Test DVD / Les Chiens sont lâchés, réalisé par Falk Harnack

LES CHIENS SONT LÂCHÉS (Unruhige Nacht) réalisé par Falk Harnack, disponible en DVD le 11 juillet 2017 chez Movinside

Acteurs : Bernhard Wicki, Ulla Jacobsson, Hansjörg Felmy, Anneli Sauli, Erik Schumann, Werner Hinz, Richard Münch…

Scénario : Horst Budjuhn, Albrecht Goes

Photographie : Friedl Behn-Grund

Musique : Hans-Martin Majewski

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1958

LE FILM

En Russie, pendant la Deuxième Guerre mondiale, un pasteur est désigné pour assister un soldat condamné à mort pour désertion. Ce soldat est un très jeune homme, presque encore un adolescent, tendre, doux et buté… Il doit être exécuté le lendemain matin. Le pasteur, en possession du dossier de Boranovski, compte passer la nuit à l’étudier, ignorant encore qu’il ne sera pas seul dans sa chambre d’auberge : un jeune capitaine. Von Arnim, doit la partager avec lui. Celui-ci lui dit qu’il vient d’être désigné pour Stalingrad, d’où on ne revient pas, et qu’il a demandé à sa fiancée, infirmière, de venir passer avec lui cette nuit-là, qui sera bien vraisemblablement leur première et aussi leur dernière nuit…

Grand succès du box-office allemand, Les Chiens sont lâchésUnruhige Nacht est l’oeuvre du réalisateur Falk Harnack (1913-1991), qui fut très actif dans la résistance allemande durant la période nazie. Il est issu d’une famille de savants, d’artistes et de scientifiques, dont plusieurs ont payé de leur vie leur résistance antinazie. En 1943, il déserte pour rejoindre la Grèce où il s’allie au Greek People’s Liberation Army, avant de cofonder plus tard et de diriger le « comité antifasciste pour une Allemagne libre ». Les Chiens sont lâchés, réalisé en 1958, est symbolique de son combat et de son cinéma. Poignant, ce drame de guerre est une véritable révélation. Falk Harnack met en scène une poignée de soldats allemands, plongés en plein coeur de la Seconde Guerre mondiale, au cours de la bataille de Stalingrad. Un pasteur militaire parcourt le dossier d’un soldat allemand condamné à mort pour désertion après être tombé amoureux d’une jeune ukrainienne.

L’aumônier Brunner est interprété par le grand acteur allemand Bernhard Wicki, vu dans La Nuit de Michelangelo Antonioni et Paris, Texas de Wim Wenders. Il est également réalisateur et on lui doit entre autres les parties allemandes du Jour le plus long ou bien encore le célèbre film Le Pont, mis en scène en 1959. Dans Les Chiens sont lâchés, sa prestation tout en colère rentrée et immense délicatesse foudroie le spectateur. Son empathie et son amour pour ce jeune homme prénommé Fedor Boranovski (Hansjörg Felmy), dont le recours en grâce a été rejeté une dernière fois, sont traités avec finesse et intelligence. Malgré l’apparente austérité des décors et la sécheresse du montage, la mise en scène est très inspirée (très beaux mouvements de caméra) et l’émotion affleure progressivement, au fur et à mesure que le pasteur découvre l’histoire de celui qu’il doit informer de son exécution, en essayant de lui apporter une tranquillité d’esprit. L’aumônier arrive sur place en fin d’après-midi et découvre que Boranovski, accusé d’avoir déserté (plus de 200.000 jeunes soldats allemands avaient déserté) en ayant profité de la confusion d’une attaque aérienne, doit se faire fusiller le lendemain matin à l’aube.

Durant la nuit, alors qu’il partage sa chambre avec un capitaine sur le point d’être envoyé sur le champ de bataille à Stalingrad et sa fiancée Melanie, Brunner découvre l’histoire de Boranovski. Falk Harnack use alors de récents flashbacks qui dressent le portrait d’un jeune homme qui n’inspirait qu’à vivre comme n’importe quel être humain, qui a rencontré l’amour auprès d’une jeune mère et veuve ukrainienne. Un petit homme moustachu à frange en a décidé autrement. Par ailleurs, ce dernier apparaît seulement en fond sonore pendant un discours, comme si sa présence, ou plutôt son omniprésence était tellement devenue banale qu’on ne faisait même plus attention à lui. Tandis qu’il s’époumone sur la victoire qu’il sent « imminente », les soldats vaquent à leurs occupations, laissant ce chien aboyer dans le vide. Falk Harnack livre un film pacifiste, antimilitariste et antinazi, fortement engagé, beau et très attachant.

LE DVD

Les Chiens sont lâchés intègre la collection Grands films de guerre disponible chez Movinside. Aucun supplément ni de chapitrage, le menu principal, animé et musical, ne propose que le choix des langues (version originale avec ou sans sous-titres français) avant le lancement du film. Si l’éditeur aurait pu proposer une présentation des Chiens sont lâchés par un historien du cinéma, la grande rareté du film l’emporte sur l’absence des suppléments.

L’Image et le son

Movinside propose Les Chiens sont lâchés dans son format original 1.33 (4/3). Le grain original a été lissé quasiment entièrement, la copie a subi un certain dépoussiérage, même si des rayures verticales, points noirs, tâches et raccords de montages demeurent visibles. L’image est stable, divers moirages sont constatés, notamment sur les galons des officiers, sans oublier les décrochages sur les fondus enchaînés. Le N&B est lumineux, la gestion des contrastes équilibrée. Malgré les défauts énumérés, découvrir le film de Falk Harnack est une chance inespérée et nous ne pouvons que saluer l’éditeur pour cette ambitieuse sortie dans les bacs.

Seule la version originale est proposée avec des sous-titres français non imposés. La piste est étonnamment propre, ne serait-ce que deux ou trois craquements, sans souffle parasite et sans bruits de fond. Le confort acoustique est donc assuré.

Crédits images : © BETA FILM. / Movinside / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Seul dans Berlin, réalisé par Vincent Pérez

SEUL DANS BERLIN (Alone in Berlin) réalisé par Vincent Pérez, disponible en DVD le 1er juillet 2017 chez Pathé

Acteurs : Emma Thompson, Daniel Brühl, Brendan Gleeson, Mikael Persbrandt, Louis Hofmann, Katharina Schüttler, Godehard Giese, Jacob Matschenz

Scénario : Achim von Borries, Vincent Perez, Bettine von Borries d’après le roman Seul dans Berlin de Hans Fallada

Photographie : Christophe Beaucarne

Musique : Alexandre Desplat

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Berlin, 1940. Otto et Anna Quangel, un couple d’ouvriers, vivent dans un quartier modeste où, comme le reste de la population, ils tentent de faire profil bas face au parti nazi. Mais lorsqu’ils apprennent que leur fils unique est mort au front, les Quangel décident d’entrer en résistance.

Espoir du cinéma français dans les années 1990 après avoir enchaîné Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, Le Voyage du capitaine Fracasse de Ettore Scola, Indochine de Régis Wargnier, La Reine Margot de Patrice Chéreau, Le Bossu de Philippe de Broca ou bien encore Le Temps retrouvé de Raoul Ruiz et une incursion américaine dans le rôle-titre de The Crow, la cité des anges de Tim Pope, le comédien suisse Vincent Perez a ensuite connu bien des bas. Mis à part Fanfan la Tulipe de Gérard Krawczyk, les années 2000 n’ont guère brillé pour lui. Entre les comédies navrantes (Epouse-moi, Le Libertin, Bienvenue en Suisse) et les films de genre ratés (Les Morsures de l’aube, La Reine des Damnés, Le Pharmacien de garde), Vincent Perez n’aura vraiment participé qu’à un seul bon film, le méconnu Demain dès l’aube… de Denis Dercourt (2009). Bien décidé à rebondir, il s’essaye à la mise en scène avec son premier long métrage, Peau d’ange (2002), avec Guillaume Depardieu. En 2007, il se tourne vers le genre fantastique et les Etats-Unis pour son second film en tant que réalisateur, Si j’étais toi, avec David Duchovny, Lili Taylor et Olivia Thirlby. Dix ans plus tard, il signe son troisième long métrage, Seul dans Berlin, adaptée de l’oeuvre de Hans Fallada publiée en 1947 à Berlin-Est. Ce célèbre roman – Jeder stirbt für sich allein (titre original)évoque la résistance allemande face au régime nazi et les conditions de survie des citoyens allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.

Déjà transposé à la télévision en 1962 et 1970, puis au cinéma en 1975, avant de faire l’objet d’un documentaire en 2013 pour France 3 (Seul contre Hitler), ce livre devenu best-seller international est fondé sur la véritable histoire d’Otto Hampel (rebaptisé Quangel dans le film de Vincent Pérez) et de sa femme Elise, exécutés le 8 avril 1943 pour des actes de résistance antinazie. Seul dans Berlin propose une version quelque peu édulcorée du roman et s’avère une adaptation trop propre, même si le film ne laisse évidemment pas indifférent. En 1940, à Berlin, ville paralysée par la peur, Anna et Otto Quangel ne vivent que pour avoir des nouvelles de leur fils, enrôlé dans l’armée allemande. Quand on leur annonce la mort de leur enfant, leur monde s’écroule. Alors que Hitler est au sommet de sa gloire, ils décident, brisés par le désespoir, d’ébranler le régime nazi à leur façon. Ils disséminent dans toute la ville des pamphlets. Les autorités, irritées par cet acte de rébellion, chargent un certain Escherich de découvrir qui se cachent derrière ces cartes postales. L’étau se resserre peu à peu autour du couple Quangel.

Alors que le roman proposait une description de la barbarie et de la cruauté du Troisième Reich et de la vie des habitants de Berlin pendant la Seconde Guerre mondiale, le film de Vincent Pérez repose sur une reconstitution classique et académique avec des rues clinquantes et des costumes flambants neufs. L’ensemble fait toc, mais ce n’est rien à côté de l’utilisation de la langue anglaise qui rend l’ensemble artificiel, même si Vincent Pérez s’est visiblement battu pour tourner son film en allemand, sans succès et à sa grande déception. Si Emma Thompson et Brendan Gleeson sont comme d’habitude excellents, Vincent Pérez aurait vraiment gagné à tourner son film avec un couple de comédiens allemands et surtout dans la langue de Goethe. Seul dans Berlin s’apparente plus à une illustration qu’à une véritable adaptation. Toutefois, après une première partie maladroite et qui peine à trouver son rythme, la seconde se montre plus passionnante puisqu’elle repose à la fois sur les actes de résistances du couple principal et l’enquête d’Escherich (Daniel Brühl dans la peau d’un agent de la Gestapo qui s’exprime en anglais en forçant l’accent teuton) qui tente de mettre la main sur l’individu qui rédige et dépose des cartes aux messages antinazis aux quatre coins de Berlin.

Seul dans Berlin échoue dans son désir d’émouvoir les spectateurs à cause de sa facture télévisuelle et de ses décors tape-à-l’oeil (le film a essentiellement été tourné à Görlitz, à la frontière polonaise), mais parvient finalement à capter l’attention du spectateur en instaurant un suspense dès l’entrée en scène du personnage d’Escherich qui commence sa chasse à l’homme. Certes, Seul dans Berlin permettra à certains de connaître l’histoire du couple Hampel, mais le film laisse toutefois un sentiment d’inachevé puisque les personnages manquent de chair et que l’empathie – l’émotion donc – peine à prendre.

LE DVD

Après un passage éclair dans les salles françaises en novembre 2016, Pathé édite le film de Vincent Pérez uniquement en DVD. Le disque repose dans un boîtier classique transparent et la jaquette reprend le visuel de l’affiche originale. Le menu principal est animé et musical.

Aucun supplément au programme.

L’Image et le son

Faites confiance à Pathé pour assurer le service après-vente ! Le film de Vincent Pérez n’a certes connu aucun succès dans les salles mais se trouve choyé par l’éditeur. Le master tient toutes ses promesses, la colorimétrie froide souvent désaturée est superbe, les contrastes denses, les détails ciselés sur le cadre large et le relief étonnant. Si la définition n’est pas optimale – certaines séquences en intérieur sont plus douces – le piqué est fort acceptable, et la photo du chef opérateur Christophe Beaucarne (Mal de pierres, La Chambre bleue) est admirablement restituée.

Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre deux mixages anglais et français, Dolby Digital 5.1, aussi probants dans la scène d’ouverture que dans les séquences plus calmes. La première séquence peut compter sur une balance assez percutante des frontales comme des latérales, avec des coups de feu très présents. Les effets annexes sont palpables et souvent dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des séquences au moment opportun. La spatialisation musicale – composition d’Alexandre Desplat – est probante. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue impossible à la volée.

Crédits images : © Christine Schroeder / Marcel Hartman / X Verleih / Pathé / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Bourreaux meurent aussi, réalisé par Fritz Lang

LES BOURREAUX MEURENT AUSSI (Hangmen Also Die!) réalisé par Fritz Lang, disponible en DVD et Blu-ray 13 juin 2017 chez Movinside

Acteurs : Brian Donlevy, Anna Lee, Walter Brennan, Hans Heinrich von Twardowski, Nana Bryant, Margaret Wycherly

Scénario : John Wexley, Bertolt Brecht, Fritz Lang

Photographie : James Wong Howe

Musique : Hanns Eisler

Durée : Version intégrale (2h15), Version française (2h)

Date de sortie initiale : 1943

LE FILM

Dans Prague occupée par les Nazis. Le 27 mai 1942, le Reich Protektor Heydrich est grièvement blessé par une bombe (il meurt une semaine plus tard). L’auteur de l’attentat, le professeur Svoboda, se réfugie par hasard chez le professeur Novotny. Celui-ci est arrêté comme otage par la Gestapo. Marcia, la fille du professeur se rend à la Gestapo. Elle a l’intention de dénoncer Svoboda pour faire libérer son père. Mais Svoboda, devenu héros national, est aidé par les résistants tchèques. Elle se tait mais attire l’attention des S.S. qui la font suivre par l’Inspecteur Grüber. Svoboda feint d’être l’amant de Marcia, pour détourner les soupçons de Grüber qui les suit dans la chambre où se cache le chef de la résistance, blessé. Jan Horek, le fiancé de Marcia, se rend compte du subterfuge et joue également la comédie à Grüber. Par la suite, il rejoint Svoboda à temps et ils tuent Grüber…

Grand amateur du travail de Sigmund Freud, Fritz Lang n’aura de cesse au cours de sa longue et prolifique carrière, de se pencher sur la question du meurtre, des assassins, de la culpabilité. En 1933, Joseph Goebbels propose au cinéaste le poste de directeur du département cinématographique de son ministère, celui de la propagande. Fritz Lang refuse. La légende dit que le réalisateur aurait déclaré à Goebbels que sa mère était juive. Il s’enfuit en France avant de s’installer aux Etats-Unis. Furie, son premier film américain et réquisitoire contre le lynchage, montre l’engagement du réalisateur. Suivront J’ai le droit de vivre (1937), Casier judiciaire (1938), Le Retour de Frank James (1940), Les Pionniers de la Western Union (1941) puis Chasse à l’homme la même année. Avec ce film, Fritz Lang entame une tétralogie antinazie avec Les Bourreaux meurent aussi, Espion sur la Tamise (1944) et Cape et Poignard (1946).

Après Chasse à l’homme, la carrière américaine de Fritz Lang patine et ses projets n’aboutissent pas. Le cinéaste milite pour aider ses compatriotes intellectuels à venir se réfugier aux Etats-Unis. Au même moment, Reinherd Heydrich, protecteur adjoint du Reich en Bohême-Moravie, adjoint d’Himmler, surnommé « le Bourreau », meurt dans un attentat organisé par la résistance tchèque le 4 juin 1942. Fritz Lang décide d’en faire le sujet de son prochain film et de rendre ainsi un vibrant hommage à la résistance. Les Bourreaux meurent aussiHangmen Also Die!, longtemps envisagé sous le titre Never Surrender ou tout simplement No Surrender (repris dans la dernière séquence du film avec le célèbre « NOT THE END » dans le montage intégral) est réalisé en 1943 sur un scénario écrit par John Wexley et surtout l’immense dramaturge Bertolt Brecht, également allemand exilé aux Etats-Unis, dont il s’agit de l’unique collaboration avec Hollywood. Toutefois, il n’est pas mentionné en tant que scénariste au générique suite à une décision du syndicat des scénaristes américains.

L’action se déroule en mai 1942. Dans Prague occupé par la Wehrmacht, le docteur Franticek Svoboda (Brian Donlevy) tue Reinhard Heydrich, alias le Bourreau, un nazi fanatique. Traqué par la Gestapo, il bénéficie aussitôt de l’aide de Mascha Novotny (Anne Lee) qui, orientant ses poursuivants dans une mauvaise direction, l’accueille dans sa famille. Un geste lourd de conséquences car, peu après, la police du Reich arrête son père (Walter Brennan) et plusieurs de ses étudiants. Un communiqué est diffusé dans la ville selon lequel des otages seront fusillés tous les jours tant que le meurtrier de Heydrich ne sera pas retrouvé. Parallèlement, le réseau de Résistance auquel appartient Svoboda (qui signifie « liberté » en tchèque) est noyauté par un riche brasseur, Emil Czaka (Gene Lockhart). Grâce à une série complexe d’événements et la complicité active de nombreux pragois, la Résistance parvient à faire croire que c’est Czaka qui a assassiné Heydrich, mais pas avant que les nazis n’aient exécuté un grand nombre des otages.

Si les faits réels ont été adaptés pour la fiction, Reinhard Heydrich a en fait été tué par trois parachutistes tchécoslovaques, les nazis ayant ensuite massacré toute la population du village de Lidice en guise de représailles avant de le rayer de la carte (sujet du film Hitler’s Madman de Douglas Sirk, sorti également en 1943), Fritz Lang signe un film percutant et une référence du cinéma de propagande. En France, les spectateurs ne bénéficieront que d’une version tronquée de vingt minutes en août 1947. Le film de Fritz Lang est alors perdu au milieu de tout un tas de films américains suspendus durant la guerre. Ce montage circulera en France durant de nombreuses années, jusqu’à ce que le cut original soit présenté pour la première fois en 1963 avec l’aval de Fritz Lang. Pourtant, même si le septième film américain de Fritz Lang n’est pas non plus son plus réussi, la version intégrale US des Bourreaux meurent aussi est un trésor incontestable et s’avère tout aussi indispensable que le reste de la filmographie du cinéaste allemand. Plus ample et fluide, rarissime, le film est encore plus passionnant que ce montage français malmené.

Les coupes interviennent notamment sur les quatre intrigues entrelacées et certaines scènes suggérées dans la version française prennent tout leur sens dans le montage intégral. Les scènes supplémentaires mettent notamment en valeur la résistance des femmes (dont une qui crache au visage du personnage de Czaka interprété par Gene Lockhart), pour ainsi dire inexistantes dans la version française. Le récit s’attarde également sur le quotidien et l’organisation de la Résistance, les exécutions et les passages à tabac. Les dialogues y sont également plus crus et la violence explicite, à l’instar du suicide du chauffeur de Svoboda, arrêté par la Gestapo, qui se défenestre dans la version intégrale et dont le geste fatal est juste évoqué en version française. Autre exemple de scène coupée. Après l’annonce de la mort d’Heydrich dans une salle de cinéma, le corps de l’allemand est montré sur un lit d’hôpital. Dans la version longue, l’assistance applaudie dans la salle de cinéma à l’annonce de l’attentat, un agent de la Gestapo placé au fond de la salle demande qu’on rallume la lumière et à chacun de lui présenter ses papiers. Personne ne l’écoute et l’agent reçoit même un poing dans la figure. Les spectateurs sortent tranquillement de la salle puis un fondu enchaîne avec le corps d’Heydrich à l’hôpital.

Compromis entre réalité historique et divertissement hollywoodien, le film de Fritz Lang traite de la traque de l’assassin de Reinhard Heydrich sous forme d’une fiction prétexte à mettre en valeur le courage de chaque homme, femme et enfant, tous unis contre le Troisième Reich. Fritz Lang instaure une atmosphère oppressante, où la résistance s’organise à chaque coin de rue. Reposant sur un casting exceptionnel où trône le génial et caméléonesque Walter Brennan (le Stumpy de Rio Bravo), Les Bourreaux meurent aussi est une œuvre captivante et formidable, noire et âpre, au suspense haletant, à la frontière de l’expressionnisme et du cinéma hollywoodien classique, mais profondément européenne dans l’âme.

LE BLU-RAY

Le superbe digibook des Bourreaux meurent aussi édité par Movinside dans la collection Les Films de ma vie, renferme le Blu-ray du film. Le petit livret de 32 pages richement illustré délivre quelques notes de production signées Marc Toullec. Le menu principal de cette édition est animé et musical.

Aucun supplément vidéo.

L’Image et le son

En 2008, Carlotta Films éditait en DVD les deux versions des Bourreaux meurent aussi. Mais contrairement à l’édition Movinside proposée ici, il s’agissait bien de la version vue dans les salles françaises, avec le générique dans la langue de Molière, tout comme les inserts (les télégrammes entre autres) réalisés exprès pour cette version, ainsi que le dernier plan qui indiquait un banal « Fin » alors que la version intégrale se terminait sur « NOT » qui emplissait l’écran, suivi de « THE END ». Pour cette sortie en Haute-Définition, Movinside propose certes les deux montages du film, mais il s’agit du même master qui a été tout simplement calé sur le mixage français existant. Exit donc les génériques en français, les inserts et tout simplement la copie qui circulait en 1943. Non seulement ce montage tronqué déséquilibrait le film, mais la copie était également fortement abîmée, tout comme l’était d’ailleurs celle de la version intégrale qui contenait encore de très nombreuses poussières, griffures rayures et autres scories. Le master proposé ici a été restauré en 2012 par la Restoration Department des Studios Pinewood à partir des meilleurs éléments existants dont quelques éléments originaux nitrate. Ce Blu-ray au format 1080p (AVC) propose Les Bourreaux meurent aussi dans son format respecté 1.33 et rend caduque celui édité par Carlotta Films il y a presque dix ans. Le master se révèle souvent pointilleux en matière de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté (l’éclat des yeux des comédiens) et de relief. La propreté de la copie est évidente, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Fritz Lang, la photo entre ombre et lumière signée James Wong Howe (Le Grand chantage, L’Adorable voisine) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Seuls petits accrocs constatés : des petits points noirs et blancs, des contrastes peut-être un peu trop poussés sur certaines séquences, de légers tremblements, des effets de pompage. Mais les fondus enchaînés sont plus ou moins stables et toutes les séquences en extérieur profitent de cette nouvelle promotion en Haute-Définition. Il s’agit sans nul doute de la plus belle copie des Bourreaux meurent aussi disponible à ce jour, même si la véritable version française demeure celle disponible en DVD chez Carlotta Films.

Il ne faut pas trop en demander concernant les mixages…La version d’origine est disponible en français et en anglais, tandis que le montage américain intégral est uniquement présenté dans la langue de Shakespeare. Dans les deux cas, l’écoute demeure souvent confinée, sourde, couverte, même si le mixage de la version intégrale s’en sort globalement mieux en dépit d’un souffle chronique. Mais pour les deux versions, les dialogues demeurent souvent étouffés, la bande-son craque, les voix des comédiens saturent quelque peu. Néanmoins, la restauration de la langue anglaise (et allemande dans ce cas précis) est plus évidente. Les crépitations ne sont pas rares pour la langue de Molière, y compris une présence musicale aléatoire, généralement médiocre.

Crédits images : © Arnold Productions / Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Baron Rouge, réalisé par Roger Corman

LE BARON ROUGE (Von Richthofen and Brown) réalisé par Roger Corman, disponible en DVD et Blu-ray le 23 mai 2017 chez Movinside

Acteurs : John Phillip Law, Don Stroud, Barry Primus, Corin Redgrave, Karen Ericson, Hurd Hatfield, Stephen McHattie

Scénario : John William Corrington, Joyce Hooper Corrington

Photographie : Michael Reed

Musique : Hugo Friedhofer

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

En 1916, dans la France occupée, une forte rivalité oppose d’un côté le baron von Richthofen, surnommé le « Baron Rouge », qui est à la tête de l’escadrille allemande et de l’autre l’as canadien Roy Brown.

Découvreur de talents (Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Joe Dante, Ron Howard, Jonathan Demme, Jack Nicholson, Monte Hellman, Curtis Hanson), Pape de la série B, le prolifique Roger Corman (né en 1926), aujourd’hui producteur de plus de 400 films, a réalisé près d’une cinquantaine de longs métrages de 1955 à 1990. Mis en scène en 1971, Le Baron RougeVon Richthofen & Brown est rétrospectivement un de ses derniers films en tant que réalisateur. Quand il entreprend ce drame de guerre, Roger Corman a déjà 45 films derrière-lui – tournés en 15 ans donc, un record – et se trouve dans un état de fatigue extrême. Le cinéaste avoue d’ailleurs avoir souffert pendant les prises de vues du Baron Rouge, surtout en raison des pressions de la United Artists qui ne lui laisse pas entièrement carte blanche. A l’issue du tournage, suite à cette expérience, Roger Corman crée sa propre société de production et de distribution, New World Pictures, décide d’arrêter la mise en scène et prend même une année sabbatique. Il y reviendra toutefois en 1978 avec Les Gladiateurs de l’an 2000 puis en 1980 avec Les Mercenaires de l’espace, bien qu’il ne soit pas crédité, avant un dernier baroud d’honneur à la caméra en 1990 avec La Résurrection de Frankenstein. Le film qui nous intéresse, Le Baron Rouge, est un formidable opus et typique de l’école Corman.

Le cinéaste fait fi d’un budget somme doute modeste (sa spécialité), moins d’un million de dollars, pour livrer un film de guerre généreux en scènes d’affrontements, qui sont restés célèbres pour ses très nombreuses séquences de combats aériens. En embarquant réellement ses comédiens (et ses caméras) dans les avions d’époque, sans utiliser de transparences qui auraient ruiné l’ensemble, Roger Corman obtient un réalisme inattendu. Une bonne moitié du film se déroule dans les airs où les prestations demeurent particulièrement bluffantes, authentiques et impressionnantes.

1916. Le baron Manfred von Richthofen rejoint le major Oswald Boelcke et son escadrille en France occupée. Cet homme, à la volonté farouche de gagner la guerre et âgé de 23 seulement, appartient pourtant à la vieille école : il se montre chevaleresque et aristocrate dans sa façon de mener le combat. Son attitude est plutôt mal ressentie par plusieurs de ses compagnons, dont Hermann Goering. Dès son arrivée, von Richthofen fait repeindre l’escadrille en couleurs vives, ce qui lui vaut le surnom de «Baron Rouge». Bientôt, la rivalité entre le pilote canadien Roy Brown et le baron se transforme en véritable massacre. Les deux hommes iront jusqu’au bout et n’hésiteront pas à se battre par armées interposées.

L’acteur américain John Phillip Law (Barbarella) campe un Baron Manfred von Richthofen froid voire glacial, mais parvient à rendre son personnage humain, sans pour autant le rendre attachant. Véritable machine de guerre, qui agit pour son pays et qui prend soin des hommes de son escadrille, il imprime la pellicule de ses traits figés et de son regard perçant. Son adversaire, le canadien Roy Brown est interprété par l’Hawaïen Don Stroud, grand habitué des séries B, vu dernièrement dans Django Unchained de Quentin Tarantino et le chef d’oeuvre de la saga James Bond, Permis de tuer. Evidemment plus « détendu » que son homologue allemand, Roy Brown n’en demeure pas moins aussi dangereux une fois installé aux commandes de son avion. Ce qui fait la particularité du Baron Rouge, c’est que Roger Corman n’appuie pas le côté « méchant » des allemands ou au contraire le côté « héroïque » des Alliés, comme certains de ses confrères. Les deux camps sont montrés à égalité. Patriotes, engagés dans cette guerre qu’ils espèrent gagner, les allemands et les anglais subissent autant de pertes et prennent conscience que la mort peut frapper à n’importe quel moment.

Roger Corman soigne sa mise en scène, enchaîne les rebondissements, les scènes de fusillades et d’explosions avec une redoutable efficacité, sans aucun temps mort, même si le film prend beaucoup de libertés avec la véritable histoire, en privilégiant l’action. Alors embarquez sans hésiter dans ce duel sans merci entre deux pilotes légendaires, car Le Baron Rouge reste un formidable spectacle !

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray du Baron Rouge, disponible chez Movinside, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé sur une séquence du film. L’éditeur inaugure ici une nouvelle collection consacrée aux films de guerre.

Aucun supplément sur cette édition. Néanmoins, signalons que Le Baron Rouge est le premier Blu-ray d’un film réalisé par Roger Corman édité en France !

L’Image et le son

Movinside présente Le Baron Rouge en Blu-ray au format 1080p et dans son cadre respecté 1.85. Le générique aérien est marqué par un grain très prononcé, quelques instabilités et une colorimétrie terne. Dès la fin des credits, la copie retrouve une nouvelle fraîcheur. La propreté est de mise, toutes les poussières ont disparu, ainsi que les dépôts résiduels et autres scories. La stabilité est indéniable et les teintes s’avèrent plus naturelles du début à la fin. Mention spéciale au ballet des avions fraîchement repeints, dont le zinc rouge du Baron, particulièrement éclatant. Les divers plans flous sont d’origine et la gestion des contrastes renforcée par la Haute-Définition.

La bande-son semble avoir été restaurée. Les dialogues, tout comme la musique, demeurent propres et distincts sur les pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Certains échanges sont peut-être plus étouffés que d’autres, sauf sur la version française où les voix sont trop mises en avant, un très léger souffle est parfois audible, mais le confort acoustique est appréciable. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © United Artists / Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Alliés, réalisé par Robert Zemeckis

ALLIÉS (Allied) réalisé par Robert Zemeckis, disponible en DVD, Blu-ray et Blu-ray 4K le 4 avril 2017 chez Paramount Pictures

Acteurs : Brad Pitt, Marion Cotillard, Jared Harris, Lizzy Caplan, Daniel Betts, Matthew Goode, Camille Cottin, Thierry Frémont

Scénario : Steven Knight

Photographie : Don Burgess

Musique : Alan Silvestri

Durée : 1h59

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Casablanca 1942.  Au service du contre-espionnage allié, l’agent Max Vatan rencontre la résistante française Marianne Beauséjour lors d’une mission à haut risque. C’est le début d’une relation passionnée. Ils se marient et entament une nouvelle vie à Londres. Quelques mois plus tard, Max est informé par les services secrets britanniques que Marianne pourrait être une espionne allemande. Il a 72 heures pour découvrir la vérité sur celle qu’il aime.

Après sa période « Cinema – Motion Capture » composée du Pôle Express, La Légende de Beowulf et du Drôle de Noël de Scrooge, Robert Zemeckis, l’un des plus grands storytellers du cinéma américain, avait fait un comeback autant apprécié par la critique que des spectateurs avec Flight (2012). Ce drame catastrophe avait été nommé deux fois aux Oscars. Même s’il était très réussi sur la forme, The Walk : Rêver plus haut, biopic sur le funambule Philippe Petit qui avait traversé les deux tours du World Trade Center en marchant sur un filin en acier, s’est en revanche soldé par un échec en ne récoltant « que » 52 millions de dollars dans le monde, pour un budget de 35 millions. Pour son retour à un spectacle plus populaire, Robert Zemeckis accepte de mettre en scène Alliés, sur un scénario écrit par Steven Knight, l’auteur des Promesses de l’ombre de David Cronenberg et lui-même metteur en scène (Crazy Joe avec Jason Statham et Locke avec Tom Hardy), un drame sur fond de guerre, d’espionnage et de paranoïa. Ayant grandi avec les récits se déroulant durant la Seconde Guerre mondiale, Robert Zemeckis y voit l’occasion de rendre un vibrant hommage au cinéma qui lui a donné la passion du 7ème art et sa vocation. Nanti d’un budget confortable de 85 millions de dollars, le cinéaste engage deux stars internationales pour porter ce projet, Brad Pitt et Marion Cotillard.

A Casablanca en 1942, l’agent Max Vatan du SOE (Special Operations Executive), service secret britannique créé par Winston Churchill et la résistante française Marianne Beauséjour font équipe lors d’une mission périlleuse. Max tombe amoureux de la jeune femme et lui propose de le suivre à Londres. Sur place, ils se marient et fondent une famille. Vatan est persuadé d’avoir trouvé le bonheur. Ses supérieurs le convoquent et l’informent que son épouse est en fait un agent double, au service des nazis. Vatan est sommé d’éliminer Marianne. Or, il ne peut croire à la culpabilité de la mère de son enfant, tente de la sonder et va tout tenter pour prouver son innocence. Le réalisateur de la trilogie Retour vers le futur, Contact, Qui veut la peau de Roger Rabbit ? et autres classiques/chef d’œuvres du cinéma était le parfait candidat pour raconter cette histoire d’amour insolite, romanesque et dramatique. Devenu l’un des plus grands spécialistes du cinéma pour utiliser les effets spéciaux au profit de l’histoire qu’il raconte, Robert Zemeckis empoigne son récit avec sérieux, sans doute trop, au premier degré et livre un film souvent fascinant sur la forme, agaçant dans sa lenteur dramaturgique, irritant en raison de l’interprétation improbable de Brad Pitt, balai bien placé, yeux mi-clos et victime d’un ravalement de façade qui fige encore plus que d’habitude ses expressions faciales. Le comédien fait peine à voir, notamment quand il s’exprime dans la langue de Molière – son personnage est franco-canadien – qui s’apparente à du yaourt coupé au muesli. Faisant partie de ces acteurs « beaux gosses » qui s’avèrent beaucoup plus attachants et crédibles quand ils font les marioles, Brad Pitt, regard vide, moue boudeuse, fait pâle figure face à sa partenaire et malheureusement aucune alchimie ne se crée, ce qui est embêtant pour une histoire d’amour.

En tout point remarquable, magnétique, énigmatique, Marion Cotillard trouve un de ses meilleurs rôles à Hollywood avec The Immigrant de James Gray et Public Enemies de Michael Mann. Elle est la raison d’être du film, du début à la fin. Le 18e long métrage de Zemeckis bénéficie d’effets visuels extraordinaires, qui cloue le spectateur à son fauteuil pendant deux heures et qui se font oublier grâce à la virtuosité du réalisateur, à laquelle s’ajoutent un classicisme assumé, la beauté des décors, l’élégance des costumes, tout comme celle de la photographie du chef opérateur Don Burgess, marquée par le spectre de Casablanca de Michael Curtiz et des Enchaînés d’Alfred Hitchcock.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Alliés, disponible chez Paramount Pictures, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.

Paramount Pictures demeure l’un des derniers grands représentants de suppléments dignes de ce nom dans le monde de la vidéo. Comme sur de nombreux titres dont il a la charge, l’éditeur livre près d’1h10 de bonus très bien réalisés, denses, informatifs. Le cinéphile curieux aura de quoi faire à travers dix modules largement illustrés d’images de plateau, de tournage, d’interviews de l’équipe avec notamment Marion Cotillard et Lizzy Caplan, mais aussi le directeur de la photographie Don Burgess, les producteurs, le scénariste Steven Knight, la costumière Joanna Johnston, le réalisateur Robert Zemeckis, les responsables des effets visuels, l’armurier du film, le chef décorateur Gary Freeman, le compositeur Alan Silvestri et bien d’autres intervenants.

Cette section se compose donc des éléments suivants : L’histoire d’Alliés (5’13), Des plateaux au Sahara : les décors d’Alliés (10’10), À travers l’objectif : la réalisation avec Robert Zemeckis (8’49), Coudre le passé : les costumes d’Alliés (8’40), Jusqu’à ce que la mort nous sépare : Max et Marianne (5’52), Garçons et filles : la distribution (5’22), Lumière, pixels, ACTION ! Les effets visuels d’Alliés (9’33), Au volant : les véhicules d’Alliés (3’30), Feu à volonté : les armes d’Alliés (3’35), Ça swingue : la musique d’Alliés (7’06). Possibilité d’enclencher la lecture enchaînée de ces segments riches et passionnants qui dissèquent l’oeuvre de Robert Zemeckis sous toutes les coutures. Aucune trace de Brad Pitt dans les interviews, probablement trop occupé à retirer son balai bien placé.

L’Image et le son

Comme d’habitude, l’éditeur Paramount Pictures soigne son master HD qui se révèle exemplaire. Les contrastes sont d’une densité rarement démentie, à part peut-être durant les séquences sombres où l’image paraît plus douce et moins affûtée, mais cela demeure franchement anecdotique. La clarté demeure frappante, le piqué est affûté, les gros plans précis, les contrastes denses et la colorimétrie reste chatoyante. Les détails sont légion aux quatre coins du cadre large et la copie restitue les partis pris esthétiques, des décors aux costumes. Ce Blu-ray offre de fabuleuses conditions pour revoir le film de Robert Zemeckis, tourné avec la caméra RED «Weapon» 8K, et profiter de la très belle photographie – avec un léger grain – inspirée du Technicolor des années 1950, signée Don Burgess, immense chef-opérateur qui avait déjà collaboré avec le cinéaste sur Forrest Gump, Contact, Apparences, Seul au monde et Flight. L’apport HD sur ce titre est évidemment indispensable et certaines séquences s’avèrent même ébouriffantes de beauté.

La version française doit se contenter d’une piste Dolby Digital 5.1 et c’est bien dommage car l’environnement acoustique est tout aussi soigné que la photographie. Heureusement, la version originale jouit d’un écrin DTS-HD Master Audio 5.1 particulièrement enivrant, immersif et riche dans les scènes agitées. La balance frontale rivalise d’effets et d’énergie avec les latérales, le caisson de basses intervient souvent et à bon escient, tandis que les dialogues demeurent toujours ardents sur la centrale. La précision est de mise tout du long. Toutes les séquences en extérieur s’accompagnent automatiquement d’ambiances naturelles, à l’instar de la scène d’amour dans la voiture plongée dans la tempête de sable. La bande-son, constamment spatialisée, est superbe.

Crédits images : © Paramount Pictures. All Rights Reserved. / Daniel Smith / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Alvarez Kelly, réalisé par Edward Dmytryk

ALVAREZ KELLY réalisé par Edward Dmytryk, disponible en DVD et Blu-ray le 23 janvier 2017 chez Sidonis Calysta

Acteurs : William Holden, Richard Widmark, Janice Rule, Patrick O’Neil, Victoria Shaw, Roger C. Carmel, Richard Rust

Scénario : Franklin Coen, Elliott Arnold, Franklin Coen

Photographie : Joseph MacDonald

Musique : Johnny Green

Durée : 1h55

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

1864. L’éleveur mexicano-irlandais Alvarez Kelly est chargé de livrer à l’armée nordiste un troupeau de 2500 têtes mais les Sudistes qui manquent eux aussi de vivres sont décidés à s’emparer du troupeau. Grâce à Charity Warwick, une belle Sudiste, Kelly tombe dans un piège et se retrouve prisonnier du colonel Rossiter. Ce dernier lui conseille de changer de camp et de voler le troupeau pour le compte des Sudistes. Kelly étant réticent, Rossiter lui promet de lui amputer un doigt pour chaque jour de retard. Kelly est donc obligé d’accepter.

Un bandeau déroulant à l’écran annonce « Dans chaque guerre, à chaque époque, l’arme oubliée est la nourriture car pour tuer les soldats doivent manger, et pour vivre ils doivent manger. Un troupeau de vaches est aussi vital qu’une batterie de canons ». Là-dessus démarre la chanson des Brother Four « Alvarez Kelly rode over the rise, With a heart full of blarney and a gleam in his eyes, And wherever he stopped the gals kept droppin’ like flies, Till a lady from Richmond cut him down to size ». Formidable western réalisé par Edward Dmytryk (1908-1999) en 1966, Alvarez Kelly demeure un des plus grands films du cinéaste américain dont la carrière reste ponctuée par de nombreuses pépites comme Ouragan sur le Caine (1954), La Lance brisée (1954), La Main gauche du Seigneur (1955) et La Rue chaude (1962).

Edward Dmytryk, sympathisant de la gauche politique américaine, adhérant au parti communiste américain, figure parmi les célèbres Dix d’Hollywood. Convoqué par la Commission des Activités Anti-Américaines, il est condamné à six mois de prison, 500 dollars d’amende, puis s’exile en Grande-Bretagne à la fin des années 1940. Il revient peu de temps après aux USA, purge sa peine de prison et à l’instar d’Elia Kazan dénonce finalement certains acteurs, réalisateurs et scénaristes afin de s’affranchir des soupçons qui pèsent sur lui. C’est un scandale, sa carrière ne s’en remettra jamais totalement. Néanmoins, le cinéaste n’aura jamais arrêté de tourner jusqu’à la fin des années 1970. Alvarez Kelly est un divertissement élégant, qui repose à la fois sur le jeu et l’immense talent de ses deux têtes d’affiche, William Holden et Richard Widmark, qui rivalisent de charisme, mais aussi sur la beauté des paysages et des décors naturels de la Louisiane, où le film a été tourné intégralement.

A la fois western et film de guerre, Alvarez Kelly s’attache à un personnage qui ne fait pas de politique et qui vend ses services de spécialiste réputé dans la conduite du bétail, à celui qui saura lui offrir la plus grosse somme d’argent. C’est qu’en temps de guerre, l’approvisionnement en nourriture des troupes est un élément important et stratégique pour la victoire, ainsi qu’un aspect finalement peu traité au cinéma. A l’instar d’un mercenaire, Alvarez Kelly (William Holden) est un pro dans son boulot et ne se pose pas de question quant à celui qui l’embauche. Ainsi, il conduit depuis le Texas un important troupeau de bétail aux abords d’une plantation située près de Richmond (capitale des Sudistes), pendant la guerre de Sécession en 1864, pour le compte des Nordistes où sont implantés le Major Stedman (Patrick O’Neal) et ses troupes. Mais les Confédérés sont aux aguets et décident de s’emparer de cet approvisionnement pour leur compte. Leur armée se fait nécessiteuse, cette nourriture en abondance devient un enjeu important mais il leur faut aussi l’homme qui a les qualifications nécessaires pour convoyer le troupeau. Alvarez Kelly est enlevé par le colonel Tom Rossiter (Richard Widmark), borgne et hargneux. Ce dernier lui ordonne de détourner le troupeau au profit des Sudistes. Devant les hésitations de Kelly, Rossiter menace de lui sectionner un doigt pour chaque jour de retard, s’il n’accepte pas de former ses hommes.

William Holden se délecte dans la peau de ce profiteur de guerre, qui n’hésite pas à s’enrichir grâce à ce conflit qui s’enlise et qui affame les soldats dans les deux camps. Et si quelques dames croisent son chemin, c’est un petit plus non négligeable. Excellent technicien, Edward Dmytryk réalise ici son troisième western après La Lance brisée et L’Homme aux colts d’or, les deux films déjà interprétés par Richard Widmark. Le sujet, fondé sur des faits réels, est aussi passionnant que remarquablement traité, à la fois grand spectacle et drame intimiste, marqué par des dialogues souvent cinglants. De plus, la photo somptueuse et le cadre large participent également à la grande réussite de cette étrange chevauchée, dont l’impressionnante dernière séquence, celle de la ruée de bétail sur les troupes nordistes, reste dans toutes les mémoires.

Le western a changé en 1966 et Alvarez Kelly peut se targuer d’être un opus flamboyant, drôle, mélancolique, bourré d’aventures, remarquablement interprété et mis en scène.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray d’Alvarez Kelly, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Dans sa présentation (10’), Patrick Brion avoue avoir toujours été déçu par le film d’Edward Dmytryk. L’historien du cinéma commence tout d’abord par faire un tour d’horizon du western en cette année 1966, marquée notamment par l’hégémonie du genre en Italie, qu’affectionne également peu Patrick Brion. Ce dernier évoque les westerns réalisés par Edward Dmytryk, avant d’expliquer pour il trouve Alvarez Kelly peu réussi malgré un sujet formidable. Néanmoins, le critique loue cette édition Blu-ray qui permet de revoir le film dans de superbes conditions techniques, ce qui selon lui n’est pas sans redonner un intérêt à Alvarez Kelly.

Sidonis Calysta a réussi à mettre la main sur un documentaire d’une heure consacré à la vie et la carrière de William Holden. Intitulé William Holden : The Golden Boy, ce module réalisé en 1989, compile les témoignages de comédiens et réalisateurs prestigieux, tels que Robert Mitchum, Glenn Ford, Blake Edwards, Robert Wagner, Sidney Lumet, Robert Wise, Cliff Robertson, posés sur de nombreux extraits des films les plus célèbres de William Holden, sans oublier les archives personnelles commentées par Scott Holden, l’un des fils du comédien. De facture classique, ce documentaire oublie de nombreux films, y compris le magnifique Breezy de Clint Eastwood. Il n’en demeure pas moins informatif.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et une galerie de photos et d’affiches.

L’Image et le son

Quelle restauration ! Ce master HD (1080p) permet aux spectateurs de redécouvrir Alvarez Kelly dans de superbes et inédites conditions techniques, même si les puristes risquent de rechigner devant le lissage parfois excessif du grain original. Les volontés artistiques du mythique chef opérateur Joseph MacDonald (La Poursuite infernale, Niagara, La canonnière du Yang-Tsé) sont néanmoins respectées et nous avons l’impression de redécouvrir complètement ce western d’Edward Dmytryk. La copie est souvent sidérante de beauté et de stabilité, le nouvel éclat des couleurs est saisissant. Les noirs sont concis, le piqué vif et acéré, la propreté impressionnante, les détails sur le cadre large sont légion et les contrastes pointus, y compris sur les séquences en intérieur. Les gammes chatoyantes sont harmonieuses et le relief omniprésent. Signalons tout de même quelques plans où le grain semble plus appuyé, visiblement sur des stock-shots, tout comme de sensibles fourmillements durant les scènes où les comédiens ont tourné devant une transparence.

Malgré la réussite du doublage français, privilégiez évidemment la version originale, plus dynamique et équilibrée que son homologue, notamment en ce qui concerne la délivrance des dialogues. La piste française place les voix trop en avant, au détriment des effets annexes et de la musique. L’éditeur a quand même mis le paquet en proposant deux pistes DTS-HD Master audio bien nettoyées, bien que l’ensemble puisse paraître « trop » propre et artificiel. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / USS Indianapolis, réalisé par Mario Van Peebles

USS Indianapolis (USS Indianapolis: Men of Courage) réalisé par Mario Van Peebles, disponible en DVD et Blu-ray le 4 janvier 2017 chez Marco Polo Production

Acteurs : Nicolas Cage, Tom Sizemore, Thomas Jane, James Remar, Matt Lanter, Brian Presley

Scénario : Cam Cannon, Richard Rionda Del Castro

Photographie : Andrzej Sekula

Musique : Laurent Eyquem

Durée : 2h09

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Juillet 1945. Le navire USS INDIANAPOLIS, commandé par le Capitaine McVay, avec à son bord 1196 marins, doit livrer des composants de la bombe atomique. Sur le retour, le navire est torpillé par un sous-marin japonais et sombre dans l’Océan Pacifique en moins de 12 minutes. 300 marins périssent sur le coup. Le reste de l’équipage affronte, pendant plus de 5 jours, les attaques de requins, la déshydratation, la faim, les hallucinations et le désespoir. Seuls 317 survivants sont alors secourus. Le lendemain, Hiroshima est bombardée. 10 jours plus tard, la Seconde Guerre mondiale prend fin. En novembre, le capitaine McVay est envoyé devant la cour martiale.

Mesdames, messieurs, Nicolas Cage est de retour aux affaires. Après le très bon Le Casse des frères Brewer et le très recommandable The Runner d’Austin Stark, Nicolas Cage semble avoir repris les choses en main. Certes, cela ne veut pas dire que l’un des meilleurs comédiens du monde ne se vautrera pas à nouveau dans le navet improbable ou dans le nanar fauché, mais notre bien-aimé Nicolas Kim Coppola, né le 7 janvier 1964 à Long Beach en Californie, signe dans Uss Indianapolis une excellente performance. Si les Direct-To-Video mettant en scène Nicolas Cage sont la plupart du temps risibles de nullité, à l’instar de Tokarev, The Wicker Man, Croisades et Le Chaos, USS Indianapolis est encore une fois très encourageant et aurait même mérité une sortie dans les salles.

Réalisé par Mario Van Peebles en 2015, le film raconte l’histoire du croiseur lourd USS Indianapolis pendant la Seconde Guerre mondiale, le fameux navire coulé par un sous-marin de la Marine impériale japonaise en 1945 dont Quint / Robert Shaw narre le récit dans Les Dents de la mer. Si le budget d’USS Indianapolis est estimé à 40 millions de dollars, la qualité des effets spéciaux laisse franchement à désirer, mais heureusement l’intérêt du film n’est pas là. Le film est avant tout une histoire humaine bien racontée, qui se focalise sur une poignée de personnages très attachants. Si Nicolas Cage a effectivement le premier rôle et s’en acquitte admirablement, il est excellemment entouré de Tom Sizemore, Thomas Jane, Matt Lanter, James Remar et bien d’autres jeunes comédiens très convaincants. Bien sûr, certains tiqueront devant le copier-coller de la scène du naufrage qui plagie ouvertement celle de Titanic, pas avec les mêmes moyens certes, mais quasiment plan par plan au moment où le navire se brise en deux, puis se redresse avant de sombrer.

Puis, le film prend des allures de survival puisque les 900 survivants (sur un équipage de 1200 hommes) se retrouvent au beau milieu de l’Océan Pacifique, livrés à eux-mêmes, entourés de requins. Le jour suivant, il ne reste plus que 692 hommes et les effets de la déshydratation se font ressentir. Les requins sont toujours plus nombreux. Le troisième jour, près de 200 soldats périssent à leur tour. Les secours arriveront par hasard au bout du cinquième jour. 317 âmes seront sauvées. Dans la première partie du film, Mario Van Peebles prend le temps de présenter les personnages sur lesquels l’action se focalisera, à l’instar du jeune Bama (Matt Lanter), qui pense épouser la femme qu’il aime à son retour de mission. La reconstitution est simple, mais efficace. La mise en scène est soignée et malgré un rythme inégal et quelques redondances, l’intérêt demeure soutenu grâce à l’interprétation tendue et le suspens entretenu.

Nicolas Cage n’est pas là pour tirer la couverture et laisse donc largement de la place à ses partenaires. Mais il faut bien dire que nous n’avons d’yeux que pour lui, surtout dans la dernière partie quand son personnage est traduit en justice. En effet, le Captain McVay a été accusé d’avoir mis le navire en péril en négligeant d’adopter la manœuvre adéquate et en donnant trop tard l’ordre d’abandonner le navire. La séquence qui s’ensuit est difficile et Nicolas Cage, magnifique, émeut aux larmes. Drame historique, USS Indianapolis est un très beau film qui mérite vraiment l’attention des spectateurs et qui saura autant combler les fans de Nicolas Cage que les passionnés d’Histoire.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’USS Indianapolis, disponible chez Marco Polo Production, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet. Le visuel de la jaquette se concentre sur Nicolas Cage et saura attirer l’oeil de ses admirateurs les plus fervents. Aucun supplément.

L’Image et le son

USS Indianapolis bénéficie d’un master HD 1080p qui remplit son cahier des charges sans se forcer, mais avec efficacité. Le piqué est probant et acéré, les effets numériques paraissent bien artificiels et ressemblent à des animatiques figés. Les séquences en extérieur sont mieux définies avec une profondeur de champ palpable, des contrastes assurés, une luminosité aveuglante et une colorimétrie riche, froide et métallique. Certains plans sont étrangement floutés, l’image est plus douce sur les scènes agitées qui entraînent une légère perte de la définition, mais ce serait vraiment chipoter car la compression AVC consolide l’ensemble avec brio et les détails sont légion sur le cadre large.

L’ensemble des enceintes sur les pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio 5.1 est mis à contribution aux quatre coins cardinaux. Les ambiances fusent lors des attaques, la musique de Laurent Eyquem bénéficie d’un traitement de faveur avec une belle ouverture, plongeant constamment le spectateur dans l’ambiance. Les dialogues ne manquent pas d’ardeur sur la centrale qui délivre les voix avec plus de peps. Les effets sont souvent balancés de gauche à droite, et des enceintes avant vers les arrières. N’oublions pas le caisson de basses, qui se mêle ardemment à ce petit spectacle acoustique sur les séquences opportunes avec un beau fracas. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée. La version française n’est pas québécoise et Dominique Collignon-Maurin double une fois de plus Nicolas Cage.

Crédits images : © Marco Polo Production / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Chronique du DVD / La Dernière orgie du IIIeme Reich, réalisé par Cesare Canevari

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LA DERNIERE ORGIE DU IIIeme REICH (L’ultima orgia del III Reich) réalisé par Cesare Canevari, disponible en DVD le 4 octobre 2016 chez Artus Films

Acteurs : Adriano Micantoni, Daniela Poggi, Maristella Greco, Fulvio Ricciardi, Antiniska Nemour, Caterina Barbero

Scénario : Cesare Canevari, Antonio Lucarella

Photographie : Claudio Catozzo

Musique : Alberto Baldan Bembo

Durée : 1h32

Date de sortie initiale : 1977

LE FILM

Pendant la guerre, la jolie Lise est envoyée dans un camp de concentration. Le commandant du camp, Conrad Von Starke, succombe à son charme et commence à entretenir une relation de maître à esclave avec elle. Capable d’endurer la souffrance, Lise subit les jeux de domination du SS de plus en plus cruels et sadiques. Quelques années après la fin de la guerre, les deux retournent dans le camp, afin de se remémorer ainsi des souvenirs troubles et malsains.

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Amis du cinéma déviant, bonjour ! La Dernière orgie du IIIème Reich est un des films « emblématiques » du sous-genre du film d’exploitation décrié appelé nazisploitation. Au début des années 1970, le cinéma Bis italien a trouvé un nouveau filon suite aux succès des Damnés de Visconti, de Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pasolini, de Portier de nuit de Liliana Cavani et de Madame Kitty de Tinto Brass. Pour le meilleur pour les producteurs, mais surtout pour le pire pour les spectateurs et les critiques. En 1975, Ilsa, la louve des SS de Don Edmonds avec la très « émouvante » Dyanne Thorne dans le rôle principal pose les bases de ce genre éphémère, très vite récupéré par les italiens à qui rien ne fait peur. Toutefois, La Dernière orgie du IIIème ReichL’Ultima orgia del III Reich, également connu en France sous le titre Des filles pour le bourreau ou bien encore Bourreaux SS, fait partie du dessus du panier et s’avère un film tout à fait réussi dans le (sous) genre.

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Réalisé par Cesare Canevari (1927-2012), metteur en scène de Moi, Emmanuelle (1969), Parties déchaînées (1976) et surtout de Matalo, son chef d’oeuvre réalisé en 1970, cet opus n’est pas aussi irresponsable ou en roue libre comme pouvait l’être par exemple Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich). On y retrouve les mêmes éléments indispensables, autrement dit des scènes sulfureuses durant lesquelles des nazis sont montrés en train de torturer leurs victimes, commettre des actes criminels, des viols, dans des décors souvent dépouillés supposés refléter des camps de concentration. Quelques années après la Seconde guerre mondiale, Conrad von Starke (Adriano Micantoni) arpente les ruines d’un camp d’extermination. Il doit y rencontrer Lise Cohen (Daniela Poggi), une ancienne détenue, qui jadis par son témoignage, a permis à Conrad d’échapper à la peine capitale. Ils font l’amour, et des souvenirs reviennent en mémoire à Lise, à l’époque où Conrad, officier SS, traitait Lisa comme son esclave sexuelle.

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Après une citation de Nietzsche en introduction, le film déroule tranquillement son récit. Une caméra embarquée dans une voiture place le spectateur à la place du mort, tandis que certains témoignages en voix-off, visiblement issus du Procès de Nuremberg, présentent les personnages Conrad Von Starker et de Lise. Le premier a été le bourreau de la seconde, prisonnière juive qui a subi toutes les brimades possibles et imaginables, mais la déclaration de Lise a blanchi Von Starker, qui échappe alors à la prison. Il a pu être réintégré dans la société, mais le souvenir de Lise demeure encore vif. Les deux ont visiblement décidé de se revoir, sur les lieux mêmes qui ont vu naître leur étrange relation.

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La Dernière orgie du IIIème Reich se compose de flashbacks et enchaîne les scènes érotiques et surtout d’humiliations. Certaines séquences sont largement déconseillées aux âmes sensibles, notamment une prisonnière suspendue et trempée dans de la chaux vive, ou bien encore celle – absolument repoussante – du banquet, à base d’aliments issus des corps des prisonniers exterminés, ici un fœtus. Même chose pour la scène de l’orgie qui s’ensuit qui voit les hôtes flamber au cognac une prisonnière en guise de dessert, avant de copuler près du corps calciné.

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La nazisploitation est un sous-genre tellement étrange et glauque, malsain, vicieux et provocateur, mais qui n’a aucune autre prétention que de « divertir » les spectateurs. La Dernière orgie du IIIème Reich ne laisse pas indifférent et n’est sûrement pas un navet, grâce à une solide interprétation, et encore moins un nanar avec une mise en scène tendue et appliquée, une partition soignée d’Alberto Baldan Bembo et une photographie inspirée de Claudio Catozzo.

LE DVD

Le DVD de La Dernière orgie du IIIème Reich, édité chez Artus Films, repose dans un boîtier Amaray classique. La jaquette, estampillée Guerre et barbarie, est très attractive avec un visuel clinquant. Le menu principal est fixe et musical.

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Aucune présentation de La Dernière orgie du IIIème Reich au programme ! Néanmoins, les spectateurs désireux d’en savoir plus sur le genre de la nazisploitation, pourront se reporter sur celle de Christophe Bier présente sur le DVD de Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich).

En revanche, Artus Films propose une fin alternative (5’) durant laquelle – ATTENTION SPOILERS – Lise se relève après avoir assassiné Von Starker. Elle laisse le corps aux bons soins de l’homme aux tics aperçu au début du film, et sort en regardant la cheminée du camp qui crache une fumée noire.

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Cette section se clôt sur un diaporama de photos et d’affiches d’époque et de plusieurs bandes-annonces.

L’Image et le son

Le master 1.77 d’origine (16/9 compatible 4/3) est correct. Du moins le confort de visionnage est suffisant malgré des points blancs, de nombreux fourmillements, des griffures et autres rayures verticales. Les couleurs sont fanées, certains plans flous, mais étrangement, l’état de la copie accentue le malaise distillé par le film.

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La version française est sourde, ou au contraire parfois trop aigüe au point d’irriter les tympans. La piste italienne s’en sort bien mieux avec une plus grande clarté des voix et des effets annexes. Certains passages au doublage perdu passent directement en version originale sous-titrée en français.

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Crédits images : © Artus Films / Captures : Franck Brissard

Chronique du DVD / Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich), réalisé par Luigi Batzella

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HOLOCAUSTE NAZI (ARMES SECRETES DU IIIe REICH) réalisé par Luigi Batzella, disponible en DVD le 4 octobre 2016 chez Artus Films

Acteurs : Macha Magall, Gino Turini, Edilio Kim, Xiro Papas, Salvatore Baccaro

Scénario : Luigi Batzella, Lorenzo Artale

Photographie : Ugo Brunelli

Musique : Giuliano Sorgini

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Les Nazis recherchent les partisans réfugiés dans les montagnes. Pour obtenir des informations, ils séquestrent les femmes des villages alentour, qui sont faites prisonnières dans un camp, dirigé par la SS Ellen Kratsch. Cette dernière mène en parallèle une expérience scientifique, et a créé un monstre hybride mi-homme mi-singe, qu’elle garde en cage. Afin de les faire parler, elle n’hésite pas à lui donner les filles en pâture.

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Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich) fait partie de cette douzaine de films issus du sous-genre du film d’exploitation décrié, appelé nazisploitation. Au début des années 1970, le cinéma Bis italien racle les fonds de tiroir pour lancer un nouveau courant et les succès des Damnés de Visconti, de Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pasolini, de Portier de nuit de Liliana Cavani et de Madame Kitty de Tinto Brass vont lancer quelques idées auprès d’« irresponsables ». La nazisploitation est un courant cinématographique sulfureux dans lequel des nazis sont montrés en train de torturer leurs victimes, commettre des actes criminels, des viols, dans des décors souvent dépouillés supposés refléter des camps de concentration. En 1975, Ilsa, la louve des SS de Don Edmonds avec la très « émouvante » Dyanne Thorne dans le rôle principal pose les bases de ce genre éphémère. Si cette production canadienne sera précédée de deux suites, Ilsa, gardienne du harem en 1976 et Ilsa, la tigresse du goulag en 1977, les italiens plongent tête baissée et vont alors produire quelques longs métrages à ne pas mettre devant tous les yeux. Horreurs nazies (Sergio Garrone, 1976), La Dernière orgie du IIIème Reich (Cesare Canevari, 1977) débarquent sur les écrans, ainsi que Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich).

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Egalement connu sous son titre original La Bestia in Calore, mais également sous The Beast in Heat, Horrifying Experiments in the Last Days of the SS ou SS Hell Camp, Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich) est un fleuron du genre qui ne peut laisser indifférent. Même s’il s’agit du côté déviant du déviant, jusqu’au-boutiste, c’est avant tout une expérience de cinéma à part entière. Entre la série B et la série Z, Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich) pousse tous les curseurs du mauvais goût à fond, à croire que le réalisateur Luigi Batzella (1924-2008), ici sous le pseudonyme Ivan Kathansky, a voulu livrer un des films les plus repoussants. Certes le film est réservé à un public averti et quelques séquences sadiques mettent toujours mal à l’aise aujourd’hui, mais l’ensemble est franchement ridicule et vulgaire. C’est surtout le cas de la bête du titre original « interprétée » par Salvatore Baccaro et son visage déformé par la maladie constamment filmé en gros plan. Pour les amateurs du Bis, Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich) est évidemment un film inconfortable, laid, cruel, complètement crétin et inconscient, avec les atrocités nazies montrées de manière frontale. D’un autre côté, il y a aussi un côté « comics » pour adultes avec sa violence graphique hallucinante, qui n’a pas pour prétention de se montrer « réaliste », d’autant plus par l’expérience centrale du film.

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Les corps apparaissent nus, violentés, fouettés, rongés, meurtris, on y coupe des pénis (hors-champs), on électrocute des vagins (plein cadre), les femmes SS aussi savent être des boute-en-train quoi ! C’est le cas du Dr. Ellen Kratsch, interprétée par Macha Magall, qui rit à gorge déployée devant ses victimes, qui se fout à poil pour mieux les impressionner et qui est surtout contente d’avoir créé une redoutable (rires) bestiole mi-homme mi-primate, constamment assoiffée de sexe. Afin de bien conduire son expérience, la SS Kratsch enferme quelques donzelles fraîchement arrêtées dans la cage de ce surexcité, dont les grimaces éhontées entraînent inévitablement les rires.

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Luigi Batzella (Pour Django les salauds ont un prix, Les Vierges de la pleine lune) explose les frontières du mauvais goût, tout comme la musique de Giuliano Sorgini (Le Massacre des morts-vivants de Jorge Grau) qui met mal à l’aise dès les premières notes. On passe constamment du rire nerveux (les croix gammées apparaissent souvent à l’envers, la mise en scène part en vrille, l’ombre de la caméra apparaît) à l’écoeurement. On ne sait qu’en penser, on s’ennuie pas mal avec cette histoire de résistance, de sabotages et de fusillades dans les Abruzzes aussi rythmée qu’un épisode de Derrick et composée de nombreux stock-shots notamment du film Quand explose la dernière grenade du même réalisateur, mais impossible de rester de marbre devant un tel long métrage !

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LE DVD

Le DVD d’Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich), édité chez Artus Films, repose dans un boîtier Amaray classique. La jaquette, estampillée Guerre et barbarie, est très attractive avec un visuel clinquant. Le menu principal est fixe et musical.

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Acteur vu chez Jean-Pierre Mocky, réalisateur, historien de cinéma et critique de cinéma, Christophe Bier propose une formidable et indispensable présentation d’Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich) (33’). Bien plus passionnant que le film lui-même, cet exposé sur le sous-genre dit de la nazisploitation est brillant du début à la fin. Les titres alternatifs et l’historique de ce courant cinématographique ainsi que ses œuvres les plus célèbres sont d’abord passés en revue par Christopher Bier, qui en vient ensuite au film qui nous intéresse, considéré comme une œuvre culte en Italie et un des films les plus fous du genre. Au-delà de l’aspect « divertissant », notre interlocuteur indique y trouver du fond, notamment l’échec de la virilité et la régression totale de l’homme.

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Cette section se clôt sur un diaporama de photos et d’affiches d’époque et de plusieurs bandes-annonces.

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L’Image et le son

Le premier plan annonce la couleur. Le générique sur fond de croix gammée est tremblant, instable, poussiéreux avec des couleurs complètement fanées. Si cela s’améliore après, le teint des comédiens reste cireux, les raccords de montage subsistent, les tâches et points également. Les stock-shots se voient comme le nez au milieu de la figure avec un grain plus accentué et une gestion des contrastes encore plus aléatoire. Sur les plans «empruntés », les teintes paraissent même parfois en N&B. Le format original 1.77 (16/9 compatible 4/3) est respecté et l’état du master participe à cette sensation de malaise, comme un « documentaire » qui aurait été retrouvé après la Seconde Guerre mondiale.

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La version française s’accompagne d’un étrange écho sur les dialogues. De plus quelques grésillements se font entendre tout du long. La piste italienne s’en sort bien mieux avec une plus grande clarté des voix et des effets annexes. Certains passages jamais doublés en français passent directement en version originale sous-titrée en français.

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Crédits images : © Artus Films / Captures : Franck Brissard