle est incarnée par Golshifteh Farahani, Laura déborde de projets : réaliser des cupcakes pour les vendre ensuite sur le marché, dessiner sur les rideaux (elle est décoratrice à ses heures) en noir et blanc uniquement, embrasser Paterson quand il revient du travail, gratter la tête de son chien Marvin tout en pensant peut-être à devenir une chanteuse country. Marvin n’est pas oublié et campe le troisième personnage à part entière du film. Burlesque, charismatique (oui), expressif, ce bouledogue (en réalité campé par la chienne Nellie, disparue avant la sortie du film) a lui aussi ses rituels, notamment avec le poteau de la boîte aux lettres.
Les jours s’écoulent doucement pour Paterson et Laura, ils sont heureux ensemble, on les regarde avec les yeux brillants, on se sent bien avec eux. Jim Jarmusch capture l’essence d’une ville, d’un quartier, d’une maison en particulier et de son trio de personnages ordinaires et pourtant héros de tous les jours, qui parviennent à transformer la vie courante et l’accoutumé en nouvelle aventure. Chaque lever de soleil sera accompagné de nouveaux mots, d’une nouvelle position dans le lit, des cheveux de Laura qui seront étalés différemment sur l’oreiller et dans lesquels on aimerait se noyer. L’humour, la singularité, la poésie sont présents journellement, dans les petits détails ordinaires, dans les instantanés, la pluie, les allumettes de différentes marques disposées un peu partout dans la maison, sans raison aucune, mais dont on remarque la présence, tout en s’interrogeant sur leur diversité et en louant leur beauté singulière.
Alors embarquez à bord de ce bus et laissez vous conduire par Paterson qui vous emmènera à travers les rues lumineuses de cette fable miraculeuse, qui rend le plus bel hommage qui soit aux artistes du quotidien.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Paterson, disponible chez Le Pacte, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Gros bémol de cette édition, l’absence de suppléments en dehors de la bande-annonce.
L’Image et le son
Le Blu-ray au format 1080p est édifiant sur les séquences diurnes tournées en extérieur, avec une admirable restitution des textures et un relief confondant. Même chose dans les intérieurs et les scènes sombres, avec un report des détails mais qui aurait pu être encore plus incisif et le piqué plus vif. La définition n’est évidemment pas décevante et les contrastes sont denses à souhait. La colorimétrie est également éclatante, la clarté très agréable et le cadre habilement exploité avec une brillante profondeur de champ.
Nous trouvons ici deux pistes DTS-HD Master Audio 5.1, anglaise et française. Disons le d’emblée, le soutien des latérales est anecdotique pour un film de cet acabit. Les enceintes arrière servent essentiellement à spatialiser la très belle musique du film et quelques ambiances naturelles. Les dialogues et la balance frontale jouissent d’une large ouverture, et parviennent à instaurer un confort acoustique suffisant. Les sous-titres sont imposés sur la version originale. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants, ainsi qu’une piste d’audiodescription DTS Digital Surround 2.0.
BACCALAURÉAT (Bacalaureat)réalisé par Cristian Mungiu, disponible en DVD et Blu-rayle 12avril2017chez Le Pacte
Acteurs : Adrian Titieni, Maria-Victoria Dragus, Rares Andrici, Lia Bugnar, Malina Manovici, Vlad Ivanov…
Scénario : Cristian Mungiu
Photographie : Tudor Vladimir Panduru
Durée : 2h07
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Romeo, médecin dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en œuvre pour que sa fille, Eliza, soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité qui ne devrait pas poser de problème : obtenir son baccalauréat. Mais Eliza se fait agresser et le précieux sésame semble brutalement hors de portée. Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions…
Pour Baccalauréat, son cinquième long métrage, le réalisateur Cristian Mungiu, révélé par 4 mois, 3 semaines, 2 jours qui lui a valu une Palme d’Or méritée en 2007, s’inspire une fois de plus de faits réels. A l’instar de son précédent film Au-delà des collines, le cinéaste souhaite à travers le drame réaliser une radiographie de la Roumanie d’aujourd’hui, toujours gangrenée par la corruption, qui tente encore de se remettre des années Ceauşescu.
Prenant comme partis pris de ne pas être catégorique dans ses jugements ni de tenter d’identifier les coupables, Cristian Mungiu livre une oeuvre tendue comme un « thriller social » et l’on pense tout du long au cinéma de Michael Haneke (notamment le fabuleux Caché), des frères Dardenne (coproducteurs du film d’ailleurs) et d’Asghar Fahradi. Comme ces derniers, Cristian Mungiu laisse au spectateur le choix de se faire sa propre opinion sur les agissements des personnages. Où est le bien ? Où est le mal ? Qui a raison ? Qui a tort ? Le réalisateur indique « Baccalauréat est une histoire sur les compromis et les principes, sur les décisions et les choix, sur l’individualisme et la solidarité mais aussi sur l’éducation, la famille et sur le vieillissement. C’est l’histoire d’un parent qui se demande ce qui est le mieux pour son enfant, si son enfant devrait être préparé à devenir un survivant dans le monde réel ou s’il devrait se battre pour être toujours honnête et changer le monde autant qu’il le peut ».
Romeo (Adrian Titieni, bouleversant), la cinquantaine, père aimant et responsable, est chirurgien. Son mariage est en crise et il fait chambre à part avec sa femme. Il a une jeune maîtresse. Mais sa seule obsession est de sauver sa fille Eliza (Maria-Victoria Dragus, vue dans Le Ruban blanc de Michael Haneke) de l’avenir peu reluisant qui s’offre à elle si elle devait faire sa vie en Roumanie. Si elle obtient une moyenne de 18 à son bac, elle pourra bénéficier d’une bourse qui lui permettra de quitter le pays pour aller étudier dans une université prestigieuse en Angleterre. Une affaire faite pour cette élève très douée. Mais la veille des examens, l’adolescente est agressée dans un chantier près de la fac. Blessée, choquée, démotivée, elle hésite alors à se présenter à la première épreuve le lendemain matin. Toutefois, Romeo est prêt à tout. Il se tourne alors vers un patient en attente d’une greffe de foie. Influent, ce dernier lui promet d’intervenir afin de corrompre le correcteur des copies. Baccalauréat repose sur une montée de tension palpable et progressive qui prend le spectateur – placé en tant que témoin – aux tripes pour ne plus le lâcher. Quelques secrets cachés éclatent au grand jour et fragilisent les relations au sein de la famille. Que faire ? Que dire ? Le ton monte, le personnage principal, Roméo, médecin réputé, dont Mungiu adopte le point de vue, se trouve constamment face à un dilemme, pris dans une spirale infernale d’entrée de jeu (une fenêtre brisée par une pierre lancée par un inconnu) et se retrouve à utiliser les armes dont il dispose pour enfreindre la loi, dans le seul but d’aider sa fille.
A travers ces conflits intérieurs, le réalisateur dresse un constat pessimiste de son pays et de la perte de confiance de ses habitants. Avec une mise en scène implacable en plans-séquences, une structure virtuose en engrenages, un scénario brillant et le jeu intense de ses merveilleux comédiens magistralement dirigés, Baccalauréat, tout comme les œuvres précédentes de Cristian Mungiu, implique le spectateur qui s’identifie immédiatement aux personnages féminins et masculins, adultes et ados, et c’est là toute la force de son cinéma. Une oeuvre captivante et saisissante sur l’amour et le libre-arbitre, justement récompensée par le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 2016.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Baccalauréat, disponible chez Le Pacte, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.
Après avoir (re)vu Baccalauréat, dirigez-vous immédiatement sur la section des suppléments qui propose un entretien fondamental entre Cristian Mungiu et Michel Ciment, directeur de la revue Positif (45’). Les deux hommes échangent en français sur la genèse du film, l’écriture du scénario (plusieurs faits divers reliés par un fil rouge), les personnages, les thèmes, les points de vue, la mise en scène, le rapport au spectateur, l’usage du son et l’absence de musique, le casting, les décors, le cadre. Tous ces sujets sont abordés longuement et de manière passionnante. Les cinéphiles amateurs de l’oeuvre de Cristian Mungiu ne devront pas manquer ce rendez-vous.
S’ensuivent deux scènes coupées (4’). La première se focalise sur Eliza qui demande à son petit ami Marius de la déposer au centre d’examens le lendemain matin. Ce dernier réagit en lui rappelant qu’elle serait amenée à quitter le pays, et donc lui aussi, si elle devait réussir son baccalauréat. Cela laisserait supposer que l’accusation de Romeo a l’égard de Marius est peut-être justifiée et que le jeune homme aurait peut-être préféré ne pas intervenir lors de l’agression en pensant que cela inciterait Eliza à rester en Roumanie. La deuxième scène montre Romeo et sa maîtresse Sonia le soir, ramenant le chien qu’ils ont percuté en voiture et qu’ils essayent de soigner. Le couple s’embrasse, mais un bruit suspect interrompt le baiser, comme si quelqu’un les observait.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le Blu-ray est au format 1080p. Baccalauréat bénéficie d’un superbe traitement de faveur avec ce master HD élégant. Les contrastes sont à l’avenant, la luminosité des scènes diurnes est éclatante, le piqué acéré y compris en intérieur, les noirs sont denses, le codec AVC solide. Evidemment, la propreté est de mise, les détails foisonnent aux quatre coins du cadre, et hormis quelques saccades notables sur divers mouvements de caméra, la colorimétrie demeure agréablement naturelle, précise et classe.
Baccalauréat est disponible en versions française et roumaine DTS-HD Master Audio 5.1. Il n’y a rien à redire du point de vue dynamique et de la vivacité des dialogues. Les deux mixages sont harmonieux, même si la version originale est évidemment largement conseillée et plus naturelle, respectent l’ambiance intimiste du film, se révèlent fluide et créent un confort acoustique plaisant. Quelques ambiances et effets se font bien entendre sur les latérales, mais l’ensemble demeure anecdotique, surtout que le film se trouve totalement dépourvu de musique. Les sous-titres français sont imposés sur la piste roumaine et le changement de langue est verrouillé à la volée. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Scénario : Joachim Lafosse, Fanny Burdino, Mazarine Pingeot, Thomas Van Zuylen
Photographie : Jean-François Hensgens
Durée : 1h36
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Après 15 ans de vie commune, Marie et Boris se séparent. Or, c’est elle qui a acheté la maison dans laquelle ils vivent avec leurs deux enfants, mais c’est lui qui l’a entièrement rénovée. A présent, ils sont obligés d’y cohabiter, Boris n’ayant pas les moyens de se reloger. A l’heure des comptes, aucun des deux ne veut lâcher sur ce qu’il juge avoir apporté.
Joachim Lafosse (A perdre la raison, Les Chevaliers blancs) est un réalisateur précieux et son dernier film L’Economie du couple est une nouvelle et grande réussite à inscrire à son palmarès. Sur un scénario coécrit avec Fanny Burdino, Mazarine Pingeot et Thomas van Zuylen, Joachim Lafosse explore des thèmes devenus récurrents au fil de sa filmographie, tels que l’amour et ses conséquences, la dette, le lien pervers, les dysfonctionnements familiaux, à travers l’histoire douloureuse d’un couple prêt (ou presque) à se séparer. Cet homme et cette femme sont merveilleusement interprétés par Bérénice Bejo, décidément étonnante depuis Le Passé d’Asghar Farhadi et Cédric Kahn, cinéaste devenu comédien un peu par hasard, qui devient ici un immense acteur à la présence impressionnante.
A l’instar de Mike Nichols pour Qui a peur de Virginia Woolf ?, référence avouée de Lafosse, le cinéaste happe le spectateur de la première à la dernière image au moyen de subtils plans-séquences, le prend à la gorge et resserre son étreinte au fur et à mesure, tout en le poussant à réfléchir et à accepter l’imminente rupture d’un homme et d’une femme, parents de deux petites jumelles. L’Economie du couple cherche à faire partager aux spectateurs la vie de personnage simples dans une situation complexe, ni jugés ni déresponsabilisés, dans un lieu quasi-unique, la maison, « personnage » à part entière, ancienne incarnation du rêve et du bonheur, devenue source et raison d’affrontements. Avec sa mise en scène au cordeau, sobre mais toujours juste et maîtrisée, qui évite le théâtre filmé, ses personnages filmés à hauteur d’homme sans fioritures, Joachim Lafosse suscite l’émotion et la réflexion sur la réalité économique sur laquelle repose un couple.
On en ressort épuisés et bouleversés, y compris quand la famille se trouve réunit quasiment pour la dernière fois autour d’une danse sur la chanson Bella de Maitre Gims. Qui aurait pu penser qu’une scène tournant autour d’un tube aussi gras que celui-là deviendrait une des séquences les plus émouvantes de l’année 2016 ? Entre conflits et accalmies, avec tension et délicatesse, nous observons un couple à vif, Marie et Boris, sur le champ-de-bataille, avec l’argent et les différences sociales en guise de munitions durant cette cohabitation forcée le temps qu’il retrouve un logement – elle est de bonne famille, lui d’un milieu ouvrier et n’a pas les moyens de se reloger – avant la concrétisation de la rupture et de l’éclatement de la cellule familiale.
A fleur de peau, intense, magistral, L’Economie du couple démontre une fois de plus quel grand cinéaste est devenu Joachim Lafosse.
LE DVD
Le DVD de L’Economie du couple, disponible chez Le Pacte, repose dans un boîtier classique, glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Seul supplément de cette édition, un entretien avec Joachim Lafosse (17’). A l’origine, le réalisateur souhaitait adapter Bon petit soldat de Mazarine Pingeot, mais les droits avaient déjà été achetés. Après une tentative de transposer Britannicus de Racine, Joachim Lafosse et Mazarine Pingeot se sont finalement lancés dans l’écriture d’un film sur la fin d’un couple. Le metteur en scène évoque ensuite l’évolution du scénario, ses intentions, le casting, la préparation des comédiens. Les propos sont spontanés, toujours enrichissants et passionnants.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le Pacte prend soin du film de Joachim Lafosse et livre un service après-vente tout ce qu’il y a de plus solide. Les partis-pris esthétiques du chef opérateur Jean-François Hensgens (Tête de turc, Les Chevaliers blancs, A perdre la raison) sont respectés et la colorimétrie claire (avec de nombreuses touches de bleu) habilement restituée. La clarté est de mise, tout comme des contrastes fermes, un joli piqué et des détails appréciables, y compris sur les très présents gros plans des comédiens. Notons de sensibles pertes de la définition et des plans un peu flous, qui n’altèrent cependant en rien le visionnage. Un master SD élégant.
L’éditeur joint une piste Dolby Digital 5.1 qui instaure une spatialisation délicate, mais anecdotique. Les ambiances naturelles et les effets annexes sont plutôt rares et la scène acoustique reste essentiellement frontale, sauf sur la séquence de danse sur la chanson Bella de Maitre Gims. De ce point de vue il n’y a rien à redire, les enceintes avant assurent tout du long, les dialogues étant quant à eux exsudés avec force par la centrale. La Stéréo n’a souvent rien à envier à la DD 5.1. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également de la partie, ainsi qu’une piste en Audiodescription.
LE FILS DE JEANréalisé par Philippe Lioret, disponible en DVD et Blu-rayle 4 janvier 2017 chez Le Pacte
Acteurs : Pierre Deladonchamps, Gabriel Arcand, Catherine de Léan, Marie-Thérèse Fortin, Pierre-Yves Cardinal, Patrick Hivon…
Scénario : Philippe Lioret, Nathalie Carter, d’après le roman « Si ce livre pouvait me rapprocher de toi » de Jean-Paul Dubois
Musique : Flemming Nordkrog
Photographie : Philippe Guilbert
Durée : 1h41
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
À trente-trois ans, Mathieu ne sait pas qui est son père. Un matin, un appel téléphonique lui apprend que celui-ci était canadien et qu’il vient de mourir. Découvrant aussi qu’il a deux frères, Mathieu décide d’aller à l’enterrement pour les rencontrer. Mais, à Montréal, personne n’a connaissance de son existence ni ne semble vouloir la connaître…
Suite à l’échec commercial de Toutes nos envies, Philippe Lioret aura mis cinq ans pour revenir derrière la caméra avec Le Fils de Jean, son huitième long métrage. Adaptée du roman Si ce livre pouvait me rapprocher de toi de Jean-Paul Dubois, cette histoire est la plus personnelle écrite par le réalisateur, qui cherchait depuis très longtemps à évoquer le sujet de la filiation, même si la figure du père traverse l’essentiel de sa filmographie à l’instar de Je vais bien, ne t’en fais pas. La découverte du roman lui a donné les fondations et le point de départ nécessaires pour parler de ces sujets qui lui tiennent visiblement à coeur, mais qu’il n’avait eu de cesse de reporter.
Moins « écrit » que ses précédents scénarios, Le Fils de Jean repose avant tout sur les non-dits, les silences, les regards, les gestes esquissés, contrairement à Toutes nos envies qui manquait de spontanéité et dont les dialogues étaient souvent trop explicites. Pour incarner Mathieu, Philippe Lioret a jeté son dévolu sur Pierre Deladonchamps, révélation de L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie et César du meilleur espoir masculin en 2014. Le comédien s’avère sublime dans ce rôle auquel il apporte une immense délicatesse. Le Fils de Jean est une œuvre extrêmement sensible, tendre et pudique. On sent le réalisateur plus libre que d’habitude, notamment quand la caméra s’attarde sur le regard de Mathieu et dont on devine le cheminement de la pensée. Comme le film est essentiellement tourné au Québec, Philippe Lioret a su entourer Pierre Deladonchamps de merveilleux comédiens du cru, notamment Gabriel Arcand, vu dernièrement dans Le Démantèlement de Sébastien Pilote, Marie-Thérèse Fortin (à fleur de peau) et la sublime Catherine de Léan, véritable révélation du film.
Si l’on devine rapidement où le réalisateur souhaite en venir, Le Fils de Jean interpelle par l’excellence de l’interprétation et ces émotions qui affleurent en permanence. Le personnage de Mathieu, jeune commercial, père d’un petit garçon, divorcé est très attachant et l’audience le suit dans sa quête d’identité dans un pays qu’il ne connaît pas, entouré de personnes inconnues. C’est le cas de Pierre (Gabriel Arcand), ami et ancien collègue du père « biologique » de Mathieu, homme bourru et froid qui a appelé le jeune parisien pour l’informer de la mort de Jean. Mais il y a aussi les deux fils de ce dernier, et donc les demi-frères de Mathieu, qu’il souhaite rencontrer, même si Pierre lui conseille vivement de ne rien dévoiler sur leur lien. A cela s’ajoute le fait que le corps de Jean, décédé pendant une partie de pêche et tombé dans le lac, n’a pas été retrouvé. Mathieu propose alors son aide.
Avec Le Fils de Jean, porté par des comédiens exceptionnels et tourné dans de magnifiques décors naturels, Philippe Lioret signe un de ses films les plus attachants et élégants.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray du Fils de Jean, disponible chez Le Pacte, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissée dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
En guise de bonus, l’éditeur propose un entretien avec Philippe Lioret (16’). Calme, posé, le réalisateur revient sur la genèse – « Les origines de ce film sont les plus diffuses et les plus lointaines » – et le casting du Fils de Jean. La longue gestation du sujet, la découverte du roman Si ce livre pouvait me rapprocher de toi de Jean-Paul Dubois, les repérages au Québec sont abordés avec une grande sensibilité.
L’Image et le son
Le Fils de Jean débarque en Blu-ray chez Le Pacte, dans un transfert très élégant. Cependant, si les contrastes affichent une densité impressionnante, le piqué n’est pas aussi ciselé sur les scènes sombres et certaines séquences apparaissent un peu douces. En dehors de cela, la profondeur de champ demeure fort appréciable avec de superbes scènes au bord du lac, les détails se renforcent et abondent en extérieur jour, le cadre large est idéalement exploité et la colorimétrie est très bien rendue. La définition est quasi-optimale et restitue avec élégance les partis pris de la photographie signée Philippe Guilbert, chef opérateur deJ’enrage de son absence et Les Convoyeurs attendent.
Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 est immédiatement immersif. Les voix sont d’une précision sans failles sur la centrale, tout comme les silences, la balance frontale est constamment soutenue, la douce composition spatialisée de bout en bout. Même chose pour la piste Stéréo, dynamique et riche. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
VICTORIAréalisé par Justine Triet, disponible en DVD et Blu-rayle 18 janvier 2017 chez Le Pacte
Acteurs : Virginie Efira, Vincent Lacoste, Melvil Poupaud, Laurent Poitrenaux, Laure Calamy, Alice Daquet, Sophie Fillières…
Scénario : Justine Triet, Thomas Lévy-Lasne
Photographie : Simon Beaufils
Durée : 1h36
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Victoria Spick, avocate pénaliste en plein néant sentimental, débarque à un mariage où elle y retrouve son ami Vincent et Sam, un ex-dealer qu’elle a sorti d’affaire. Le lendemain, Vincent est accusé de tentative de meurtre par sa compagne. Seul témoin de la scène, le chien de la victime. Victoria accepte à contrecœur de défendre Vincent tandis qu’elle embauche Sam comme jeune homme au pair. Le début d’une série de cataclysmes pour Victoria.
Diplômée de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts, la jeune réalisatrice et scénariste Justine Triet (née en 1978) signe en 2013 son premier long métrage avec La Bataille de Solférino, aboutissement et synthèse de ses courts et moyens métrages, Sur place (2006), Des ombres dans la maison (2009) et Vilaine fille mauvais garçon (2012). Son univers ? Basculer fréquemment d’un ton à l’autre au coeur de chaque scène, d’une situation familière à un événement collectif, tout en s’interrogeant sur la place de l’individu au sein d’un groupe. Etrange symbiose de comédie, de drame et de film à suspense, La Bataille de Solférino s’avérait beaucoup plus réussi dans son dispositif – une fiction plongée dans la véritable foule réunie devant le siège du Parti Socialiste au moment de l’annonce de la victoire de François Hollande le 6 mai 2012 – que dans son histoire centrée sur des personnages dont on ne parvenait pas vraiment à s’attacher, malgré d’excellents comédiens. Trois ans après, la réalisatrice transforme ce coup d’essai avec Victoria, une succulente comédie et offre son plus beau rôle à la délicieuse Virginie Efira.
L’actrice belge interprète Victoria, une jeune avocate en pleine tourmente. Alors qu’elle assiste à un mariage, une jeune femme est blessée d’un coup de couteau et c’est l’un de ses amis (le compagnon de la femme) qui est accusé. Bien que gênée à l’idée de défendre l’une de ses connaissances, elle accepte finalement l’affaire. Dans le même temps, débordée par la gestion de son quotidien, elle embauche Sam, un ancien dealer qu’elle a défendu, comme « homme au pair » pour garder ses deux petites filles. Elle découvre par ailleurs que son ex, qui ambitionne d’être écrivain, a publié sur internet un récit inspiré de leur histoire en l’accablant de tous les maux. Malgré son dynamisme, Victoria est au bord de la crise, tant professionnellement que sentimentalement.
Justine Triet dresse un formidable portrait de femme moderne en télescopant à la fois la vie intime et la vie professionnelle de son héroïne. Un nouveau rôle en or pour Virginie Efira après le récent Caprice d’Emmanuel Mouret qu’elle illuminait à chaque apparition. En inscrivant son histoire dans le registre de la comédie burlesque aux dialogues raffinés, Justine Triet se penche sur les problèmes sentimentaux et sexuels d’une pré-quadra d’aujourd’hui, prise malgré elle dans un quotidien tourbillonnant avec la préparation du procès durant lequel elle doit défendre son ami Vincent (Melvil Poupaud), ou bien encore le harcèlement de son ex David, qui s’inspire des affaires personnelles de Victoria pour nourrir ses histoires publiées sur un blog à succès, sans oublier Samuel (Vincent Lacoste), qui l’encourage à vivre sa vie de femme. Aux côtés de tout ce beau monde, sans oublier l’indispensable Laure Calamy, Virginie Efira crève l’écran dans la peau de cette femme complexe, au bout du rouleau, mais maman célibataire dévouée, qui se retrouve à un carrefour de sa vie. Ou quand la vie professionnelle fait imploser la vie personnelle.
Malgré toutes ces catastrophes qui lui tombent dessus en même temps, Victoria ne s’avoue pas vaincu et va enfin pouvoir renaître. De l’aveu même de Justine Triet, ses références vont de Billy Wilder à Howard Hawks, en passant par Blake Edwards, James L. Brooks et Woody Allen. La réalisatrice a bien digéré ces illustres modèles pour les transposer en comédie française, décalée, sophistiquée, sociale et très attachante, tout en marquant le film de petites touches surréalistes, à l’instar de la scène du procès en présence d’animaux, notamment un dalmatien appelé à la barre, que Victoria semble bien décider à démontrer que son témoignage ne tient pas debout. Ou couché c’est selon.
Radieuse, sexy, naturelle, émouvante et évidemment très drôle, Virginie Efira, en état de grâce, ne fait qu’une avec Victoria, un rôle qui va définitivement marquer sa carrière et pour lequel elle devrait logiquement être nommée aux César de la meilleure actrice en 2017.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Victoria, disponible chez Le Pacte, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissée dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
L’interactivité démarre tout d’abord par le making of (21’) composé évidemment d’images du tournage et d’interviews de la réalisatrice et des comédiens. Justine Triet revient sur la genèse de Victoria, les thèmes qu’elle a voulu explorer, tandis que les acteurs abordent la psychologie des personnages. Ce segment se clôt sur des images de la présentation de Victoria à l’UGC Ciné Cité les Halles.
En plus de la bande-annonce, l’éditeur joint également quelques scènes coupées, certaines visiblement improvisées où Virginie Efira a du mal à se retenir de rire face à Vincent Lacoste. D’autres petites scènes montrent Victoria jouer du piano et chanter quelques airs mélancoliques (14’).
L’Image et le son
Si le rendu n’est pas optimal en raison d’une définition moins ciselée sur les scènes en intérieur, le master HD au format 1080p de Victoria ne manque pas d’attraits… La clarté est bienvenue, la colorimétrie chatoyante, et le piqué affûté sur toutes les séquences en extérieur. Remarqué ces dernières années pour ses superbes photographies de Fidelio, l’odyssée d’Alice de Lucie Borleteau et Les Opportunistes de Paolo Virzì, le chef opérateur Simon beaufils voit ses partis pris esthétiques savamment respectés. Le cadre large fourmille de détails, les contrastes affichent une constante solidité et l’encodage AVC emballe l’ensemble avec brio.
Nous trouvons ici une piste française DTS-HD Master Audio 5.1. Disons le d’emblée, le soutien des latérales est anecdotique pour un film de cet acabit. Les enceintes arrière servent essentiellement à spatialiser la musique du film et quelques ambiances naturelles. Les dialogues et la balance frontale jouissent d’une large ouverture, et parviennent à instaurer un confort acoustique suffisant. La Stéréo est également très bonne et contentera largement ceux qui ne seraient équipés uniquement que sur la scène avant. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.