LE BAISER DU VAMPIRE (The Kiss of the Vampire) réalisépar Don Sharp,disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 9 novembre 2017 chez Elephant Films
Acteurs : Janette Scott, Oliver Reed, Sheila Burrell, Maurice Denham, Alexander Davion, Liliane Brousse…
Scénario : Anthony Hinds
Photographie : Alan Hume
Musique : James Bernard
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 1963
LE FILM
Lors de leur voyage de noces, un jeune couple perdu dans un petit village d’Europe centrale accepte l’invitation du mystérieux docteur Ravna dans son château. Ils vont découvrir, lors d’un mémorable bal masqué, que la lugubre demeure abrite une secte vampirique.
La Hammer a toujours eu de la suite dans les idées, surtout après des triomphes comme ceux du Cauchemar de Dracula (1958) et Les Maîtresses de Dracula (1960) réalisés par Terence Fisher. Seulement voilà, Christopher Lee refuse de rempiler, il avait d’ailleurs déjà décliné le deuxième volet et même Peter Cushing décide d’aller voir ailleurs. Ne voulant pas laisser mourir sa franchise consacrée aux vampires, la Hammer doit changer son fusil d’épaule. Pas de Dracula ici encore une fois, point de Docteur Van Helsing non plus, le scénariste John Elder (La Nuit du Loup-Garou, Le Fascinant Capitaine Clegg, Le Fantôme de l’opéra), pseudo d’Anthony Hinds, fils de William Hinds, le fondateur de la Hammer films, revoit sa copie et emmène le spectateur à la rencontre de nouveaux personnages. Ce troisième épisode, c’est Le Baiser du vampire, The Kiss of the Vampire, mis en scène non pas par Terence Fisher, qui n’a pas voulu revenir lui non plus, mais par le méconnu Don Sharp (1921-2011), cinéaste australien qui réalisera plus tard Les Pirates du diable (1964), La Malédiction de la mouche (1965), Le Masque de Fu-Manchu (1965) et Les Treize Fiancées de Fu Manchu (1966).
En voyage de noces en Europe centrale, un couple de jeunes mariés, Gerald (Edward de Souza) et Marianne Harcourt (Jennifer Daniel), tombent en panne de voiture. Ils vont trouver refuge à l’hôtel le plus proche, où ils s’aperçoivent qu’ils en sont les seuls clients. Le soir, venu, ils reçoivent une invitation à dîner du docteur Ravna (Noel Willman), qui habite le château voisin. L’hôtelier (Peter Madden) leur conseille d’accepter et ils s’y rendent donc. Ravna leur présente son fils Carl (Barry Warren) et sa fille Sabena (Jacquie Wallis) mais ne leur parle pas d’une jeune fille en robe rouge, Tania (Isobel Black), qui sort peu après du château et se rend au cimetière où elle incite une fille vampire à sortir de son cercueil. Celle-ci était la fille du professeur Zimmer (Clifford Evans), qui l’a mise hors d’état de nuire en lui plantant un pieu dans le cœur lors de l’enterrement.
Ce n’est pas que Le Baiser du vampire soit une déception, car le film demeure divertissant encore aujourd’hui, c’est juste qu’il n’apporte pas grand-chose au mythe du vampire et qu’il demeure anecdotique. Certes, passer après l’immense travail de Terence Fisher n’était pas chose aisée, mais Don Sharp s’acquitte honorablement de sa tâche derrière la caméra. Le point faible du film reste son casting, peu charismatique, en dehors de la belle Isobel Black que l’on laisserait volontiers mordre tout ce qu’elle désire, ainsi que Clifford Evans (vu dans La Nuit du Loup-Garou) qui campe le professeur Zimmer, ersatz de Van Helsing. Si Le Baiser du vampire a su traverser les décennies, c’est aussi en raison de sa séquence de bal masqué qui inspirera à Roman Polanski son cultissime Bal des vampires en 1967, tout comme Le Cauchemar de Dracula et Les Maîtresses de Dracula l’influenceront également.
La photo d’Alan Hume (Un poisson nommé Wanda, Runaway Train, Dangereusement vôtre) est plutôt quelconque, loin d’égaler le travail d’Arthur Grant et surtout de Jack Asher, qui participaient à la réussite des films sur lesquels ils officiaient. Néanmoins, le soin apporté aux décors et aux costumes est indéniable, tandis que certaines scènes ont su marquer les esprits à l’instar de l’attaque des chauves-souris dans un final pensé à l’origine pour Les Maîtresses de Dracula. Dommage que l’atmosphère ne prenne pas vraiment, la faute à une mise en scène certes efficace, mais finalement conventionnelle.
LE BLU-RAY
Le Baiser du vampire est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.
Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer : la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de vrais auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !
Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation du Baiser du vampire (21’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production du Baiser du vampire. Le journaliste replace donc ce film dans l’histoire de la Hammer Films, au moment où le studio souhaitait lancer un troisième volet de la saga Dracula, même si Les Maîtresses de Dracula avait trompé les spectateurs puisque le Comte n’y figurait pas. Après le refus de Christopher Lee, Peter Cushing et même d’Oliver Reed d’apparaître dans un nouveau volet de Dracula, Nicolas Stanzick explique comment la Hammer a finalement renoncé à un Dracula 3, pour se diriger vers une histoire de vampire originale. Le choix du réalisateur Don Sharp, le casting, les effets visuels, la scène finale qui rappelle Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock (même si le film de Don sharp a été tourné avant) sont abordés avec intelligence et spontanéité, tandis que Nicolas Stanzick défend Le Baiser du vampire en indiquant comment le film préfigure ce que le genre allait devenir. Il clôt cet entretien en parlant de l’influence que Le Baiser du vampire aura sur Roman Polanski pour son Bal des vampires.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.
L’Image et le son
La qualité de ce master Haute-Définition n’égale pas celle des précédents titres de la Hammer testés par nos soins. Quelques effets de pompages se font ressentir, les fonds enchaînés entraînent divers décrochages, des fourmillements sont parfois visibles, certains plans s’avèrent moins nets ou plus abîmés (les plans sur le château). Néanmoins, la copie est très propre, les couleurs automnales sont flatteuses, le grain original est respecté et bien géré, le relief de certains détails est appréciable à l’instar des costumes et des décors.
Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. La piste française est tantôt sourde, tantôt criarde, au détriment des ambiances annexes. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer, ni aucun craquement. Le changement de langue est possible à la volée et les sous-titres français non imposés.
PARANOIAQUE (Paranoiac !) réalisépar Peter Graham Scott,disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 9 novembre 2017 chez Elephant Films
Acteurs : Janette Scott, Oliver Reed, Sheila Burrell, Maurice Denham, Alexander Davion, Liliane Brousse…
Scénario : Jimmy Sangster, d’après le roman de Josephine Tey – Brat Farrar
Photographie : Arthur Grant
Musique : Elisabeth Lutyens
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1963
LE FILM
Depuis la mort de ses parents dans un accident, Simon Ashby, un jeune homme mentalement très dérangé, vit avec sa tante très attentionnée dans leur superbe demeure des environs de Londres. Lors d’un service funèbre en mémoire du couple disparu, Eleanor, la soeur de Simon, aperçoit la silhouette de leur frère Tony, qui s’est suicidé voilà sept ans. Sa tante et son frère n’accordent aucun crédit à ses déclarations et s’empressent de la croire folle. Le retour d’un Tony bien réel la sauve d’un internement. Tony explique avoir seulement disparu. Il est victime de nombreuses tentatives d’assassinat, alors même qu’il s’éprend de sa soeur…
Même si la Hammer Films demeure emblématique de l’épouvante et du fantastique au cinéma, celle-ci était pourtant loin de se cantonner aux genres qui lui ont donné ses lettres de noblesse. Des films de pirates et d’aventures sont nés également au sein de la Hammer, y compris des thrillers dramatiques et psychologiques, à l’instar de Paranoïaque (Paranoiac pour les puristes), réalisé par Freddie Francis en 1963, qui découle de deux des plus grands films de l’histoire du cinéma qui venaient alors de secouer la planète entière, Les Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot (1955) et Psychose d’Alfred Hithcock (1960). Opus méconnu de la société de production britannique, Paranoïaque s’avère un film très étonnant, osé et moderne, emblématique de l’ambition et de l’éclectisme de la Hammer.
La famille Ashby est affectée par deux drames : la mort du père et de la mère, il y a onze ans, dans un accident d’avion, et celle de leur fils, il y a huit ans, suicidé à cause d’un mal de vivre qu’il traînait depuis leur disparition. Les autres enfants, Simon et Eleanore, furent placés sous la coupe de leur tante et, tous les ans, en commémoration de ce tragique événement, a lieu une messe. C’est au cours de celle-ci qu’Eleanore aperçoit un homme ressemblant à son frère décédé, Anthony. Taxée de folle, et Simon (alcoolique notoire) ne lui accordant aucune attention, négociant déjà l’héritage qu’il touchera dans trois semaines, la progéniture Ashby va mal.
Si Paranoïaque est une réussite de plus de la Hammer, cela est dû avant tout au choix du metteur en scène, Freddie Francis (1917-2007), qui est à l’époque un chef opérateur très convoité, à qui l’on doit les images inoubliables des Innocents de Jack Clayton (1961), qui avait auparavant travaillé Jack Cardiff sur Amants et fils – Sons and Lovers (1960), pour lequel il avait remporté l’Oscar de la meilleure photographie. Après cette récompense suprême, Freddie Francis décide de passer à la réalisation. Outre Paranoïaque, il signera L’Empreinte de Frankenstein, Dracula et les femmes, Hysteria et Meurtre par procuration, pour le compte de la Hammer. S’il mettra en scène d’autres films dans les années 1970-80, Freddie Francis réalisera également les inoubliables photographies d’Elephant Man, Dune et Une histoire vraie pour David Lynch, mais aussi celle du remake des Nerfs à vif par Martin Scorsese, ainsi que celle de Glory d’Edward Zwick, qui lui vaudra un second Oscar. Mais pour l’heure, Paranoïaque démontre tout son savoir-faire derrière la caméra.
Il fait tout d’abord appel au chef opérateur Arthur Grant, grand nom de la Hammer, qui réalise une splendide photographie N&B très contrastée. D’autre part, Freddie Francis se révèle être un formidable directeur d’acteurs, même si Oliver Reed (qui sortait de La Nuit du Loup-Garou et du Fascinant Capitaine Clegg) ne s’est jamais réellement fait « diriger ». Le comédien livre une prestation complètement dingue et son personnage de frangin déséquilibré, libidineux et porté sur la bibine – les verres qu’il s’envoie du début à la fin ne semblent pas contenir du jus de fruit – fait l’intérêt du film. Parallèlement, la trame faite de rebondissements en tous genres, flirte aussi avec la censure, qui avait déjà fait réécrire le film en raison, avec une double sous-intrigue incestueuse où une tante (géniale Sheila Burrell) entretient une évidente relation avec son neveu (Oliver Reed), tandis qu’une jeune femme (Janette Scott) s’éprend de celui qui dit être son frère (Alexander Davion), que tout le monde croyait mort.
Secrets de famille dissimulés derrière les belles façades d’une vieille demeure ancestrale de la campagne anglaise, perversion, inceste, usurpation d’identité, quasi-nécrophilie, cadavre dissimulé dans le placard (au sens propre comme au figuré), le panier est lourd, mais Freddie Francis et le scénariste Jimmy Sangster parviennent à rendre Paranoïaque miraculeusement divertissant, tout en flattant l’oeil et les désirs des cinéphiles.
LE BLU-RAY
Paranoïaque est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.
Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer : la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de vrais auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !
Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation de Paranoïaque (15’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production de Paranoïaque. Le journaliste replace donc ce film dans l’histoire de la Hammer Films, au moment où le studio souhaitait s’orienter vers d’autres genres afin de ne pas rester enfermé dans le domaine de l’horreur gothique. Les triomphes des Diaboliques et surtout de Psychose donnent l’idée à la Hammer de mettre en route quelques thrillers psychologiques et horrifiques (le plus souvent en N&B), dont le film de Freddie Francis. La carrière de ce dernier, ainsi que le travail – et l’influence – du scénariste Jimmy Sangster, les démêlés avec la censure (qui considérait le premier scénario comme étant une « atroce immondice »), le casting, sont abordés avec intelligence et spontanéité.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.
L’Image et le son
Franchement, nous ne nous attendions pas à un résultat aussi beau. Malgré quelques légères imperfections, ce nouveau master restauré HD (1080p, AVC) s’impose aisément comme l’une des plus belles surprises de cette fin d’année. Ce qui frappe d’emblée, mis à part le fantastique usage du cadre large, c’est la densité du N&B et la profondeur de champ qui est souvent admirable. La photo est formidablement nuancée avec une large palette de gris, un blanc lumineux et des noirs profonds. La gestion du grain est fort plaisante. La copie est lumineuse et le rendu des textures est très réaliste.
Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. La piste française est tantôt sourde, tantôt criarde, au détriment des ambiances annexes et de la partition de Elisabeth Lutyens. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer, ni aucun craquement. Le changement de langue est possible à la volée et les sous-titres français non imposés.
LE FASCINANT CAPITAINE CLEGG (Captain Clegg) réalisépar Peter Graham Scott,disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 novembre 2017 chez Elephant Films
Acteurs : Peter Cushing, Yvonne Romain, Patrick Allen, Oliver Reed, Michael Ripper, Martin Benson, David Lodge, Daphne Anderson, Milton Reid…
Scénario : Anthony Hinds, d’après les romans de Russell Thorndike
Photographie : Arthur Grant
Musique : Don Banks
Durée : 1h22
Date de sortie initiale : 1962
LE FILM
En, 1792, le capitaine Collier et son groupe de soldats débarquent à Romney Marsh sur la côte britannique afin d’enquêter sur une histoire de fantômes des marais semant la terreur dans le village voisin. Il soupçonne vite le révérend local d’être pour quelque chose dans les événements qui s’y déroulent. Il s’avère que le révérend Blyss est un ancien chef pirate, connu sous le nom de capitaine Clegg, qui s’est réfugié dans ce village pour s’y faire oublier.
Malgré les triomphes internationaux de leurs relectures de la créature de Frankenstein, Dracula, la Momie et du Docteur Jekyll, les fondateurs de la Hammer Films ont peur d’être catalogués uniquement dans le registre horrifique et souhaitent donc aborder d’autres genres. William Hinds et Enrique Carreras se mettent donc à la recherche de sujets originaux, de nouveaux filons qui pourraient s’accorder avec leurs conditions de production, à savoir un sujet spectaculaire susceptible d’intéresser tous les âges, tourné avec un budget modeste, afin d’assurer une meilleure rentabilité. Et pourquoi pas une histoire de pirates ? Celles du Doctor Syn par exemple ! D’autant plus que cette série de 8 romans écrits par Russell Thorndike de 1915 à 1944, avait déjà connu une adaptation en 1937. Alors qu’ils pensaient les droits accessibles, les producteurs apprennent que les pontes de Disney les détiennent, ainsi que ceux sur les noms des personnages, dans le but de réaliser une série intitulée L’Epouvantail. Finalement, un accord est trouvé entre la Hammer et la maison de Mickey. Le scénariste Anthony Hinds, crédité sous le nom de John Elder, est libre de s’inspirer des romans de Thorndike, mais doit changer les noms originaux. Exit le Dr Syn, place au Capitaine Clegg !
1776, Le Capitaine Clegg règne en maître au sein de Rommey, un petit village des Cornouailles. L’homme a beau se réclamer de la justice, c’est une sorte de tyrannie qu’il a pourtant instaurée. Les accusations peuvent même s’avérer infondées, ainsi un mulâtre est-il condamné à avoir la langue coupée avant d’être abandonné sur une île déserte pour avoir voulu abuser de la femme du capitaine. 1792. Le Capitaine Collier et ses soldats marins débarquent dans une petite ville côtière anglaise, où repose désormais la dépouille du Capitaine Clegg, pour enquêter sur des fantômes des marais, qui sévissent dans la région. Il soupçonne bientôt le sinistre révérend Blyss, de ne pas être étranger à ces apparitions.
Le Fascinant Capitaine Clegg, Night Creatures aux Etats-Unis, ou bien encore tout simplement Captain Clegg, est un formidable film de pirates, sans batailles navales et sans même voir un bateau en mer ! Le réalisateur Peter Graham Scott fait fi d’un budget somme doute modeste et livre une œuvre d’aventures aux personnages bien dépeints, au récit intelligent et solidement interprété par une ribambelle de comédiens emmenés par l’immense talent et le charisme de Peter Cushing, qui s’en donne à coeur joie dans la peau de Blyss/Clegg au(x)quel(s) il apporte une grande ambiguïté. Sur un rythme vif et une durée ramassée (1h20), Le Fascinant Capitaine Clegg plonge le spectateur à la fin du XVIIIe siècle, en Angleterre, dans un village peuplé d’une petite poignée d’habitants, qui se retrouvent le soir à la taverne ou à l’église pour écouter les sermons du pasteur Blyss, qui n’est autre que le Capitaine Clegg. La nuit, avec certains de ses anciens hommes de main qui lui sont restés fidèles et des villageois contrebandiers, ils arborent un costume sombre représentant un squelette phosphorescent et arpentent les marais sur leurs chevaux plongés dans la nuit brumeuse, comme des spectres, dans le but d’effrayer certains quidams qui se posent trop de questions sur leur affaire de trafic d’alcool.
Parmi ces hommes-spectres, se distingue sans mal l’acteur Oliver Reed, amoureux transi d’Imogene, la fille cachée de Clegg et qui ignore que Blyss est son père. Chose amusante, après avoir interprété la mère d’Oliver Reed dans La Nuit du Loup-garou de Terence Fisher, Yvonne Romain incarne ici sa maîtresse. De jour comme de nuit, Blyss/Clegg entend bien résister aux soldats de sa Majesté, pour préserver son havre de paix, qui lui sert de base pour son commerce illégal depuis près de quinze ans, mais aussi pour assurer la sécurité des habitants qu’il aide au quotidien. Mais c’était sous-estimer l’obstination du Capitaine Collier, interprété par le génial Patrick Allen et sa voix inimitable.
Sorte de relecture gothique et baroque de Robin des Bois, Le Fascinant Capitaine Clegg n’est pas avare en scènes d’action, en émotions et en péripéties, sans oublier les conflits intimes qui animent les personnages. Merveilleusement photographié par le grand Arthur Grant, le film de Peter Graham Scott a su très vite trouver son public et reste très prisé par les fans de la Hammer.
LE BLU-RAY
Le Fascinant Capitaine Clegg est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.
Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de vrais auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !
Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation du Fascinant Capitaine Clegg (12’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production du Fascinant Capitaine Clegg. Le journaliste replace donc ce film dans l’histoire de la Hammer Films, au moment où le studio souhaitait s’orienter vers d’autres genres dans le but de ne pas rester enfermé dans le domaine de l’horreur gothique. Les démêlés avec Disney pour l’adaptation des romans de Russell Thorndike, le casting, l’investissement personnel de Peter Cushing (très grand admirateur des romans de Thorndike) qui avait même pensé réaliser le film, les points communs avec Les Contrebandiers de Moonfleet de Fritz Lang, sont abordés avec intelligence et spontanéité.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.
L’Image et le son
L’apport HD pour Le Fascinant Capitaine Clegg n’est pas aussi que pour Les Maîtresses de Dracula, La Nuit du Loup-Garou et Le Fantôme de l’opéra. Le grain se révèle plus hasardeux, notamment sur les effets spéciaux qui accompagnent la chevauchée des spectres aux abords du marais. Quelques scories et points ont échappé à la restauration, la définition est aléatoire voire chancelante sur les séquences de brume, ou lors d’un échange à la 41e minute où le champ-contrechamp sur Peter Cashing reste inexplicablement flou. Cependant, la copie trouve un équilibre convenable, qui fait honneur au support, même si les couleurs restent plutôt pâles tout du long.
Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. La piste française est tantôt sourde, tantôt criarde, au détriment des ambiances annexes et de la partition de Don Banks. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer, ni aucun craquement. Le changement de langue est possible à la volée et les sous-titres français non imposés.
LE FANTÔME DE L’OPÉRA (The Phantom of the Opera) réalisépar Terence Fisher,disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 novembre 2017 chez Elephant Films
Acteurs : Herbert Lom, Heather Sears, Edward de Souza, Thorley Walters, Michael Gough, Harold Goodwin, Michael Ripper…
Scénario : Anthony Hinds
Photographie : Arthur Grant
Musique : Edwin Astley
Durée : 1h24
Date de sortie initiale : 1962
LE FILM
1900. Une malédiction semble frapper l’Opéra de Londres. Alors que les tragédies se succèdent, la rumeur de la présence d’un mystérieux fantôme orchestrant en coulisse les accidents enfle de plus en plus. Lors d’une première prestigieuse, son existence ne fait plus de doute quand Christine Charles, l’étoile montante de l’Opéra, est enlevée par le fantôme. Elle va découvrir les terribles secrets cachés sous le masque couvrant son terrifiant visage.
Le roman fantastique de Gaston Leroux (1868-1927), Le Fantôme de l’Opéra, publié en feuilleton dans Le Gaulois en 1910, a connu moult adaptations au cinéma, de 1925 par Rupert Julian à celle de Joel Schumacher en 2004, la dernière à ce jour. Une dizaine de transpositions parmi lesquelles se distinguent la toute première, interprétée par l’illustre Lon Chaney, mais aussi et surtout celle de maître Terence Fisher, l’homme qui avait déjà revisité Dracula, le monstre de Frankenstein, la Momie et le Loup-Garou pour le compte de la Hammer Films. Rétrospectivement, Le Fantôme de l’Opéra – The Phantom of the Opera version Fisher, est l’un des opus les plus ambitieux du mythique studio, qui désirait livrer sa version du mythe depuis 1958, mais qui n’avait de cesse de le reporter, faute de moyens suffisants. Quand Cary Grant indique un jour qu’il voudrait s’associer avec la Hammer pour un film, il n’en fallait pas plus pour que le studio mette en route ce long métrage tant désiré. Si cette rencontre Grant-Hammer n’aura finalement jamais lieu, au moins ce fantasme aura-t-il permis la réalisation d’un des plus grands films du studio.
L’histoire se déroule en 1900 à Londres. Le London Opera House est, dit-on, hanté par un fantôme depuis que Lord Ambrose D’Arcy tente d’y présenter un nouvel opéra. Lors de la première, le spectacle est gâché par le corps d’un pendu qui apparaît en se balançant au bout d’une corde au-dessus de la scène. La chanteuse engagée refuse d’y jouer de nouveau. Le directeur artistique, Harry Cobtree auditionne de nouvelles chanteuses et tombe sur Christina Charles, qui semble beaucoup promettre. Elle est engagée et présentée à D’Arcy. Celui-ci tente de la séduire mais elle se refuse à lui. Elle est sauvée par Harry. En colère, D’Arcy les met tous les deux à la porte. Lorsque Harry visite Christina à sa pension de famille, il trouve des manuscrits sur lesquels est écrite une ébauche de l’opéra supposément composé par D’Arcy. La patronne, Mme Tucker, lui avoue que ces papiers ont appartenu à un ancien pensionnaire, le professeur Petrie, qui a été tué lors de l’incendie d’une maison d’imprimerie. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il procède à une rapide enquête qui lui apprend que Petrie n’est pas mort dans l’incendie mais que son visage a en réalité été éclaboussé par de l’acide nitrique au moment où il tentait d’éteindre l’incendie. Christina est alors enlevée et emmenée dans les bas-fonds de l’Opéra où un homme hideux portant un masque et jouant de l’orgue lui déclare qu’il lui apprendra à chanter.
La Hammer dispose d’un budget beaucoup plus conséquent que pour ses films d’épouvante, grâce à un partenariat avec Universal, qui en contrepartie demande au studio d’y aller mollo sur les effets sanguinolents, sur la violence et l’érotisme, ceci afin d’attirer un public plus familial, en espérant ainsi rembourser la mise investie. Si effectivement Le Fantôme de l’Opéra demeure un opus plus « traditionnel », cela n’empêche pas le film d’être une nouvelle merveille concoctée par Terence Fisher. Bridé par les producteurs, le cinéaste s’approprie néanmoins le roman de Gaston Leroux. Sa mise en scène lyrique, sa solide direction d’acteurs (très bons Edward de Souza et Heather Sears), la beauté des décors – dont le Royal Opera House de Covent Garden –par ailleurs sublimés par la photo du chef opérateur Arthur Grant, son rythme enlevé et l’émotion qui émane de sa nouvelle « créature », qui n’a jamais été autant humaine et donc empathique, ne cessent d’émerveiller les spectateurs.
L’art et la virtuosité deTerence Fisher imprègnent chaque plan et chaque séquence, la dualité chère au cinéaste est ici explicite avec le Fantôme – magnifique Herbert Lom – tiraillé entre le bien et le mal, tout comme son visage dissimulé par un masque, où seul un œil demeure visible. Le véritable monstre du film n’est évidemment pas celui que l’on croit puisque celui-ci agit à visage découvert, et quel visage puisqu’il s’agit du célèbre Michael Gough, prolifique comédien britannique, qui interprétait entre autres Alfred Pennyworth du Batman de Tim Burton au Batman & Robin de Joel Schumacher. Particulièrement abject, sadique et repoussant, il est bel et bien l’être inhumain du Fantôme de l’Opéra.
A sa sortie, Le Fantôme de l’Opera n’a pas rencontré le succès espéré. Heureusement, le temps a fait son office et les cinéphiles en ont fait un film aujourd’hui très prisé.
LE BLU-RAY
Le Fantôme de l’Opéra est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.
Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de véritables auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, véritable érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !
Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation du Fantôme de l’Opéra (23’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production du Fantôme de l’Opéra. Le journaliste considère ce film comme l’un des plus personnels de Terence Fisher, le chaînon manquant entre la version avec Lon Chaney et Phantom of the Paradise de Brian De Palma, comme la clé de voûte méconnue de toute la filmographie du réalisateur. Il replace ensuite Le Fantôme de l’Opéra dans l’histoire de la Hammer Films, qui souhaitait reprendre le mythe adapté de Gaston Leroux depuis 1958, mais dont le projet n’avait de cesse d’être repoussé en raison du manque de moyens. La genèse du film, la transposition et les différences avec le roman original, le casting, mais aussi et surtout le fond comme la forme sont abordés avec intelligence et spontanéité.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.
L’Image et le son
Oubliez le DVD sorti chez Bach Films il y a dix ans et précipitez-vous sur ce master Haute-Définition royalement offert par Elephant Films ! Car en dehors de quelques points blancs et de décrochages chromatiques sur les fondus enchaînés, la copie présentée tient toutes ses promesses. Les teintes rouges, jaunes et bleues sont éclatantes, les contrastes sont à l’avenant, les détails élégants sur le cadre large et le piqué pointu. Quel plaisir de (re)découvrir les films de la Hammer dans ces conditions !
Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. Le doublage de la piste française est soigné, avec notamment la présence au générique des immenses Claude Bertrand et Jean-Claude Michel. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer, ni aucun craquement. Le changement de langue est possible à la volée et les sous-titres français non imposés.
LA NUIT DU LOUP-GAROU (The Curse of the Werewolf) réalisépar Terence Fisher,disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 novembre 2017 chez Elephant Films
Acteurs : Oliver Reed, Clifford Evans, Yvonne Romain, Catherine Feller, Anthony Dawson, Josephine Llewellyn, Richard Wordsworth…
Scénario : Anthony Hinds, d’après le roman Le Loup-garou de Paris (The Werewolf of Paris) de Guy Endore
Photographie : Arthur Grant
Musique : Benjamin Frankel
Durée : 1h33
Date de sortie initiale : 1961
LE FILM
Espagne. XVIIIème siècle. Fils d’un mendiant emprisonné qui avait perdu son humanité et de la servante sourde et muette dont il a abusé, Leon est adopté par un vieux professeur, Alfredo Carido. Mais en grandissant, le jeune homme a de plus en plus de mal à refréner ses pulsions meurtrières, qui le poussent à commettre des atrocités, au point de se transformer les nuits de pleine lune…
Quand la bête pleure…
Suite aux succès « monstres » de leurs réadaptations de la créature de Frankenstein avec Frankenstein s’est échappé (1957) et La Revanche de Frankenstein (1958) réalisés par Terence Fisher, puis Dracula avec Le Cauchemar de Dracula (1958) et Les Maîtresses de Dracula (1960) également mis en scène par Terence Fisher, et enfin la Momie avec La Malédiction des pharaons (1959) mis en scène par, ah bah tiens Terence Fisher encore, la Hammer Films Production se réapproprie l’autre grand mythe des Studios Universal, à savoir le Loup-Garou. Et qui de mieux qu’un certain, comment s’appelle-t-il déjà, Terence Fisher pour ressusciter le lycanthrope ? Une fois de plus, cette résurrection est un miracle cinématographique et La Nuit du Loup-Garou – The Curse of the Werewolf est un autre chef d’oeuvre du réalisateur britannique.
En Espagne, au XVIIIe siècle, le cruel marquis Siniestro humilie un mendiant pendant son repas de noces et le fait jeter au cachot. Il y est rejoint des années plus tard par une servante sourde-muette, qui a eu le tort de repousser les avances du marquis. Rendu fou par la captivité, l’homme se jette sur la malheureuse et la viole. La jeune infirme parvient un jour à s’enfuir et meurt en donnant le jour à un fils, Leon, qui est adopté par un vieux professeur, don Alfredo Carido. De sa conception bestiale, Leon garde en lui une malédiction. L’enfant se transforme en loup-garou quand vient la pleine lune et égorge des chèvres. L’amour de ses beaux-parents parvient à retenir ses envies de sang. Des années après, Leon quitte le domicile familial pour gagner sa vie.
La Nuit du Loup-Garou est divisé en trois actes bien distincts. Les origines de Leon / L’émancipation de Leon / La damnation de Leon. Terence Fisher prend le temps d’installer les conditions sociales de l’Espagne du XVIIIe siècle. A l’origine, le scénario devait suivre le roman Le Loup-Garou de Paris de Guy Endore, mais suite à l’arrêt brutal de la production d’un film que devait mettre en scène James Carreras et qui devait se dérouler en Espagne sous l’Inquisition, le scénariste Anthony Hinds, fils de William Hinds, le fondateur de la Hammer films, est obligé de revoir entièrement sa copie afin d’ancrer le comeback du Loup-Garou au pays des pesetas. Ceci afin d’utiliser les décors déjà construits pour le film avorté de James Carreras, lui-même le fils d’Enrique Carreras, l’autre fondateur du studio. Si l’intrigue est déplacée, le propos reste le même et c’est encore une fois la preuve de tout le génie de la Hammer et de Terence Fisher puisque La Nuit du Loup-Garou est une fable sociale déguisée en film d’épouvante et fantastique, qui aurait pu tout aussi bien se dérouler dans l’Angleterre victorienne.
Leon est interprété par l’illustre Oliver Reed, que Terence Fisher venait de diriger dans Les Deux Visages du Docteur Jekyll. Le comédien porte magnifiquement la tragédie de son personnage, dont le destin était d’ores et déjà scellé par les conditions de sa venue au monde. Fruit d’un viol d’une servante sourde-muette, sa mère, interprétée par la pulpeuse Yvonne Romain, par un mendiant retombé à l’état sauvage à cause du sadisme d’un marquis (le vrai monstre du film), qui a lui-même voulu profiter des charmes de la domestique, Leon est à jamais marqué du sceau de la marginalité, image même de l’être différent et écarté de la société. Seul l’amour, le fait d’aimer et d’être aimé, semble repousser l’envie irrépressible de se repaître de chair et de sang. Jusqu’à ce que les conventions sociales s’en mêlent et annihilent tout espoir de rédemption pour Leon, qui doit alors lutter contre ses envies bestiales. Jusqu’au point de non-retour.
Jack Asher n’étant pas disponible, ou tout simplement trop cher pour les studios, le chef opérateur Arthur Grant signe la photo de The Curse of the Werewolf. Attaché à la Hammer (Le Spectre du chat, et plus tard Le Fascinant capitaine Clegg ou bien encore Le Fantôme de l’opéra), le directeur de la photographie apporte au film une esthétique plus réaliste et moins baroque que son célèbre confrère, notamment dans le dernier acte entre ombre et lumière.
Référence du film de genre, sur le fond comme sur la forme (extraordinaire maquillage de Roy Ashton, inspiré par celui de la Bête du film de Jean Cocteau), La Nuit du Loup-Garou est un film unique au sein des nombreux longs métrages centrés sur un lycanthrope, beau, passionnant, drame violent (le viol hors-champ est vraiment troublant), intelligent, d’autant plus rare qu’il s’agit du seul film de loup-garou produit par la Hammer Films Productions.
LE BLU-RAY
La Nuit du Loup-Garou est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.
Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de véritables auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, véritable érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !
Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation de La Nuit du Loup-Garou (24’30). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production de La Nuit du Loup-Garou. Le journaliste replace donc le film de Terence Fisher dans l’histoire de la Hammer Films, qui souhaitait aborder le célèbre lycanthrope après avoir ressuscité les autres monstres autrefois rendus célèbres par les studios Universal. Le casting, mais aussi et surtout le fond (la dimension sociale du film) comme la forme (le maquillage de Roy Ashton, la photographie d’Arthur Grant, la mise en scène de Terence Fisher) sont abordés avec intelligence et spontanéité.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.
L’Image et le son
Le film est présenté dans son format respecté et en 16/9. En dépit d’un grain parfois trop prononcé sur chaque plan montrant le ciel, qui entraînent inévitablement de sensibles fourmillements, ainsi que des noirs qui tirent sur le bleu et des décrochages sur les fondus enchaînés, l’image de La Nuit du Loup-Garoua été excellemment restaurée. La définition est souvent exemplaire, la propreté indéniable (à part de petits points noirs), la superbe photo d’Arthur Grant flatte constamment les rétines, la stabilité est de mise et même le piqué est à l’avenant sur certaines séquences, y compris sur les scènes en intérieur où l’on peut apprécier chaque détail des décors. Les couleurs sont claires et vraiment très belles, les contrastes très appréciables. L’apport HD pour ce titre est vraiment indispensable. Un très beau lifting.
Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. La piste française est tantôt sourde, tantôt criarde, au détriment des ambiances annexes et de la partition de Benjamin Frankel. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer, ni aucun craquement. Le changement de langue est possible à la volée et les sous-titres français non imposés.
LES MAÎTRESSES DE DRACULA (The Brides of Dracula) réalisépar Terence Fisher,disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 novembre 2017 chez Elephant Films
Acteurs : Peter Cushing, Martita Hunt, Yvonne Monlaur, Freda Jackson, David Peel, Miles Malleson, Henry Oscar, Mona Washbourne, Michael Ripper…
Scénario : Jimmy Sangster, Peter Bryan, Edward Percy
Photographie : Jack Asher
Musique : Malcolm Williamson
Durée : 1h25
Date de sortie initiale : 1960
LE FILM
Marianne a accepté un poste d’institutrice dans un pensionnat pour jeune fille. Alors qu’elle traverse la Transylvanie, son cocher l’abandonne dans un village, où elle trouve refuge dans une auberge. Malgré les mises en garde du propriétaire des lieux, elle accepte l’invitation de la baronne Meinster à passer la nuit dans son château. Heureusement pour elle, Van Helsing, docteur en philosophie, théologie et professeur de métaphysique, poursuit dans la région sa chasse aux vampires.
Les Maîtresses de Dracula – The Brides of Dracula est et demeure l’un des opus emblématiques de la mythique Hammer. Si le titre est quelque peu mensonger puisque le célèbre Comte n’apparaît pas une seconde à l’écran (pas de Christopher Lee ici) mais laisse sa place à l’un de ses disciples, ce film fantastique, dans tous les sens du terme, reste l’un des plus grands films de vampires, réalisé par l’expert en la matière (mais pas que), le maître Terrence Fisher. Le cinéaste britannique (1904-1980), qui avait auparavant signé Frankenstein s’est échappé (1957), Le Cauchemar de Dracula (1958), La Revanche de Frankenstein (1958), Le Chien des Baskerville (1959) et La Malédiction des pharaons (1959), retrouve à nouveau l’immense Peter Cushing, qui revêt le costume du professeur Van Helsing pour la seconde fois de sa carrière – il l’incarnera au total cinq fois, du Cauchemar de Dracula (1958) à La Légende des sept vampires d’or (1974), dernier film de la saga – dans lequel il crève l’écran une fois de plus, au point de devenir le véritable héros de ce nouvel épisode, pour ne pas dire de la franchise.
L’histoire se passe en Transylvanie. Marianne Danielle (Yvonne Monlaur), une jeune institutrice en route pour occuper un emploi dans un pensionnat pour jeunes filles, est abandonnée dans un village par son cocher. À l’auberge où elle se réfugie, elle ne tient pas compte des avertissements des propriétaires du lieu et accepte l’offre de la baronne Meinster (Martita Hunt) de passer la nuit dans sa demeure. Au château, de la fenêtre de sa chambre, elle aperçoit le fils de la baronne (David Peel). Celle-ci lui déclare qu’il est fou et qu’elle doit le garder prisonnier dans sa chambre. Plus tard, Marianne le rencontre et celui-ci lui déclare que sa mère a usurpé ses terres par jalousie. La jeune fille le croit et décide de l’aider. Elle vole la clé de la chaîne qui le tient prisonnier et la lui donne. La baronne apprend horrifiée ce qui s’est passé. Son fils, délivré, apparaît et lui ordonne de la suivre. Marianne entend les cris hystériques de la servante Greta (Freda Jackson) qui la force à regarder le corps assassiné de la baronne et les marques de perforation sur sa gorge. Marianne s’enfuit dans la nuit. Le lendemain, elle est recueillie par le docteur Van Helsing (Peter Cushing), toujours à la poursuite des non-morts.
Les Maîtresses de Dracula est une référence du genre. Premièrement par ses partis pris stylisés et sophistiqués. La photographie du chef opérateur Jack Asher, complice de Terence Fisher, a su marquer les esprits avec l’utilisation de couleurs baroques, à dominante rose. Une esthétique qui inspirera moult cinéastes à l’instar de Dario Argento pour ses œuvres les plus célèbres. D’autre part, la mise en scène de Terence Fisher, sans cesse inventive, traverse les années sans prendre de rides. Le cadre et le découpage sont constamment au service du récit, ou plutôt du « conte de fées pour adultes » comme aimait le dire le réalisateur. Enfin, le casting est au diapason. Si Peter Cushing, monstre de charisme et de talent, vole toutes les scènes à chaque apparition, Les Maîtresses de Dracula donne également la vedette à la belle Yvonne Monlaur. La comédienne française, révélée dans Le Cirque des horreurs (1960) de Sidney Hayers, est considérée comme l’une des plus grandes Hammer Girls. Son magnétisme et son érotisme innocent ne sont pas pour rien dans la très grande réussite du film. Il en est de même pour le méconnu David Peel, qui interprète ici le fameux Baron Meinster, créature aux dents longues, enchaîné par sa mère, jusqu’à ce que cette dernière se faire mordre par sa progéniture. Il fallait vraiment oser parler de complexe d’Oedipe dans ce contexte !
Terence Fisher utilise la sexualité de son acteur, gay revendiqué, pour apporter sa pierre à l’édifice du genre. Le vampire a toujours été associé au sexe, par l’excitation que la créature exerce souvent auprès des femmes, mais le cinéaste attaque ici frontalement cette facette. Personnage à la fois asexué et pourtant sexuel, beau et repoussant, qui se repaît aussi bien du sang des femmes que des hommes, le Baron Meinster envoûte son entourage, pour mieux les appâter. De son côté, en prenant les choses en main, Van Helsing devient celui qui non seulement s’oppose au vampire, mais également celui qui va traverser toutes les épreuves, y compris celle de revenir quasiment d’entre les morts par son seul courage et son intelligence, pour sauver la jeune femme et débarrasser la planète d’un des non-morts qu’il poursuit sans relâche.
Le final dans le moulin – magnifique décor gothique – éclairé par les rayons de la Lune est anthologique, tout comme le duel final, où la ruse du professeur l’emporte sur l’affrontement physique, en retournant les forces du mal contre le démon. Ou quand les ailes d’un moulin deviennent un crucifix géant ! C’est grand, c’est virtuose, c’est Terence Fisher, qui reviendra au célèbre vampire en 1966 avec Dracula, prince des ténèbres, avec le retour de Christopher Lee dans le rôle-titre.
LE BLU-RAY
Les Maîtresses de Dracula est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.
Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de véritables auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, véritable érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !
Nous trouvons ensuite une très émouvante et délicate interview de la comédienne Yvonne Monlaur, Marianne Danielle dans Les Maîtresses de Dracula, qui revient avec visiblement beaucoup de plaisir sur son travail avec Terence Fisher (« tellement gentil, cool et relax ! »), Peter Cushing et David Peel (12’). Très élégante, belle et douce, Yvonne Monlaur partage ses souvenirs de tournage, évoque son personnage, les prises de vue aux studios Bray (près de Londres) et se souvient avec émotion de la présentation du film lors d’une rétrospective de la Hammer au musée Orsay en 2011, où elle avait rencontré les fans français. Un carton indique qu’Yvonne Monlaur est décédée le 18 avril 2017, visiblement peu de temps après cet entretien.
Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation des Maîtresses de Dracula (26’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production des Maîtresses de Dracula. Autrement dit la genèse compliquée du film en raison de nombreuses réécritures (trois scénaristes crédités), l’évolution de l’histoire, les éléments non retenus mais repris trois ans après dans Le Baiser du vampire de Don Sharp, le casting, les conditions de tournage. Nicolas Stanzick indique que Terence Fisher a su faire fi des incohérences et zones d’ombre du scénario, héritées des réécritures multiples, pour en faire à l’écran des éléments mystérieux et surtout un des plus grands films gothiques de l’époque. Le journaliste abord ensuite le mythe du vampire dans l’oeuvre de Terence Fisher, notamment dans sa trilogie constituée du Cauchemar de Dracula – Les Maîtresses de Dracula – Dracula, prince des ténèbres, ainsi que la place de plus en plus prépondérante de Van Helsing face aux créatures qu’il combat.
Pour finir, Yvonne Monlaur lit une critique des Maîtresses de Dracula, écrite par Michel Caen et publiée dans la revue de cinéma Midi-Minuit à la sortie du film (2’).
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.
L’Image et le son
Le Blu-ray est au format 1080p (AVC) et le film présenté dans son format respecté. L’image des Maîtresses de Dracula a été excellemment restaurée. Le grain est présent mais très bien géré, la définition est souvent exemplaire, la propreté indéniable, aucune scorie à l’horizon à part quelques points noirs, la superbe photo de Jack Asher flatte constamment les rétines, la stabilité est de mise et même le piqué est à l’avenant sur certaines séquences, y compris sur les scènes en intérieur. Les couleurs sont claires et vraiment très belles, les contrastes denses. L’apport HD pour ce titre est vraiment indispensable. Un très beau lifting qui enterre définitivement l’édition DVD éditée par Bach Films en 2007.
Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. La piste française mise un peu trop sur les dialogues, au détriment des ambiances annexes et de l’habillage musical. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
LE TOBOGGAN DE LA MORT (Rollercoaster) réalisépar James Goldstone,disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 5 septembre 2017 chez Elephant Films
Acteurs : George Segal, Richard Widmark, Henry Fonda, Timothy Bottoms, Helen Hunt, Harry Guardino…
Scénario : Sanford Sheldon, Richard Levinson, William Link
Photographie : David M. Walsh
Musique : Lalo Schifrin
Durée : 1h58
Date de sortie initiale : 1977
LE FILM
Un terroriste sabote les montagnes russes du parc d’attractions d’Ocean View et réclame un million de dollars pour arrêter ses actes. Harry Calder, l’inspecteur chargé de la sécurité des fêtes foraines, soupçonne le terroriste de vouloir piéger le Grand huit de Los Angeles le jour de la fête nationale.
Les années 1970 ont vu exploser un genre dans le cinéma américain, celui du film catastrophe. Près d’une trentaine de longs métrages exploiteront le filon initié par Airport de George Seaton en 1970. Tout y passera, catastrophes aériennes (Airport donc, Alerte à la bombe, 747 en péril, L’Odyssée du Hindenburg, Les Naufragés du 747, le nanar Airport 80 Concorde), catastrophes maritimes (L’Aventure du Poséidon, Terreur sur le Britannic, Sauvez le Neptune, Le Dernier secret du Poséidon, S.O.S. Titanic), sans oublier Tremblement de terre, La Tour infernale de John Guillermin et Irwin Allen, mètre étalon du genre, Le Pont de Cassandra et bien d’autres. Le Toboggan de la mort – Rollercoaster, est également un thriller atypique, puisque le récit se situe essentiellement dans une fête foraine.
Harry Calder est un contrôleur chargé de vérifier le bon fonctionnement des manèges dans des parcs d’attractions. Lorsqu’un accident mortel survient sur des montagnes russes qu’il avait récemment inspectées, il est interrogé par la police. Persuadé que ce n’est pas un accident, Calder se rend à Chicago lorsqu’il apprend que les patrons des cinq plus grandes compagnies de parcs de loisirs ont décidé de se réunir d’urgence à l’hôtel Hyatt Regency. Ensemble, ils écoutent une cassette sur laquelle un homme exige 1 million de dollars, sans quoi d’autres parcs d’attractions seront visés. EN 1977, Le Toboggan de la mort arrive en fin de parcours alors que Star Wars venait déjà de créer un raz-de-marée au box-office et rendait le genre catastrophe désuet et même périmé. Néanmoins, afin d’appâter les spectateurs, le film bénéficie d’une exploitation en Sensurround, procédé acoustique qui consistait à synchroniser à l’action, la diffusion de puissantes vibrations sonores de très basses fréquences. Ces ondes sonores étaient supposées procurer au spectateur certaines sensations en rapport avec le film projeté. Ce système d’effets spéciaux avait été lancé en 1974 à l’occasion de la sortie de Tremblement de terre de Mark Robson. En dehors de La Bataille de Midway (1976) de Jack Smight, Le Toboggan de la mort est finalement l’un des rares films à avoir pu et su utiliser ce « gadget » visant à attirer les spectateurs dans les salles. Mais à côté de cette technique destinée à son exploitation et à renforcer les séquences de caméra embarquée sur le Grand huit, que vaut aujourd’hui le thriller de James Goldstone ?
S’il n’est pas un chef d’oeuvre, il n’en demeure pas moins un très bon thriller qui repose sur un scénario intelligent écrit par Richard Levinson et William Link, complices sur une multitude de séries télévisées comme L’Homme à la Rolls, Le Fugitif, Mannix, mais aussi et surtout Columbo, qui ne serait rien sans l’intelligence de leur plume. Spécialisés dans les intrigues policières, les deux associés s’étaient également déjà essayés au film de genre avec L’Odyssée du Hindenburg de Robert Wise en 1975. Deux ans plus tard, les studios Universal leur confient l’histoire du Toboggan de la mort. Aux manettes, on retrouve l’excellent James Goldstone (1931-1999), réalisateur venu de la télévision (Perry Mason, Rawhide, Voyage au fond des mers, L’Homme de fer, Au-delà du réel), qui est ensuite passé au cinéma et à qui l’on doit entre autres Virages avec Paul Newman.
Qui dit film catastrophe dit casting prestigieux et si Le Toboggan de la mort ne profite pas d’une affiche aussi ahurissante qu’au début de la décennie, retrouver George Segal, Richard Widmark, Henry Fonda (même dans une petite apparition) et Timothy Bottoms tout juste révélé par Johnny s’en va-t-en guerre de Dalton Trumbo et La Dernière séance de Peter Bogdanovich, reste on ne peut plus attractif. C’est d’ailleurs le mot qui convient à ce thriller qui se déroule dans un parc d’attractions où l’on suit le parcours dicté à Calder, inspecteur dont la vie personnelle est quelque peu chaotique, par un terroriste (minéral Timothy Bottoms). Etape par étape, à l’instar d’Harry Callahan devant se rendre d’une cabine téléphonique à une autre dans L’Inspecteur Harry ou bien encore à la manière des énigmes de Simon posées à John McClane dans Une journée en enfer, Harry Calder (ironique George Segal, parfait dans la peau d’un mec dépassé par les événements) écoute et suit les instructions du terroriste. Calder passe donc d’un manège à l’autre, achète et arbore un chapeau ridicule, tout en trimballant une valise remplie de billets qu’il devra déposer à un endroit précis. La surveillance s’organise autour de l’agent fédéral Hoyt (Widmark, toujours aussi agité et c’est tant mieux), bien décidé à prendre le terroriste la main dans le sac.
Après une séquence d’ouverture particulièrement violente avec un accident de manège repris en version plus trash dans Destination finale 3, James Goldstone installe ses personnages comme des pions sur un échiquier, pour mieux les manipuler dans un décor qu’il exploite parfaitement du début à la fin. Le suspense est maintenu, le divertissement demeure entier malgré une fin quelque peu expédiée et le charme vintage agit toujours, tout comme la composition inspirée de Lalo Schifrin. Dernière anecdote, la fille du personnage d’Harry Calder est interprétée par la jeune Helen Hunt, alors âgée de 14 ans.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray du Toboggan de la mort est disponible chez Elephant Films en DVD et combo Blu-ray/DVD. Le menu principal est animé et musical.
Outre un lot de bandes-annonces et une galerie de photos, la présentation du film par Julien Comelli (23’) est nettement plus intéressante et instructive que pour La Kermesse des aigles chroniqué fin août. Le journaliste en culture pop propose tout d’abord un petit récapitulatif des films catastrophes tournés dans les années 1970, tout en donnant de nombreuses indications sur les scénaristes, le casting, le compositeur du Toboggan de la mort. La fin du genre est également abordée avec l’arrivée des films de science-fiction et fantastiques qui attirent désormais les spectateurs Star Wars depuis en 1977. Julien Comelli avance avec justesse que le film de James Goldstone parvient à tirer son épingle du jeu, tout en le comparant avec d’autres thrillers se passant dans un parc d’attractions, à l’instar de Westworld, Les Dents de la mer 3 et Le Flic de Beverly Hills 3. Enfin, le procédé Sensurround est également évoqué, tout comme la sortie du film.
L’Image et le son
Superbe ! Entièrement restauré, Le Toboggan de la mort est enfin proposé dans une édition digne de ce nom, en Blu-ray au format 1080p. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce lifting lui sied à ravir. Tout d’abord, la copie affiche une propreté incontestable, aucune scorie n’a survécu à l’attention des restaurateurs, la clarté HD et la colorimétrie pimpante flattent les rétines sur les séquences en extérieur. Dès la fin du générique d’ouverture, marqué par un grain plus prononcé, les contrastes trouvent une fermeté inédite, le piqué est renforcé et les noirs plus denses, les détails sur les décors abondent, sans oublier la profondeur de champ. Certes, quelques plans peuvent paraître plus doux en matière de définition, à l’instar des images tournées au moyen d’une caméra embarquée sur les attractions, avec de sensibles fourmillements et flous intempestifs, mais jamais le film de James Goldstone n’avait jusqu’alors bénéficié d’un tel traitement de faveur.
Evidémment, le Sensurround ne s’invite pas dans votre salon. Cependant, l’éditeur offre la possibilité de visionner Le Toboggan de la mort en DTS-HD Master Audio 3.1 anglais, mais aussi en version française ! Ces options acoustiques créent un véritable confort, tout en reproduisant quelques secousses bienvenues lors des scènes où le spectateur s’invite dans une des attractions. Le caisson de basses participe à cette expérience. Les versions française (excellent doublage avec les illustres Dominique Paturel, Marc Cassot, Roger Crouzet, Jacques Richard) et anglaise sont également disponibles en DTS-HD Master Audio 2.0 qui conviennent également, mais puisque l’éditeur nous offre la possibilité de renforcer un peu plus le spectacle, pourquoi s’en priver ?
LA KERMESSE DES AIGLES (The Great Waldo Pepper) réalisépar George Roy Hill,disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 5 septembre 2017 chez Elephant Films
Acteurs : Robert Redford, Bo Svenson, Bo Brundin, Susan Sarandon, Geoffrey Lewis…
Scénario : George Roy Hill, William Goldman
Photographie : Robert Surtees
Musique : Henry Mancini
Durée : 1h44
Date de sortie initiale : 1975
LE FILM
Après la Première Guerre mondiale, l’aviateur Waldo Pepper gagne sa vie en donnant des spectacles aériens et des baptêmes de l’air aux citoyens de petites villes américaines. Frustré de n’être jamais devenu un as de l’aviation, il s’invente un passé prestigieux, prétendant avoir survécu à un affrontement contre l’as allemand Ernst Kessler. Mais alors que son talent le mène à Hollywood, où il devient cascadeur, son passé le rattrape sous la forme de Ernst Kessler, venu participer à un tournage…
Après Butch Cassidy et le Kid (1969) et L’Arnaque (1973, Oscar du meilleur réalisateur), le cinéaste George Roy Hill (1921-2002) et le comédien Robert Redford s’associent pour un troisième et dernier tour de piste avec La Kermesse des aigles – The Great Waldo Pepper réalisé en 1974. Le neuvième long métrage de George Roy Hill demeure un formidable spectacle dont les véritables, authentiques et vertigineuses prouesses aériennes, certaines réalisées par Robert Redford lui-même et sans avoir recours aux sempiternelles transparences, ne cessent d’impressionner encore aujourd’hui.
Dans les années 20, le pilote Waldo Pepper se produit dans des cirques volants du Nebraska. Ancien pilote de combat, racontant à qui veut bien l’entendre – et le croire – qu’il avait volé avec la force aérienne américaine lors de la Première Guerre Mondiale, il aime raconter une de ses aventures durant laquelle il aurait affronté le pilote allemand Ernst Kessler, qu’il considère alors comme le plus grand du monde. Son talent pour les acrobaties périlleuses et son ambition conduisent Waldo à Hollywood où il doit tourner un film qui reconstitue justement les exploits d’Ernst Kessler, auxquels il a voulu assister et participer. C’est alors que Waldo se retrouve face à l’homme qu’il a toujours idolâtré, venu comme conseiller technique sur le plateau. Waldo voit alors son rêve se réaliser. Comme dans la plupart de ses films, George Roy Hill distille une furieuse mélancolie et une nostalgie à fleur de peau dans La Kermesse des aigles en dressant le portrait d’un homme qui n’a jamais cessé de vivre dans le fantasme, jusqu’à être rattrapé par le destin. A l’instar de La Castagne qu’il réalisera en 1977, le cinéaste oscille entre le drame et la comédie.
La Kermesse des aigles est souvent léger et reflète l’innocence d’une Amérique post-Première Guerre mondiale et avant le rouleau compresseur de la crise économique. Le personnage incarné par Robert Redford est charmeur et bondissant, vante ses talents d’acrobate et de pilote émérite, devant une population en quête de sensations. Mais George Roy Hill – grand amateur d’aviation et lui-même pilote sur le tournage – nous montre également que tout ceci n’est que vernis puisque Waldo Pepper est avant tout un homme qui vit dans le déni, qui se ment à lui-même avant de mentir aux autres et qui se contente de poudre aux yeux. Il ne sait faire qu’une seule chose, voler et seule compte l’adrénaline. Alors quand son autorisation de piloter lui est retirée puisqu’il n’a pas de licence et que le gouvernement américain souhaite réguler le trafic aérien en le démocratisant, Waldo ne sait plus quoi faire. S’il s’était déjà contenté de faire le clown et des cascades devant les yeux ébahis, Waldo doit se rendre à l’évidence. On lui interdit tout simplement de vivre s’il ne peut plus voler à sa guise. Une deuxième chance s’offre à lui, la dernière, quand son chemin va enfin croiser celui qu’il imaginait combattre. L’occasion de se mesurer à lui, quitte à en mourir. Mais cet homme, Ernst Kessler, bien que possédant toutes les décorations militaires et un prestige international, est lui aussi devenu l’ombre de lui-même depuis qu’il ne vole plus.
La Kermesse des aigles met en relief la difficile voire l’impossible reconversion professionnelle des anciens pilotes de la Grande guerre. Après Gatsby le Magnifique de Jack Clayton et avant Les Trois Jours du condor de Sydney Pollack, Robert Redford est évidemment parfait dans ce rôle complexe, pour lequel il s’est une fois de plus très investi au point d’exécuter quelques cascades et pirouettes à plus de mille mètres d’altitude. Le baroudeur est également soutenu devant la caméra par un casting quatre étoiles, dont les sublimes Susan Sarandon et Margot Kidder, mais aussi les talentueux Bo Svenson et Geoffrey Lewis, sans oublier la beauté de la photo du chef opérateur Robert Surtees (Ben-Hur, Le Lauréat, L’Arnaque) et le grand Henry Mancini à la baguette. En d’autres termes, La Kermesse des aigles, c’est la classe absolue du cinéma.
LE BLU-RAY
La Kermesse des aiglesest disponible en combo Blu-ray-DVD chez Elephant Films. Le test de l’édition HD a été réalisé sur un check-disc. Le menu principal est élégant, animé et musical.
L’interactivité est le gros point faible de cette édition. En effet, en dehors d’un lot de bandes-annonces et une galerie de photos, la présentation du film par Julien Comelli (12’) n’a strictement aucun intérêt puisque le journaliste en culture pop se contente d’énumérer les films réalisés par George Roy Hill, ceux écrits par William Goldman et ceux dans lesquels ont joué les principaux comédiens de La Kermesse des aigles. Vous gagnerez votre temps à consulter IMDB directement, plutôt que de visionner ce segment sans aucun rythme et platement réalisé.
L’Image et le son
La Kermesse des aigles renaît littéralement de ses cendres avec ce nouveau master Haute-Définition (1080p, AVC) grâce à Elephant Films ! C’est superbe. Alors qu’il ne bénéficiait que d’une simple édition DVD depuis une quinzaine d’années chez Universal Pictures, le film de George Roy Hill est de retour dans les bacs dans une édition digne de ce nom. La propreté de la copie est bluffante, le grain original respecté flatte les mirettes, la luminosité des scènes diurnes est élégante, tout comme la gestion des contrastes et la stabilité est de mise. Certes, le générique en ouverture est un peu plus défraîchi et grumeleux, tandis que certaines séquences sombres s’avèrent moins définies, mais cela reste anecdotique. Le cadre large offre une profondeur de champ inédite et regorge de détails, le piqué est à l’avenant et la colorimétrie étincelante.
La Kermesse des aigles est disponible en version originale et française DTS HD Master Audio 2.0. La première instaure un confort acoustique plaisant avec une délivrance suffisante des dialogues, des effets annexes convaincants et surtout une belle restitution de la musique. La piste française se focalise souvent sur les voix au détriment des ambiances environnantes et de la composition d’Henry Mancini. Les deux options acoustiques sont propres et dynamiques.
L’ESPRIT DE CAÏN (Raising Cain) réalisépar Brian De Palma,disponible en combo DVD-Blu-ray le 28 mars 2017 chez Elephant Films
Acteurs : John Lithgow, Lolita Davidovich, Steven Bauer, Frances Sternhagen, Gregg Henry, Tom Bower, Gabrielle Carteris…
Scénario : Brian De Palma
Photographie : Stephen H. Burum
Musique : Pino Donaggio
Durée : 1h31
Date de sortie initiale : 1992
LE FILM
Le docteur Carter Nix est un pédopsychiatre réputé qui décide d’abandonner sa carrière pour mieux pouvoir élever la fille qu’il a eue avec Jenny, elle-même médecin. Cette dernière se montre concernée par l’obsession grandissante que son mari porte à l’éducation de leur enfant, jusqu’à commencer à douter de la santé mentale de l’homme qu’elle a épousé et qu’elle croit connaître.
En 1984, Brian De Palma livre un chef d’oeuvre sur sa filiation avec son maître Alfred Hitchcock, Body Double. Puis, le cinéaste effectue un virage étonnant dans sa carrière, cela ne sera pas l’unique fois, en enchaînant trois films de studio aux budgets conséquents et portés par des stars. Les Incorruptibles (1987) est un succès mondial et vaut à Sean Connery le seul Oscar de sa carrière, Outrages (1989), interprété par Michael J. Fox et Sean Penn est un film sur les dérives de la guerre du Vietnam qui se solde par un échec au box-office. Ce changement de registre étonne les spectateurs et la difficulté de son sujet, le viol et le meurtre d’une jeune paysanne vietnamienne en 1966 par des soldats américains, entraîne son rejet total aux Etats-Unis. De Palma essaye alors de se refaire avec Le Bûcher des vanités, mais malheureusement, cette adaptation du roman de Tom Wolfe avec pourtant le trio Tom Hanks – Melanie Griffith – Bruce Willis en vedette est très mal accueillie par la presse et les salles sont désertées. Après ces expériences à la Paramount, à la Fox puis à la Warner Bros., Brian de Palma tombe dans la dépression au début des années 1990. Comme tout artiste, il décide de revenir à ses premières amours, au film à petit budget, une production indépendante plus modeste dans laquelle il mettrait à nouveau tous les thèmes qui l’animent et qui ont fait sa renommée. Ce thriller névrotique, psychologique, baroque et hitchcockien s’intitule L’Esprit de Caïn et demeure à ce jour le film le plus mal aimé, probablement le plus incompris de son auteur, celui qui entraîne le plus de débats au sein même de la sphère des fans du réalisateur.
Sorti en 1992, Raising Cain détonne et la critique conspue immédiatement ce film. « Grotesque », « ridicule », « absurde », « outrancier », rarement un film de Brian De Palma aura été à ce point controversé et traîné dans la boue. Pourtant, rétrospectivement, ces qualificatifs reflètent bien ce film du réalisateur de Phantom of the Paradise, qui concentre le plus la sève de sa création. Le spectre d’Alfred Hitchcock plane évidemment sur Raising Cain, comme si Brian De Palma, après s’être éloigné de ses thèmes de prédilection, se sentait à nouveau attirer par celui qui lui a donné envie de faire ce métier de cinéaste. Magistralement interprété par John Lithgow, le personnage principal schizophrène atteint de dédoublement de la personnalité renvoie à la propre situation de De Palma, pris entre son désir de conserver son indépendance, ainsi que sa liberté créatrice, et son obligation à se plier aux directives des studios hollywoodiens afin de survivre dans l’industrie cinématographique. Le cinéaste use de ficelles devenues « populaires » à l’instar du soap opéra, caractérisé par l’idylle entre une femme (la ravissante Lolita Davidovich) avec son ancien amant (Steven Bauer), filmée comme un épisode des Feux de l’amour. Redoutablement intelligent, Brian De Palma dynamite ces codes afin de mieux les parasiter, en incluant ses thèmes récurrents, la perversité, le voyeurisme, la frustration sexuelle, le meurtre à l’arme blanche, le travestissement, le double. L’Esprit de Caïn n’est pas une parodie, mais une œuvre maîtrisée de A à Z par un réalisateur bien trop heureux de faire perdre ses repères à un spectateur devenu trop conditionné par une esthétique acidulée et des histoires à l’eau de rose tirées d’un mauvais roman de gare.
Nul autre film que Psychose a su parler de la psyché bouleversée d’un être humain. Le chef d’oeuvre d’Alfred Hitchcock est omniprésent dans L’Esprit de Caïn, tout comme Le Voyeur de Michael Powell, mais contrairement à un Quentin Tarantino ou un Nicolas Winding Refn qui se contentent la plupart du temps de plagier leurs modèles, les références ont été digérées par De Palma dont l’oeuvre n’a de cesse de converser avec celle de ses modèles. Par ailleurs, Brian De Palma s’autocite avec humour à travers quelques motifs puisque nous retrouvons la grande femme blonde aux lunettes noires de Pulsions, ou bien encore la panique de la femme en train de se noyer qui n’est pas sans rappeler l’une des séquences de Blow Out. John Lithgow se délecte dans ce rôle-multiple (Carter/Caïn/Dr. Nix/Josh/Margo), qui a vraisemblablement et très largement inspiré James McAvoy dans le formidable Split de M. Night Shyamalan, qui comme une mise en abyme a de son côté été bercé par le cinéma de Brian de Palma et d’Alfred Hitchcock. Rythmé par les sublimes accords de Pino Donaggio (Carrie au bal du diable), L’Esprit de Caïn ne cesse de déstabiliser les spectateurs, en leur faisant constamment perdre leurs repères, les obligeant ainsi à recomposer systématiquement l’histoire qu’on leur montre et que Brian de Palma n’a de cesse de leur déconstruire en jouant à la fois sur la temporalité, l’inconscient, avec parfois des rêves qui s’imbriquent dans d’autres rêves au moyen d’un montage chronologique…mais défragmenté.
C’est cette construction et ce mélange de genres qui a visiblement choqué les spectateurs à la sortie du film, avant d’être « remonté » en 2012 par Peet Gelderblom, un réalisateur néerlandais fan de Brian De Palma et de L’Esprit de Caïn, qui ayant appris que le cinéaste avait décidé – chose qu’il a ensuite regretté – de changer la structure originelle de son film en postproduction (afin de ne pas trop perdre de spectateurs), a décidé de le recomposer en suivant le scénario initial et en se servant d’une simple copie en DVD. Si ce recut, proposant les mêmes scènes mais dans un ordre différent et une durée identique, rapproche encore plus L’Esprit de Caïn de Pulsions, l’expérience est moins viscérale et vertigineuse, plus classique et linéaire, bien que ce recut mélange à la fois le présent, le passé et les songes. Malgré tout, cette version remaniée avec l’adoubement de Brian De Palma himself – qui a voulu que les deux moutures soient proposées en Blu-ray – s’avère une belle curiosité, L’Esprit de Caïn conserve indéniablement plus de force dans son cut cinéma, plus axé sur le trouble dissociatif de son personnage principal (qui passe au second plan dans le recut), plutôt que sur sa critique de l’adultère, dans laquelle on se perd finalement moins et qui reflète moins le chaos psychologique de Nix/Caïn.
Virtuose, comme ce long et extraordinaire plan-séquence durant lequel Frances Sternhagen détaille la personnalité et le trauma de Carter Nix, Raising Cain s’adresse donc non seulement aux cinéphiles passionnés par le genre et par la filmographie de Brian De Palma, mais aussi aux cinéphiles férus de technique, tout comme à ceux qui possèdent un bagage nanti de références. Injustement considéré comme mineur et souvent dissimulé derrière des oeuvres prestigieuses et mondialement reconnues, L’Esprit de Caïn est pourtant un film à la fois matriciel, somme et définitif d’un des plus grands auteurs de l’histoire du cinéma.
LE BLU-RAY
Elephant Films édite l’un de ses titres les plus importants à ce jour. Cette édition combo de L’Esprit de Caïn se compose de deux Blu-ray, la version cinéma d’un côté (disque rouge), la version « Director’s Cut » 2016 de l’autre (disque bleu), sans oublier le DVD du montage cinéma (disque jaune). Les trois galettes, ainsi qu’un livret de 20 pages écrit par Stéphane du Mesnildot, critique aux Cahiers du Cinéma (qui reprend l’essentiel de sa présentation dans les bonus), reposent dans un boîtier transparent glissé dans un surétui. La jaquette est réversible. Le visuel du recto a été concocté pour cette sortie dans les bacs, tandis que l’affiche originale est disponible au verso. A vous de choisir ! Le menu principal de chaque disque est animé sur la musique de Pino Donaggio.
Le montage cinéma s’accompagne d’une formidable présentation par Stéphane du Mesnildot, que nous évoquions plus haut (21’). L’intervenant replace L’Esprit de Caïn dans la carrière de Brian De Palma, insiste sur le côté œuvre maudite, détaille les thèmes du film qui nous intéresse, revient sur l’accueil très froid de la part de la critique et des spectateurs, sans oublier les références de Brian De Palma (Le Voyeur, Psychose, Pas de printemps pour Marnie, Pulsions, Ne vous retournez pas), la forme très détaillée avec l’usage du plan-séquence et du cadre dans l’image. Une analyse précise, passionnante et très détaillée.
L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et des bandes-annonces.
Le Blu-ray de la version « Director’s Cut » (terme autorisé par le maître en personne) démarre automatiquement par un clip de 2’30, durant lequel Peet Gelderblom, dont nous parlons dans la critique du film, présente la raison d’être de ce recut. Ce segment intitulé Le Changement de Caïn, la restauration du classique culte de Brian De Palma, est également disponible dans la section des suppléments.
Comme il l’indique dans le module précédent, Peet Gelderblom a présenté sa version « Director’s Cut » de L’Esprit de Caïn, dans un essai vidéo posté sur le site IndieWire en 2012. C’est après avoir découvert cet exposé, que Brian De Palma, tout comme plusieurs de ses confrères (dont Edgar Wright) s’est dit très heureux et impressionné par ce remodelage qu’il avait finalement abandonné avant la sortie du film dans les salles. Elephant Films propose de découvrir ce petit documentaire en question (13’), dans lequel Peet Gelderblom revient sur chacune des étapes qui ont conduit à cette version alternative.
L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et les credits.
L’Image et le son
Le sort réservé à chaque mouture est différent. La version cinéma 1992 est la mieux lotie. Le film est disponible sur un BD 50, double couche donc, et la copie présentée, même si elle ne peut rivaliser avec les standards actuels à 2 ou 4K, s’en sort très bien. La gestion du grain argentique est solide, les couleurs plaisantes et ravivées. Bien qu’elle ne paraisse pas récente et que les détails manquent parfois à l’appel, la restauration est indéniable (à peine quelques points blancs à signaler), les contrastes élégants et la stabilité est de mise. En revanche, le « Director’s Cut » 2016, présenté sur un BD 25 apparaît plus délavé avec un aspect étonnamment plus lisse, une compression moins discrète et un bruit vidéo parfois palpable. Dans les deux cas, le film est évidemment proposé dans son format original 1.85.
Les versions originale et française (présentes sur les deux montages) bénéficient d’une piste DTS-HD Master Audio Stéréo 2.0 exemplaire et limpide, restituant les dialogues avec minutie – moins en version originale toutefois – ainsi que l’enivrante bande originale signée Pino Donaggio qui jouit d’un coffre inédit. Les effets sont solides, le confort acoustique largement assuré et nous découvrons même quelques ambiances inédites qui avaient pu échapper à nos oreilles jusqu’à maintenant. La piste française se focalise un peu trop sur les dialogues et le doublage de John Lighgow au détriment des effets annexes, plus saisissants en version anglaise. Un souffle léger demeure constatable en français pour les deux options acoustiques. Le mixage français est certes moins riche mais contentera les habitués de cette version. Nous échappons heureusement à un remixage 5.1 inutile. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
TARANTULA (Tarantula!) réalisépar Jack Arnold,disponible en coffret combo Blu-ray/DVD le 11 juillet 2017chez Elephant Films
Acteurs : John Agar, Mara Corday, Leo G. Carroll, Nestor Paiva, Ross Elliott, Edwin Rand, Raymond Bailey, Clint Eastwood…
Scénario : Robert M. Fresco, Martin Berkeley
Photographie : George Robinson
Musique : Herman Stein
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1955
L’HOMME QUI RÉTRÉCIT (The Incredible Shrinking Man) réalisépar Jack Arnold,disponible en coffret combo Blu-ray/DVD le 11 juillet 2017chez Elephant Films
Acteurs : Grant Williams, Randy Stuart, April Kent, Paul Langton, Raymond Bailey, William Schallert…
Scénario : Richard Matheson, d’après son roman L’Homme qui rétrécit
Photographie : Ellis W. Carter
Musique : Irving Gertz, Earl E. Lawrence, Hans J. Salter, Herman Stein
Durée : 1h21
Date de sortie initiale : 1957
LES FILMS
Spécialiste des séries B, Jack Arnold Waks alias Jack Arnold (1916-1992) n’en est pas moins un immense réalisateur. Bien que disposant de budgets très modestes, le cinéaste a toujours su transcender son postulat de départ minimaliste…pour aller vers le gigantisme. Prolifique, Jack Arnold prend son envol dans les années 1950 où il enchaîne les films qui sont depuis devenus de grands classiques : Le Météore de la nuit (1953), L’Etrange Créature du lac noir (1954), La Revanche de la créature (1955), Tarantula (1955), L’Homme qui rétrécit (1957) sans oublier La Souris qui rugissait (1959). Au total, près d’une vingtaine de longs-métrages tournés à la suite, toujours marqués par le professionnalisme et le talent de son auteur, combinant à la fois les effets spéciaux alors à la pointe de la technologie, des personnages ordinaires et attachants, plongés malgré eux dans une histoire extraordinaire.
Tarantula
Dans un laboratoire isolé, le Professeur Gerald Deemer travaille sur la formule d’un nutriment spécial et bénéfique qui permettrait d’éradiquer la famine que menace de provoquer l’accroissement de population. Jusqu’à présent ses expérimentations n’ont pas réellement donné de résultats probants, mais de sérieux déboires. Un jour qu’il s’est absenté, deux de ses collègues s’injectent le nutriment, avec des conséquences effroyables les conduisant progressivement à la mort par ce qui semble être l’acromégalie. L’un des deux meurt, tandis que l’autre attaque le professeur et lui injecte le produit avant de mourir. Pendant leur combat, une tarentule géante qui a elle aussi reçu une injection s’évade de sa cage. Dès lors, elle ne cesse de grandir jusqu’à atteindre une taille exceptionnelleet s’en prend aussi bien au bétail qu’aux humains.
Entre deux westerns, Tornade sur la ville et Crépuscule sanglant, Jack Arnold a le temps d’emballer ce petit film fantastique où toute la population de l’état de l’Arizona est menacée par une gigantesque tarentule née d’expériences scientifiques. Une fois n’est pas coutume, la créature n’est pas d’origine nucléaire, du moins pas entièrement comme cela était souvent le cas à l’époque, mais la résultante d’un sérum spécial qui contient tout de même quelques éléments radioactifs, mis au point par des savants qui ont vu leur cobaye leur échapper et aller bien au-delà de ce qu’ils pouvaient imaginer. Tarantula demeure une référence du genre.
Sur une durée plutôt ramassée (1h20) et même s’il montre un être difforme avant même le générique, Jack Arnold préserve ses effets, à tel point que les spectateurs doivent attendre au moins la moitié du film pour que la tarentule géante fasse réellement son apparition, et encore par petites touches successives. Les personnages sont installés posément, ainsi que le cadre et les enjeux scientifiques. Arnold dose ses effets. Grâce à un montage inspiré, les séquences se suivent sans ennui, d’autant plus que le metteur en scène récompense ensuite largement son audience en enchaînant les scènes de destruction et d’affrontements, sans oublier les maquillages et les incroyables effets visuels (qui donneront quelques frissons aux arachnophobes) particulièrement réussis, réalisés à partir du déplacement d’une véritable araignée incrustée dans de véritables décors.
Pourquoi Tarantula fonctionne-t-il mieux que les autres films du même acabit qui s’affrontaient dans les salles ? Parce que Jack Arnold prend son sujet au sérieux et de ce fait crée une ambiance réaliste et empathique. Evidemment, Tarantula est avant tout un divertissement, mais le réalisateur ne se moque pas des spectateurs et essaye de leur offrir le film le plus réussi possible, même s’il doit le tourner très rapidement, en dix jours seulement, tout en récupérant une partie des partitions musicales de La Créature du lac noir et du Météore de la nuit afin de faire des économies. Ce sera exactement la même chose pour L’Homme qui rétrécit, chef d’oeuvre dont nous parlerons dans un second temps.
Tarantula est une œuvre très élégante, excellemment écrite et mise en scène, magnifiquement photographiée par le grand chef opérateur George Robinson (Le Fils de Frankenstein, La Maison de Frankenstein), et interprété par des acteurs investis (la brûlante Mara Corday, ancienne playmate et Scream Queen) et charismatiques. Pour l’anecdote, le film marque la seconde apparition à l’écran d’un comédien qui allait devenir une des plus grandes stars de l’histoire du cinéma. Il s’agit d’un certain Clint Eastwood (non crédité au générique), qui interprète ici le chef de l’escadron aérien qui affronte la créature dans le dernier acte. Même s’il apparaît masqué, les fans reconnaîtront le regard de l’acteur.
Tarantula n’a absolument rien perdu de son charme, de sa magie et de sa poésie.
L’Homme qui rétrécit
Lors d’un voyage en bateau, Scott Carey est plongé dans un brouillard radioactif et subit d’étranges transformations, jusqu’à voir sa taille réduite à quelques centimètres. Soudain, des situations de la vie quotidienne se transforment en cauchemars : un chat joueur ou une araignée deviennent des monstres sanguinaires qui peuvent vous tuer à chaque instant. Carey doit alors mettre à l’épreuve tout son courage et son intelligence pour survivre dans ce monde devenu hostile…
Deux ans après Tarantula et entre deux thrillers, Faux–monnayeurs et Le Salaire du diable, Jack Arnold réalise son chef d’oeuvre, L’Homme qui rétrécit – The Incredible Shrinking Man, d’après le roman The Shrinking Man du grand Richard Matheson (1926-2013), publié en 1956. L’écrivain signe d’ailleurs lui-même l’adaptation de son livre de science-fiction pour le grand écran. Soixante ans après sa sortie, L’Homme qui rétrécit demeure un modèle du genre avec la beauté incommensurable de ses effets spéciaux, la poésie et la philosophie du scénario, la direction artistique, la conduite du récit, la science du montage et une direction d’acteurs aussi juste que furieusement moderne.
En croisière dans le Pacifique avec son épouse Louise (Randy Stuart), Scott Carey (Grant Williams) est soudain enveloppé par un mystérieux nuage radioactif. Quelques mois plus tard, il constate avec stupeur que ses vêtements sont devenus trop grands pour lui. Il doit se rendre à l’évidence, aussi incroyable soit-elle : il a rapetissé et son poids va également en diminuant ! Les médecins lui expliquent qu’il a vraisemblablement été exposé à une radioactivité très supérieure à la moyenne. En quelques semaines, Scott passe de 1m85 à 93 centimètres. Le remède qu’on lui propose parvient à stopper sa décroissance. Hélas, ses effets s’avèrent très provisoires. Réduit à la taille d’un clou, Scott se retrouve un jour face à son chat qui le prend pour un insecte et commence à le poursuivre. Il parvient à s’en sortir indemne, mais atterrit dans la cave, qui devient alors un nouveau territoire hostile, où rôde une tarentule géante. Scott doit non seulement affronter ce nouveau danger, mais il doit également trouver de quoi manger, boire et un endroit où il puisse dormir en sécurité. Il s’arme alors d’une aiguille à tricoter qui à son échelle devient une épée, tout en trouvant refuge dans une boîte d’allumettes.
A l’instar de Tarantula, l’immense réussite de L’Homme qui rétrécit découle du sérieux avec lequel Jack Arnold empoigne son sujet. Le cinéaste y croit à fond et met en scène son film comme s’il s’agissait parfois d’un documentaire – Jack Arnold avait d’ailleurs été l’assistant du grand documentariste Robert Flaherty – sur la façon de survivre en milieu inhospitalier. Il n’y aura jamais de réelle explication sur la nature exacte du brouillard qui a enveloppé Scott et qui a entraîné son rapetissement, si ce n’est que l’homme en est une fois de plus la cause. Avec un art virtuose de l’ellipse, Jack Arnold montre les différents stades de la transformation de son personnage, tout d’abord étonné de voir ses vêtements qui se sont visiblement élargis suite à leur passage au pressing, avant de sérieusement commencer à envisager que c’est en fait lui-même qui rétrécit. Après une visite chez le médecin, il doit admettre que son corps continue de diminuer en taille, alors que son alliance glisse de son annulaire. Quelques plans suivants, alors que l’on venait de quitter Scott au volant de sa voiture, nous le retrouvons dans son salon, où il se trouve assis dans le fauteuil. Il fait la taille d’un enfant de 5 ans. La nouvelle commence à se répandre, les journalistes envahissent leur pelouse, le téléphone n’arrête pas de sonner, tout le monde veut avoir un scoop sur ce phénomène et objet de curiosité. Même le frère de Scott, visiblement attiré par l’appât du gain, l’encourage à jouer le jeu avec la presse, tandis que sa femme, très maternelle, semble se résigner à le voir rétrécir.
Louise, la femme de Scott, essaye de rester confiante, d’autant plus que le nouveau traitement semble avoir enrayé la transformation. Alors qu’il semble accepter sa nouvelle condition, surtout après rencontré par hasard une femme de petite taille, belle et épanouie, qui travaille dans un spectacle en tant que freaks, Scott, qui tombe visiblement sous le charme et qui voit que la vie demeure possible, se rend compte que le rétrécissement recommence et perd à nouveau ses moyens. Il s’enfuit. Nouvelle ellipse, il a désormais la taille d’un Playmobile et s’est installé dans une maison de poupées, qui à vrai dire ne change pas beaucoup de son domicile habituel.
Il y a deux films en un dans L’Homme qui rétrécit. Dans la première partie, le cinéaste présente ses personnages, les rend attachants en les plaçant dans le cadre banal de l’American Way of Life, jusqu’à ce que Scott soit contaminé par cette étrange atmosphère et qu’il commence à voir son corps changer. Ou comment le fantastique s’immisce dans le quotidien. Par la magie des décors, des accessoires et des incrustations, Jack Arnold rend crédible et réaliste le fait que son protagoniste rétrécisse à vue d’oeil. La séquence qui vient tout perturber est le combat cauchemardesque que Scott mène avec son chat, qui voit en lui une étrange souris, à l’issue duquel Scott se retrouve dans la cave. Un nouveau film commence, un véritable survival qui n’a absolument rien à envier à d’autres films du genre, même contemporain. De son côté, sa femme croit alors que Scott est mort, tué par son chat.
En dehors d’une voix-off réduite à son minimum à travers laquelle Scott raconte son histoire comme dans un journal de bord, L’Homme qui rétrécit devient un film quasiment dépourvu de dialogues, reposant uniquement sur la mise en scène. Et c’est fabuleux, extraordinaire et passionnant. Le spectateur suit désormais Scott, formidable et charismatique Grant Williams, découvrir ce nouvel environnement menaçant (qui lui était pourtant familier), où les fuites d’un chauffe-eau deviennent des trombes d’eau (le Marvel Ant-Man de Peyton Reed n’a évidemment rien inventé), une grille d’égout devient un précipice sans fond, une toile d’araignée devient un amoncellement de fils barbelés et le morceau de fromage placé sur une tapette à souris devient un festin convoité.
Le génie de Richard Matheson et celui de Jack Arnold s’allient pour offrir aux spectateurs l’un des plus grands, l’un des plus beaux et l’un des plus spectaculaires films fantastiques de l’histoire du cinéma. L’empathie de l’audience pour le personnage est telle qu’il n’est pas rare de cramponner les accoudoirs de son fauteuil au moment où Scott, réduit cette fois à la taille d’un dé à coudre, se retrouve coincé entre les huit pattes velues de son pire ennemi. Film d’aventures et d’action, drame et même tragédie, L’Homme qui rétrécit ne serait pas le même film sans son dénouement déchirant et ambitieux, qui ne cède en rien à la fin heureuse traditionnelle (malgré le souhait original des studios Universal), mais qui se double d’une réflexion métaphysique aussi inattendue qu’inoubliable, au même titre que l’épilogue de 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Devant se résoudre à accepter sa condition, Scott, désormais débarrassé de la menace de la tarentule, est vivant et prêt à découvrir ce nouveau monde qui s’ouvre à lui et dont il est seul à pouvoir percevoir la beauté, tout comme sa propre place dans l’univers. Scott sort finalement grandi de cette aventure.
L’Homme qui rétrécit, entré au National Film Registry et conservé à la Bibliothèque du Congrès aux Etats-Unis, souvent copié mais jamais égalé, est une étape indispensable pour les cinéphiles.
LE COFFRET
Le test des éditions HD de Tarantula et de L’Homme qui rétrécit, disponibles chez Elephant Films, a été réalisé à partir de check-discs. Cette édition contient également un livret collector rédigé par Matthieu Rostac, journaliste de « SoFilm » (48 pages), non envoyé par l’éditeur. Les menus principaux, sont animés et musicaux, jaune pour Tarantula et bleu pour L’Homme qui rétrécit.
Nous retrouvons sur les deux disques, le même portrait de Jack Arnold, dressé par l’imminent Jean-Pierre Dionnet, que l’on est heureux de retrouver en grande forme (7’). Visiblement passionné par son sujet, notre interlocuteur intervient pour réhabiliter le cinéaste, trop souvent oublié ou dont les films demeurent parfois sous-estimés, même s’il a largement contribué à renouveler le genre fantastique et l’horreur au cinéma après la Seconde Guerre mondiale. Dionnet passe en revue le parcours de Jack Arnold (avec ses débuts aux côtés du documentariste Robert Flaherty), ses sujets de prédilection, son éclectisme. Il évoque également le réalisme avec lequel le réalisateur abordait le fantastique, ce qui contribuait entre autres à la grande réussite de ses films. Jean-Pierre Dionnet clôt cette intervention en indiquant que « Jack Arnold est un maître ».
Chaque film est également présenté par le même Jean-Pierre Dionnet, qui en deux fois dix minutes, revient sur le casting, les effets visuels, les thèmes, la mise en scène, le tout ponctué d’anecdotes amusantes à l’instar des essais passés par Tamara, la tarentule star de Tarantula, qui a tellement convaincu Jack Arnold qu’il la réutilisera dans L’Homme qui rétrécit.
La section des bonus propose également une galerie de photos et des bandes-annonces.
L’Image et le son
Tarantula et L’Homme qui rétrécit sont présentés dans leur format original, dans un master entièrement restauré en Haute-Définition. Le premier avait connu une sortie plutôt confidentielle il y a dix ans chez Bach Films, tandis que le second était jusqu’alors disponible en DVD chez Universal depuis 2006, avant d’intégrer la collection Universal Classics (à la jaquette rouge) en 2012 chez le même éditeur. Les deux films font donc peau neuve chez Elephant Films, qui avait déjà édité Le Météore de la nuit et La Revanche de la créature en 2016, également en Haute-Définition. N’ayons pas peur des mots, ces Blu-ray au format 1080p sont superbes. Certes, quelques points blancs et noirs subsistent parfois, mais dans l’ensemble les copies sont immaculées et la quasi-totalité des scories a été nettoyée. Souvent tourné en extérieur, Tarantula bénéficie d’une image plus lumineuse que celle de L’Homme qui rétrécit et en dehors des stock-shots, essentiellement liés au raid aérien final, la copie HD est supérieure à celle de l’autre film de Jack Arnold, même si le piqué, la gestion du grain et des contrastes, sans oublier l’équilibre au niveau des fondus enchaînés sont du même acabit. Néanmoins, le Blu-ray de L’Homme qui rétrécit s’avère également magnifique. La restauration n’a pas cherché à gommer les couacs liés aux images composites aux images incrustées. De ce fait, les scènes durant lesquelles Scott affronte son chat et l’araignée occasionnent une définition plus vacillante, mais cela fait partie du charme du film.
Les bandes-sons ont été restaurées en version originale, disponibles en DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Les dialogues, tout comme la musique, sont dynamiques et le confort acoustique très appréciable. Une très grande clarté qui participe également à la redécouverte des films de Jack Arnold, surtout en ce qui concerne L’Homme qui rétrécit, puisque le cinéaste joue également avec le son pour indiquer le rétrécissement du personnage principal. Si Tarantula n’est proposé qu’en version originale aux sous-titres français non imposés, nous trouvons – en plus de version anglaise – une piste française pour L’Homme qui rétrécit. Cette dernière s’avère peu convaincante avec son doublage qui semble avoir été réalisé récemment. Le résultat manque de naturel et se concentre essentiellement sur le report des voix, au détriment des effets et des ambiances annexes. Dans tous les cas, aucun souffle constaté.