Test Blu-ray / The Foreigner, réalisé par Martin Campbell

THE FOREIGNER réalisé par Martin Campbell, disponible en DVD et Blu-ray le 8 mars 2018 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs :  Jackie Chan, Pierce Brosnan, Orla Brady, Ray Fearon, Rory Fleck-Byrne, Michael McElhatton, Charlie Murphy, Stephen Hogan, Katie Leung…

ScénarioDavid Marconi

Photographie : David Tattersall

Musique : Cliff Martinez

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Modeste propriétaire d’un restaurant londonien, Quan perd sa fille dans un attentat terroriste politique. Prêt à tout pour retrouver les responsables et venger sa mort, il se tourne vers un membre du gouvernement irlandais haut placé, Liam Hennessy, qui a, tout comme lui, un passé trouble… Alors que Quan s’engage dans un chassé-croisé de plus en plus tendu avec Hennessy, il va voir ressurgir ce qu’il croyait avoir enfoui en lui de plus sombre…

Âgé aujourd’hui de plus de 60 ans, Jackie Chan se trouve encore obligé de démontrer qu’il est avant tout comédien et pas seulement une star du film d’action. Fatigué qu’on lui propose toujours le même type de rôle, à savoir « le flic de Hong Kong qui débarque aux Etats-Unis où il doit faire équipe avec un de ses confrères américain », l’acteur chinois semblait perdre espoir. Vingt ans après Rush Hour et Shanghai Kid, la carrière américaine de Jackie Chan faisait peine à voir avec Le Smoking, Le Médaillon, une voix récurrente dans la trilogie Kung Fu Panda, un remake de Karate Kid (énorme succès), Kung Fu Nanny. Heureusement, de retour dans son pays, le comédien aura retrouvé ses galons avec New Police Story, Chinese Zodiac, Kung Fu Yoga et Shinjuku Incident – Guerre de gangs à Tokyo. A croire que même les distributeurs manquent d’imagination en associant le kung-fu au nom de l’acteur. C’est donc avec un très grand plaisir que l’on retrouve Jackie Chan en haut de l’affiche du dernier long métrage du néo-zélandais Martin Campbell. Le réalisateur de GoldenEye (1995), Le Masque de Zorro (1998), Casino Royale (2006) et Hors de contrôle (2010) signe son grand retour derrière la caméra, six ans après la débâcle Green Lantern, conspué par la critique et échec commercial. Après un détour par la télévision, Martin Campbell prouve avec The Foreigner qu’il en a encore sous le capot à 74 ans. Non seulement ça, il offre enfin à Jackie Chan un de ses meilleurs rôles à ce jour. C’est aussi l’occasion pour Martin Campbell de diriger à nouveau Pierce Brosnan, 23 ans après GoldenEye, au top de son charisme et que l’on a également plaisir à retrouver.

Ngoc Minh Quan (Jackie Chan donc) est un restaurateur britannique d’origine asiatique vit paisiblement à Londres où il s’occupe de sa fille unique, Fan. Un jour, une bombe éclate au coeur de Londres, tuant Fan sur le coup et devant les yeux de Quan. L’attentat est revendiqué par un groupe qui se nomme « IRA authentique ». Quan, malgré son chagrin, cherche à savoir qui a tué sa fille. Il apprend que Liam Hennessy (Pierce Brosnan), vice-Premier ministre de l’Irlande du Nord en poste à Belfast, reconnaît son engagement dans de très anciennes opérations de l’IRA, mais qu’il milite dorénavant pour la sauvegarde des accords de paix. Hennessy affirme ignorer qui a orchestré l’attentat, mais Quan en doute. Hennessy négocie avec une importante femme politique britannique et lui promet des résultats concrets en échange de la grâce d’anciens membres de l’IRA. Il rencontre ensuite d’influents membres de l’IRA et exige qu’ils procèdent au décompte des armes et des explosifs dans toutes les caches de l’organisation. De son côté, Quan débarque à Belfast, bien décidé à aller jusqu’au bout de sa vengeance.

Méfiez-vous des modestes propriétaires de restaurants de Chinatown, il se peut qu’il soit un ancien membre des Forces Spéciales ! Adapté du roman britannique The Chinaman de Stephen Leather (1992), The Foreigner est un thriller carré, propre et excellemment mis en scène, qui n’est pas sans rappeler Hors de contrôle du même metteur en scène, dans lequel Mel Gibson jouait un inspecteur de police qui se mettait à la recherche des assassins de sa fille. Si l’ensemble manque parfois de rythme sur près de deux heures et que le film est étonnamment avare en scènes d’action, cette association Campbell-Chan-Brosnan se laisse suivre très agréablement grâce au charisme et au talent des comédiens, à la mise en scène très inspirée du réalisateur, à la photo glacée de David Tattersall (La Ligne verte, Speed Racer, la prélogie Star Wars) et à la sécheresse étonnante du récit sur fond d’actes terroristes.

Certes, Jackie Chan a quelques occasions de montrer qu’il tient toujours la forme, mais ses scènes « physiques » sont restreintes et l’acteur signe avant tout une vraie performance. Visage fermé et marqué (l’acteur a été vieilli grâce au maquillage), dos voûté et démarche lente, regard éteint, froid, avec très peu de dialogues, Jachie Chan impressionne à chaque apparition. Même chose pour Pierce Brosnan, qui retrouve de sa superbe après s’être égaré dans quelques DTV plus ou moins recommandables. Les deux têtes d’affiche ont finalement très peu de scènes en commun, mais la confrontation fonctionne et les personnages sont aussi ambigus que passionnants à suivre dans leur quête respective. Heureux de voir que tous ces vétérans du film d’action ne sont pas prêts à raccrocher les gants.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de The Foreigner, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé, sobre et musical.

On pouvait s’attendre à plus qu’un tout petit making of de 7’30 ! Par ailleurs, les images de tournage sont rares et ce module compile essentiellement les propos de Jackie Chan, Martin Campbell et Pierce Brosnan. Le premier tacle gentiment Hollywood qui ne lui « propose jamais de bons rôles » et déclare que The Foreigner lui permet enfin de changer de registre, loin des comédies d’action qu’on lui offre continuellement. Le réalisateur se penche sur le travail avec les deux comédiens, tandis que Pierce Brosnan ne tarit pas d’éloges sur son partenaire et celui a contribué à faire de lui le successeur de Timothy Dalton dans le costume de James Bond.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

L’éditeur soigne son master HD, absolument exemplaire. Les contrastes sont d’une densité jamais démentie, y compris sur les séquences sombres où l’image est tout aussi affûtée. La clarté demeure frappante, les noirs sont profonds, le piqué aiguisé, les gros plans détaillés et la colorimétrie reste vive et froide. Les détails sont légion aux quatre coins du cadre large. Ce Blu-ray offre d’excellentes conditions pour revoir le film de Martin Campbell et profiter de la photographie signée David Tattersall. L’apport HD sur ce titre est évidemment indispensable.

Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 français et anglais, autant dans les scènes d’affrontements secs que dans les séquences plus calmes. Les quelques pics de violence peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec les balles qui environnent le spectateur. Les effets annexes sont très présents et dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des actions au moment opportun. La spatialisation est en parfaite adéquation avec le ton du film. L’éditeur joint également les sous-titres français, destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

Test Blu-ray / En marge de l’enquête, réalisé par John Cromwell

EN MARGE DE L’ENQUÊTE (Dead Reckoning) réalisé par John Cromwell, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 6 mars 2018 chez Sidonis Calysta

Acteurs :  Humphrey Bogart, Lizabeth Scott, Morris Carnovsky, Charles Cane, William Prince, Marvin Miller, Wallace Ford, James Bell, George Chandler, William Forrest…

ScénarioOliver H.P. Garrett, Steve Fisher, Allen Rivkin d’après une histoire originale de Gerald Drayson Adams et Sidney Biddell

Photographie : Leo Tover

Musique : Marlin Skiles

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1947

LE FILM

Le Capitaine Murdock et le sergent Johnny Drake sont deux parachutistes de retour de guerre pour recevoir une médaille d’honneur. Sur le quai de la gare de Washington Drake disparaît. Plus tard Rip’ Murdock apprend la mort de son ami, et il enquête sur l’accident de voiture. Il se rend alors au Santuary Club pour rencontrer sa femme Coral « Dusty’ Chandler » dite « douceur » (en français) avec un parfum de jasmin.

S’il demeure surtout connu pour avoir été l’une des victimes du maccarthysme et l’un des noms inscrits sur la tristement célèbre liste noire du cinéma entre 1951 et 1958, le cinéaste John Cromwell (1887-1979) compte pourtant de beaux succès dans sa filmographie. Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent notamment Le Lien sacréMade for each other et L’AutreIn name Only, tous les deux réalisés en 1939 et portés par la fabuleuse Carole Lombard. Mis en scène en 1946 et sorti en 1947, En marge de l’enquêteDead Reckoning était l’un de ses films préférés. Rien d’étonnant puisqu’avec cette histoire de Gerald Drayson Adams (Armored Car Robbery de Richard Fleischer, Taza, fils de Cochise de Douglas Sirk) et Sidney Biddell (Escape to Glory de John Brahm), John Cromwell peut encore démontrer son habileté et son savoir-faire technique, mis au profit d’un véritable film noir, qui plus est interprété par LA star Humphrey Bogart.

En marge de l’enquête n’est sans doute pas le film le plus connu de l’interprète, mais dévoile une nouvelle facette du mythe. En effet, lassé par ce qu’on lui propose à la Warner, l’acteur fait des infidélités au studio (en attendant qu’on lui propose un contrat plus juteux) et arrive à la Columbia pour changer d’air. Dans Dead Reckoning, il y apparaît fatigué, usé, marqué, blafard et Bogey s’amuse à égratigner son image de cynique macho. L’intrigue d’En marge de l’enquête est classique du genre. Après la mystérieuse disparition de son ami et frère de combat Johnny Drake (William Prince), lors d’un voyage vers Washington pour une remise de décoration, suite à de brillants faits de guerre, Rip Murdock (Humphrey Bogart) mène son enquête et découvre que dans le passé, ce dernier a été accusé d’un meurtre. Il retrouve la petite amie de Johnny, la splendide Coral Chandler (Lizabeth Scott), acoquinée au responsable d’une maison de jeu, le fourbe Martinelli (Morris Carnovsky).

Thriller, film noir, drame psychologique, En marge de l’enquête s’inscrit dans le genre qui a révélé et fait d’Humphrey Bogart l’un des comédiens les plus populaires dans le monde et les plus demandés par les réalisateurs. Après avoir enchaîné Le Port de l’angoisseTo Have and Have Not (1944) et Le Grand SommeilThe Big Sleep (1946) d’Howard Hawks, l’acteur veut éviter le piège de rester enfermé dans le même type de rôle. La Columbia lui fait de l’oeil et Bogart y voit l’occasion d’égratigner son image. Dans En marge de l’enquête, même s’il campe un ancien héros de la Seconde Guerre mondiale, Bogart accepte d’être photographié différemment. Il apparaît tantôt dans l’ombre dans la première partie où son personnage se réfugie dans une église, tantôt filmé en gros plan dans une lumière surexposée qui creuse ses traits, ses cernes et fait ressortir sa célèbre cicatrice sur la lèvre. S’il ne se met pas « en danger », au moins Bogey apparaît ici plus fantomatique, fragile et plus vulnérable. Et il n’en mène pas large devant sa partenaire.

Injustement considérée comme une Lauren Bacall Bis, la sublime femme fatale Lizabeth Scott transcende le film de sa chevelure de feu noyée dans des volutes de fumée et de sa voix rauque, sans jamais copier celle à qui on l’a pourtant souvent comparé. Sa présence est aussi marquante, si ce n’est plus, que celle de Bogart et l’ambiguïté de son personnage fait le sel de la relation des deux protagonistes.

Finalement, l’enquête importe peu, même si John Cromwell parvient à conserver une tension du début à la fin grâce à de multiples rebondissements compréhensibles (pas comme l’hermétique Grand Sommeil) ponctués de meurtres, de flashbacks, de voix-off et de chantages, jusqu’à un dénouement d’une incroyable beauté. Certes, En marge de l’enquête n’a pas bénéficié du prestige et du succès d’autres films avec Humphrey Bogart, mais il n’en demeure pas moins une curiosité et le plaisir de le (re)découvrir 70 ans après sa sortie est indéniable.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’En marge de l’enquête, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. L’édition contient à la fois le DVD et l’édition HD. Le menu principal est élégant, animé et musical.

Point de Bertrand Tavernier à l’horizon, mais François Guérif (9’) et Patrick Brion (10’) interviennent ici pour défendre En marge de l’enquête. Le premier insiste sur le côté fragile et vulnérable de Bogart à certains moments du film. François Guérif se souvient également avoir rencontré le comédien James Cromwell, fils du cinéaste John Cromwell, et lui avoir parlé de son affection pour En marge de l’enquête, ce qui l’avait beaucoup ému puisqu’il s’agissait d’un des films que son père avait préféré faire.

De son côté, Patrick Brion se penche plus sur ce qui fait d’En marge de l’enquête un vrai film noir, qui mérite selon lui d’être redécouvert. L’historien du cinéma passe ensuite le casting au peigne fin, en s’attardant notamment sur Lizabeth Scott.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Bilan mitigé pour ce master HD restauré, par ailleurs première mondiale pour le film de John Cromwell. Si la propreté et les contrastes sont satisfaisants, la gestion du grain reste aléatoire du début à la fin, les scènes sombres manquent de définition et moult rayures verticales subsistent, tout comme certains défauts de pellicule. Le master d’En Marge de l’enquête n’a clairement pas bénéficié du même traitement de faveur que d’autres opus plus prestigieux avec Humphrey Bogart comme dernièrement Plus fort que le diable et Bas les masques chez Rimini Editions, mais Sidonis a fait de son mieux pour offrir aux spectateurs les meilleures conditions possibles pour redécouvrir ce film noir.

La version anglaise (aux sous-titres français imposés) est proposée en DTS-HD Master Audio Stéréo. L’écoute demeure appréciable, claire, avec une excellente restitution de la musique, des effets annexes et des voix très fluides et aérées. En revanche, la piste française DTS-HD Master Audio Mono, s’avère plus chuintante et sourde. De plus, la version originale avait été amputée de près de 20 minutes pour sa sortie en France. Le doublage français s’apparente donc à gruyère.

Crédits images : © Columbia Pictures / Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Portrait de Jennie, réalisé par William Dieterle

LE PORTRAIT DE JENNIE (Portrait of Jennie) réalisé par William Dieterle, disponible en DVD et Blu-ray chez Carlotta Films le 21 mars 2018

Avec :  Jennifer Jones, Joseph Cotten, Ethel Barrymore, Lillian Gish, Cecil Kellaway, David Wayne…

Scénario : Leonardo Bercovici, Paul Osborn, Peter Berneis d’après le roman « Le Portrait de Jennie » (« Portrait of Jennie ») de Robert Nathan

Photographie : Joseph H. August

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 1948

LE FILM

Eben Adams est un peintre fauché qui rencontre Jennie dans Central Park, une petite fille portant des vêtements d’un autre âge. De mémoire, il fait d’elle un beau croquis qui impressionne ses marchands d’art. Cela lui inspire un portrait – le « Portrait of Jennie ». La revoyant grandie, il s’éprend alors de celle qui semble n’être qu’une apparition appartenant au passé…

« Là d’où je viens, personne ne sait. Et là où je vais, toute chose va ».

Un humaniste à Hollywood. C’est comme cela qu’était perçu le réalisateur allemand Wilhelm Dieterle alias William Dieterle (1893-1972), qui avait tout d’abord commencé en tant qu’acteur de théâtre dans les années 10. Il se lance dans la réalisation en 1919 mais renonce faute de succès. Acteur populaire dans les années 20 où il tient la vedette d’une quarantaine de films, il renoue finalement avec la mise en scène où il dirige Marlène Dietrich. Suite à une invitation de la prestigieuse Warner, William Dieterle se rend aux Etats-Unis où il restera pendant près de trente ans en signant de nombreux succès. Porte-drapeau de l’anti-fascisme, grand humaniste, il reste célèbre pour avoir co-fondé la ligue anti-nazi à Hollywood. Réalisé en 1948, Le Portrait de Jennie est sans nul doute le chef d’oeuvre de William Dieterle.

Comme dans Tous les biens de la TerreThe Devil and Daniel Webster, réalisé au début des années 40, Le Portrait de Jennie s’inscrit dans le genre fantastique ancré dans le réel et demeure un film inclassable, somptueusement mis en scène et photographié comme un rêve éveillé, d’une fantastique poésie, où flamboie le couple Jennifer Jones – Joseph Cotten. Les deux comédiens avaient déjà été réunis trois ans auparavant par William Dieterle dans Love Letters et dans Duel au soleil de King Vidor en 1946, sur lequel le cinéaste avait d’ailleurs remplacé son confrère, même s’il n’est pas mentionné au générique. Le Portrait de Jennie est un film baroque, mystérieux, en un mot immanquable.

New York, hiver 1934. Eben Adams (Joseph Cotten, bouleversant), peintre sans le sou, croise une étrange fillette nommée Jennie Appleton (Jennifer Jones) à Central Park. Lui qui avait pour habitude de peindre des paysages ou des natures mortes va esquisser le croquis de cette enfant, éveillant la curiosité des marchands d’art. À chacune de leurs retrouvailles, Jennie vieillit à vue d’œil, jusqu’à se métamorphoser en une belle et jeune demoiselle. À la fois intrigué et fasciné par cette femme semblant venir d’un autre temps, Eben va tenter de percer le mystère de celle qui est devenue sa muse. Il acquiert ainsi la certitude que Jennie est une revenante, la fille de deux trapézistes morts dans un accident en 1910.

Immense réussite, qui n’avait malheureusement connu aucun succès à sa sortie et qui a ensuite été complètement oublié, Le Portrait de Jennie est un sublime mélodrame, une très grande histoire d’amour au-delà du temps et de la mort, comme pouvait l’être L’Aventure de madame Muir de Joseph L. Mankiewicz sorti l’année précédente. Furieusement romantique, ce film tiré du roman de Robert Nathan (publié en 1940), foudroie d’emblée par son prologue poétique convoquant Euripide et Keats, et qui a fait le bonheur des surréalistes. En ayant parfois recours à des filtres spécifiques qui donnent l’impression que les images sont imprimées sur une vraie toile, William Dieterle convoque et entrecroise les arts et les genres. Romance, drame, fantastique, tous ces éléments s’accordent magistralement au fil d’un récit riche en surprises, jusqu’au dernier quart d’heure insolite où les images N&B deviennent alors vertes, comme si le personnage interprété par Joseph Cotten parvenait à passer à travers les arts et donc de la pellicule, pour sauver celle qu’il aime, qui lui a donné une raison de vivre, qui l’obsède et qui l’inspire.

A sa sortie, cette séquence de violente tempête (récompensée par l’Oscar des meilleurs effets spéciaux en 1949) s’accompagnait également d’effets sonores révolutionnaires voulus par le producteur David O. Selznick. Le Portrait de Jennie est évidemment doublé d’une réflexion sur le rôle de l’art et la place de l’artiste, son inspiration et sa postérité. A l’image du coup de foudre d’Eben et tel Pandora, le visage de Jennie et donc de Jennifer Jones (La Folle ingénue d’Ernst Lubitsch, Plus fort que le diable de John Huston), s’imprime dans les mémoires des cinéphiles de façon indélébile. Plus que le personnage principal, c’est donc la comédienne elle-même, sa beauté, sa sensualité, sa grâce qui défient et passent sans aucun dommage à travers le temps. C’est aussi le cas de cette œuvre onirique et romanesque, qui perd le spectateur dans la Grosse Pomme (d’amour) éthérée et nimbée de brouillard, qui demeure toujours autant si ce n’est plus envoûtante 70 ans après sa sortie sur les écrans.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray du Portrait de Jennie, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.

Seule la bande-annonce d’époque est proposée comme supplément.

L’Image et le son

Si ce master a été restauré, quelques rayures verticales, poussières et griffures subsistent. Quand bien même elles n’altèrent pas le visionnage, elles demeurent récurrentes. Ceci dit les contrastes sont élégants et la luminosité est de mise. Le N&B se compose d’une jolie gamme de gris marbrés même si certains fourmillements ou diverses sautes inhérents à l’âge du film n’ont pu être corrigés. En dehors des rayures mentionnées au préalable, les scories ont été éliminées. Toutefois, certaines séquences sont plus altérées avec un aspect beaucoup plus grumeleux comme sur le plan en ouverture et même toute la scène d’exposition. Les fondus enchaînés décrochent quelque peu, les séquences sombres donnent plus de fil à retordre avec une perte des détails et une baisse de la définition. En revanche, le dernier acte pour lequel le chef opérateur Joseph H. August a utilisé des lentilles spéciales datant du cinéma muet et des filtres verts apparaît plus propre et stable, ainsi que l’épilogue en Technicolor. Le master alterne donc le bon et le médiocre.

Deux mixages au programme. Une version DTS-HD Master Audio 1.0 et…5.0 ! Un carton indique que cette seconde option acoustique reproduit pour le dernier acte, les effets sonores souhaités par le producteur David O. Selznick, exploités dans certaines salles de cinéma. Le mixage 1.0 était alors plus largement diffusé et cette édition replace le son sur le canal central avant. Alors un bon conseil, choisissez la piste mono jusqu’à 1h14 puisque les voix des comédiens y sont plus dynamiques et vous ne vous encombrerez pas d’un souffle sur les enceintes arrière, même si la musique profite quelque peu de cette spatialisation. Dès que la tempête commence par cet éclair vert qui strie le ciel et donc votre écran, passez en 5.0. Ce mixage original vous plongera au beau milieu des vagues et des rafales de vent.

Crédits images : © Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / Le Musée des Merveilles, réalisé par Todd Haynes

LE MUSÉE DES MERVEILLES (Wonderstruck) réalisé par Todd Haynes, disponible en DVD et Blu-ray chez Metropolitan Vidéo le 21 mars 2018

Avec :  Oakes Fegley, Julianne Moore, Michelle Williams, Millicent Simmonds, Jaden Michael, Tom Noonan, Amy Hargreaves, Morgan Turner, Sawyer Nunes, James Urbaniak…

Scénario : Brian Selznick d’après son livre « Black Out » (« Wonderstruck »)

Photographie : Edward Lachman

Musique : Carter Burwell

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

A la découverte, sur deux époques distinctes, des parcours de Ben et Rose. Ces deux enfants souhaitent secrètement que leur vie soit différente. Ben rêve du père qu’il n’a jamais connu, tandis que Rose, isolée par sa surdité, se passionne pour la carrière d’une mystérieuse actrice, Lillian Mayhew. Lorsque Ben découvre dans les affaires de sa mère, Elaine, l’indice qui pourrait le conduire à son père et que Rose apprend que son idole sera bientôt sur scène, les deux enfants se lancent dans une quête à la symétrie fascinante qui va les mener à New York…

Depuis dix ans, le réalisateur Todd Haynes n’a pas chômé. Après I’m not there, son faux biopic sur Bob Dylan, sa minisérie Mildred Pierce avec Kate Winslet et Evan Rachel Wood, un épisode de la série Enlightened, un segment du documentaire collectif Six by Sondheim consacré au compositeur Stephen Sondheim, la production des films de Kelly Reichardt, le merveilleux Carol avec Cate Blanchett et Rooney Mara, le cinéaste californien revient déjà à la mise en scène deux ans après sa Queer Palm. Le Musée des merveilles est tiré du roman graphique Black Out (Wonderstruck) de Brian Selznick, publié en 2011. L’auteur de L’Invention de Hugo Cabret, transposé à l’écran en 2011 par Martin Scorsese et médaille Caldecott, prix attribué à l’illustrateur du meilleur livre pour enfants de l’année aux Etats-Unis, adapte lui-même son œuvre pour le grand écran. Son immense talent allié à celui de Todd Haynes donne naissance à un superbe drame romanesque destiné autant aux adultes qu’aux enfants, par ailleurs largement conseillé à ces derniers pour les sensibiliser à la grammaire cinématographique puisqu’une bonne partie du film rend hommage au cinéma muet.

Présenté en compétition au Festival de Cannes en 2017, Le Musée des MerveillesWonderstruck marque la quatrième collaboration entre Todd Haynes et la comédienne Julianne Moore après Safe (1995), Loin du paradis (2002) et I’m not there (2007). S’il n’a étonnamment pas convaincu le Jury, plus préoccupé à récompenser des films sans intérêt et nombrilistes comme The Square, le septième long métrage du réalisateur de Velvet Goldmine aura pourtant ému la critique. Les spectateurs qui auront la chance de le découvrir risquent de ne pas l’oublier de sitôt.

Todd Haynes a lui-même qualifié Le Musée des Merveilles comme un acid trip for kids  en indiquant « Il y a deux histoires qui s’entremêlent, s’emmêlent, quelque chose de mystérieux et d’étrange se produit, aux intersections des deux univers, à la limite d’une altération de nos perceptions spatio-temporelles. Le fait que les deux héros soient sourds et perçoivent donc le monde de manière parcellaire a un impact direct sur la façon de regarder le film, de ressentir les silences, les musiques, en particulier le contraste entre la surdité de Ben et le brouhaha de la partie 70’s ». Du point de vue formel, Todd Haynes, épaulé par son fidèle chef opérateur Edward Lachman et de sa complice Sandy Powell, chef costumière, reconstitue les années 1920 (en N&B) et les années 1970 (en couleur) avec une virtuosité de chaque instant. La mise en scène subjugue à chaque plan, le grain de la pellicule flatte les sens, la beauté du cadre laisse pantois d’admiration, la composition de Carter Burwell donne le frisson.

A l’instar de Hugo Cabret, le récit de Brian Selznick plonge les enfants dans une quête initiatique, séparés par cinquante années, dont on sait que les itinéraires se croiseront forcément ou se rejoindront autour d’un sujet commun lié au Muséum d’histoire naturelle de New York. Ces deux héros sont interprétés par les jeunes comédiens Oakes Fegley, qui incarnait Peter dans le remake de Peter et Elliott le dragon, et Millicent Simmonds, magnétique et bouleversante actrice de 13 ans réellement atteinte de surdité, qui livre une remarquable prestation pour sa première apparition à l’écran. Quant à Julianne Moore, présente dans les deux parties du film, elle arrache les larmes et foudroie à chaque apparition, jusqu’à un dernier acte sublime de délicatesse, qui se déroule au Queens Museum, au sein même de la maquette géante du panorama de New York, clou de l’Exposition universelle de 1964.

Les thématiques du cinéma de Todd Haynes, la monotonie du quotidien, comment assumer sa solitude, le droit à la différence, la peur du regard des autres, la marginalisation sont au coeur du Musée des Merveilles. Porté par un amour insatiable du cinéma, par sa capacité à émouvoir et à emporter les spectateurs dans une aventure faite d’amour, d’espoir, d’amitié et d’entraide, cette invitation au voyage s’impose instantanément comme un futur film de chevet vers lequel on reviendra en cas de coup de blues. Merci Todd Haynes, merci Brian Selznick.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray du Musée des Merveilles, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est étonnamment sobre, fixe et musical.

Cette édition comporte tout d’abord six modules consacrés au tournage du film avec pour sujets le Cabinet des curiosités (4’), le personnage de Millie (7’30), les Miniatures (4’), le Musée d’histoire naturelle (5’30), la maquette de New York (5’) et la reconstitution des années 1920 et 1970 (6’). Le réalisateur Todd Haynes, l’écrivain et scénariste Brian Selznick, la chef costumière Sandy Powell, le directeur de la photographie Edward Lachman et bien d’autres intervenants reviennent sur la genèse, la conception et le tournage du Musée des Merveilles. Ne manquez pas le segment sur la création des dioramas, qui a nécessité pas loin de trois mois de prises de vues. Les thèmes du film, les partis pris, les intentions, l’interprétation des deux jeunes comédiens, les accessoires, la construction des décors sont abordés avec simplicité et générosité.

S’ajoutent à ces bonus quelques bandes-annonces et surtout un entretien avec Todd Haynes (19’30) qui revient sur tous les sujets précédemment couverts dans les suppléments précédents, tout en indiquant comme s’est déroulé le tournage et le montage. Todd Haynes intervient également sur l’adaptation du livre de Brian Selznick, l’utilisation de la chanson Space Oddity de David Bowie, la notion du temps, les personnages, la photo et sur les films qui l’ont inspiré, dont le Roméo et Juliette de Franco Zeffirelli (1968) ou Miracle en Alabama d’Arthur Penn (1962).

L’Image et le son

Grands défenseurs du tournage en 35mm, le réalisateur Todd Haynes et le chef opérateur Edward Lachman ont néanmoins décidé de tourner Le Musée des Merveilles en partie en numérique. Afin de conserver une image proche de la pellicule, leur choix s’est porté sur la caméra Arri Alexa pour la partie années 1970, tandis que les séquences en N&B des années 1920 ont bel et bien été tournées en Arricam et Arriflex. Ces partis pris couplés au format 2.40 donnent à la photographie un aspect argentique très élégant. Le master HD concocté par Metropolitan est sublime. Les couleurs sont étincelantes, le piqué aiguisé comme la lame d’un scalpel et les détails foisonnent du début à la fin. De jour comme de nuit, y compris sur les séquences tamisées, l’élévation Haute-Définition est omniprésent, évident et indispensable. On en prend plein les yeux avec ce cadre large à la profondeur de champ inouïe et des contrastes d’une densité jamais démentie.

Vous pouvez compter sur les deux mixages DTS-HD Master Audio anglais et français pour vous plonger dans l’atmosphère du film. Toutes les enceintes sont sollicitées, les voix sont très imposantes sur la centrale dans la partie années 1970 et se lient à merveille avec la balance frontale, riche et dense, ainsi que les enceintes latérales qui distillent quelques ambiances naturelles et effets percutants, sans oublier la magnifique partition de Carter Burwell, excellemment restituée. Le caisson de basses distille également quelques vibrations. Sans surprise, la version originale l’emporte sur la piste française et se révèle plus naturelle et homogène. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test DVD / Frightmare, réalisé par Pete Walker

FRIGHTMARE réalisé par Pete Walker, disponible en DVD chez Uncut Movies le 3 avril 2017

Avec :  Sheila Keith, Rupert Davies, Deborah Fairfax, Kim Butcher, Paul Greenwood, Fiona Curzon…

Scénario : Pete Walker, David McGillivray

Photographie : Peter Jessop

Musique : Stanley Myers

Durée : 1h23

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Quinze ans après avoir été emprisonné pour avoir commis les crimes les plus horribles et les plus violents, Dorothy et Edmund Yates sont libérés dans la collectivité. Mais malgré les efforts déployés d’Edmund, Dorothy retrouve ses tendances cannibales et elle est bientôt encore rendue à commettre des meurtres horribles. Pendant ce temps, leur fille et belle-fille Debbie et Jackie commencent à être tirées dans leur étrange spirale de violence, et l’une d’elles pourrait même avoir hérité du goût de la chair humaine de Dorothy…

La même année que FlagellationsHouse of Whipcord, le réalisateur Pete Walker et le scénariste David McGillivray remettent le couvert avec ce qui reste aujourd’hui leur collaboration la plus célèbre, Frightmare. Né en 1939, Pete Walker débute par des courts-métrages dénudés (Soho Striptease, The Girl That Boys Dream About, Please Do Not Touch) qu’il produit lui-même et revend sous le manteau, avant de passer au long-métrage en 1968 avec The Big Switch. Suivront alors des œuvres aux titres explicites L’Ecole du sexe, Der Porno-Graf von Schweden, Four Dimensions of Greta en relief !. Puis, il change de registre en abordant l’épouvante avec Meurs en hurlant, Marianne et Le Rideau de la mort. Si pour les aficionados, les cinéphiles et les amateurs de films de genre, Flagellations reste leur film de prédilection, Frightmare est unanimement salué comme étant son œuvre la plus ambitieuse et la plus réussie, à tel point que certains en viennent à préférer ce film au Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper, sorti la même année et avec lequel il partage quelques points communs.

Dorothy Yates vit avec son mari Edmund dans une petite ferme isolée à l’abri des regards indiscrets. La vieille femme dissimule en réalité un terrible passé puisqu’elle fut internée pendant de nombreuses années aux côtés de son époux pour avoir commis une série de meurtres brutaux sur fond de cannibalisme. Aujourd’hui libérée et réintégrée dans la société Dorothy mène une vie tranquille sous l’œil bienveillant de son mari hier complice par amour des crimes de son épouse. En réalité la vieille femme n’a rien perdu de sa démence et va de nouveau céder à l’appel de la chair humaine dont elle se révèle après toutes ces années de psychanalyse toujours aussi friande ! Dorothy attire ainsi secrètement chez elle ses victimes pour leur tirer les cartes avant de les massacrer avec sauvagerie et de se repaitre de leur cervelle encore tiède. Seule Jackie, la fille d’Edmund, semble prendre conscience de la nouvelle dérive meurtrière de sa belle-mère. Parviendra-t-elle à mettre un terme à ce carnage qui ensanglante de nouveau la campagne anglaise ?

Avec Flagellations (1974), Frightmare (1974) et Mortelles confessions (1976), le cinéaste Pete Walker mérite largement d’être réévalué, reconnu et réhabilité. Sur un sujet scabreux et à ne pas mettre devant tous les yeux, le réalisateur britannique fait preuve d’une incroyable virtuosité et instaure progressivement une peur, une angoisse sourde avec pourtant une économie d’effets frontaux. Particulièrement dérangeant, Frightmare happe d’emblée le spectateur avec un prologue en N&B, qui se déroule en 1957 dans le décor d’une fête foraine désertée. S’ensuit le meurtre hors-champ d’un homme, puis le procès d’un couple reconnu comme étant les assassins. En entendant la sentence, cet homme et cette femme, dont nous ne voyons pas les visages, se prennent la main. Retour à la couleur, place au sang, quinze ans plus tard. Pete Walker aborde le cannibalisme dans une famille dégénérée, où le goût du sang et des viscères se transmet génétiquement.

La photographie de Peter Jessop appuie la crasse environnante, désormais théâtre des histoires de monstres à visages humains. Si le casting est comme d’habitude soigné, la comédienne Sheila Keith tire une fois de plus son épingle du jeu dans le rôle de Dorothy Yates, celle par qui le mal arrive dans la famille. Comme dans Flagellations et avant Mortelles confessions, l’actrice se délecte d’un rôle difficile qui lui permet de créer un personnage repoussant, tout en lui insufflant une évidente humanité. Pete Walker joue avec l’empathie du spectateur puisqu’il démontre une fois de plus que les institutions sont incapables de prendre en charge et de soigner un tel cas pathologique et schizophrénique. Quelques années après avoir été enfermée avec son époux Edmund, complice de ses meurtres, Dorothy Yates ressort d’un institut psychiatrique après avoir été jugée apte à être réinsérée dans la société. Seulement voilà, sitôt remise en liberté, Dorothy replonge immédiatement, avec le soutien de son époux, amoureux transi, et de sa belle-fille Debbie (excellente Deborah Fairfax) qui essaye de déjouer l’appétit déviant de sa belle-mère. Mais c’était sans compter le mal qui s’est transmis à la fille de Dorothy et d’Edmund.

Véritable film d’horreur moderne et thriller psychologique produit en totale indépendance, Frightmare n’a rien à envier à Texas Chain Saw Massacre avec son ambiance oppressante. Son final très sombre n’a pas fini de triturer les méninges.

LE DVD

Uncut Movies frappe fort avec cette édition DVD Collector limitée et numérotée à 1000 exemplaires de Frightmare ! Le disque repose dans un sublime Digipack constitué d’un livret de 28 pages merveilleusement illustré, avec en introduction un mot de l’éditeur et la présentation du label Uncut Movies, puis un petit focus sur les maîtres de l’horreur britannique et une analyse de quelques-uns des films les plus célèbres de Pete Walker. Sans oublier un petit poster collector du film tiré de son exploitation italienne. Le menu principal est animé et musical. Un très bel objet de collection.

Cette édition de Frightmare s’accompagne d’une galerie de photos, du trailer original du film, de bandes-annonces Uncut Movies et surtout d’une large présentation de l’oeuvre de Pete Walker qui nous intéresse ici, par l’expert, monsieur David Didelot. 1H17 en compagnie de ce dernier, cela ne se refuse pas. Le co-fondateur du fanzine Vidéotopsie revient armé jusqu’aux dents de VHS, d’ouvrages et de DVD pour illustrer ses propos toujours aussi passionnants et qui donnent furieusement envie de se jeter sur tous les titres Bis évoqués. Pas un seul moment de répit pour David Didelot qui dresse un fabuleux portrait du réalisateur Pete Walker. Ses débuts au cinéma, ses films, ses partis pris, ses intentions, sa rencontre déterminante avec le scénariste David McGillivray, mais également son ambiguïté sont passés au crible. Ne tarissant pas d’éloges sur ce réalisateur indépendant qu’il affectionne tout particulièrement, David Didelot déclare que Pete Walker mériterait d’être reconsidéré à sa juste valeur. Au bout de 50 minutes, Frightmare est analysé – dans le fond comme dans la forme – par notre spécialiste du Bis, évoquant également le casting, l’accueil critique, la sortie du film et les divers titres d’exploitation.

L’Image et le son

Ce DVD permet de (re)découvrir le film de Pete Walker dans de très bonnes conditions techniques. Souvent nette et précise, la copie est bien restaurée avec des contrastes appréciables, une image propre, le grain argentique préservé, un piqué élégant et des détails qui étonnent souvent par leur précision, en particulier les gros plans. Le prologue en N&B est plus altéré avec des points, poussières et autres scories visibles. Cela s’améliore dès le passage à la couleur. La photo hivernale, grisâtre, sombre du chef opérateur Peter Jessop (Schizo, Mortelles confessions) est élégamment restituée avec ses teintes fanées. N’oublions pas la stabilité d’ensemble.

Point de version française ici. Le mixage anglais aux sous-titres français (non imposés) instaure une écoute propre avec parfois quelques sensibles chuintements dans les aigus, mais rien de bien méchant.

Crédits images : © Uncut Movies / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

Test DVD / Don Juan, réalisé par Jacques Weber

DON JUAN réalisé par Jacques Weber, disponible en DVD aux Editions Montparnasse le 6 mars 2018

Avec :  Jacques Weber, Michel Boujenah, Emmanuelle Béart, Penélope Cruz, Ariadna Gil, Denis Lavant, Michael Lonsdale, Jacques Frantz…

Scénario : Jacques Weber d’après la pièce de théâtre « Dom Juan ou le festin de pierre » de Molière

Photographie : José Luis Alcaine

Musique : Bruno Coulais

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1998

LE FILM

Don Juan est un aventurier épris de liberté dans l’Espagne du XVIIe siècle. Il tue ses ennemis, séduit toutes les femmes, leur promet le mariage, puis les abandonne. Révolté, hypocrite et impie, sûr de son désir, il affronte un monde qu’il humilie. Ce géant blessé épuise sa vie et brûle ses dernières cartouches. Dans quelques jours, il se rendra inexorablement au rendez-vous avec son destin.

Né en 1949, Jacques Weber s’inscrit avec Francis Huster au Conservatoire municipal du 18e arrondissement de Paris. Ça laisse des marques. S’ensuivent l’art dramatique à l’école de la rue Blanche, puis le Conservatoire qu’il quitte après avoir obtenu le prix d’excellence. Elève et disciple de Pierre Brasseur, Jacques Weber possède un C.V. bien fourni. La Comédie-Française lui fait de l’oeil, mais il refuse ses avances, lui préférant le théâtre populaire de Reims de Robert Hossein. Il débute sa carrière au cinéma et au théâtre au début des années 1970. En 1994, il écrit une adaptation du Misanthrope pour la télévision. Il revient quatre ans plus tard vers Molière pour une libre transposition de la pièce Dom Juan. Ecrit, interprété et réalisé par Jacques Weber, Don Juan sort au cinéma le 18 mars 1998 et la critique lui tire dessus à boulets rouges.

En compagnie de son valet Sganarelle, Don Juan, un seigneur revendiquant son goût de la liberté, parcourt à cheval les routes du sud de l’Espagne, pour régler des affaires le plus souvent en rapport avec ses nombreuses conquêtes féminines. Dans un village, il humilie un enfant pauvre et pieux en tentant de le faire jurer contre une pièce d’or. Puis il signifie à Elvire, jeune noble qu’il devait épouser, sa décision de rupture. Elvire, outragée, lui crie son désir de vengeance et ses frères se lancent à la poursuite du  » grand seigneur méchant homme ». Mais Don Juan – que rien n’effraie, pas plus la loi de Dieu que celle des hommes, et encore moins les reproches de son fidèle Sganarelle – pense déjà à une autre femme et monte une expédition en bateau. Tempête, naufrage. Des paysans le sauvent. Il s’empresse de faire la cour à deux filles à la fois, dont l’une est la fiancée du brave Pierrot.

Volontairement « revu et déconstruit » par Jacques Weber lui-même, le texte de Molière subsiste, mais vingt ans après, force est de constater que Don Juan est comme qui dirait un petit cousin du Jour et la nuit, le célèbre film de ce cher Bernard-Henri Lévy. Car dans le genre trip égocentrique et narcissique ça se pose là. C’est bien simple, on attend pour admirer les charmes d’Emmanuelle Béart et l’on se retrouve finalement avec Jacques Weber nu comme un ver devant un Michael Lonsdale qui se mord les joues. Don Juan n’est pas vraiment un nanar, car il y a de la « rigueur » dans la direction artistique, notamment dans les costumes, par ailleurs nommés aux César. Non, ce qu’il y a de fascinant c’est de voir que l’ensemble de cette production se donne un genre, mais que rien n’est crédible.

A la tête de son entreprise, Jacques Weber est droit comme un i sur son cheval qui peine sous le poids de son cavalier. Avec son balai bien placé, sa crinière Head & Shoulders et le poitrail à l’air, Jacques Weber, qui s’est confié le rôle du plus célèbre des séducteurs, est souvent très drôle malgré-lui. Pour sa sortie en DVD vingt ans après, l’éditeur Editions Montparnasse privilégie Emmanuelle Béart, seule sur le visuel, ainsi que sur le menu principal. C’est sans doute plus vendeur que Jacques Weber dans le plus simple appareil, mais toujours est-il que la comédienne fait juste une participation et son temps à l’écran est vraiment réduit. En parlant d’actrices, certains se gausseront de voir comment les jeunes Penélope Cruz (24 ans) et Ariadna Gil (28 ans) se pâment et se confrontent pour devenir celle que Don Juan protégera de son torse bombé quand Jacques Weber retient son souffle. Elles sont toutes folles de lui. A ses côtés, Michel Boujenah déclame ses tirades de façon grandiloquente, mais rien à faire, cela ne fonctionne pas. Jacques Weber convie quelques amis, des voix, des gueules, celles de Denis Lavant, Michael Lonsdale, Jacques Frantz, Philippe Khorsand, tous ayant accepté l’invitation du cinéaste pour passer quelques jours dans le sud de l’Espagne.

Plus le film progresse, plus l’ensemble prend un goût de navet, mais un bon, celui devant lequel on rit pour sa prétention et son sérieux. Don Juan n’est pas un nanar, mais contient quand même son lot de séquences effarantes, ridicules (avec la mort du héros comme point d’orgue), bouffées d’orgueil, qui font finalement le sel du film. Nous n’étions pas venus pour cela, mais puisque c’est ce que ce truc boursouflé à la photographie hideuse et à la musique soûlante propose, pourquoi pas après tout.

LE DVD

Jacques Weber aura dû attendre vingt ans pour qu’un éditeur ait le courage de sortir Don Juan en DVD. Bravo aux Editions Montparnasse. Mais l’éditeur a eu le nez fin pour attirer le chaland puisque le visuel est centré sur Emmanuelle Béart dans sa robe jaune, tandis que Weber et son fidèle destrier ont du mal à se faire une petite place en bas à gauche. Même chose pour le menu principal, légèrement animé sur la musique de Bruno Coulais. Le boîtier est glissé dans un surétui cartonné.

Bandes-annonces de films disponibles comme suppléments.

L’Image et le son

Bon…si la copie est propre, les couleurs sont complètement usées et fanées. Ce ne sont pas les partis pris dignes d’un téléfilm qui arrangent les choses. La gestion des contrastes est aléatoire, le piqué absent, tout est terne. Aucun relief, l’image fait beaucoup plus que ses vingt ans d’âge.

Le mixage Stéréo fait tout ce qu’il peut pour donner un peu d’entrain au film de Jacques Weber et le confort acoustique est honorable. Les voix sont solidement délivrées, la balance frontale suffisante et la piste très propre. Pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Editions Montparnasse / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / La Garçonnière, réalisé par Billy Wilder

LA GARÇONNIÈRE (The Apartment) réalisé par Billy Wilder, disponible en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions le 27 février 2018

Avec :  Jack Lemmon, Shirley MacLaine, Fred MacMurray, Ray Walston, Jack Kruschen, David Lewis, Hope Holiday, Joan Shawlee, Naomi Stevens…

Scénario : Billy Wilder, I.A.L. Diamond

Photographie : Joseph LaShelle

Musique : Adolph Deutsch

Durée : 2h05

Date de sortie initiale : 1960

LE FILM

C.C. Baxter est employé à la Sauvegarde, grande compagnie d’assurance. Dans l’espoir d’un avancement il prête souvent son appartement à ses supérieurs qui y emmènent leurs petites amies. Un jour le chef du personnel le convoque et lui apprend qu’il sait tout et lui demande aussi sa clé. Baxter est enfin promu. Mais ce qu’il ignorait c’est que le chef du personnel emmenait dans son appartement la femme dont il était amoureux.

Avant de s’exiler à Hollywood suite à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir, Samuel Wilder dit Billy Wilder (1906-2002), scénariste austro-hongrois débarque à Paris où il tourne son premier long métrage en 1934, Mauvaise graine, avec Danielle Darrieux. Arrivé sur la terre de l’Oncle Sam et ne parlant quasiment pas anglais, il parvient tout de même à se faire engager à la Paramount Pictures comme scénariste et script-doctor. Il est très vite remarqué par Ernst Lubitsch, pour lequel Billy Wilder écrit La Huitième femme de Barbe-Bleue et Ninotchka. En 1942, il passe derrière la caméra pour Uniformes et jupons courtsThe Major and the Minor, comédie sur fond de guerre qu’il écrit avec son complice Charles Brackett. C’est un succès et la carrière de réalisateur de Billy Wilder est lancée. S’ensuivent Les Cinq secrets du désert (1943), le film noir Assurance sur la mortDouble Indemnity (1944), le documentaire Death Mills (1945), sur la découverte des camps de concentration nazis par les Alliés, le drame Le Poison (1945), récompensé par la Palme d’or au festival de Cannes, mais aussi par quatre Oscars, ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur acteur pour Ray Milland et du meilleur scénario adapté. Billy Wilder s’octroie ensuite une récréation avec la comédie musicale La Valse de l’empereur avec Bing Crosby et Joan Fontaine, avant de se consacrer à La Scandaleuse de Berlin avec Marlene Dietrich. Le succès international est au rendez-vous. La décennie suivante, Billy Wilder accélère la cadence et enchaîne entre autres Boulevard du crépuscule (1950), Stalag 17 (1953), Sabrina (1954), Sept ans de réflexion (1955), Ariane (1957). Puis, Billy Wilder fait une rencontre déterminante, celle avec le comédien Jack Lemmon, qu’il engage pour donner la réplique à Marilyn Monroe et Tony Curtis dans l’extraordinaire Certains l’aiment chaud (1959). A partir de ce triomphe mondial, le cinéaste entame alors les années 1960 et une nouvelle étape de sa carrière en signant La GarçonnièreThe Apartment, critique acerbe et féroce du monde du travail et sur les pauvres conditions des petits employés. Et c’est un nouveau chef d’oeuvre dans l’une des plus remarquables filmographies de toute l’histoire du cinéma.

C. C. Baxter (Jack Lemmon), dit « Buddy », employé d’une importante compagnie d’assurances new-yorkaise, met son appartement à disposition de ses supérieurs comme garçonnière par complaisance et servilité; il obtient alors des avantages professionnels…et il faut bien payer le loyer. La gestion des quatre « co-locataires » est un casse-tête, son appartement de célibataire est laissé sens dessus-dessous, ses voisins et sa logeuse sont indignés de ce défilé de jolies filles. Son DRH Jeff D. Sheldrake (Fred MacMurray), apprenant cela, lui demande également de lui prêter l’appartement et lui octroie une promotion en échange. Mais C. C. ignore que Sheldrake souhaite utiliser cette garçonnière pour y retrouver Fran (Shirley MacLaine), une liftière de la compagnie, dont Baxter est vainement épris.

La Garçonnière, c’est comme qui dirait la perfection du 7e art. Cinq Oscars, dont celui du meilleur Film sont venus couronnés le 17e film de Billy Wilder. Le réalisateur mêle la comédie au drame avec une virtuosité de chaque instant. Si l’on rit très souvent, le fond de La Garçonnière est triste, voire tragique puisque le héros, magistralement incarné par un immense Jack Lemmon, renonce à sa vie intime, au point de ne plus pouvoir dormir chez lui dans son propre lit, pour espérer en retour un poste bien placé dans sa société. Dans La Garçonnière, les personnages sont animés par la course à la réussite, au point de s’oublier eux-mêmes. A la fois comédie romantique et drame social, The Apartment possède une tonalité sombre et mélancolique qui a toujours effleuré dans le cinéma de Billy Wilder, et pas seulement dans ses œuvres les plus dramatiques.

Billy Wilder raconte comment deux êtres solitaires, au bord de la dépression, se rencontrent, pour finalement retrouver l’espoir, l’entraide, et bien sûr l’amour. Perdus dans les incroyables décors d’Alexandre Trauner, magnifiquement photographiés par Joseph LaShelle, avec une utilisation du CinemaScope qui appuie la profondeur de champ et donc la perte de l’individu, les protagonistes se confrontent, se rentrent dedans, s’observent, s’apprivoisent, puis prennent finalement le temps de se connaître. Deux électrons libres agités autour de l’atome-entreprise, qui décident de stopper leur course effrénée pour faire le point sur eux-mêmes. Alors que les spectateurs n’attendent qu’une chose, que Jack Lemmon et la merveilleuse Shirley MacLaine – récompensée par la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine à la Mostra de Venise en 1960 – s’embrassent à l’écran, Billy Wilder décide de préserver cette intimité. Il termine son film sur une déclaration d’amour qui n’a pas de réponse directe, du moins pas avant le THE END sur lequel nous quittons Fran et CC.

Dialogues cocasses et tordants, comédie tendre et cynique sur l’amour, critique du puritanisme hypocrite, le mensonge, les faux-semblants, la mécanique Wilder fonctionne à plein régime. La Garçonnière est un film immense.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de La Garçonnière, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui très élégant. Le menu principal est animé sur la scène d’ouverture du film en version française. N’oublions pas le livret de 32 pages concocté par Marc Toullec, qui résume tous les arguments avancés au fil des nombreux suppléments.

Saluons l’éditeur qui nous permet non seulement de bénéficier du chef d’oeuvre de Billy Wilder dans une magnifique copie, mais également de prolonger ce plaisir avec près de 2h30 de suppléments.

On commence par une passionnante conversation (46’) sur La Garçonnière, entre Mathieu Macheret (Le Monde) et Frédéric Mercier (Transfuge). Face à face, les deux journalistes-critiques cinéma croisent le fond et la forme du film de Billy Wilder, en le replaçant tout d’abord dans la carrière du maître. Puis, les interventions des deux confrères se complètent parfaitement, l’un et l’autre rebondissant sur les arguments avancés, sans aucun temps mort. La genèse du film, l’écriture du scénario, les thèmes explorés, les partis pris, les intentions, le casting, la collaboration Billy Wilder-Jack Lemmon, la psychologie des personnages principaux, les décors d’Alexandre Trauner, le rejet des conventions et bien d’autres sujets sont abordés avec une passion contagieuse !

Le second bonus donne la parole à Didier Naert, peintre et architecte, qui revient sur sa rencontre, sa collaboration (en 1975 sur L’Homme qui voulut être roi de John Huston) et sur le travail du chef-décorateur Alexandre Trauner sur La Garçonnière (24’). Didier Naert évoque les débuts de Trauner dans le monde du cinéma, ses rencontres déterminantes (Marcel Carné), ses œuvres les plus célèbres. Puis, les associations de Trauner (alors directeur artistique et décorateur) avec Billy Wilder sur La Garçonnière et Irma la douce sont abordées.

Place à la comédienne Hope Holiday (13’), qui interprète Margie Mac Dougall (la femme du bar) dans La Garçonnière, qui intervient ici pour partager ses souvenirs liés au tournage du film de Billy Wilder. Egalement présente au générique d’Irma la Douce, l’actrice née en 1933 se remémore son casting pour obtenir un rôle dans La Garçonnière, puis raconte quelques anecdotes liées au tournage et sur sa collaboration avec Jack Lemmon. Très émue, la gorge serrée, Hope Holiday se met à pleurer en se remémorant tant de bons moments.

Vous pouvez enchaîner avec un essai vidéo centré sur la collaboration Billy Wilder / Jack Lemmon, réalisé par le critique David Cairns (20’). Cette analyse constituée d’extraits et de photographies n’évoque pas seulement La Garçonnière, mais également toutes les autres associations du tandem.

Le module suivant est consacré au comédien Jack Lemmon (1925-2001). Constitué de photos, d’extraits de films et d’interventions du biographe Joe Baltake, de l’historien du cinéma Robert Osborne, des actrices Shirley MacLaine et Hope Holiday, sans oublier le fils de Jack Lemmon, ce petit documentaire de 13 minutes et réalisé en 2007, rend un formidable hommage à l’un des comédiens les plus attachants de l’histoire du cinéma.

En plus de la bande-annonce originale (qui démarre par la dernière séquence du film!), cette section se clôt sur un segment rétrospectif réalisé en 2007 avec les mêmes protagonistes que dans les modules précédents, auxquels s’ajoutent Kevin Lally (auteur d’un livre sur Billy Wilder), Molly Haskell (critique de cinéma), Walter Mirisch (producteur de La Garçonnière), Drew Casper (professeur à l’école de cinéma et de télévision à l’Université de la Californie du Sud). Chacun revient sur la genèse, l’écriture, la mise en scène et tout ce qui concerne La Garçonnière de Billy Wilder.

L’Image et le son

La restauration numérique de La Garçonnière est très impressionnante. Le nouveau master HD (codec AVC, 1080p) au format respecté se révèle extrêmement pointilleux en terme de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Billy Wilder et les décors d’Alexandre Trauner. La photo signée Joseph LaShelle (Laura, Hangover Square, Irma la Douce) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Seul petit bémol, l’ouverture constituée de stock-shots reste marquée par des griffures et des points, mais cela reste vraiment anecdotique, car ce Blu-ray est vraiment superbe.

Le remixage de la version originale en DTS-HD Master Audio 5.1 ne profite surtout qu’à la musique du film. Et encore, l’écoute reste essentiellement frontale. N’hésitez pas à sélectionner la piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 qui contente non seulement les puristes, mais qui se révèle également soignée, fluide et largement suffisante pour créer un grand confort acoustique. La version française DTS-HD Master Audio 2.0 est évidemment anecdotique, même si l’immense Roger Carel prête sa voix extraordinaire à Jack Lemmon, comme cela avait été déjà le cas pour Certains l’aiment chaud et plus tard pour Irma la Douce. Cette piste est plus feutrée, accompagnée d’un léger souffle et de scories.

Crédits images : © Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. All Rights Reserved / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Roar, réalisé par Noel Marshall

ROAR réalisé par Noel Marshall, disponible en combo Blu-ray-DVD-Livret chez Rimini Editions le 6 mars 2018

Avec :  Tippi Hedren, Noel Marshall, Melanie Griffith, John Marshall, Jerry Marshall, Kyalo Mativo, Frank Tom…

Scénario : Noel Marshall

Photographie : Jan de Bont

Musique : Terrence P. Minogue

Durée : Version française (1h28) / Version originale (1h34)

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Dans le cadre de son étude portant sur les félins sauvages, Hank, scientifique américain, est parti s’installer en Afrique pour vivre parmi ces animaux à la réputation extrêmement dangereuse. Sa maison est un refuge pour plus d’une centaine de fauves que le chercheur élève en toute liberté. Restés aux États-Unis, sa femme Madelaine et ses enfants Melanie, John et Jerry décident de venir lui rendre visite. Mais à leur arrivée, Hank n’est pas là pour les accueillir. À la place, ils découvrent avec effroi les autres habitants qui, en l’absence du maître de maison, ont totalement pris le contrôle du lieu…

« Le film le plus dangereux jamais réalisé » scandait l’affiche à sa sortie en 1981 et maintenant la jaquette du DVD. Les prises de vues de Roar, réalisé par Noel Marshall, ont été effectuées sur cinq années et ont nécessité un budget de 17 millions de dollars et l’aide de 150 fauves. L’histoire du tournage est d’ailleurs plus intéressante que le film lui-même, même si le résultat final demeure ahurissant. Il est vrai que ce seul et unique long métrage de Noel Marshall, habituellement producteur (notamment derrière L’Exorciste), est très impressionnant. Le réalisateur, sa femme Tippi Hedren et sa fille Melanie Griffith, déambulent au milieu de plusieurs dizaines de lions, tigres, panthères, léopards, pumas et guépards, sans aucune protection. En 1970, l’actrice révélée par Alfred Hitchcock dans Les Oiseaux, tourne Satan’s Harvest de et avec George Montgomery qui se déroule en Afrique. Les prises de vues sont difficiles et éprouvantes, Tippi Hedren se retrouve face à un lion, ce qui provoque un tournant dans sa vie. Elle décide alors, avec son mari Noel Marshall, de tourner un film sur ce sujet, Roar, entourée de fauves dans leur milieu naturel. Ce n’est que le début d’une grande aventure qui va s’étaler sur plusieurs années.

Imaginez un remake des Oiseaux avec Hedren où les volatiles seraient remplacés par des fauves ; voilà à quoi ressemble Roar. S’ils souhaitent d’abord travailler avec des animaux sauvages dressés à Hollywood, l’histoire, centrée sur une quarantaine de lions déambulant dans la même maison, obligent les comédiens et la production à avoir recours à leurs propres bestiaux. Ainsi, le couple sauve et élève des jeunes félins dans leur propriété californienne, principalement rescapés des zoos et du monde du cirque, où ils grandissent en toute liberté. Certains dorment même avec le couple.

Comme la « famille » s’agrandit, Tippi Hedren achète un ranch où d’autres félidés, et même des éléphants, y sont recueillis. Le duo hypothèque leurs biens pour accomplir ce projet tourné dans leur ranch. Merveilleusement photographié par Jan de Bont, Roar est une œuvre unique. Un carton d’introduction indique que l’écriture et la réalisation reviennent de droit aux animaux non dressés et en totale liberté devant la caméra. Le nom des fauves est présent au générique à l’instar du reste du casting humain, essentiellement constitué de la famille Marshall. Rétrospectivement, Roar apparaît comme étant un immense et dangereux caprice. Entre les morsures (38 points de suture à la tête pour Hedren, 50 pour Mélanie Griffith), les blessures diverses et les fractures (Hedren se casse une jambe en tombant d’un éléphant), plus de 70 accidents de tournage sont recensés, y compris Jan de Bont scalpé par un fauve lui valant 120 points de suture au cuir chevelu.

Noel Marshall souhaite tourner cette fiction comme un documentaire et s’en remet totalement à ses compagnons imprévisibles. Chaque séquence est donc improvisée, cela se ressent fortement. Si certaines scènes, filmées à l’aide de quatre voire huit caméras, s’étirent parfois en longueur, d’autres ont l’air particulièrement décousues avec un montage très cut. Le tournage connaît ensuite d’autres difficultés, notamment un incendie qui ravage une partie du ranch, ainsi qu’une inondation suite à la rupture d’un barrage. Celui-ci détruit les décors et tue malheureusement plusieurs lions. Les années passent, les millions de dollars s’envolent. Mais persuadés du succès de Roar, Hedren et Marshall parviennent à boucler le tournage en 1980. Cette production insensée sort enfin sur les écrans l’année suivante, à l’exception des Etats-Unis en raison d’une brouille financière avec les distributeurs américains. C’est un échec commercial cuisant, probablement l’un des plus importants de l’industrie cinématographique ; Roar ne rapporte que 2 millions alors qu’il en a coûté 17.

Aujourd’hui, ce drame d’aventure est devenu un véritable objet de curiosité, une folie impensable à concrétiser. Si le récit est prétexte à valoriser les animaux alors que les acteurs se débattent souvent face caméra pour éviter de se faire dévorer et lacérer, l’investissement de l’équipe est de tous les instants. Les passionnés des fauves en auront donc ici pour leur argent.

LE BLU-RAY

2 ans et demi après avoir édité Roar en DVD, Rimini Editions ressort le film de Noël Marshall dans un combo Blu-ray-DVD-Livret de 24 pages écrit par Marc Toullec, consacré aux incroyables conditions de tournage. Le menu principal est animé et musical et propose de visionner le film soit dans sa version française (84’) ou dans sa version originale (90’).

Aucun supplément.

L’Image et le son

Ce transfert Blu-ray offre à Roar un petit dépoussiérage numérique même si la définition est loin d’être parfaite. Par rapport à l’édition SD, les contrastes retrouvent une certaine densité, la luminosité HD est bienvenue et la colorimétrie n’a jamais été aussi vive et saturée. Seulement le grain demeure trop appuyé sur les plans de ciel (d’un bleu cyan plutôt sidérant il faut bien l’avouer), le piqué manque de fermeté, surtout sur les séquences sombres. Comme souvent, c’est le générique qui a subi le plus les outrages du temps mais ce master, bien nettoyé, stable et dépourvu de scories, trouve ensuite et heureusement un équilibre convenable. Notons également que diverses séquences ont été trop lissé, donnant aux visages un aspect cireux et artificiel.

Du point de vue acoustique, la piste française s’en sort étonnamment mieux avec des dialogues plus aérés et un coffre plus puissant. La version anglaise est propre, mais certains échanges demeurent aléatoires et le volume tend à varier au cours d’une même séquence. La version courte est uniquement disponible en version française, tandis que les deux options acoustiques sont proposées à la fois en Stéréo et en DTS-HD Master Audio 5.1 plus anecdotique.

Crédits images : © Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray (édition Bildstörung) / Laurin, réalisé par Robert Sigl

LAURIN réalisé par Robert Sigl, disponible en Blu-ray chez Bildstörung

Avec :  Dóra Szinetár, Brigitte Karner, Károly Eperjes, Hédi Temessy, Barnabás, Kati Sir, Endre Kátay, János Derzsi…

Scénario : Ádám Rozgonyi, Robert Sigl

Photographie : Nyika Jancsó

Musique : Hans Jansen, Jacques Zwart

Durée : 1h23

Date de sortie initiale : 1989

LE FILM

Quelle immense découverte ! Quelle beauté ! Chef d’oeuvre dissimulé du cinéma allemand, Laurin, est le premier long métrage (à ce jour le seul pour le cinéma) réalisé en 1989 par Robert Sigl, après deux courts-métrages, Die Hütte et Der Weihnachtsbaum. Né en 1962, le cinéaste, également comédien, signe un film exceptionnel, à la frontière de plusieurs genres, qui s’inscrit dans la droite lignée de L’Esprit de la ruche (1973) de Victor Erice. Film fantastique, drame sur le deuil, thriller teinté de giallo avec certains éclairages baroques qui rappellent le cinéma de Dario Argento et de Mario Bava, Laurin laisse pantois le spectateur par sa beauté plastique et se révèle par strates jusqu’à un final bouleversant.

Au début du siècle dernier dans un petit village portuaire, la petite Laurin subit les aléas de son père entre ses activités de pêcheur et ses retours, trop brefs, au foyer familial. Désespérée des départs de son mari, la mère de Laurin se perd dans la nuit noire et se retrouve alertée par des cris d’enfants déchirant la forêt environnante ; quant à sa fille, elle aperçoit le visage d’un petit garçon hurlant à la mort à travers la fenêtre de sa chambre, avant de voir une ombre l’emporter…à tout jamais. Cette même nuit, la mère de Laurin décède dans de mystérieuses circonstances…

Dès le générique avec la splendide composition de Hans Jansen et Jacques Zwart, Laurin happe le spectateur pour ne plus le lâcher durant 83 minutes. Les séquences photographiées comme des œuvres du Caravage, Rembrandt et Vermeer instaurent une atmosphère trouble et troublante. Tel un peintre, Robert Sigl compose des plans à la beauté foudroyante matinée de gothique, au milieu de somptueux décors naturels hongrois. Les spectateurs et cinéphiles français qui découvriront Laurin le verront comme un véritable cadeau, à l’instar d’un dialogue intimiste qui s’instaure directement avec le cinéaste.

A la fin des années 1980, Laurin est quasi-anachronique. Si l’oeuvre mystérieuse de Robert Sigl n’est pas explicite, elle n’est en aucun cas hermétique et parlera différemment au spectateur selon son vécu. La forme s’apparente à un enchaînement de rêves, parfois de cauchemars. Récit initiatique, Laurin suit le processus de deuil d’une petite fille de 10 ans, qui vient de perdre sa mère, tandis qu’elle découvre également la brutalité du monde qui l’entoure. Film sur la perte de l’innocence, Laurin parvient à rendre palpable la crasse derrière une esthétique hyper-léchée, appuyant ainsi le fait que la beauté du monde dissimule en réalité des actes morbides. Dóra Szinetár, la jeune comédienne qui interprète le rôle-titre, cloue le spectateur de son regard sombre qui n’est pas sans rappeler celui d’Ana Torrent dans L’Esprit de la ruche comme nous l’indiquions, mais également dans Cría cuervos de Carlos Saura (1976), deux films évidemment très liés. Le spectre de La Nuit du Chasseur de Charles Laughton plane également sur cette histoire.

Tour à tour inquiétant et envoûtant, mélancolique et ambigu, Laurin, récompensé par le Prix du Film Bavarois est un thriller horrifique complexe, mais absolument passionnant, qui ravit autant le coeur et l’esprit, qui flatte les sens du début à la fin. Difficile d’évoquer plus en détails ce « conte de fées pour adulte narré du point de vue d’un enfant » de Robert Sigl sans en révéler davantage, ce qui dénaturerait l’expérience à part entière de Laurin, magnifique trésor du cinéma de genre à réhabiliter de toute urgence.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray chroniqué ici est disponible en import et bénéficie d’une piste de sous-titres français. Vous n’avez donc aucune excuse pour passer à côté de cette merveilleuse édition concoctée par Bildstörung. Deux disques sont présents dans le boitier, glissé dans un surétui cartonné très élégant. Le premier Blu-ray comprend évidemment le film avec le commentaire audio du réalisateur Robert Sigl (non sous-titré). Tout le reste des suppléments est placé sur un second disque. Le menu principal du disque 1 est animé sur la superbe musique du film, celui du second est fixe et musical.

Seul le film dispose de sous-titres français, ce qui est déjà énorme et inespéré. En plus du commentaire audio de Robert Sigl évoqué, l’éditeur propose moult suppléments :

– « Robert Sigl erzählt… » (interview du réalisateur, 28’)


– « 
Der Weihnachtsbaum » (court-métrage de Robert Sigl, 19’) + galerie photos


– Interviews de l’actrice Dóra Szinetár
(17’30), de l’acteur Barnabás Tóth (9’30) et du caméraman Nyika Jancsó (15’), disponibles en anglais, sous-titrées en allemand

– Interview croisée des historiens de cinéma Jonathan Rigby (31’) & Olaf Möller (17’30)
– Making of
(9’30)

– Scènes coupées agrémentées du commentaire de Robert Sigl (19’)
– Aufnahmen von der Verleihung des Bayrischen Filmpreis
(2’30)
– Galerie Photos
Livret de 20 pages

Merci à monsieur Patrick Lang de m’avoir mis ce Blu-ray à disposition !

L’Image et le son

Le master HD (1080p) de Laurin provient d’une restauration 2K réalisée à partir du négatif original 35mm. La beauté de la copie participe évidemment à la découverte du film de Robert Sigl. Quelques-uns rechigneront devant le piqué parfois émoussé, divers flous sporadiques ou la gestion aléatoire des noirs, tantôt denses, tantôt bouchés, mais force est de constater que Bildstörung propose un vrai confort de visionnage. Le grain est quasi-omniprésent, mais que serait l’incroyable photo signée Nyika Jancsó, chef opérateur hongrois, sans cette texture argentique qui ne cesse de ravir les yeux ! Certains plans sortent particulièrement du lot avec des détails riches et précis sur les décors naturel, mais également sur les visages des comédiens et les étoffes. Les contrastes (surtout sur les séquences sombres) apparaissent en parfait accord avec les volontés artistiques originales qui rendent largement indispensable l’élévation du film en Haute Définition, d’autant plus que la copie affiche une remarquable propreté et délivre des clairs-obscurs réellement saisissants.

Cette édition comporte les versions allemande et anglaise. Laurin a été tourné en anglais, mais les sous-titres français traduisent le doublage allemand. Toutefois, nous préférerons visionner Laurin en anglais, qui se suit très bien avec les sous-titres français. Les deux versions disponibles sur le Blu-ray jouissent d’un écrin DTS-HD Master Audio de très bonne qualité. Du point de vue dynamique, la version anglaise l’emporte sur son homologue. Dans les deux cas, la musique est joliment restituée et les saturations évitées.

Crédits images : © Bildstörung / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

 

Test DVD / Un beau soleil intérieur, réalisé par Claire Denis

UN BEAU SOLEIL INTÉRIEUR réalisé par Claire Denis, disponible en DVD chez Ad Vitam le 6 février 2018

Avec :  Juliette Binoche, Xavier Beauvois, Philippe Katerine, Josiane Balasko, Sandrine Dumas, Nicolas Duvauchelle…

Scénario : Christine Angot, Claire Denis

Photographie : Agnès Godard

Musique : Stuart A. Staples

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Le résumé d’Un beau soleil intérieur est simple, direct. Présenté en Ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs en 2017, le douzième long métrage de Claire Denis, le treizième si l’on tient compte du téléfilm US Go Home (1994), est sans aucun doute le film le plus attachant et le plus chaleureux de la réalisatrice. Après Les Salauds, une œuvre particulièrement éprouvante et sombre, Claire Denis collabore avec la romancière Christine Angot et s’inspirent de Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes pour dresser le portrait d’une femme de 50 ans, séparée et mère d’une petite fille, qui recherche désespérément l’amour. Parisienne belle et sexy, artiste-peintre, Isabelle (Juliette Binoche) entretient une relation avec Vincent (Xavier Beauvois), un banquier marié, mais leur liaison demeure essentiellement physique. Isabelle peut compter sur la franchise de son amie Maxime (Josiane Balasko), écoute la philosophie quotidienne de Mathieu (Philippe Katerine) devant la poissonnerie, une connaissance de son quartier. Certains prétendants gravitent autour d’elle, notamment un jeune comédien (Nicolas Duvauchelle), qui a l’air encore plus paumé qu’elle.

Dans Un beau soleil intérieur, alors que les non-dits et les silences remplissent souvent l’espace chez Claire Denis, les mots sont au contraire très abondants. Cependant, les échanges entre les personnages reflètent leur propre enfermement, comme si les hommes et femmes étaient plongés dans leur propre monde, en désirant pourtant la même chose, aimer et être en retour. S’ils essayent de communiquer, le dialogue peine à s’instaurer. Alors que les protagonistes expriment leurs propres maux, ils ne se rendent pas compte que la personne en face ressent la même chose. Claire Denis évoque ainsi la solitude dans les grandes villes (comme dans Vendredi soir), non pas la peur de l’autre, mais celle d’être déçu et d’aller droit dans le mur. Ou comment penser à la déception avant même de vivre ce qu’il y a à vivre.

Le titre provient de la scène finale, quand Isabelle décide d’aller consulter un voyant, incarné par le monstre Gérard Depardieu. De sa voix sublime, tout en délicatesse, ce radiesthésiste tente de rassurer Isabelle en lui indiquant de vivre à fond ce qui s’offre à elle, sans penser au lendemain, afin de trouver une paix intérieure. Cette longue scène d’un quart d’heure est un cadeau supplémentaire, la cerise sur le gâteau, d’autant plus que le générique défile en même temps et se clôt à la dernière réplique, au dernier regard. Un beau soleil intérieur est un film extrêmement généreux, sensible, mais également une ode à sa comédienne principale. De tous les plans, de toutes les scènes, Juliette Binoche resplendit et enflamme l’écran. Sa peau diaphane, ses yeux caressés de pattes d’oie, ses courbes voluptueuses et sexy, Claire Denis la filme sous tous les angles, subjuguée comme nous pouvons l’être à chaque instant. Certes, si elle est excellemment épaulée par ses camarades, dont le complice Alex Descas, Bruno Podalydès et une apparition de Valeria Bruni-Tedeschi, nous n’avons d’yeux que pour Juliette Binoche, que la caméra caresse, frôle, comme si elle voulait rassurer son personnage capable de passer du rire aux larmes en un claquement de doigts.

Un beau soleil intérieur est une comédie mélancolique (superbes dialogues), un portrait de femme d’aujourd’hui, fragile comme du cristal, mais lumineuse et forte, qui n’a pas perdu l’espoir et l’envie de rêver malgré l’adversité et ses déboires amoureux successifs. La grande Juliette Binoche donne tout à Isabelle, son immense sensibilité, son rire, sa nature, son âge et ses tripes. Nommée aux César de la meilleure actrice en 2018, elle peut largement prétendre à la compression.

LE DVD

Le DVD d’Un beau soleil intérieur, disponible chez Ad Vitam, est logé dans un boîtier classique de couleur blanche, glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est élégant, animé et musical.

En plus de la bande-annonce, un seul supplément est disponible sur cette édition. Mais alors quel plaisir de découvrir l’intégralité de la masterclass de Claire Denis (1h16), enregistrée à la Cinémathèque française le 27 septembre 2017, jour de la sortie d’Un beau soleil intérieur et qui marquait aussi le premier jour des prises de vue de High Life, film de science-fiction avec Robert Pattinson et Juliette Binoche. Alors qu’une rétrospective de ses films était présentée, la réalisatrice répond aux questions de Frédéric Bonnaud et revient sur ses premiers souvenirs de cinéma, son amour pour le septième art, ses premiers chocs sur le grand écran (Soudain l’été dernier), ses années comme assistante auprès de Wim Wenders et Jim Jarmusch. De nombreux souvenirs s’enchaînent, souvent liés aux acteurs et aux conditions de tournage. Un beau voyage cinématographique en compagnie de l’une de nos cinéastes les plus passionnantes.

L’Image et le son

La belle photographie de la grande Agnès Godard qui allie à la fois les couleurs chatoyantes capturées et les gammes froides aurait mérité un bien meilleur traitement. En effet, les détails manquent à l’appel, certes la clarté est de mise mais le piqué manque de mordant, les scènes sombres sont les plus mal loties et certains visages demeurent blafards. Les plans très rapprochés ne sont pas aussi bien définis que nous l’espérions et les noirs manquent parfois de concision. Ajoutez à cela quelques légers artefacts de la compression et des baisses de la définition, ainsi qu’une gestion parfois aléatoire des contrastes. Dommage de ne pas disposer d’édition HD.

C’est un peu mieux, même si le mixage Dolby Digital 5.1 parvient tout juste à créer une immersion acoustique probante. Les ambiances naturelles viennent souvent à manquer sur les séquences en extérieur et l’ensemble se révèle souvent timide. Le report des voix est solide, la balance frontale fait gentiment son boulot, mais beaucoup de scènes reposent essentiellement sur les enceintes avant. A titre de comparaison, la version Stéréo finit par l’emporter sur la 5.1 du point de vue fluidité et homogénéité des voix avec les effets et la musique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription pour aveugles et malvoyants.

Crédits images : © Ad Vitam / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr