Test Blu-ray / Paterson, réalisé par Jim Jarmusch

PATERSON réalisé par Jim Jarmusch, disponible en DVD et Blu-ray le 26 avril 2017 chez Le Pacte

Acteurs : Adam Driver, Golshifteh Farahani, Kara Hayward, Trevor Parham, William Jackson Harper, Frank Harts

Scénario : Jim Jarmusch

Photographie : Frederick Elmes

Musique : Jim Jarmusch, Carter Logan, Sqürl

Durée : 1h58

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Paterson vit dans une ville qui porte le même nom que lui, dans l’Etat du New Jersey. La cité, qui a hébergé plusieurs écrivains, de William Carlos Williams à Allen Ginsberg, inspire également le jeune homme. Chauffeur de bus, Paterson est aussi un poète minimaliste, qui consigne tous ses textes dans un petit carnet. En dehors de cette activité, la vie de Paterson, qui boit tous les jours une bière dans le même bar avant de rentrer chez lui, est parfaitement réglée. Celle de son épouse, l’enthousiaste Laura, artiste particulièrement inventive, s’articule autour du noir et du blanc, qu’elle décline dans toutes ses créations…

Paterson aurait mérité la Palme d’Or. Voilà c’est lâché d’entrée de jeu. Le douzième long métrage de Jim Jarmusch est tellement unique, décalé, inclassable, qu’on lui décernerait d’ailleurs tous les prix. C’est un film magique, mûrit pendant vingt ans, qui agit comme une petite séance d’hypnose, qui installe un univers délicat, moelleux et tendre, teinté d’humour, bordé d’amour et débordant de poésie. Paterson (Adam Driver) vit à Paterson, New Jersey, 150.000 habitants, ville de poètes en décrépitude qui vit passer William Carlos Williams ou encore Allen Ginsberg. Chauffeur de bus d’une trentaine d’années, il mène une vie réglée aux côtés de Laura (Golshifteh Farahani), qui multiplie projets et expériences avec enthousiasme, et de Marvin, bouledogue anglais. Chaque jour, Paterson écrit des poèmes sur un carnet secret qui ne le quitte jamais.

Jim Jarmusch filme le quotidien dans ce qu’il a de plus pur, de plus simple, comme les rituels du matin, 6h15, quand Paterson et Laura se réveillent doucement, caressés par les premiers rayons du soleil. Puis Paterson prend son breakfast avant d’aller travailler. Jim Jarmusch filme sa petite ville située à une trentaine de kilomètres de New York, comme isolée sous un dôme qui serait quasi-infranchissable pour son personnage principal. Il se dégage de Paterson, le film et non le personnage principal, une aura presque fantastique, à l’instar de l’omniprésence de jumeaux croisés sur le chemin du travail. Comme dans Groundhog Day, chaque jour est un éternel recommencement avec les mêmes habitudes d’un couple de jeunes trentenaires. Paterson ne s’en plaint pas, tout comme sa compagne.

S’il n’a visiblement pas l’occasion de dépasser souvent le panneau de sortie de la ville, cela n’empêche pas Paterson de s’évader à travers les mots. Ceux qu’il écoute à travers les multiples conversations dans son bus, le numéro 23, mais aussi ceux qui le hantent, ceux qui viennent à lui, ceux qui doivent être posés dans un carnet qui leur sont destinés. Paterson se réserve plusieurs moments dans la journée, ce sont les siens, faits uniquement pour lui, tandis qu’il se repose dans des lieux encore marqués par la présence du poète William Carlos Williams (1883-1963), grand représentant du modernisme et de l’imagisme, qui lui aussi exerçait une activité professionnelle en parallèle (pédiatre et médecin généraliste) à l’écriture. Dans un autre registre, mais tout aussi présent, il y a aussi le comique Lou Costello, célèbre comparse d’Abbott et dont la statue de bronze trône sur une place. Le personnage principal, magnifiquement interprété par un Adam Driver en état de grâce, n’a pas la prétention d’égaler son poète de référence, qui est d’ailleurs encore omniprésent dans la ville à travers les monuments et fêtes locales organisées, mais les mots le font avancer, accepter doucement, mais sûrement le quotidien. Ces mots exsudent dans une quasi-psalmodie, puis couchés sur le papier, avant d’être recopiés le soir devant une bière en parlant de tout et surtout de rien avec le barman.

Dans cette ville ouvrière, Jim Jarmusch, ne cherche pas le réalisme ou l’étude sociale, d’autant plus que Paterson est une ville en réalité marquée par une forte criminalité et une grande violence jamais évoquées dans le film. Ce que le réalisateur souhaite restituer, c’est cette bulle de confort souvent décriée ou mal vue du train-train, mais aussi la possibilité pour les êtres sensibles d’y trouver leur bonheur et de s’y épanouir. Paterson a donc sa petite amie Laura à ses côtés. Lumineuse, pour ne pas dire solaire, pléonasme quand on sait qu’elle est incarnée par Golshifteh Farahani, Laura déborde de projets : réaliser des cupcakes pour les vendre ensuite sur le marché, dessiner sur les rideaux (elle est décoratrice à ses heures) en noir et blanc uniquement, embrasser Paterson quand il revient du travail, gratter la tête de son chien Marvin tout en pensant peut-être à devenir une chanteuse country. Marvin n’est pas oublié et campe le troisième personnage à part entière du film. Burlesque, charismatique (oui), expressif, ce bouledogue (en réalité campé par la chienne Nellie, disparue avant la sortie du film) a lui aussi ses rituels, notamment avec le poteau de la boîte aux lettres.

Les jours s’écoulent doucement pour Paterson et Laura, ils sont heureux ensemble, on les regarde avec les yeux brillants, on se sent bien avec eux. Jim Jarmusch capture l’essence d’une ville, d’un quartier, d’une maison en particulier et de son trio de personnages ordinaires et pourtant héros de tous les jours, qui parviennent à transformer la vie courante et l’accoutumé en nouvelle aventure. Chaque lever de soleil sera accompagné de nouveaux mots, d’une nouvelle position dans le lit, des cheveux de Laura qui seront étalés différemment sur l’oreiller et dans lesquels on aimerait se noyer. L’humour, la singularité, la poésie sont présents journellement, dans les petits détails ordinaires, dans les instantanés, la pluie, les allumettes de différentes marques disposées un peu partout dans la maison, sans raison aucune, mais dont on remarque la présence, tout en s’interrogeant sur leur diversité et en louant leur beauté singulière.

Alors embarquez à bord de ce bus et laissez vous conduire par Paterson qui vous emmènera à travers les rues lumineuses de cette fable miraculeuse, qui rend le plus bel hommage qui soit aux artistes du quotidien.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Paterson, disponible chez Le Pacte, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Gros bémol de cette édition, l’absence de suppléments en dehors de la bande-annonce.

L’Image et le son

Le Blu-ray au format 1080p est édifiant sur les séquences diurnes tournées en extérieur, avec une admirable restitution des textures et un relief confondant. Même chose dans les intérieurs et les scènes sombres, avec un report des détails mais qui aurait pu être encore plus incisif et le piqué plus vif. La définition n’est évidemment pas décevante et les contrastes sont denses à souhait. La colorimétrie est également éclatante, la clarté très agréable et le cadre habilement exploité avec une brillante profondeur de champ.

Nous trouvons ici deux pistes DTS-HD Master Audio 5.1, anglaise et française. Disons le d’emblée, le soutien des latérales est anecdotique pour un film de cet acabit. Les enceintes arrière servent essentiellement à spatialiser la très belle musique du film et quelques ambiances naturelles. Les dialogues et la balance frontale jouissent d’une large ouverture, et parviennent à instaurer un confort acoustique suffisant. Les sous-titres sont imposés sur la version originale. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants, ainsi qu’une piste d’audiodescription DTS Digital Surround 2.0.

Crédits images : © Mary Cybulski / Le Pacte / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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