Test Blu-ray / Le Secret des Marrowbone, réalisé par Sergio G. Sánchez

LE SECRET DES MARROWBONE (El Secreto de Marrowbone ou Marrowbone) réalisé par Sergio G. Sánchez, disponible en DVD et Blu-ray le 18 juillet 2018 chez Metropolian Vidéo

Acteurs :  George MacKay, Anya Taylor-Joy, Charlie Heaton, Mia Goth, Matthew Stagg, Kyle Soller, Nicola Harrison, Tom Fisher…

Scénario : Sergio G. Sánchez

Photographie : Xavi Giménez

Musique : Fernando Velázquez

Durée : 1h51

Année de sortie : 2018

LE FILM

Pour ne pas être séparés, Jack, 20 ans, et ses frères et sœurs plus jeunes, décident de cacher à tout le monde le décès de leur mère qui les élevait seule. Ils se retrouvent livrés à eux-mêmes dans la ferme familiale isolée, mais bientôt, d’étranges phénomènes indiqueraient qu’une présence malveillante hante leur unique refuge…

Alors oui, bien sûr, on a déjà sûrement vu ça plusieurs fois au cinéma ces quinze dernières années, mais Le Secret des MarrowboneEl Secreto de Marrowbone ou tout simplement Marrowbone (titre international) est un film très prometteur. Même si le tournage s’est fait en langue anglaise, le titre espagnol renvoie à ses décors naturels (tout le film y a été tourné), mais aussi et surtout à son cinéaste et scénariste Sergio G. Sánchez. Né en 1973, il signe ici son premier long métrage en tant que réalisateur, après avoir écrit les deux premiers films de J.A. Bayona, L’Orphelinat (2007) et The Impossible (2012). D’ailleurs l’oeuvre de ce dernier, jusque dans la musique composée par Fernando Velázquez (Quelques minutes après minuit), imprègne chaque plan et même l’histoire du Secret des Marrowbone. C’est même ce qui en fait sûrement son relatif point faible, puisque le spectateur un tant soit peu intéressé par le cinéma de genre, surtout ibérique, parviendra à anticiper les rebondissements et le twist à la M. Night Shyamalan. Toutefois, la mise en scène, la beauté de la photographie et l’excellence de ses interprètes valent largement le déplacement.

Lorsque leur mère décède, Jack, ses deux frères et leur sœur se réfugient à Marrowbone, une ferme isolée abandonnée depuis des années et qui appartenait à leur grand-tante. Par peur d’être séparés et placés dans des foyers différents, ils décident d’enterrer le cadavre de leur mère dans le jardin et continuent à faire croire qu’elle est toujours vivante. Un jour, alors qu’ils sont isolés du monde extérieur, un notaire débarque chez eux pour demander à leur mère de signer un testament. La demeure est également hantée et renferme un secret dans le grenier…

En fait, raconter l’histoire du Secret des Marrowbone en dit déjà presque trop. Sans « singer » le cinéma de celui qui lui a donné sa chance dans le milieu, qui apparaît ici en tant que producteur et avec lequel il a fait ses premières armes sur des films importants, Sergio G. Sánchez démontre surtout ici un don pour le storytelling, pour la direction d’acteurs et pour instaurer une ambiance inquiétante, tout en privilégiant l’émotion et les liens entre les personnages. Pas étonnant que le metteur en scène se soit vu remettre le Prix Goya du meilleur nouveau réalisateur en 2018. En fait ce que l’on retient avant tout du Secret des Marrowbone, également influencé par les incontournables du genre (Les Innocents de Jack Clayton, Rebecca d’Alfred Hitchcock, Les Autres d’Alejandro Amenábar), c’est avant tout les comédiens.

Le rôle principal est tenu par le britannique George MacKay, l’une des révélations du magnifique Captain Fantastic de Matt Ross (2016), vu également dans la série 22.11.63 adaptée de l’oeuvre de Stephen King. Magnétique et à fleur de peau, George MacKay est assurément l’un des grands acteurs en devenir et porte admirablement le film de Sergio G. Sánchez. C’est aussi le cas de la désormais incontournable Anya Taylor-Joy. Après The Witch de Robert Eggers, Morgan de Luke Scott et Split de M. Night Shyamalan (bientôt dans Glass), la comédienne confirme son aura, son charisme et l’art d’inspirer les réalisateurs de genre. Le reste du casting est du même acabit avec Charlie Heaton (Stranger Things), Mia Goth (A Cure for Life) et Kyle Soller (la série Poldark), tous vraiment épatants.

Le Secret des Marrowbone a du mal à se sortir d’un certain cahier des charges. On sent le nouveau réalisateur appliqué, chaque plan étant particulièrement soigné, également soutenu par le travail du chef opérateur Xavi Giménez, ancien collaborateur de Jaume Balagueró sur La Secte sans nom ou de Brad Anderson sur The Machinist. Une pléthore de talents réunis à la fois devant et derrière la caméra. Si au final ce conte émeut bien plus qu’il donne les frissons, Le Secret des Marrowbone, présenté en ouverture de Gérardmer en 2018, qui mélange allègrement thriller, horreur, fantastique et histoire d’amour, n’est en aucun cas déplaisant et mérite l’attention des spectateurs et des cinéphiles.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray du Secret des Maroowbone, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est élégant, animé et musical.

Point de making-of à l’horizon, ni d’interviews, mais une grande quantité de scènes coupées (28’). Ces séquences prolongeaient notamment la relation entre Jack et Allie, ainsi que d’autres moments clés du film. Mais la plupart des scènes laissées sur le banc de montage dévoilaient également trop le twist final et l’on comprend aisément pourquoi le réalisateur les a écartées. On se demande également pourquoi elles avaient été écrites tant celles-ci paraissaient trop explicites. Une fin alternative, très jolie, est également disponible.

L’interactivité comporte également une bande-démo avant/après l’incrustation des effets visuels, ainsi que des bandes-annonces et des liens internet.

L’Image et le son

Metropolitan est synonyme d’excellence : relief, colorimétrie, piqué (acéré), contrastes (impressionnants), densité des noirs, on en prend plein les yeux. Les teintes sont chatoyantes et chaque détail aux quatre coins de l’écran est aussi saisissant qu’étourdissant. Ce transfert immaculé soutenu par un encodage AVC solide comme un roc laisse pantois d’admiration. Heureusement, les scènes sombres sont logées à la même enseigne. Ce master HD du Secret des Marrowbone permet de découvrir le film dans de superbes conditions. Le léger grain inhérent à la photo d’origine est respecté.

Le spectateur est littéralement plongé dans l’atmosphère du film grâce aux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 anglais et français. La composition de Fernando Velázquez est distillée par l’ensemble des enceintes. Nous sommes en plein conte et les latérales, ainsi que les frontales et le caisson de basses remplissent parfaitement leur fonction, à savoir distiller un lot conséquent d’effets qui font sursauter, même à bas volume. Les conditions acoustiques sont donc soignées, amples, précises, les voix des comédiens jamais noyées. Une piste Audiodescription est également disponible, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Incidents de parcours, réalisé par George A. Romero

INCIDENTS DE PARCOURS (Monkey Shines) réalisé par George A. Romero, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 août 2018 chez ESC Editions

Acteurs :  Jason Beghe, John Pankow, Kate McNeil, Joyce Van Patten, Christine Forrest, Stephen Root, Stanley Tucci, Patricia Tallman…

Scénario : George A. Romero d’après le roman Monkey Shines de Michael Stewart

Photographie : James A. Contner

Musique : David Shire

Durée : 1h53

Année de sortie : 1988

LE FILM

Allan, jeune homme à l’avenir prometteur, est un jour victime d’un accident qui le paralyse totalement. Grâce à Ella, un singe capucin que lui a donné son ami Geoffrey, Allan reprend goût à la vie. Seulement Geoffrey est un génie de la recherche scientifique. Sa dernière trouvaille : augmenter l’intelligence des primates en leur injectant un sérum constitué de tissus du cerveau humain. Bien entendu, Ella n’a pas échappé à ses expériences.

Non, l’immense George A. Romero (1940-2017) n’est pas « que » le réalisateur de films de zombies. Incidents de parcours (1988), titre français idiot de Monkey Shines, est le dixième long métrage du cinéaste. Certes, les cinéphiles retiennent essentiellement La Nuit des morts-vivantsThe Night of the Living Dead (1968), Zombie (1978), Creepshow (1982) ou bien encore Le Jour des morts-vivantsDay of the Dead (1985), mais résumer la carrière du metteur en scène par ces films emblématiques serait – comme on le dit dans Last Action hero – une monumentale erreur. Incidents de parcours, réalisé trois ans après Le Jour des morts-vivants, est l’adaptation du roman de Michael Stewart, Monkey Shines. Comme il le fera en 1992 pour La Part des ténèbres, tiré du roman éponyme de Richard Bachman alias Stephen King, le réalisateur s’approprie le matériel original pour aborder les thèmes qui lui sont chers (ou « chairs » devrait-on dire), entre autres la part d’animalité présente en chaque être humain, les dérives de la science avec l’homme qui se prend pour Dieu. Méconnu en dehors du cercle de ses admirateurs, comme Knightriders (1981), Incidents de parcours mérite pourtant d’être reconsidéré et reste un sacré tour de force de George A. Romero.

Allan Mann est un brillant étudiant en droit. Il est jeune, sportif, le monde semble s’ouvrir à lui jusqu’au jour où, victime d’un accident, il devient tétraplégique. Son monde s’écroule et bientôt Allan ne voit plus que le suicide comme porte de sortie. Pour le sortir de sa dépression, Geoffrey, un ami chercheur, lui offre alors un petit singe capucin du nom d’Ella. Elle est dressée pour accompagner et aider les handicapés dans leurs vies quotidiennes. Ella se révèle extrêmement brillante et ingénieuse et bientôt une relation fusionnelle s’instaure entre elle et son maître. Relation qui devient exclusive, Ella ne supportant pas la présence de Mélanie, la kinésithérapeute d’Allan et plus généralement toute personne s’interposant entre elle et son maître.

Trente ans après sa discrète sortie dans les salles, Incidents de parcours demeure une vraie petite leçon de mise en scène. Le rythme est lent, mais toujours maîtrisé et le récit repose sur un montage percutant qui ne laisse aucun moment de répit au spectateur. Le cinéaste est en pleine possession de ses moyens et démontre son art du storytelling. Monkey Shines se déguste comme un roman que l’on dévorerait page après page. Par ailleurs, le film n’est certainement pas à classer dans le genre épouvante, mais se révèle être un drame intimiste parasité par l’incursion du fantastique et du thriller. On pense alors à David Cronenberg ou plus spécialement à Stephen King, ami du cinéaste. Un temps pressenti pour réaliser Les Vampires de Salem à la fin des années 1970, George A. Romero avait ensuite collaboré avec l’écrivain sur Creepshow, avant de travailler sur l’adaptation de Simetierre, qui ne verra finalement pas le jour. Les deux hommes se distinguent par leur capacité à rendre le surnaturel réaliste, qui s’immisce dans le quotidien le plus banal. C’est le cas dans Incidents de parcours, qui repose également sur un excellent casting de têtes méconnues, ce qui renforce l’empathie pour les personnages.

Jason Beghe, vu dans la série Californication, qui en dehors de sa barbe postiche digne d’un hérisson mort, parvient à rendre son personnage toujours attachant malgré son ambiguïté. A ses côtés, quelques têtes plus « reconnaissables » à inscrire dans la catégorie «On ne sait jamais comment ils s’appellent », comme celle de John Pankow (Police fédérale, Los Angeles) ou bien celle désormais plus célèbre de l’excellent Stanley Tucci dans une de ses premières apparitions au cinéma. Sans oublier le charme de Kate McNeil. Mais l’un des personnages principaux s’avère le capucin, seule « star » visible sur l’affiche du film. On imagine volontiers la patience nécessaire de la part de l’équipe pour obtenir les réactions désirées, surtout pour le dernier acte, énorme morceau de bravoure où les rebondissements s’enchaînent pendant près de vingt minutes, quand l’homme doit faire face à ses instincts primaires. L’ombre d’Alfred Hitchcock plane également sur Monkey Shines, et plus particulièrement de Psychose auquel on ne peut s’empêcher de penser pour la sous-intrigue avec la mère du personnage principal, qu’il appelle plusieurs fois « Mother ».

Produit et distribué par la société Orion Pictures (Terminator, RoboCop, Platoon, Le Silence des agneaux), Incidents de parcours fait partie de ce genre de films que l’on redécouvre avec un plaisir non dissimulé. D’une part en raison de la nostalgie que l’on peut avoir pour ce genre de productions typiques des années 80, d’autre part parce qu’il s’agit d’un vrai bon film, en dehors de son happy-end convenu imposé à Romero par le studio, que l’on déterre comme une pépite en ayant la conviction qu’il mériterait une audience bien plus large.

LE BLU-RAY

Jusqu’ici indisponible en France, Incident de parcours arrive dans les bacs en DVD et combo Blu-ray+DVD+livret exclusif (24 pages) écrit par Marc Toullec, en édition limitée, sous les couleurs de ESC Editions. Le menu principal est animé et musical.

En plus des bandes-annonces d’Incidents de parcours, de Jeu d’enfant et de Street Trash, ne manquez pas l’intervention de l’excellent Julien Sévéon (22’). L’auteur de l’ouvrage George A. Romero : Révolutions, Zombies et Chevalerie (Popcorn, 2017), propose une brillante et passionnante analyse du film qui nous intéresse ici. Monkey Shines est également replacé dans la filmographie du cinéaste, tout comme les thèmes abordés sont croisés avec ceux déjà présents dans les autres opus de George A. Romero. Le journaliste aborde les conditions de tournage d’Incidents de parcours (notamment avec les capucins), indique les différences avec le roman original (inédit en France) de Michael Stewart et comment le réalisateur a su s’approprier l’histoire originale pour y mettre ses propres obsessions, en dépit d’une fin optimiste imposée par le studio. Notons également que deux courts extraits d’interviews de George A. Romero se greffent à cet entretien.

L’Image et le son

Pour son trentième anniversaire, Incidents de parcours arrive dans un nouveau master Haute-Définition et nous ne sommes pas déçus ! Avec son format respecté 1.85 et une solide compression AVC, ce Blu-ray au format 1080p permet de (re)découvrir le film de George A. Romero dans de très bonnes conditions techniques. La copie est très propre, stable et lumineuse, la restauration impressionnante, les contrastes bien équilibrés. Les détails étonnent souvent par leur précision, notamment sur les gros plans détaillés à souhait (la sueur qui brille sur le front d’Allan), les couleurs retrouvent un éclat inespéré. Le grain argentique est également bien géré, même si plus épais sur les séquences sombres.

Les versions originale et française bénéficient d’un mixage DTS HD Master Audio 2.0. Le confort acoustique est assuré dans les deux cas. L’espace phonique se révèle suffisant et les dialogues sont clairs, nets, précis, même si l’ensemble manque de vivacité sur la piste anglaise. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière, aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / MGMCaptures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Fantôme avec chauffeur, réalisé par Gérard Oury

FANTÔME AVEC CHAUFFEUR réalisé par Gérard Oury, disponible en Blu-ray le 20 juin 2018 chez Gaumont

Acteurs :  Philippe Noiret, Gérard Jugnot, Jean-Luc Bideau, Charlotte Kady, Daniel Russo, Béatrice Agenin, Maxime Boidron, Sophie Desmarets, Daniel Gélin…

Scénario :  Francis Veber

Photographie : Robert Fraisse

Musique : Wojciech Kilar

Durée : 1h21

Année de sortie : 1996

LE FILM

Philippe Bruneau-Tessier, grand patron d’usines, et son fidèle chauffeur, Georges, décèdent tous deux d’une mort violente à vingt quatre heures d’intervalle. Ils n’avaient rien en commun de leur vivant mais les deux fantômes auront quarante huit heures avant le grand appel pour apprendre à mieux se connaître au cours d’une fantastique aventure posthume.

Fantôme avec chauffeur est l’avant-dernier long métrage de Gérard Oury, l’homme aux 69 millions d’entrées en France. Après la déconvenue Vanille fraise (1989), La Soif de l’or avait redonné quelques couleurs au réalisateur, puisque le film avec Christian Clavier avait engrangé plus d’1,5 million d’entrées dans les salles en 1993. En voyant les triomphes des Visiteurs et des Anges gardiens, qui comprenaient de nombreux effets spéciaux numériques, Gérard Oury décide d’utiliser ces nouveaux outils pour sa prochaine comédie. Mais pour la première et unique fois de sa carrière, le cinéaste ne collabore pas au scénario et laisse le grand Francis Veber s’en occuper seul. A sa sortie, Fantôme avec chauffeur a été très mal accueilli par la presse et seulement 400.000 spectateurs avaient fait le déplacement pour découvrir Philippe Noiret et Gérard Jugnot devenir des spectres grâce aux trucages créés par un certain Pitof. Comédie-fantastique qui a recours à quelques gags lourdingues, le film étonne cependant par son émotion, grâce notamment à une histoire de filiation et d’amour père-fils.

Alors oui, rétrospectivement, il s’agit d’un des films les plus faibles de Gérard Oury et probablement du scénario le plus basique et scolaire de Francis Veber. A une époque, cette association aurait probablement pulvérisé le box-office, ce qui n’a malheureusement pas été le cas ici. Pourtant, Fantôme avec chauffeur est loin d’être un film déplaisant. Les deux têtes d’affiche semblent complices et s’amusent visiblement à se donner à la réplique, tout en jouant avec ce que les effets visuels leur permet de faire à l’écran. Les CGI de l’époque ne pouvaient déjà pas rivaliser avec ce qui se faisait aux Etats-Unis et l’ensemble fait très franchouillard, pourtant les séquences truquées s’accompagnent d’une certaine poésie. On pense alors à Garou-Garou, le passe-muraille, réalisé par Jean Boyer sorti en 1951, dans lequel Bourvil se réveillait avec le don de traverser les murs et qui au détour d’une scène mettait une gifle à…Gérard Oury.

Bénéficiant d’un budget très modeste, le réalisateur de La Grande vadrouille insuffle un charme rétro à son récit pourtant contemporain et aux images de synthèse alors à la pointe de la technologie. Fantôme avec chauffeur apparaît également comme une œuvre testamentaire. Le thème de la mort est évidemment omniprésent durant 1h15. Gérard Oury avait 76 ans au moment du tournage de son seizième film. Après une carrière en tant qu’acteur et une autre exceptionnelle en tant que scénariste et metteur en scène, la vue déclinante, Gérard Oury pensait peut-être qu’il s’agirait de son ultime long métrage. Si Le Schpountz (1999) allait démentir cela, Fantôme avec chauffeur évoque le passage de relais dans un monde en pleine mutation.

Le personnage joué par Philippe Noiret a sans doute eu un enfant très tard dans sa vie. Plusieurs fossés de générations les séparent. L’héritier de Bruneau-Teissier est un jeune homme passionné par les jeux vidéo, qui se réfugie dans une réalité virtuelle. La mort de son père et la chance laissée à Bruneau-Teissier de rester quelques jours auprès de son fils, vont finalement les rapprocher, les faire se découvrir, pour enfin se parler et se dire les sentiments qu’ils ont l’un envers l’autre. Malgré l’excellence de Gérard Jugnot, on sent que Gérard Oury accorde plus d’importance au personnage de Philippe Noiret. Le chauffeur, Georges Morel est juste là pour entraîner les quiproquos. Tout ce qui tourne aux histoires de cul du personnage, son trafic de drogue et ses petites combines ne fonctionnent pas et intéressent encore moins.

Toujours est-il que Fantôme avec chauffeur est une petite comédie sympathique, qui se laisse revoir avec plaisir.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Fantôme avec chauffeur, disponible chez Gaumont, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet.

Les suppléments sont peu nombreux et se résument à la bande-annonce et une présentation du film par Yves Alion (21’30). Le journaliste, critique et historien du cinéma défend Fantôme avec chauffeur qu’il affectionne tout particulièrement. Après avoir dressé une liste des films de Gérard Oury, Yves Alion en vient à la collaboration du réalisateur avec les comédiens, puis plus précisément à la mise en route, au tournage, aux effets visuels et aux thèmes de Fantôme avec chauffeur.

L’Image et le son

Le master HD est correct. Ce n’est pas non plus transcendant et l’image fait un peu vieillotte, mais au moins la copie est très propre, stable et les nombreuses séquences truquées sont plutôt homogènes. Seules les scènes de nuit sont moins bien définies, surtout sur les transparences ou quand les images de synthèse sont présentes, à l’instar des deux fantômes qui passent à travers le capot de la DS lors de la course-poursuite. Sinon les couleurs sont jolies, les contrastes soignés.

Le mixage DTS-HD Master Audio 2.0 instaure un réel confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Wojciech Kilar est bien lotie. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : ©  Gaumont / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Buffy, tueuse de vampires réalisé par Fran Rubel Kuzui

BUFFY, TUEUSE DE VAMPIRES (Buffy the Vampire Slayer) réalisé par Fran Rubel Kuzui, disponible en DVD et Blu-ray le 27 avril 2018 chez Movinside

Acteurs :  Kristy Swanson, Donald Sutherland, Paul Reubens, Rutger Hauer, Luke Perry, Michele Abrams, Hilary Swank, Paris Vaughan, David Arquette, Thomas Jane, Natasha Gregson Wagner, Ben Affleck, Alexis Arquette, Seth Green, Ricki Lake…

ScénarioJoss Whedon

Photographie : James Hayman

Musique : Carter Burwell

Durée : 1h25

Année de sortie : 1992

LE FILM

Pom-pom girl dans un lycée de Los Angeles, Buffy Summers ignorait qui elle était vraiment jusqu’au jour de la rencontre avec Merrick Jamison-Smythe. Il lui apprend qu’elle est une tueuse de vampires, désignée comme telle par des aptitudes physiques hors du commun. Au terme d’une formation accélérée et de la disparition de son mentor, elle affronte Lothos, le plus féroce des descendants de Dracula…

Seuls les vrais fans de la série Buffy contre les vampires sont au courant, mais à l’origine, cinq ans avant le lancement de la première saison, sortait sur les écrans américains une comédie fantastique intitulée Buffy, tueuse de vampiresBuffy the Vampire Slayer. Réalisé par une certaine Fran Rubel Kuzui, qui avait signé Tokyo Pop en 1988 et future productrice de Capitaine Orgazmo (1997) de et avec Trey Parker, Buffy, tueuse de vampires est aujourd’hui injustement considéré comme un nanar. Pourtant, ce délire assumé aux couleurs bariolées et au casting fort sympathique est un excellent divertissement qui n’a souvent rien à envier aux opus du genre qui pullulent dans les salles de cinéma aujourd’hui. Cependant, même si le scénario est signé Joss Whedon, il ne reste rien des intentions – beaucoup plus sombres et introspectives – de ce dernier, qui l’a d’ailleurs toujours rejeté avant même sa sortie.

Buffy est une pom-pom girl populaire au Lycée Hemery à Los angeles, dont la vie se résume surtout à faire du shopping et la fête avec sa bande de copines. Jusqu’à sa rencontre avec un homme du nom de Merrick Jamison-Smythe. Il lui apprend qu’elle est La Tueuse (ou la Terreur en français) – une jeune femme née avec une force et une habileté supérieures à la moyenne et dont la destinée est de lutter contre les vampires. Elle admet s’être vue en rêve combattre des vampires et accepte finalement son « destin ». Après une brève formation, elle doit affronter un maître Vampire appelé Lothos, qui a éliminé un certain nombre de Tueuses par le passé.

Buffy, tueuse de vampires n’a pour ainsi dire rien à voir avec la série, immense succès public et critique qui s’est étalé sur sept saisons (de 1997 à 2003), au fil de 144 épisodes, sans oublier le spin-off Angel. Ici, point de réflexion ou d’allégories sur l’entrée dans le monde adulte, sur le droit à la différence, sur le mal-être adolescent, même si cela était pourtant bien le souhait original de Joss Whedon. Buffy, tueuse de vampires est ni plus ni moins un teen-movie éclairé aux néons rose bonbon interprété par une nouvelle génération de comédiens qui allaient alors exploser pour la plupart et qui donnent la réplique à quelques stars confirmées qui sont là pour cachetonner. Buffy aka Bichette dans l’improbable version française, responsable du cachet nanar qui accompagne souvent le film, est interprétée par Kristy Swanson. Après une apparition dans La Folle journée de Ferris Bueller (1986), diverses séries (Quoi de neuf, docteur ?, Côte Ouest, Nightingales), sans oublier dans Hot Shots ! dans lequel elle joue la pilote Kowalski, la jeune comédienne de 23 ans obtient ici le premier rôle, proposé en premier lieu à Alyssa Milano. Mignonne, attachante et sexy, très investie dans les scènes physiques, drôle, Kristy Swanson porte le film sur ses épaules sportives et s’en acquitte fort honorablement en ne se prenant pas au sérieux.

A ses côtés, Luke Perry, le célèbre Dylan McKay de la série Beverly Hills, s’amuse à jouer les amoureux fragiles, tandis que des inconnus du nom d’Hilary Swank, David Arquette, Thomas Jane et Ben Affleck passent également devant la caméra. Mais cela n’est rien à côté de Donald Sutherland, qui se demande constamment ce qu’il fait dans ce film en jouant les Van Helsing de pacotille, Paul Reubens, vampire bien allumé, et surtout Rutger Hauer qui entamait alors sa ruée vers les productions obscures, dans le rôle de l’infâme Lothos. Tout ce beau petit monde est réuni pour un divertissement sans prétention, mais qui s’avère beaucoup plus réussi que ne le vaut sa réputation.

La version française qui transforme les prénoms Buffy en Bichette, Pike en Marcel (!), Benny en Benoît, sans oublier quelques répliques bien gratinées montrent le peu d’intérêt des traducteurs pour cette production qui n’a même pas connu d’exploitation dans nos salles suite au succès mitigé du film aux Etats-Unis. Pourtant, la mise en scène n’a rien de déshonorant, Buffy, tueuse de vampires est amusant du début à la fin, bien photographié, une parodie du genre réussie qui mérite d’être redécouvert.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Buffy, tueuse de vampires, disponible chez Movinside, repose dans un boîtier classique et élégant de couleur noire. La jaquette saura immédiatement taper dans l’oeil des cinéphiles passionnés de fantastique, et des autres, puisqu’elle reprend l’un des visuels originaux. Le menu principal est tout aussi classe, animé et musical.

Outre deux spots TV et la bande-annonce originale du film, Marc Toullec intervient pour parler de Buffy, tueuse de vampires (11’). S’il y a eu des améliorations sur les présentations, force est de constater que le journaliste et spécialiste du fantastique bafouille à plusieurs reprises. On a même droit à une « Sarah Michelle Gérard ». Ces hésitations auraient mérité d’être coupées au montage. Si l’ensemble fait très amateur, Marc Toullec ne manque pas d’arguments pour présenter le film qui nous intéresse. Evidemment, le parallèle est fait avec la série Buffy contre les vampires, phénomène de la télévision dans les années 1990. Le casting du film, le scénario de Joss Whedon (qui a très tôt renié le film pour divergences artistiques), les colères de Donald Sutherland sur le plateau (qui se demandait constamment où il avait mis les pieds et qui avait pu écrire des dialogues aussi ineptes) et bien d’autres éléments sont abordés ici.

L’interactivité se clôt sur un mini making-of (4’) promotionnel, constitué de rapides images de tournage et d’interviews d’une partie de l’équipe du film.

L’Image et le son

Voilà une très belle résurrection ! La propreté de ce master est quasi-irréprochable, la stabilité est de mise et ce sont surtout les couleurs bigarrées qui retrouvent un nouvel éclat et qui profitent de cette élévation HD. Le piqué est doux, mais la luminosité est de mise, les détails sont appréciables et les noirs denses.

Point de Haute-Définition ici puisque les mixages anglais et français sont uniquement disponibles en Dolby Digital 5.1. Ces pistes sont plutôt anecdotiques et se focalisent surtout sur les frontales. La musique est spatialisée, mais le remixage manque de cohérence, fait passer certaines ambiances, surtout lors de l’affrontement final. La version française est peut-être plus dynamique dans sa restitution des dialogues. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : ©  Twentieh Century Fox Home Entretainment LLC All Rights Reserved / Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / L’Ange exterminateur, réalisé par Luis Buñuel

L’ANGE EXTERMINATEUR (El Ángel exterminador) réalisé par Luis Buñuel, disponible en DVD et Blu-ray le 2 avril 2018 chez Movinside

Acteurs :  Silvia Pinal, Enrique Rambal, Claudio Brook, José Baviera, Augusto Benedico, Antonio Bravo…

ScénarioLuis Buñuel

Photographie : Gabriel Figueroa

Musique : Raúl Lavista

Durée : 1h33

Année de sortie : 1962

LE FILM

Grands bourgeois domiciliés rue de la Providence, les Nobile reçoivent une vingtaine d’amis, après un concert. Tout le personnel de la maison s’éclipse sans raison. Les invités passent la nuit sur le tapis du salon et commencent à perdre la raison…

Oeuvre matricielle de toute la filmographie de Luis Buñuel, L’Ange exterminateurEl Ángel exterminador signe également la fin de la période mexicaine du cinéaste. Cette référence ultime du huis clos permet à son auteur de s’attaquer à l’un de ses thèmes de prédilection, la bourgeoisie, figée et hypocrite, devenant ici prisonnière de son propre système. Repliée sur elle-même, cette caste va alors perdre le contrôle et le vernis de la bienséance commencer à s’écailler. Chef d’oeuvre absolu, unique en son genre, L’Ange exterminateur est un des sommets, si ce n’est le plus grand film de Luis Buñuel.

Edmundo et Lucia de Nobile, un couple bourgeois de Mexico, donnent une réception après l’opéra dans leur luxueuse demeure. Quelques faits bizarres se produisent alors : des domestiques partent l’un après l’autre sans expliquer leur comportement et avant même que la soirée commence. Seul reste le majordome, Julio. Les invités connaissent une impression de déjà-vu (certains se présentent deux fois, d’autres déclament la même tirade), Ana retire de son sac deux pattes de poulet alors que Blanca joue au piano une sonate de Paradisi. Au moment de partir, une étrange réaction interdit aux invités de quitter les lieux. Ces derniers, confinés dans le même salon, finissent par dormir sur place. Mais le lendemain, ils constatent qu’il est toujours impossible de sortir de la pièce. La panique s’empare des maîtres de maison et de leurs invités. La nourriture est épuisée (certains mangent du papier), l’eau est manquante (on envisage un temps de boire celle au fond des vases), l’odeur devient pestilentielle (incapacité de se laver), la promiscuité est de plus en plus révoltante et certains instincts, notamment sexuels, se libèrent. Les jours et les nuits passent, la notion du temps se perd. A l’extérieur, la police, les badauds et les domestiques, victimes du même sortilège, n’arrivent pas à franchir le portail de la propriété. Dans le salon devenu asphyxiant, les véritables caractères et personnalités se révèlent. Soudain, apparaissent un ours et des moutons.

Toujours aussi insaisissable, virtuose et remarquable, L’Ange exterminateur, un temps envisagé sous le titre Les Naufragés de la rue de la Providence, touche au sublime. En voulant rendre réaliste l’inexplicable, Luis Buñuel ne prend pas les spectateurs pour les imbéciles et fait confiance à leur intelligence pour décoder les métaphores et allégories qui constituent son récit. Redoutablement subversif, ce film, réalisé juste après Viridiana, pose les bases de la seconde partie de la carrière du réalisateur, qui seront reprises dans Belle de jour (1967) et surtout Le Charme discret de la bourgeoisie (1972).

S’il enferme ses personnages dans un cadre restreint, la mise en scène est sans cesse en mouvement et chaque cadre capture une réaction, un mouvement, la réaction suite à ce mouvement. Si théâtralité il y a, cela provient uniquement du rôle que l’on joue en société, mais en aucun cas du dispositif, des partis pris et de la mise en scène. La peur engendre le cauchemar, le cauchemar entraîne la fatigue, l’épuisement, réduisant l’homme aisé à l’état d’animal qui se laisse aller. Les vêtements se froissent, les coiffures de ces dames s’écroulent, l’hygiène devient secondaire. Peu importe si le comportement manque aux règles les plus élémentaires de l’étiquette. Il n’y a plus que des hommes et des femmes, quasiment rendus à l’état primitif, qui tentent de survivre et la religion ne peut rien faire pour eux dans cette situation.

Luis Buñuel peint ses protagonistes, merveilleusement incarnés entre autres par Silvia Pinal (Viridiana, Simon du désert), Claudio Brook (Du rififi à Paname, La Grande vadrouille, La Voie lactée), avec un pinceau à pointe sèche et acérée, sans oublier un humour noir savoureux. La bourgeoisie est un naufrage, le salon est l’île déserte de cette vingtaine de rescapés. Sans révéler le dénouement, le réalisateur n’est pas dupe quant à ce que ses personnages pourraient tirer de cette expérience. Si l’histoire fait alors l’effet d’une boucle, l’épilogue montre que seule l’Apocalypse permettrait une remise à égalité de tous les êtres humains. Mais pour combien de temps ?

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de L’Ange exterminateur, disponible chez Movinside, repose dans un élégant boîtier classique de couleur noire. Visuel très beau et attractif. Le menu principal est simple, animé et musical. Mention spéciale à la sérigraphie bien pensée du disque.

Seule la bande-annonce est proposée comme bonus sur cette édition.

L’Image et le son

Le générique fait un peu peur. L’image est claire, mais les contrastes laissent à désirer. Même chose concernant la première bobine. Puis, la propreté de la copie devient évidente, la stabilité est de mise et les noirs retrouvent une vraie fermeté. Certes les partis pris limitent la profondeur de champ, mais le grain est joliment restitué, les détails sont parfois présents sur les visages. Signalons tout de même quelques plans plus abimés ou à la définition beaucoup plus aléatoire. Mais dans l’ensemble, cette édition HD est convenable.

En ce qui concerne la mixage espagnol proposé en PCM, l’écoute est également fluctuante. Tout va bien durant les quarante premières minutes, quand soudain un souffle important se fait entendre. Les dialogues sont chuintants, parfois sourds, tandis que les notes de piano s’accompagnent de saturations. Pas de craquement intempestif, mais le souffle demeure chronique et souvent entêtant. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © 1962 Producciones Gustavo Alatriste / Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / Le Maître des illusions (Lord of Illusions), réalisé par Clive Barker

LE MAÎTRE DES ILLUSIONS (Lord of Illusions) réalisé par Clive Barker, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Scott Bakula, Kevin J. O’Connor, Famke Janssen, Daniel Von Bargen, Vincent Schiavelli, Barry Del Sherman…

ScénarioClive Barker d’après sa nouvelle « The Last Illusion »

Photographie : Rohn Schmidt

Musique : Simon Boswell

Durée : 2h01 (version intégrale)

Année de sortie : 1995

LE FILM

Harry D’Amour est un détective privé spécialisé dans les enquêtes relevant d’occultisme. Quand Philip Swann, un célèbre magicien, meurt sous yeux pendant l’une de ses illusions, Harry soupçonne Dorothea, la mystérieuse femme de Swann…

Ecrivain, plasticien, dramaturge, sculpteur, scénariste, producteur, comédien et réalisateur, Clive Barker, né à Liverpool en 1952, est un touche-à-tout. 1984 est un tournant dans sa carrière puisque la même année sortent les trois premiers volumes de la série Livres de sang, recueils de nouvelles qui comprendront six tomes. C’est un triomphe immédiat. Les trois autres volets sortent l’année suivante, ainsi que le roman Le Jeu de la damnation. Echaudé par le traitement accordé à ses scénarios sur Transmutations et Rawhead Rex, le monstre de la lande, tous les deux mis en scène par George Pavlou en 1985 et 1986, Clive Barker décide de passer derrière la caméra afin d’adapter lui-même son roman (non publié) Hellraiser. Le reste appartient à la légende et le personnage de Pinhead devient une icône du film d’épouvante. Si Clive Barker a depuis continué sa carrière littéraire, le cinéaste est devenu rare. Son second long métrage Cabal (1990) s’est entre autres soldé par un échec commercial, d’autant plus que le film est remonté par la 20th Century Fox. Alors que la franchise Hellraiser en est déjà au troisième opus et que la saga Candyman, basée sur une nouvelle des Livres de Sang voit le jour, Clive Barker décide enfin de revenir à la mise en scène en 1994 avec Le Maître des illusionsLord of Illusions, d’après sa propre nouvelle The Last Illusion, ultime chapitre des Livres de sang. Le sort s’est encore acharné sur le cinéaste puisque, malgré un budget conséquent et un casting solide, la MGM n’a pas hésité à tailler dans le montage de Clive Barker en supprimant une bonne dizaine de minutes. Si Le Maître des illusions n’a pas rencontré le succès à sa sortie, le troisième long métrage de Clive Barker, qui n’a pas connu de sortie au cinéma en France, a su devenir un film culte aujourd’hui très prisé par les cinéphiles.

Bien malgré lui, Harry D’Amour, un détective privé new-yorkais de petite envergure, s’est spécialisé, au grand amusement de ses concurrents, dans les affaires d’occultisme. Il vient à peine de résoudre un cas difficile que déjà une nouvelle enquête lui tend les bras. Une banale filature à Los Angeles le conduit bientôt jusque dans l’entourage du célèbre illusionniste Philip Swann et de sa ravissante épouse Dorothea. Lors d’un audacieux spectacle de magie, Philip, infortunée victime de sa propre mise en scène, meurt dans d’atroces conditions. Harry devine très rapidement que Dorothea dissimule un terrible secret qui pourrait bien expliquer la mort brutale de son magicien de mari. Son enquête le mène sur les pas d’un groupe de fanatiques souhaitant le retour de Nix, leur chef et gourou, neutralisé par Swann treize ans auparavant. Harry D’Amour va devoir plonger dans un univers paranormal et éviter les cadavres qui s’amoncellent sur son chemin vers la vérité.

Le Maître des illusions contient toutes les obsessions de Clive Barker. Comme s’il pensait qu’il s’agissait de son dernier film, ce qui est toujours le cas en 2018, le réalisateur laisse libre cours à son imagination foisonnante, mélange les genres et déverse ses obsessions. Ainsi, le personnage d’Harry D’Amour semble tout droit sorti d’un film noir américain des années 1940, mis face à une enquête qui dépasse tout raisonnement logique. Plus habitué aux séries télévisées et aux téléfilms, le comédien Scott Bakula, star de la série culte Code Quantum, est impeccable dans la peau du personnage créé par Clive Barker, inspiré du J. J. « Jake » Gittes de Chinatown de Roman Polanski. A part sa participation dans American Beauty de Sam Mendes, Scott Bakula n’a pas été bien servi au cinéma et l’acteur trouve ici le rôle de sa vie. D’ailleurs, on en vient à regretter de ne pas l’avoir retrouvé dans d’autres enquêtes surnaturelles. A ses côtés, la talentueuse et sublime Famke Janssen fait ses débuts devant la caméra, un an avant d’exploser en dangereuse James Bond Girl dans GoldenEye de Martin Campbell. Dans Le Maître des illusions, est la parfaite incarnation de la femme fatale.

Inclassable, certains diront même fourre-tout, généreux, Le Maître des illusions est porté par une réelle envie de cinéma, mais également, selon les propres mots de Clive Barker « par l’envie de foutre les pétoches aux spectateurs ». Si le film a indéniablement vieilli en raison de ses images de synthèse rudimentaires, le spectacle est assuré du début à la fin. Lord of Illusions est une œuvre riche, qui porte la patte graphique de son auteur, que l’on pourrait rapprocher de Guillermo Del Toro, du moins dans sa bonne période (Le Labyrinthe de Pan notamment), de John Carpenter (L’Antre de la folie) et de David Cronenberg (Le Festin nu), ami proche du réalisateur, qui avait tourné dans Cabal. En prenant comme parti pris de faire la différence entre la magie et l’illusion dès le carton en introduction – « La magie a deux univers. L’un d’entre eux est l’univers scintillant de l’illusionniste. L’autre est un monde secret où la magie est une réalité effrayante. Les hommes y ont un pouvoir satanique et même la mort y est une illusion. » – Clive Barker confronte et fait croire à deux mondes imbriqués, en s’interrogeant sur le bien et le mal de l’humanité, convaincu que l’être humain doit à un moment de sa vie plonger dans le sordide pour pouvoir en revenir meilleur.

Unique, Le Maître des illusions n’est pas un thriller horrifique sans défaut avec quelques problèmes de rythme et une tendance à vouloir aborder trop de choses en même temps, mais demeure une perle du genre que l’on revoit et redécouvre avec un œil nouveau à chaque visionnage.

LE COMBO BLU-RAY/DVD

Les fans de Clive Barker vont être aux anges ! Le Maître des illusions ressuscite en France chez Le Chat qui fume, qui pour l’occasion a concocté un nouveau Digipack trois volet quadri avec étui cartonné, comprenant le Blu-ray, le DVD du film avec la première partie des suppléments et le deuxième DVD avec la suite et fin des bonus. Cette édition est limitée à 2000 exemplaires. Le menu principal du Blu-ray est étonnamment cheap, digne d’une série Z, animé et musical.

La galette est bien garnie avec plus de deux heures de suppléments au programme !

Ruez-vous immédiatement sur le making of intitulé L’Illusion de la réalité (1h02). En plus de nombreuses images filmées sur le plateau et dans les coulisses, ce module se compose d’entretiens avec Clive Barker, des comédiens Scott Bakula, Daniel Von Bargen, Famke Janssen et Kevin J. O’Connor, mais aussi du consultant en magie (et Billy Who dans le film) Lorin Stewart. Clive Barker aborde la genèse du Maître des illusions, puis se penche sur l’histoire et les personnages principaux, ses intentions et les partis pris, ses références (Chinatown, L’Exorciste, La Fiancée de Frankenstein) et influences (David Lynch, David Cronenberg), tout en livrant une réflexion sur les films d’horreur au cinéma. Ce documentaire propose enfin un petit tour dans les ateliers des créateurs des effets spéciaux, avec les artistes qui s’affairent pour donner aux ouailles de Nix un look digne de ce nom.

Du coup, le bonus suivant Dans les coulisses (18’) apparaît bien redondant avec le supplément précédent puisqu’il en reprend en grande partie les propos et les mêmes images de tournage.

Vous pouvez donc vous diriger directement sur l’excellente présentation de l’oeuvre de Clive Barker par Guy Astic. Pendant près de 45 minutes, le directeur des éditions Rouge Profond expose les nombreux talents de Clive Barker. Puis, Guy Astic confronte Le Maître des illusions avec les deux autres longs métrages du réalisateur, Le Pacte Hellraiser (1987) et Cabal (1990), en développant les thèmes du film, les connexions du cinéma de Barker avec celui de David Cronenberg et les écrits de J.G. Ballard, l’exploration du corps, le dépassement de l’être humain. Dans un second temps, Guy Astic évoque un peu plus le film qui nous intéresse en parlant de la genèse du Maître des illusions, les personnages et plus particulièrement celui de Harry D’Amour joué ici par Scott Bakula.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce du Maître des illusions et d’autres titres disponibles chez l’éditeur.

L’Image et le son

La première édition DVD (chez MGM) du film de Clive Barker remonte à 2000. Pour son passage en HD grâce aux bons soins de notre chat préféré, Le Maître des illusions se refait une petite beauté. Le film est proposé dans sa version intégrale. Une fois passé le générique un peu grumeleux, on perçoit le travail de restauration effectué, malgré quelques points et tâches noirs qui ont échappé au nettoyage. L’ensemble est plutôt riche et stable, la gestion du grain équilibrée et les fourmillements stabilisés grâce au codec AVC. La colorimétrie est somme toute un peu terne (encore plus sur les plans à effets spéciaux) et le piqué demeure peu pointu. Les contrastes sont corrects. Quelques séquences sombres sortent aisément du lot et tirent profit de cette élévation HD au final élégante.

L’éditeur nous gratifie d’une piste anglaise DTS HD Master Audio 5.1 qui, il faut le dire, n’apporte pas grand-chose en dehors d’une spatialisation de la superbe musique du film. Les effets surround sont limités et l’ensemble reste souvent axé sur les frontales. Heureusement, les dialogues sont constamment clairs, dynamiques et parfaitement distincts sur la centrale. Nous vous conseillons d’opter pour la DTS HD Master Audio 2.0, d’une rare clarté, mettant en valeur les dialogues. L’osmose entre la musique, les voix des comédiens et les quelques effets annexes qui avaient pu nous échapper sur la 5.1 y est réellement saisissante. Le Chat qui fume ajoute également une piste française 2.0, faisant la part belle aux dialogues au détriment d’une réelle fluidité. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.

Crédits images : © 1995 United Artists Pictures INC. All Rights Reserved / Park Circus Films CO.LTD / Twentieh Century Fox Home Entretainment International Corporation / Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Assassin a réservé 9 fauteuils, réalisé par Giuseppe Bennati

L’ASSASSIN A RÉSERVÉ 9 FAUTEUILS (L’Assassino ha riservato nove poltrone) réalisé par Giuseppe Bennati, disponible en combo DVD/Blu-ray chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Rosanna Schiaffino, Chris Avram, Eva Czemerys, Lucretia Love, Paola Senatore, Gaetano Russo, Andrea Scotti, Eduardo Filippone, Antonio Guerra, Howard Ross, Janet Ågren…

ScénarioGiuseppe Bennati, Paolo Levi, Biagio Proietti

Photographie : Giuseppe Aquari

Musique : Carlo Savina

Durée : 1h44

Année de sortie : 1974

LE FILM

Pour les neuf membres et proches de la famille Davenant, rassemblés à l’occasion de l’anniversaire de Patrick, la soirée du 14 février 1974 s’achève entre les murs d’un vieux théâtre sinistre, propriété familiale fermée depuis près d’un siècle. Etrange idée, dans la mesure où Patrick semble redouter cet édifice aux fastes majestueux. A raison, puisque les portes se referment bientôt comme par magie, piégeant les convives dans l’édifice, tandis qu’un homme mystérieux, glissé parmi eux, semble tirer les ficelles d’une tragédie à venir et qu’un assassin rôde, faisant tomber les invités un par un…

En lisant l’histoire de L’Assassin a réservé 9 fauteuils, on ne peut que penser au plus célèbre roman d’Agatha Christie, Dix petits nègres, publié en 1939. Tous les éléments sont réunis : une poignée de personnages se retrouvent cloisonnés dans un lieu unique et sont tous mystérieusement assassinés les uns après les autres. Le cinéma s’est très vite emparé de ce récit, la première adaptation remontant à 1945, sous la direction de René Clair. En 1974, alors que Dix petits nègres est à nouveau transposé au cinéma par Peter Collinson, avec Charles Aznavour, Oliver Reed, Richard Attenborough, Stéphane Audran et Gert Fröbe, le cinéma italien s’inspire de l’ouvrage d’Agatha Christie, passé cette fois-ci à la sauce giallo. L’Assassin a réservé 9 fauteuilsL’Assassino ha riservato nove poltrone est réalisé par Giuseppe Bennati (1921-2006).

Peu prolifique avec neuf longs métrages et une mini-série à son actif en 23 ans de carrière, Giuseppe Bennati signe ici son dernier film. Plus habitué au registre de la comédie avec Il Microfono è vostro (1951) et L’Amico del giaguaro (1959) avec Walter Chiari, ou le drame (Marco la Bagarre, La Mina avec Elsa Martinelli, Congo vivant avec Jean Seberg), le réalisateur prend alors le train en marche et livre un étrange giallo. Ce qui vaut aujourd’hui la réputation et la pérennité de L’Assassin a réservé 9 fauteuils, totalement inédit en France, est le traitement accordé au genre par les scénaristes. Biagio Proietti (Tue-moi vite, j’ai froid, Les Colts brillent au soleil, La Mort remonte à hier soir), Paolo Levi (Une femme pour une nuit, La Fille du diable, Opération frère cadet) et le réalisateur lui-même, suivent le cahier des charges, à savoir un tueur masqué, une main dans un gant de cuir serrant une arme blanche, des victimes qui s’accumulent, quelques séquences érotiques pour faire se redresser les spectateurs qui auraient pu trouver le temps long. Mais à ces éléments, les scénaristes ajoutent une pointe de fantastique qui dénote dans un genre habituellement « réaliste » dans le sens où l’explication arrive toujours à point nommé avant que le mot FIN n’apparaisse à l’écran.

Dans L’Assassin a réservé 9 fauteuils, nos protagonistes sont bel et bien enfermés dans un espace clos, ici le merveilleux théâtre Gentile de Fabriano, situé dans la Province d’Ancône, au bord de l’Adriatique. Toute cette petite troupe était auparavant réunie pour une petite sauterie en ville, quand l’un d’eux a eu l’idée d’aller visiter ce vieux théâtre abandonné depuis cent ans et qui appartient à la famille de Patrick Devenant (Chris Avram), qui fête d’ailleurs son anniversaire. La poussière recouvre les tapis rouges et les meubles, mais la bâtisse est en très bon état. Nous suivons ensuite les personnages un par un, pour découvrir leurs liens, leurs sentiments et surtout leurs ressentiments. L’élément central est Patrick, homme richissime, dont l’héritage pourrait être convoité par son ancienne épouse, sa fille et son compagnon, sa sœur et sa petite amie, son meilleur ami, ou même son médecin personnel. Alors que Patrick échappe de peu de se faire écraser par une poutre tombée du plafond (la corde la soutenant a en fait été coupée par une main gantée), la petite troupe se rend compte que toutes les portes sont verrouillées. Plus moyen de sortir. Quand soudain, l’une des jeunes femmes du groupe, Kim, qui vient d’interpréter une scène de Roméo et Juliette, est poignardée sur scène. La partie ne fait que commencer. Mais qui est le maître de ce jeu macabre ?

Etonnant de voir à quel point L’Assassin a réservé 9 fauteuils peut faire penser à quelques films de genre contemporain. Cube de Vincenzo Natali vient à l’esprit, et même le final rappelle celui du Projet Blair Witch de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez. On sait que les personnages, qui évoluent dans un espace limité, vont être éliminés un par un le temps d’une seule nuit, mais reste à savoir comment. Giuseppe Bennati fait évoluer son film dans un environnement surréaliste proche de Luis Buñuel et l’on peut alors penser au dispositif de L’Ange exterminateur (1962). Tout comme les protagonistes, les spectateurs commencent à perdre leurs repères, tandis que le tueur, vêtu d’une cape et courant à travers les dédales du théâtre comme le Fantôme de l’Opéra, sévit jusqu’à ce que tout le groupe soit décimé. Le récit évolue en adoptant alors une veine fantastique et maintient ce cap jusqu’au dénouement aussi improbable qu’ambitieux tournant autour d’une vieille prophétie.

Le casting ravira les aficionados du genre : Rosanna Schiaffino (Le Défi de Francesco Rosi, Les Garçons de Mauro Bolognini), Chris Avram (La Baie sanglante de Mario Bava), Eva Czemerys (Prostituée le jour, épouse la nuit, Georgina, la nonne perverse, La vie sexuelle dans une prison de femmes), Lucretia Love (La vie sexuelle de Don Juan, Quand les femmes font Ding Dong), Paola Senatore (Caresses à domicile, Donnez-nous notre amour quotidien), Howard Ross (Le Manoir aux filles, L’île de l’épouvante, L’Eventreur de New York), sans oublier la sublime actrice suédoise Janet Ågren (La Secte des cannibales, On m’appelle Providence). Que les fans soient rassurés, avant de se faire poignarder, souvent sauvagement et à des endroits pervers et sadiques, ces demoiselles auront bien pris le temps de se dénuder face caméra afin de nous faire profiter de leurs charmes affriolants, le tout sur l’excellente et entêtante partition de Carlo Savina (Une vie difficile, Quelques dollars pour Django).

L’Assassin a réservé 9 fauteuils est donc une très bonne découverte, bien réalisée et respectueuse du genre, mais qui n’hésite pas à prendre quelques libertés avec les codes pour mieux se les approprier, afin de mieux surprendre les spectateurs.

LE COMBO BLU-RAY/DVD

Benvenuto au nouveau titre Exploitation Italienne édité par Le Chat qui fume ! Ce combo de L’Assassin a réservé 9 fauteuils tiré à 1000 exemplaires se compose du DVD et du Blu-ray du film, et prend la forme d’un Digipack 3 volets quadri avec étui cartonné. Les visuels sont splendides, tout comme les menus principaux, animés sur la musique de Carlo Savina.

En premier lieu, nous trouvons un sympathique entretien (8’) datant de 2013, avec le comédien Howard Ross, alors très en forme pour ses 72 ans. Notre interlocuteur évoque le cinéma italien des années 60-70 et partage quelques anecdotes liées au tournage de L’Assassin a réservé 9 fauteuils, le travail avec ses partenaires et le réalisateur Giuseppe Bennati. L’interprète de Russell dans le film qui nous intéresse, se souvient notamment du charme des actrices qui lui ont donné la réplique, et surtout de « la plus belle croupe de Rome » de Paola Senatore.

Place ensuite à Biagio Proietti (28’30). Très sympathique, attachant, spontané et dynamique, le co-scénariste de L’Assassin a réservé 9 fauteuils, né en 1940, aborde ses débuts au cinéma en tant qu’assistant-réalisateur bénévole, avant de devenir scénariste, puis réalisateur dans la dernière partie de sa carrière. Biagio Proietti revient sur la genèse du film de Giuseppe Bennati, les intentions, les partis pris et déclare avoir écrit le twist paranormal de L’Assassin a réservé 9 fauteuils. Si le film a été un grand succès commercial, le scénariste indique n’avoir jamais vu l’argent qui lui revenait de droit. A la fin de cet entretien, Biagio Proietti s’exprime sur les scènes érotiques au cinéma et leur évolution à l’écran dans les années 1970, puis se dit heureux de pouvoir profiter de son vivant du regain de popularité de ces films dits commerciaux, ainsi que de la reconnaissance de la critique.

C’est ensuite au tour du journaliste Francis Barbier du site DeVilDead.com de prendre la parole pour une analyse et une présentation de L’Assassin a réservé 9 fauteuils (33’). Comme il l’indique d’entrée de jeu, ce module contient des spoilers et n’est donc à visionner qu’après avoir vu le film. Comme bien souvent, l’intervenant s’extasie sur le corps des interprètes féminines, mais on le comprend. Heureusement, Francis Barbier propose bien plus que cela et croise le fond avec la forme (le traitement des couleurs) du film de Giuseppe Bennati. Le casting est passé au peigne fin, tout comme les codes du giallo qui sont ici respectés, mais également détournés, pour donner au récit une identité singulière, inspirée à la fois par Shakespeare, Agatha Christie, ainsi que par d’autres influences littéraires et cinématographiques. Francis Barbier indique pourquoi le théâtre est traité comme un véritable personnage à part entière par le réalisateur ou pourquoi ce dernier n’était pas intéressé par les scènes de sexe ou gore à l’écran, Bennati souhaitant avant tout rendre le genre plus noble alors que celui-ci commençait à péricliter.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et un aperçu des prochaines sorties du Chat qui fume.

L’Image et le son

En dehors de deux ou trois points blancs et autres pétouilles, ce master HD de L’Assassin a réservé 9 fauteuils subjugue du début à la fin avec des noirs denses, des contrastes affirmés et une colorimétrie harmonieuse avec une belle dominante des teintes rouges. La copie est évidemment très propre, le grain original respecté. C’est devenu une habitude chez l’éditeur, le transfert est élégant, stable, l’apport de la HD étant indéniable du début à la fin.

Comme pour l’image, le son a visiblement connu un dépoussiérage de premier ordre. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage italien DTS-HD Master Audio Mono pas même un souffle parasite. Le confort phonique de cette piste unique est indéniable, les dialogues sont clairs et nets. Les sous-titres français sont imposés.

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Crédits images : © Le Chat qui fume / Licensed by COMPASS FILM SRL – Rome – Italy / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Robe de sang (I’m Dangerous Tonight), réalisé par Tobe Hooper

ROBE DE SANG (I’m Dangerous Tonight /  Red Evil Terror) réalisé par Tobe Hooper, disponible en DVD le 27 avril 2018 chez Movinside

Acteurs :  Mädchen Amick, Corey Parker, Dee Wallace, Anthony Perkins, Daisy Hall, R. Lee Ermey, Natalie Schafer, Jason Brooks, William Berger…

ScénarioBruce Lansbury, Philip John Taylor d’après une nouvelle de Cornell Woolrich

Photographie : Levie Isaacks

Musique : Nicholas Pike

Durée : 1h28

Année de sortie : 1990

LE FILM

En transformant une cape rouge découverte dans une malle en une superbe robe de soirée, une belle étudiante tombe sous le coup d’une malédiction plusieurs fois centenaire. Diaboliquement séduisante, elle se métamorphose sous son influence maléfique en une dangereuse prédatrice.

Après le phénomène Massacre à la tronçonneuse (1974), son second long métrage, Tobe Hooper enchaîne avec Le Crocodile de la mort, un nouveau film d’horreur gore avec Marilyn Burns, Mel Ferrer et William Finley, récompensé dans de nombreux festivals. Le cinéaste a alors le vent en poupe. Pour la télévision, il adapte Salem, le chef d’oeuvre et best-seller de Stephen King, dans un téléfilm de trois heures. En 1981, il fait son retour au cinéma avec Massacres dans le train fantôme, qui sera un échec à sa sortie. Heureusement, le carton mondial de Poltergeist va le remettre momentanément sur le devant de la scène. Mais cela est de courte durée. Le réalisateur signe un contrat avec la célèbre Cannon, pour laquelle il met en scène Lifeforce (1985), L’Invasion vient de Mars (1986) et Massacre à la tronçonneuse 2 (1986). Deux échecs conséquents et un succès d’estime.

A la fin des années 1980, la position de Tobe Hooper au sein de l’industrie cinématographique est menacée. Il se tourne alors vers la télévision et réalise l’épisode pilote de la série Freddy, le cauchemar de vos nuits (Freddy’s Nightmares), ainsi qu’un épisode pour celle des Contes de la crypte. Il accepte également la proposition du producteur et scénariste Bruce Lansbury, grand manitou des séries Les Mystères de l’Ouest, Mission impossible, Wonder Woman, Buck Rogers, Tonnerre mécanique, K 2000. Un C.V. plutôt conséquent. Bruce Lansbury offre à Tobe Hooper l’opportunité de revenir au genre fantastique avec I’m Dangerous Tonight, également connu sous le titre Red Evil Terror, ou bien encore Robe de sang pour son exploitation française. Si le récit est somme toute classique, ce téléfilm reste très efficace et permet surtout d’admirer la ravissante Mädchen Amick, tout juste révélée par la série Twin Peaks.

Un anthropologue reçoit un sarcophage aztèque, naguère utilisé comme autel pour des sacrifices humains. A l’intérieur se trouve un cadavre vêtu d’une cape rouge, celle des bourreaux aztèques. Notre scientifique voit dans ce bout de tissu le moyen de prouver sa théorie animiste, selon laquelle certains objets sont dotés d’une âme. Il n’a pas tort : à peine a-t-il mis la cape sur ses épaules qu’il assassine le gardien de son musée, puis retourne chez lui où il tue sa femme et met ensuite fin à ses jours. Là-dessus, une étudiante nommée Amy entre en possession de la cape et décide d’en faire une robe. Mais une malédiction pèse sur cette étoffe rouge et quiconque la portera désormais sera sous son envoûtement.

Dire que le scénario de Robe de sang est cousu de fil blanc serait trop simple. Disons que cette adaptation d’une nouvelle de Cornell Woolrich (L’Homme-léopard, Fenêtre sur cour, La Mariée était en noir) possède ce côté rétro-vintage qui ne manque pas de charme et qui fonctionne encore bien près de trente ans après. Evidemment, Robe de sang, production réalisée pour la télévision, ne permet pas à Tobe Hooper de se lâcher complètement. Rares sont les giclées de sang dans I’m Dangerous Tonight, même si l’on pourra s’étonner du meurtre plutôt brutal sous la douche où une jeune femme, sous l’emprise de la robe maudite, étrangle son boyfriend sportif avec un rire pervers, avant de l’émasculer avec une lame de rasoir ! La confrontation d’Amy avec sa grand-mère est également un grand moment et du pur Hooper.

Du point de vue technique, Robe de sang n’a souvent rien à envier aux productions du genre qui fleurissent aujourd’hui dans les salles. Bien au contraire. Tobe Hooper joue surtout avec les couleurs, privilégie la teinte rouge de la robe envoûtée (voir l’apparition d’Amy au bal, comme dans Cendrillon) en lui opposant la couleur bleue, omniprésente dans le reste du décor. Si la première partie centrée sur le personnage d’Amy qui lutte contre le pouvoir de la robe (on pense ainsi au Spider-man noir du troisième opus de Sam Raimi) est plus intéressante que la seconde avec cette enquête policière sur des meurtres commis par une autre femme arborant le vêtement ensorcelé, Robe de sang est toujours aussi divertissant.

Le charme et la fragilité de Mädchen Amick agissent comme au premier jour. A ses côtés, R. Lee Ermey (le sergent Hartman de Full Metal Jacket), qui vient tout juste de nous quitter, s’amuse à jouer un flic bourru, cigare dégueu à la bouche qui empeste son entourage, tandis qu’Anthony Perkins, dans un de ses derniers rôles, campe un professeur d’université qui semble très attiré par les capacités du tissu diabolique. Robe de sang reste méconnu dans l’oeuvre de Tobe Hooper. Sa sortie inattendue en DVD sous la houlette de Movinside devrait attirer et faire le bonheur de ses aficionados.

LE DVD

Le DVD de Robe de sang, disponible chez Movinside, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. La jaquette est très élégante et attractive. Cette collection « Trésors du fantastique », est dirigée par Marc Toullec et Jean-François Davy. Le menu principal est quant à lui animé et musical.

Nous retrouvons justement Marc Toullec pour une présentation de Robe de sang (9’). Visiblement, l’intéressé a su prendre en compte les quelques critiques publiées ces derniers mois sur ses interventions puisque, même si le journaliste lit une fois de plus un travail préparé en amont, Marc Toullec se montre non seulement plus à l’aise devant la caméra, mais sa présentation paraît également plus naturelle. Le boulot est bien fait, nous en apprenons sur la mise en route de Robe de sang, replacé dans la carrière de Tobe Hooper, sans oublier le casting alors passé en revue.

L’Image et le son

Robe de sang est un téléfilm. Néanmoins, le master proposé par Movinside est de bon acabit avec des contrastes corrects, des couleurs soignées et une évidente clarté sur les séquences diurnes. Si les noirs paraissent bouchés et que diverses poussières ont réussi à passer à travers les mailles de la restauration, la copie est propre, stable et ne manque pas d’attraits.

Nous ne trouvons pas de version française sur cette édition DVD. Le mixage anglais Dolby Digital 2.0 instaure un bon confort acoustique avec des dialogues délivrés avec efficacité et clarté. La propreté est de mise, sans aucun souffle et les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © 1990, MTE Inc. All Rights Reserved / Universal Studios / Movinside / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Enfer des zombies, réalisé par Lucio Fulci

L’ENFER DES ZOMBIES (Zombi 2) réalisé par Lucio Fulci, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 2 mai 2018 chez Artus Films

Acteurs :  Tisa Farrow, Ian McCulloch, Richard Johnson, Al Cliver, Olga Karlatos, Auretta Gay, Stefania D’Amario, Ugo Bologna…

ScénarioDardano Sacchetti, Elisa Briganti

Photographie : Sergio Salvati

Musique : Fabio Frizzi

Durée : 1h31

Année de sortie : 1979

LE FILM

Un voilier semblant abandonné dérive lentement dans la baie de New York. Les garde-côtes interviennent et se font agresser par une créature monstrueuse qui y gisait caché. Après avoir résisté aux balles, la créature plonge dans l’eau et disparaît. Anne Bowles (Tisa Farrow), la fille du propriétaire du bateau, alors porté disparu, décide d’en savoir plus. En compagnie de Peter West (Ian McCulloch), un journaliste, elle se rend sur l’île de Matoul, dans les Antilles, d’où provient le navire. Sur place, ils rencontrent le docteur Ménard (Richard Johnson), un scientifique confronté depuis plusieurs semaines à de curieux phénomènes. Les morts sortent de leurs tombes pour dévorer les vivants…

Lucio Fulci (1927-1996), qui se destinait d’abord au monde de la médecine, décide de se tourner vers le cinéma et intègre le Centro Sperimentale di Cinematografia de Rome, en suivant les cours de Michelangelo Antonioni et de Luchino Visconti. Il devient l’assistant du réalisateur Marcel L’Herbier sur Les Derniers Jours de Pompéi en 1950. Mais c’est avec le cinéaste Steno, de son vrai nom Stefano Vanzina, que Fulci fait réellement ses classes, sur des comédies interprétées par Totò. Progressivement, Lucio Fulci devient scénariste et signe Une fille formidable de Mauro Bolognini, Un Americano a Roma de Steno avec l’immense Alberto Sordi. Il passe enfin derrière la caméra en 1959 avec I Ladri, une comédie portée par… Totò. La boucle est bouclée. Dans les années 1960, Lucio Fulci enchaîne moult comédies avec le duo aussi célèbre en Italie qu’improbable chez nous, Franco Franchi et Ciccio Ingrassia. Si le succès est au rendez-vous, il commence sérieusement à vouloir changer son fusil d’épaule et démontrer qu’il est capable de réaliser autre chose que des comédies. Il signe un western avec Franco Nero (Le Temps du massacre, 1966), un drame (Liens d’amour et de sang, 1969). Mais le véritable tournant s’opère en 1969 avec le giallo Pervertion Story – La Machination (Una sull’altra).

Un an après l’onirique, poétique, sensuel, cruel, oppressant, kafkaïen Le Venin de la peurUna lucertola con la pelle di donna, et la même année que sa comédie érotique Obsédé malgré lui, Lucio Fulci signe un de ses films les plus célèbres, La Longue nuit de l’exorcismeNon si sevizia un paperino. S’ensuivent deux aventures de Croc-Blanc (1973 et 1974), Les Quatre de l’apocalypse (1975) et L’Emmurée vivante (1977). A la fin des années 1970, la carrière de Lucio Fulci bat de l’aile après quelques échecs successifs, tandis que sa fille connaît un très grave accident et que son divorce l’a laissé sur la paille. Contre toute attente, le producteur Fabrizio De Angelis lui confie les commandes de L’Enfer des Zombies, titre opportuniste surfant sur le triomphe du Zombie de George A. Romero, dont le montage européen avait été confié à Dario Argento. Sur un scénario écrit par Dardano Sacchetti (Le Chat à neuf queues, La Baie sanglante, Le cynique, l’infâme, le violent, L’emmurée vivante) même si crédité sous le nom de sa femme Elisa Brigranti, L’Enfer des Zombies va non seulement relancer la carrière de Lucio Fulci, comme il n’aurait jamais pu l’espérer, être à l’origine de tout un tas d’ersatz, et surtout devenir et rester un des films les plus emblématiques du genre.

Alors oui, merci à George A. Romero et à Dario Argento. Mais quand même, L’Enfer des Zombies n’a rien du plagiat longtemps évoqué, en particulier par le second, plus outré par l’utilisation opportuniste du titre que par la réelle copie de Zombie. D’une part, parce que Lucio Fulci et Dardano Sacchetti ne traitent pas la figure du mort-vivant de la même façon que leurs prédécesseurs (modernes chez Romero qui fustige la société de consommation, renvoyant aux sources du vaudou chez Fulci), d’autre part parce que L’Enfer des Zombies est un pur film de mise en scène, virtuose du début à la fin, qui porte la griffe du cinéaste à chaque plan. Si Zombi 2 est un film de commande pour lequel Lucio Fulci était loin d’être le premier choix (Enzo G. Castellari avait demandé un salaire astronomique, puis rapidement remercié), ce dernier se l’est bel et approprié pour en faire une œuvre personnelle, sans doute comme un exutoire. Car L’Enfer des Zombies est non seulement un film hypnotique, qui se regarde comme un véritable cauchemar éveillé, mais c’est aussi et surtout un thriller dramatique très violent, dans lequel le réalisateur a pour la première fois recours à des séquences particulièrement gore. Ces scènes ont marqué le public et participé au triomphe international de Zombi 2. Aujourd’hui encore, elles demeurent d’une redoutable efficacité, grâce aux incroyables maquillages et effets spéciaux à l’instar de l’énucléation par l’écharde de bois. Plus qu’aux films de zombies qui l’ont précédé, L’Enfer des Zombies s’apparente souvent à une relecture de L’Île du docteur Moreau version Earl C. Kenton (1932) matinée du Vaudou de Jacques Tourneur (1943).

 Lucio Fulci est lui-même épaulé par des valeurs sûres avec notamment Sergio Salvati, qui signe une magnifique photographie éthérée, moite, poisseuse, crépusculaire, réalisée en CinémaScope. Les plans sur la baie de Manhattan restent gravées dans toutes les mémoires, tout comme la célèbre séquence de plongée où la comédienne Auretta Gay, à peine vêtue d’un string-ficelle, se retrouve nez à nez avec un requin…et un zombie au fond de l’océan ! L’épilogue, tourné sans aucune autorisation sur le pont de Brooklyn, est également inoubliable, tandis que la partition de Fabio Frizzi reste bien longtemps dans un coin de la tête.

Pierre angulaire du film d’horreur en Italie, L’Enfer des Zombies sait jouer avec les nerfs des spectateurs, prenant même le risque de le faire patienter au beau milieu du film (avec l’aide de quelques plans topless très agréables ceci dit), pour mieux le surprendre et le plonger dans un déferlement de violence graphique, de terreur, de torrents de chair et d’hémoglobine, dans un dernier acte absolument fascinant. Et l’expérience proposée par Lucio Fulci est encore intacte.

LE BLU-RAY

Attention, attention ! Voilà probablement l’un des plus beaux objets que vous pourrez trouver sur le marché en 2018 ! Artus Films a concocté un magnifique et luxueux Mediabook estampillé « Collection Lucio Fulci », au visuel clinquant et en plus doux au toucher. Cette édition se compose du Blu-ray et du DVD glissés dans des compartiments cartonnés, ainsi que d’un incroyable livre de 80 pages (Fulci, zombies et opportunisme : quand les morts-vivants ont envahi le cinéma italien) rédigé par Lionel Grenier (rédacteur en chef du site luciofulci.fr), Gilles Vannier (Psychovision), David Didelot (Videotopsie), Didier Lefèvre (Medusa), le tout supervisé par le premier. Vous y trouverez de fabuleux visuels, photos et affiches, des extraits d’entretiens, un retour sur la genèse du film, des extraits du scénario original, une analyse sur la figure du zombie chez Lucio Fulci, une autre sur le cinéma d’épouvante en Italie, etc. Nous ne reviendrons pas sur la polémique stérile quant à l’absence des bonus anciennement disponibles sur l’édition DVD Neo Publishing. Artus Films livre un vrai et grand travail éditorial et a mis toute sa passion pour le genre dans ce Mediabook, sans oublier l’incroyable beauté de la copie HD.

Spécialiste et auteur de Lucio Fulci – le poète du macabre, écrit avec Jean-François Rauger, mais aussi rédacteur en chef du site luciofulci.fr, Lionel Grenier nous propose une formidable présentation, analyse et critique de L’Enfer des zombies (19’). Il replace le film dans la carrière du maître, évoque sa genèse, l’équipe technique, le casting, les conditions de tournage, les accusations de plagiat de la part de Dario Argento. Dans un second temps, il se penche davantage sur le fond et les partis pris du film.

S’ensuit un long entretien avec le scénariste de Dardano Sacchetti (41’). Sans langue de bois, l’auteur des Guerriers du Bronx, Pulsions cannibales, L’au-delà, 2072, les mercenaires du futur donne sa version de la mise en route de L’Enfer des zombies, de l’arrivée de Lucio Fulci sur le projet et du tournage du film qui nous intéresse. Notons que quelques-uns en prennent pour leur grade comme le producteur Fabrizio De Angelis (« qui ne se gênait pas pour copier les autres »), tout en se couvrant de louanges : « j’étais le seul qui faisait mourir de peur les mémés ! […] j’ai créé le slasher avec La Baie sanglante, et l’autre con nous pond un Vendredi 13 qui en est un plagiat total ! ».

C’est au tour du maquilleur Maurizio Trani de revenir sur son travail sur L’Enfer des zombies (20’). Fils et neveu de créateurs de maquillages pour le cinéma, notre interlocuteur évoque sa collaboration avec son maître Giannetto De Rossi et bien sûr ses créations les plus marquantes sur le film de Lucio Fulci. Les anecdotes de tournage sont savoureuses. Notons une apparition rapide de Rosario Prestopino, confrère de Maurizio Trani, décédé en 2008.

Le dernier entretien se déroule en compagnie d’Alain Petit (11’). Fidèle complice d’Artus Films, l’historien du cinéma se souvient surtout ici de la programmation inespérée de L’Enfer des zombies dans le cadre de l’émission Quartier interdit, diffusée de septembre 1998 à août 2002. Comme une réponse à son propre Cinéma de quartier, Jean-Pierre Dionnet y présentait ici des films déviants, gore, avec bien sûr une prédilection pour les séries B et Z interdites aux moins de 13 et 18 ans. Nous apprenons que Dionnet (et Petit donc, alors assistant), avaient réussi à programmer la version intégrale du film de Lucio Fulci, mais uniquement en vostf à une heure avancée de la nuit, alors que la version française censurée avait été proposée juste avant. Ce qui avait décontenancé quelques cinéphiles qui avaient voulu réenregistrer la VF de L’Enfer des zombies sur leur VHS originale et qui s’étaient finalement retrouvés avec un montage coupé ! En 2002, Dominique Farrugia, alors président de Canal+, décide de mettre fin à l’émission.

L’interactivité se clôt sur le film-annonce original (qui annonçait aux spectateurs qu’un sac à vomi sera mis à leur disposition à l’entrée du cinéma) et la bande-annonce française d’époque.

L’Image et le son

C’est sublime. Comment dire les choses autrement ? Artus Films livre un master HD restauré 2K qui comblera de joie même les plus difficiles. Les splendides partis-pris esthétiques du directeur de la photographie Sergio Salvati trouvent en Blu-ray un nouvel écrin et se voient entièrement respectés, y compris dans les défauts originaux liés à la pellicule, qui font partie du charme du film. Point de réducteur de bruit à l’horizon, le grain est présent tout en étant discret (même sur les plans légèrement enfumés, difficiles à consolider), la photo ouatée et suintante est savamment restituée pour les scènes sur l’île, la colorimétrie retrouve un éclat inédit et le piqué est probant. Le format 2.35 est conservé, la profondeur de champ très appréciable. L’encodage AVC est solide, la gestion des noirs impeccable, la stabilité indéniable, la propreté exceptionnelle (un ou deux points blancs sans importance) et le niveau de détails impressionnant, y compris lors de l’incroyable séquence sous-marine. L’Enfer des zombies qui affiche déjà près de quarante ans au compteur peut se targuer d’un lifting de premier ordre et d’un transfert d’une folle élégance. Le film est présenté dans sa version intégrale non censurée. Notons également que l’éditeur est reparti du négatif original transféré en 2K (puis nettoyé et restauré en France), puisque celui restauré et fourni par les ayants droits avait entre autres complètement perdu sa patine argentique. Autant dire qu’Artus ne s’est pas laissé aller à la facilité comme certains auraient pu être tentés de le faire !

Alors oui il n’y a pas de version anglaise sur le Blu-ray. Et alors ? A l’instar des films de Sergio Leone qui réunissaient des vedettes internationales, qui s’exprimaient d’ailleurs dans leur langue d’origine, L’Enfer des zombies n’a pas de « réelle » version originale en dehors de la langue italienne puisque production transalpine avant tout. Certes les comédiens s’exprimaient dans la langue de Shakespeare au moment des prises de vue, mais la version officielle est et demeure l’italienne, présente sur cette édition, alors que demander de plus ? Les versions italienne et française bénéficient d’une piste DTS-HD Master Audio Stéréo 2.0 exemplaire et limpide, restituant les dialogues avec suffisamment d’efficacité, ainsi que l’enivrante bande originale signée Fabio Frizzi qui jouit d’un coffre inédit, surtout dans le dernier acte. Les effets sont solides, le confort acoustique largement assuré. La piste française est par moments légèrement désynchronisée, mais ce problème est d’origine et en aucun cas imputable à l’éditeur. Le mixage français est peut-être sensiblement moins riche mais contentera les habitués de cette version, d’autant plus que le doublage vaut souvent son pesant. Nous échappons heureusement à un remixage 5.1 inutile. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Euro Immobilfin Srl – Rome, Italy. Licenced by Variety Communications Srl – Rome, Italy. All Rights reserved. / Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Le Portrait de Jennie, réalisé par William Dieterle

LE PORTRAIT DE JENNIE (Portrait of Jennie) réalisé par William Dieterle, disponible en DVD et Blu-ray chez Carlotta Films le 21 mars 2018

Avec :  Jennifer Jones, Joseph Cotten, Ethel Barrymore, Lillian Gish, Cecil Kellaway, David Wayne…

Scénario : Leonardo Bercovici, Paul Osborn, Peter Berneis d’après le roman « Le Portrait de Jennie » (« Portrait of Jennie ») de Robert Nathan

Photographie : Joseph H. August

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 1948

LE FILM

Eben Adams est un peintre fauché qui rencontre Jennie dans Central Park, une petite fille portant des vêtements d’un autre âge. De mémoire, il fait d’elle un beau croquis qui impressionne ses marchands d’art. Cela lui inspire un portrait – le « Portrait of Jennie ». La revoyant grandie, il s’éprend alors de celle qui semble n’être qu’une apparition appartenant au passé…

« Là d’où je viens, personne ne sait. Et là où je vais, toute chose va ».

Un humaniste à Hollywood. C’est comme cela qu’était perçu le réalisateur allemand Wilhelm Dieterle alias William Dieterle (1893-1972), qui avait tout d’abord commencé en tant qu’acteur de théâtre dans les années 10. Il se lance dans la réalisation en 1919 mais renonce faute de succès. Acteur populaire dans les années 20 où il tient la vedette d’une quarantaine de films, il renoue finalement avec la mise en scène où il dirige Marlène Dietrich. Suite à une invitation de la prestigieuse Warner, William Dieterle se rend aux Etats-Unis où il restera pendant près de trente ans en signant de nombreux succès. Porte-drapeau de l’anti-fascisme, grand humaniste, il reste célèbre pour avoir co-fondé la ligue anti-nazi à Hollywood. Réalisé en 1948, Le Portrait de Jennie est sans nul doute le chef d’oeuvre de William Dieterle.

Comme dans Tous les biens de la TerreThe Devil and Daniel Webster, réalisé au début des années 40, Le Portrait de Jennie s’inscrit dans le genre fantastique ancré dans le réel et demeure un film inclassable, somptueusement mis en scène et photographié comme un rêve éveillé, d’une fantastique poésie, où flamboie le couple Jennifer Jones – Joseph Cotten. Les deux comédiens avaient déjà été réunis trois ans auparavant par William Dieterle dans Love Letters et dans Duel au soleil de King Vidor en 1946, sur lequel le cinéaste avait d’ailleurs remplacé son confrère, même s’il n’est pas mentionné au générique. Le Portrait de Jennie est un film baroque, mystérieux, en un mot immanquable.

New York, hiver 1934. Eben Adams (Joseph Cotten, bouleversant), peintre sans le sou, croise une étrange fillette nommée Jennie Appleton (Jennifer Jones) à Central Park. Lui qui avait pour habitude de peindre des paysages ou des natures mortes va esquisser le croquis de cette enfant, éveillant la curiosité des marchands d’art. À chacune de leurs retrouvailles, Jennie vieillit à vue d’œil, jusqu’à se métamorphoser en une belle et jeune demoiselle. À la fois intrigué et fasciné par cette femme semblant venir d’un autre temps, Eben va tenter de percer le mystère de celle qui est devenue sa muse. Il acquiert ainsi la certitude que Jennie est une revenante, la fille de deux trapézistes morts dans un accident en 1910.

Immense réussite, qui n’avait malheureusement connu aucun succès à sa sortie et qui a ensuite été complètement oublié, Le Portrait de Jennie est un sublime mélodrame, une très grande histoire d’amour au-delà du temps et de la mort, comme pouvait l’être L’Aventure de madame Muir de Joseph L. Mankiewicz sorti l’année précédente. Furieusement romantique, ce film tiré du roman de Robert Nathan (publié en 1940), foudroie d’emblée par son prologue poétique convoquant Euripide et Keats, et qui a fait le bonheur des surréalistes. En ayant parfois recours à des filtres spécifiques qui donnent l’impression que les images sont imprimées sur une vraie toile, William Dieterle convoque et entrecroise les arts et les genres. Romance, drame, fantastique, tous ces éléments s’accordent magistralement au fil d’un récit riche en surprises, jusqu’au dernier quart d’heure insolite où les images N&B deviennent alors vertes, comme si le personnage interprété par Joseph Cotten parvenait à passer à travers les arts et donc de la pellicule, pour sauver celle qu’il aime, qui lui a donné une raison de vivre, qui l’obsède et qui l’inspire.

A sa sortie, cette séquence de violente tempête (récompensée par l’Oscar des meilleurs effets spéciaux en 1949) s’accompagnait également d’effets sonores révolutionnaires voulus par le producteur David O. Selznick. Le Portrait de Jennie est évidemment doublé d’une réflexion sur le rôle de l’art et la place de l’artiste, son inspiration et sa postérité. A l’image du coup de foudre d’Eben et tel Pandora, le visage de Jennie et donc de Jennifer Jones (La Folle ingénue d’Ernst Lubitsch, Plus fort que le diable de John Huston), s’imprime dans les mémoires des cinéphiles de façon indélébile. Plus que le personnage principal, c’est donc la comédienne elle-même, sa beauté, sa sensualité, sa grâce qui défient et passent sans aucun dommage à travers le temps. C’est aussi le cas de cette œuvre onirique et romanesque, qui perd le spectateur dans la Grosse Pomme (d’amour) éthérée et nimbée de brouillard, qui demeure toujours autant si ce n’est plus envoûtante 70 ans après sa sortie sur les écrans.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray du Portrait de Jennie, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.

Seule la bande-annonce d’époque est proposée comme supplément.

L’Image et le son

Si ce master a été restauré, quelques rayures verticales, poussières et griffures subsistent. Quand bien même elles n’altèrent pas le visionnage, elles demeurent récurrentes. Ceci dit les contrastes sont élégants et la luminosité est de mise. Le N&B se compose d’une jolie gamme de gris marbrés même si certains fourmillements ou diverses sautes inhérents à l’âge du film n’ont pu être corrigés. En dehors des rayures mentionnées au préalable, les scories ont été éliminées. Toutefois, certaines séquences sont plus altérées avec un aspect beaucoup plus grumeleux comme sur le plan en ouverture et même toute la scène d’exposition. Les fondus enchaînés décrochent quelque peu, les séquences sombres donnent plus de fil à retordre avec une perte des détails et une baisse de la définition. En revanche, le dernier acte pour lequel le chef opérateur Joseph H. August a utilisé des lentilles spéciales datant du cinéma muet et des filtres verts apparaît plus propre et stable, ainsi que l’épilogue en Technicolor. Le master alterne donc le bon et le médiocre.

Deux mixages au programme. Une version DTS-HD Master Audio 1.0 et…5.0 ! Un carton indique que cette seconde option acoustique reproduit pour le dernier acte, les effets sonores souhaités par le producteur David O. Selznick, exploités dans certaines salles de cinéma. Le mixage 1.0 était alors plus largement diffusé et cette édition replace le son sur le canal central avant. Alors un bon conseil, choisissez la piste mono jusqu’à 1h14 puisque les voix des comédiens y sont plus dynamiques et vous ne vous encombrerez pas d’un souffle sur les enceintes arrière, même si la musique profite quelque peu de cette spatialisation. Dès que la tempête commence par cet éclair vert qui strie le ciel et donc votre écran, passez en 5.0. Ce mixage original vous plongera au beau milieu des vagues et des rafales de vent.

Crédits images : © Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr