Test Blu-ray / All I desire, réalisé par Douglas Sirk

ALL I DESIRE réalisé par Douglas Sirk, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 26 mars 2019 chez Elephant Films

Acteurs : Barbara Stanwyck, Richard Carlson, Lyle Bettger, Marcia Henderson, Lori Nelson, Maureen O’Sullivan, Richard Long, Billy Gray…

Scénario : James Gunn, Robert Blees, Gina Kaus d’après le roman de Carol Ryrie Brink

Photographie : Carl E. Guthrie

Musique : Henry Mancini, Herman Stein

Durée : 1h19

Date de sortie initiale : 1953

LE FILM

Naomi Murdoch, actrice dont la carrière n’a pas été parsemé de nombreux succès, revient après dix ans d’absence dans sa petite ville pour y voir sa fille dans une représentation théâtrale de l’école. La jeune fille, qui ignore tout des multiples échecs de sa mère, voudrait lui ressembler. À son arrivée, Naomi constate que rien n’a changé. Bientôt, toute la ville parle de son retour…

S’il marque les débuts de Douglas Sirk dans le genre mélodramatique, All I desire ne possède pas encore la flamme qui animera les films suivants du cinéaste. La famille américaine est au centre du sujet, les relations humaines sont disséquées au scalpel et l’ensemble repose sur un casting haut de gamme où domine la superbe et flamboyante Barbara Stanwyck que Douglas Sirk retrouvera trois ans plus tard pour Demain est un autre jour. All I desire est un très beau film, qui n’évite pas certaines grosses ficelles, mais qui impose le réalisateur parmi les meilleurs auteurs du genre.

Naomi Murdoch est une femme déchue et une actrice ratée. Elle n’a pas hésité à quitter son mari, Henry, et ses trois enfants, Joyce, Lily et Ted ainsi que son amant, Dutch, pour une illusoire carrière dramatique. Elle a ainsi défrayé la chronique de la petite ville provinciale de Riversdale. Mais dans les coulisses sordides d’un obscur cabaret de Chicago elle reçoit une lettre de sa fille cadette, Lily. Lena, la fidèle servante, a toujours donné à Naomi des nouvelles des siens et lui a fait parvenir cette missive. Lily croit – comme tout le monde – que sa mère est une actrice célèbre et la prie d’assister à sa remise de diplôme et surtout à la pièce de théâtre dont elle joue le rôle principal. Lily part pour Riversdale, avec des robes et des parures éblouissantes, elle compte n’y passer qu’une soirée. Son mari (qui occupe le poste un peu terne de proviseur du collège), Joyce, son aînée, Ted, son jeune fils restent froids et distants. Mais Lily déborde d’admiration et de tendresse pour sa mère qui, le temps de la soirée, fascine toute l’assistance.

All I desire est un film de transition dans l’œuvre hollywoodienne de Douglas Sirk. Réalisé juste après les comédies populaires qui ont fait de lui un réalisateur sur qui les studios pouvaient compter (No Room for the Groom avec Tony Curtis et Piper Laurie), le cinéaste allemand souhaite se tourner vers de nouveaux horizons et aborder un nouveau genre. A l’instar de Qui donc a vu ma belle ?, Douglas Sirk aborde la vie d’une famille provinciale dont la mère a abandonné le foyer afin de se consacrer à sa carrière d’actrice. Après des années de déconvenues, elle décide de revenir vers ceux qu’elle a délaissés. Cette fois, la comédie laisse place au mélodrame. All I desire est un beau film, certes loin d’être aussi transcendant que ceux qui suivront, mais qui pose tous les jalons repris puis aiguisés ultérieurement dans Tout ce que le ciel permet et Mirage dans la vie, comme le rêve, les désillusions et le rapport ville et province dans les Etats-Unis des années 50, une critique de la classe moyenne américaine, thème fondateur de l’œuvre entière de Douglas Sirk et qui fera de lui le maître du mélodrame.

Barbara Stanwyck y est poignante et admirablement épaulée par Richard Carlson, même si la star hollywoodienne domine largement la distribution, sans avoir de véritable contrepoids. On excusera quelques effets trop accentués comme tout ce qui concerne le second rôle caricatural de Dutch incarné par Lyle Bettger, ou bien encore cette facilité à opposer grande ville/province de façon quelque peu schématique avec l’utilisation d’effets trop appuyés. En adaptant le roman Stopover de Carol Ryrie Brink, Douglas Sirk trouve ici les thématiques qu’il n’aura de cesse de développer, et s’entoure de très solides techniciens dont le directeur de la photographie Carl E. Guthrie (The Jazz Singer de Michael Curtiz) et le compositeur Henry Mancini, qui avait déjà collaboré avec le cinéaste sur le formidable Qui donc a vu ma belle ? (1952) et qui signera également la partition de La Ronde de l’aube (1958) et celle de l’extraordinaire Mirage de la vie (1959). Juste après All I desire, Douglas Sirk enchaîne avec un western, Taza, fils de Cochise avant de réaliser l’un de ses plus beaux films, Le Secret Magnifique.

LE BLU-RAY

All I Desire est édité en combo par Elephant Films. Le Blu-ray et le DVD du film reposent dans un boîtier plastique. Le visuel de la jaquette (réversible avec affiche originale) est très élégant, tout comme le menu principal, fixe et musical. Ce titre rejoint la collection Douglas Sirk disponible chez Elephant, qui possède désormais treize films du maître du mélodrame hollywoodien dans son catalogue. Un livret collector rédigé par Louis Skorecki est également inclus.

En plus d’un lot de bandes-annonces, d’une galerie de photos et des credits du disque, nous trouvons une minuscule présentation de All I desire par Jean-Pierre Dionnet (6’). Producteur, scénariste, journaliste, éditeur de bande dessinée et animateur de télévision, notre interlocuteur, habituellement plus inspiré quand il parle de l’un de ses cinéastes favoris, replace timidement ce long métrage dans la filmographie du réalisateur. Il en vient ensuite aux thèmes abordés dans All I desire, en croisant le fond avec la forme en indiquant que ce film annonce les mélodrames qui seront ensuite réalisés par Douglas Sirk. Le casting est évidemment évoqué, tout comme les collaborateurs du cinéaste. Dommage que cette introduction, déjà courte, soit entrecoupée par de longs extraits du film.

Nous le disions précédemment, Douglas Sirk est un des réalisateurs fétiches de Jean-Pierre Dionnet. Ce dernier lui consacre un petit module de 9 minutes, dans lequel il parcourt rapidement les grandes phases de sa carrière, ses thèmes récurrents, ses comédiens fétiches, les drames qui ont marqué sa vie, son regain de popularité dans les années 1970 grâce à la critique française et quelques réalisateurs (Fassbinder, Almodóvar) alors que le cinéaste, devenu aveugle, était à la retraite en Allemagne.

L’Image et le son

Chapeau à Elephant Films de proposer les films de Douglas Sirk en HD en 2019 ! All I desire, pour la première fois en Blu-ray dans le monde, est proposé dans son format plein cadre 1.33. respecté, dans un nouveau master restauré Haute Définition. La clarté est de mise, les contrastes sont admirables et mettent en valeur le N&B éclairé par Carl E. Guthrie, même si la photo de ce dernier se révèle moins exceptionnelle que celle du fidèle collaborateur de Douglas Sirk, Russell Metty. L’image est très propre, la texture argentique équilibrée. Enfin, les scènes sombres s’en tirent excellemment avec des clairs-obscurs tranchés et des détails ciselés.

Bien qu’accompagnée d’un souffle distinct, jamais l’écoute du film n’est véritablement perturbée et aucun craquement n’est à déplorer. Les splendides envolées de la musique signée Henry Mancini exploitent à leur maximum le potentiel du mixage mono, limpide et exsudant la voix rauque de Barbara Stanwyck avec clarté. Les dialogues mis à part, les effets divers et variés sont abondants. Les sous-titres français ne sont pas verrouillés.


Crédits images : © Universal Pictures / Elephant Films / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Amour et mort dans le jardin des Dieux, réalisé par Sauro Scavolini

AMOUR ET MORT DANS LE JARDIN DES DIEUX (Amore e morte nel giardino degli dei) réalisé par Sauro Scavolini, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs : Erika Blanc, Peter Lee Lawrence, Ezio Marano, Rosario Borelli, Orchidea de Santis, Franz von Treuberg, Vittorio Duse, Bruno Boschetti, Carla Mancini…

Scénario : Sauro Scavolini, Anna Maria Gelli

Photographie : Romano Scavolini

Musique : Giancarlo Chiaramello

Durée : 1h29

Année de sortie : 1972

LE FILM

Se rendant dans la petite ville de Spoleto, près de Pérouse, pour des travaux d’études, un ornithologue allemand s’installe dans une propriété isolée au milieu d’un parc immense, abandonnée par les derniers occupants depuis plusieurs années. Au cours d’une de ses promenades, il découvre des bandes magnétiques dissimulées derrière des buissons et entreprend de les écouter. Il entre ainsi dans l’intimité d’Azzurra, jeune femme perturbée à la sexualité déviante, qui se confie à son psychiatre. Le scientifique ignore que la découverte de ces bandes le met en danger de mort.

Quel beau titre ! Amour et mort dans le jardin des DieuxAmore et morte nel giardino degli dei (1972) est à ce jour le premier des deux longs métrages réalisés par le metteur en scène Sauro Scavolini pour le cinéma avec Un foro nel parabrezza (1985) avec Vittorio Mezzogiorno et Mimsy Farmer. Plus connu pour son travail de scénariste – ou de dialoguiste sur La Femme infidèle de Claude Chabrol – sur des films aux titres explicites Je vais, je tire et je reviens, Creuse ta tombe Garringo, Sabata revient, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé et le formidable Le cynique, l’infâme, le violent d’Umberto Lenzi, Sauro Scavolini s’incruste dans le cinéma d’exploitation au début des années 1970, mais privilégie la psychologie aux meurtres du giallo. Amour et mort dans le jardin des Dieux est une très belle surprise, qui n’a de cesse de déjouer les attentes du spectateur à travers une recherche fouillée des personnages, et ce du début à la fin.

Un ornithologue allemand âgé, Martin, s’installe dans une villa isolée située à l’intérieur d’un grand parc afin de mener à bien ses études sur différents oiseaux. Lors d’une promenade nocturne, il découvre par hasard des bandes magnétiques chiffonnées. Intrigué par sa découverte, il se met en tête de les nettoyer puis à les écouter grâce à son magnétophone. Il y découvre différentes séances de psychanalyse de l’ancienne propriétaire de la demeure, Azzura. En les rembobinant pour les écouter, malgré lui, le vieil homme assiste à un drame conjugal raconté par la défunte qui s’est conclu par son meurtre. Abandonnés depuis leur tendre enfance, depuis la mort de leur père en Afrique et l’absence de leur mère, Manfredi et sa sœur Azzura sont inséparables. Il s’est même tissé entre eux un lien presque incestueux où l’amour et la haine se mêlent. Mais leur proximité est perturbée lorsque Azzura épouse un célèbre pianiste, Timothy. Son frère ne supporte pas leur séparation et tente de l’oublier avec une autre femme, Viola.

Né en 1934, Sauro Scavolini, fait ses études – comme beaucoup de ses futurs confrères – au Centro sperimentale du cinematografia à Rome. Durant sa carrière, il s’associera avec le réalisateur Sergio Martino et le scénariste Ernesto Gastaldi, avec une prédilection pour le western et le thriller, sur près d’une quinzaine de films pour le cinéma et la télévision. Amour et mort dans le jardin des Dieux est son premier essai derrière la caméra et le moins que l’on puisse dire c’est que Sauro Scavolini s’en sort très bien. D’ailleurs, c’est une histoire de famille. Sauro occupe le poste de metteur en scène et de scénariste, tandis que son frère Romano est crédité en tant que directeur de la photographie et produit également le film aux côtés d’Armando Bertuccioli (La Soeur d’Ursula d’Enzo Milioni). Alors non, Amore e morte nel giardino degli dei n’est pas un giallo, mais s’inspire plutôt de Blow Upde Michelangelo Antonioni. Le réalisateur installe ses personnages troubles, avec une perversité croissante qui contraste avec la sérénité inspirée par un décor verdoyant, apaisant et luxuriant. Une fois le décor dressé, Sauro Scavolini peut lâcher ses protagonistes, dont les superbes Erika Blanc et Orchidea de Santis, qui se perdent dans une confusion des sentiments, souvent contre-nature, qui conduisent au point de non-retour dans une explosion de violence et de sang.

Les retournements de situation se tiennent sur un rythme lent mais maîtrisé, la musique de Giancarlo Chiaramello est très belle, tout comme la lumineuse photographie de Romano Scavolini. Si le cinéma d’exploitation transalpin aura accueilli moult cinéastes qui voulaient essayer d’avoir leur part du gâteau, Sauro Scavolini s’en tire haut la main et mérite une place de choix avec son Amour et mort dans le jardin des Dieux.

LE BLU-RAY

Troisième titre de la salve du Chat qui fume éditée au mois de mars 2019, Amour et mort dans le jardin des Dieux apparaît au cinéphile déviant sous la forme d’un Digipack 3 volets avec étui cartonné liseré jaune. Un objet constitué du DVD et du Blu-ray, limité à 1000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical.

En guise de suppléments, Le Chat qui fume nous propose deux entretiens. Le premier est une rencontre avec la comédienne Erika Blanc (20’). L’actrice de Moi, Emmanuelle, Ni Sabata, ni Trinità, moi c’est Sartana, Django arrive, préparez vos cercueils et de plus d’une centaine de titres du même acabit, revient (en français) sur la production et le tournage d’Amour et mort dans le jardin des Dieux. Erika Blanc évoque également ses études en France, ses débuts au cinéma, la direction d’acteurs de Sauro Scavolini, sa grande amitié avec son partenaire Peter Lee Lawrence. Puis, la comédienne dit être très heureuse que ces films « rejetés par l’intelligentsia et la critique italienne » soient enfin redécouverts et surtout adorés par de jeunes spectateurs, avant d’adresser un message à ses fans français.

Autre interview sur cette galette, celle d’Orchidea de Santis (27’). L’actrice du Décameron interdit partage à son tour moult anecdotes sur les conditions de tournage du film qui nous intéresse. A l’instar d’Erika Blanc, la comédienne se souvient de ses débuts au cinéma, avant d’en venir plus précisément sur le travail des frères Scavolini, les lieux de tournage et ne tarit pas d’éloges sur le producteur Armando Bertuccioli (« un homme vraiment extraordinaire »). Orchidea de Santis défend son personnage dans Amour et mort dans le jardin des Dieux, parle de ses partenaires, de son rapport à la nudité à l’écran et avoue avoir apprécié la scène d’amour avec son partenaire Peter Lee Lawrence, elle qui avait pour habitude de se retrouver à l’écran « avec des mecs laids comme des poux ».

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Sublime ! Quelle beauté ! Les couleurs sont éclatantes dès le premier plan avec des teintes vertes et des rouges très riches et bigarrées. Le piqué est acéré comme la lame d’un scalpel, les gros plans étonnants de précision, les détails foisonnent du début à la fin et la propreté de la copie est irréprochable. Qu’ajouter de plus ?

Seule la version originale est disponible. Les dialogues sont parfois quelque peu étouffés et un léger souffle se fait entendre. C’est néanmoins nickel et certaines scènes sont même étonnamment vives. Les sous-titres français ne sont pas verrouillés.

Crédits images : © REWIND FILMS / Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Une affaire de famille, réalisé par Hirokazu Kore-Eda

UNE AFFAIRE DE FAMILLE (Manbiki kazoku – 万引き家族) réalisé par Hirokazu Kore-Eda, disponible en DVD et Blu-ray chez Le Pacte le 24 avril 2019

Acteurs : Lily Franky, Andô Sakura, Matsuoka Mayu, Kilin Kiki, Kairi Jyo, Miyu Sasaki, Ikematsu Sôsuke, Moemi Katayama…

Scénario : Hirokazu Kore-Eda

Photographie : Ryûto Kondô

Musique : Haruomi Hosono

Durée : 2h01

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Au retour d’une nouvelle expédition de vol à l’étalage, Osamu et son fils recueillent dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même. D’abord réticente à l’idée d’abriter l’enfant pour la nuit, la femme d’Osamu accepte de s’occuper d’elle lorsqu‘elle comprend que ses parents la maltraitent. En dépit de leur pauvreté, survivant de petites rapines qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux – jusqu’à ce qu’un incident révèle brutalement leurs plus terribles secrets…

Le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda a encore frappé ! Et une fois de plus en plein coeur ! Né en 1962, le cinéaste multi-récompensé pour After Life (1998), Nobody Knows (2004), Still Walking (2008), Notre petite sœur (2015) et bien d’autres aura remporté le Saint Graal en 2018 avec Une affaire de famille, magnifique chronique douce-amère qui réconcilie enfin le cinéma d’auteur avec le cinéma populaire, surtout un an après le calamiteux The Square du suédois Ruben Östlund. Il fallait en effet remonter dix ans en arrière avec Entre les murs de Laurent Cantet, pour trouver une Palme d’or aussi optimiste et lumineuse malgré les évènements narrés. Une affaire de famille happe les spectateurs d’entrée de jeu avec une mise en scène proche du documentaire en composant plusieurs portraits croisés de marginaux. Unis sous un même toit, d’âge très différent, rejetés par la société, trois femmes, un homme et un petit garçon, bientôt rejoints par une petite fille, qui vont pourtant se soutenir face à l’adversité, en (sur)vivant grâce au vol et à la débrouillardise. Deux heures de pur bonheur, un merveilleux long métrage magistralement mis en scène et interprété par des comédiens en état de grâce, Lily Franky, Sakura Ando, Mayu Matsuoka, Kirin Kiki, Kairi Jyo et la petite Miyu Sasaki. Voilà enfin une Palme d’or méritée !

Les Shibata, famille pauvre qui vit grâce à la débrouille, recueillent une petite fille dans la rue. Hatsue, la vieille dame qui les héberge, perçoit une petite retraite. Osamu travaille en indépendant sur un chantier de construction, se blesse sans pouvoir prétendre à des indemnités. Nobuyo travaille dans une blanchisserie, subit une compression de personnel. Aki est une adolescente qui a quitté ses parents et vit de ses charmes, en cabine privative de peep show. Shōta, le jeune garçon, a été trouvé dans une voiture. Et Juri/Yuri, la petite fille, a manifestement été battue et délaissée par ses parents, depuis que sa grand-mère est morte. Tout ce chaos forme une famille, parce que chacun de ses membres l’a choisi. Osamu et Shota volent à l’étalage. Et Yuri, devenue Rin, est initiée, alors que Shota commence à s’interroger.

En refusant le misérabilisme et le spectaculaire, Hirokazu Kore-eda livre un des films les plus solaires vus depuis longtemps sur la Croisette. Là où d’autres se seraient vautrés dans un ersatz d’Affreux, sales et méchants, chef d’oeuvre d’Ettore Scola, le réalisateur éclaire ses personnages, enfants, jeune adolescent, jeunes femmes, homme mature et femme d’âge mur en les caressant de sa caméra avec une infinie douceur. Proche du néoréalisme italien par ses partis pris, mais vouant également un amour absolu pour Les 400 coups de François Truffaut, Kes de Ken Loach et Amarcord de Federico Fellini, Hirokazu Kore-eda avec Une affaire de famille traite d’un sujet social et même politique propre au Japon, avec une sensibilité nippone et des partis pris quasi-européens. Hirokazu Kore-eda filme les visages, la confrontation des générations en vase clos, la peur de la solitude, l’attachement des êtres que le destin a réunis, avec un sens personnel de la fable et toujours teinté de poésie.

Des récits initiatiques qui se croisent, qui se rentrent dedans, qui s’imbriquent jusqu’au dernier acte où l’ordre social traditionnel souhaite reprendre ses droits. Une « famille » recomposée, sans liens du sang, mais malgré tout plus forte que tout. Une affaire de famille a été récompensé par le César du meilleur film étranger, après avoir connu un très beau succès dans les salles françaises avec près de 800.000 entrées.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Une affaire de famille, disponible chez Le Pacte, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Une interactivité malheureusement réduite pour ce chef d’oeuvre de l’année 2018…

Il faudra se contenter de deux micro-interviews du réalisateur Hirokazu Kore-eda (4’30 et 2’20) durant lesquelles le cinéaste revient sur les thèmes du film, sur la genèse d’Une affaire de famille, ses intentions et partis pris, ainsi que sur ses inspirations à l’instar des longs métrages de Robert Benton (Kramer contre Kramer).

Cette section se clôt sur une très belle galerie de photos de tournage et la bande-annonce.

L’Image et le son

Un très bel objet que ce master HD. L’image bénéficie d’un codec AVC de haut niveau, renforçant les contrastes, ainsi que les détails aux quatre coins du cadre. Certains plans nocturnes sont magnifiques et tirent entièrement parti de cette élévation en Haute Définition. Les gros plans peuvent être analysés sans problème puisque la caméra colle parfois au plus près des personnages, les ombres et les lumières s’accordent parfaitement. Ce Blu-ray est une franche réussite technique.

Deux pistes au choix, japonaise et française DTS-HD Master Audio 5.1. La version originale 5.1 s’avère tout d’abord dynamique, spatialisée avec une ardeur inattendue, mettant notamment en valeur les ambiances naturelles. Les latérales sont actives dès la première image, les frontales sont également percutantes et le spectateur est immédiatement plongé dans le récit. Les séquences en intérieur et donc plus intimistes sont évidemment plus feutrées, reposent évidemment plus sur les enceintes avant. En revanche, les dialogues sont percutants sur la centrale, que vous ayez opté pour la version française (évidemment facultative) ou la piste japonaise. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Le Pacte / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Amanda, réalisé par Mikhaël Hers

AMANDA réalisé par Mikhaël Hers, disponible en DVD chez Pyramide Vidéo le 2 avril 2019

Acteurs : Vincent Lacoste, Isaure Multrier, Stacy Martin, Ophélia Kolb, Marianne Basler, Jonathan Cohen, Nabiha Akkari, Greta Scacchi…

Scénario : Mikhaël Hers, Maud Ameline

Photographie : Sébastien Buchmann

Musique : Anton Sanko

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Paris, de nos jours. David, 24 ans, vit au présent. Il jongle entre différents petits boulots et recule, pour un temps encore, l’heure des choix plus engageants. Le cours tranquille des choses vole en éclats quand sa sœur aînée meurt brutalement. Il se retrouve alors en charge de sa nièce de 7 ans, Amanda.

Mikhaël Hers. Si ce nom ne vous dit rien, il s’agit pourtant d’un de nos plus précieux cinéastes. Né en 1975, le réalisateur fait ses débuts derrière la caméra en 2006 avec Charell, moyen-métrage magnifiquement interprété par Jean-Michel Fête et Marc Barbé, librement adapté d’un des chapitres du roman De si braves garçons de Patrick Modiano. Mikhaël Hers y abordait déjà quelques-uns de ses thèmes de prédilection avec la rencontre de deux anciens amis d’enfance, que les hasards de la vie avaient fini par éloigner. Au détour des rues désertes d’un quartier perdu, les nuits se succèdent, faisant alors ressurgir le spectre d’un passé lointain. Charell posait les bases d’un univers singulier, mettant en valeur un Paris by night et la nostalgie d’une amitié aujourd’hui oubliée ou lointaine. Présenté à Cannes en 2006 dans le cadre de la Semaine Internationale de la Critique, ce surprenant coup d’essai allait être rapidement suivi de Primrose Hill. L’action se situait à l’Ouest de Paris, dans une petite ville de banlieue bordée par la Seine, où quatre amis d’adolescence se retrouvaient pour tenter d’enregistrer les maquettes de nouvelles chansons. Ce deuxième moyen-métrage sera en réalité la première esquisse de son premier long métrage, Memory Lane. Une fois de plus, la ville de Paris est aperçue des collines de la banlieue ouest, l’hiver est rude, une personne a visiblement disparu et sert de narratrice. Le groupe déambule sans but réel, les protagonistes parlent de tout et de rien (en apparence), une nostalgie est déjà palpable chez ces jeunes de 25 ans, tiraillés entre les adolescents qu’ils étaient quand ils se sont connus, et les adultes qu’ils sont devenus malgré eux.

En 2009, Mikhaël Hers réalise le sublime Montparnasse, véritable typhon d’émotions, qui se déroule une nuit dans le quartier de Montparnasse à Paris avec pour décor le néon des boulevards, quelques rues désertées, une galerie marchande, un jardin endormi, le parvis de la tour. Portrait de trois jeunes femmes de 25 ans, le film prend la forme du film à sketchs, tout en respectant une unité de lieu et de temps. Avec une rare sensibilité qui renverse complètement le spectateur dès la première partie, Montparnasse clôt une trilogie débutée avec Charell mettant en relief des conversations nocturnes, des retrouvailles, une disparition et la douleur qu’elle engendre, les désillusions post-adolescentes, le mal-être, le souvenir d’une jeunesse récemment envolée, l’angoisse existentielle. Sorti sur les écrans en août 2010, Memory Lane était un vrai coup de maître, confirmé en 2015 par Ce sentiment de l’été. Nous voilà donc rendu à Amanda, le troisième long métrage du cinéaste. Et c’est toujours aussi merveilleux. Avec délicatesse, sobriété et élégance, Amanda impose une fois plus son auteur, mais aussi son comédien, Vincent Lacoste, probablement l’acteur le plus passionnant de l’année 2018.

Il incarne ici David, vingt-quatre ans, un jeune homme qui cumule les petits boulots et profite de la vie, tout en écartant les décisions importantes d’une vie. Mais, un jour, il apprend la mort de sa sœur aînée et se retrouve à devoir s’occuper de sa petite nièce de sept ans, Amanda.

Pour le cinéaste et producteur Luc Moullet, Mikhaël Hers se rapproche de cinéastes tels que John Ford ou Agnès Varda (paix à son âme), quant à son rapport à l’espace. Depuis Ce sentiment de l’été, le réalisateur, qui avait pour habitude de se servir du cadre de la banlieue Ouest de Paris pour décor, avec notamment la terrasse du Parc de Saint-Cloud, a élargi son champ d’action. Après Berlin, Paris et New York dans son précédent long métrage, Mikhaël Hers revient à Paris (11e, 12e, 19e et 20e arrondissements) dans Amanda et s’en va faire également un tour à Londres, dans les parcs situés en banlieue. Dans Amanda, le travail sur la lumière estivale est toujours aussi important, tout comme les conversations en apparence anodines. A l’instar de Ce sentiment de l’été, Amanda traite du deuil après une disparition injuste et inattendue. Dans son troisième long métrage, le cinéaste prend pour toile de fond les attaques terroristes, en imaginant un attentat dans le bois de Vincennes, durant lequel Sandrine, la sœur du personnage principal, mais aussi Léna, sa nouvelle petite-amie sont victimes de ces attaques. Si la seconde (superbe Stacy Martin) parvient à s’en sortir, la première (délicate Ophélia Kolb) décède des suites de ses blessures. David (Vincent Lacoste, sublime), doit alors prendre en charge la fille de Sandrine, Amanda, sept ans, avec tous les bouleversements que cela entraîne chez ce jeune homme de 24 ans, mais aussi chez cette petite fille.

Nul autre que Mikhaël Hers est à ce point capable de capturer le Paris contemporain. Avec sa patine argentique et ses couleurs fanées, Amanda montre une capitale fragilisée par les attentats, comme si ses habitants marchaient sans cesse sur un fil. Plus ancré dans le présent et le quotidien que ses précédents films, Amanda foudroie le coeur à chaque instant et rappelle parfois le somptueux Ponette (1996) de Jacques Doillon. On s’attache immédiatement aux personnages, dont la jeune Isaure Multrier, étonnante, spontanée et très prometteuse dans le rôle-titre. Bouleversant, et pourtant solaire, optimiste et sans aucun misérabilisme, Amanda fait partie de ces films qui ont la grâce, qui restent dans la tête et dont les personnages reviennent fréquemment en mémoire avec l’envie de savoir ce qu’ils sont devenus.

LE DVD

Le test du DVD d’Amanda, disponible chez Pyramide Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

A l’instar des suppléments de Ce sentiment de l’été, l’interactivité présente sur le DVD d’Amanda se résume à peu de choses.

On appréciera la vidéo du casting d’Isaure Multrier (7’30), où la petite de 9 ans fait déjà preuve d’une étonnante maturité. Ce module montre également la première fois où Isaure donne la réplique à Vincent Lacoste.

La musique a toujours tenu une place importante dans l’oeuvre de Mikhaël Hers. L’éditeur propose d’écouter la bande-originale signée Anton Sanko, ainsi qu’un titre inédit de Jarvis Cocker, Elvis has left the building (23’30).

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces, dont celle du Festival International du film de Bordeaux, réalisée par Mikhaël Hers pour l’édition 2016.

L’Image et le son

Amanda bénéficie d’un transfert suffisamment propre et clair, correspondant à la découverte du film dans les salles. Visiblement filmé avec les éclairages naturels, la colorimétrie se révèle volontairement terne voire parfois délavée, et le manque de définition est aussi aléatoire qu’inhérent aux conditions des prises de vue. Les contrastes sont soit trop appuyés soit trop légers, les visages manquent de précision, tout comme le piqué trop émoussé. Les volontés artistiques du réalisateur, avec un grain plus ou moins appuyé, sont donc bien restituées…

S’il ne fait pas d’esbroufe inutile, le mixage Dolby Digital 5.1 demeure néanmoins timide sur les latérales. Cela est d’autant plus dommage que la musique est assez présente dans Amanda et qu’on pouvait s’attendre à une spatialisation agréable. Si les surround déçoivent même pour ce qui concerne le rendu des ambiances naturelles, les frontales sont en revanche dynamiques, les dialogues sont solidement posés sur la centrale. Pour des conditions de visionnage parfaites, optez néanmoins pour la stéréo, beaucoup plus fluide et homogène que son homologue 5.1 avec une balance gauche-droite ardente et un rendu musical actif. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Nord-Ouest Films / Pyramide Vidéo / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr




Test Blu-ray / Last Flag Flying – La dernière tournée, réalisé par Richard Linklater

LAST FLAG FLYING – LA DERNIÈRE TOURNÉE (Last Flag Flying) réalisé par Richard Linklater, disponible en Combo Blu-ray + DVD – Édition Limitée le 8 février 2019 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs : Bryan Cranston, Laurence Fishburne, Steve Carell, J. Quinton Johnson, Deanna Reed-Foster, Yul Vazquez, Graham Wolfe, Jeff Monahan…

Scénario : Richard Linklater, Darryl Ponicsan

Photographie : Shane F. Kelly

Musique : Graham Reynolds

Durée : 2h05

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

30 ans après avoir servi ensemble durant la guerre du Vietnam, Larry Shepherd, un ancien de la Navy, retrouve ses vieux camarades, Sal Nealon et le révérend Richard Mueller, pour les funérailles de son fils également Marine, tué au combat en Irak. Refusant qu’il soit enterré au cimetière militaire d’Arlington, Larry demande à ses amis de l’aider à emmener le corps pour un voyage le long de la côte Est jusqu’au New Hampshire.

Richard Linklater est un des réalisateurs indépendants américains les plus prolifiques et éclectiques du cinéma contemporain. On lui doit notamment un des plus beaux triptyques de ces quinze dernières années Before Sunrise Before SunsetBefore Midnight (1995-2004-2013) et dernièrement Boyhood, oeuvre exceptionnelle tournée par intermittence sur une période de douze ans, de 2002 à 2013, avec la même distribution et la même équipe technique. Après Everybody Wants Some !! que l’on pouvait voir comme une suite spirituelle à Génération rebelle (Dazed and Confused, 1993), le cinéaste revient avec un film centré sur des personnages plus âgés et matures. Avec sa mélancolie habituelle, Richard Linklater dresse le portrait de trois hommes arrivés à l’automne de leur existence. Last Flag Flying – La Dernière Tournée est un road-movie tragicomique sur le deuil, l’amour et l’amitié au coeur de l’Amérique, merveilleusement interprété par trois comédiens, parfaits de complicité. S’il n’est pas aussi émouvant que ses films précédents, ce projet intimiste mûri par le cinéaste pendant près de quinze ans, n’en est pas moins très attachant et marque les esprits.

En 2003, Larry « Doc » Sheperd, un ancien médecin de la Navy, retrouve Sal Nealon, un gérant de bar et le révérend Richard Mueller. Tous les trois ont combattu ensemble au Vietnam mais ils ne s’étaient pas revus depuis trente ans. Larry est venu leur demander de l’accompagner aux funérailles de son fils, mort au combat en Irak et dont le corps vient d’être rapatrié aux Etats-Unis. Sur la route, l’émotion se mêle aux fous-rires car les trois hommes voient leurs souvenirs remonter et ils retrouvent leur camaraderie.

Comme souvent chez Richard Linklater, Last Flag Flying – La Dernière Tournée, adapté du roman éponyme de Darryl Ponicsan (The Last Detail, transposé au cinéma en 1973 par Hal Ashby, sous le titre La Dernière Corvée), agit en deux temps. C’est tout d’abord l’excellence de ses acteurs qui subjugue. Bryan Cranston, Steve Carell et Laurence Fishburne crèvent l’écran et se complètent avec une alchimie non feinte. Derrière des dialogues très abondants et des séquences que le réalisateur n’hésite pas à étirer (parfois trop sans doute) en voiture et en train, le film et les personnages se dévoilent progressivement. Habituellement, Richard Linklater s’interroge sur la signification de grandir et sur la façon de devenir adulte. Ici, changement de génération, puisque ses trois protagonistes quinquagénaires, vétérans du Vietnam, ont vu leur jeunesse s’évaporer. S’ils se sont perdus de vue durant trente ans, leur passé commun les relie à nouveau et les rattrape dans un contexte de guerre, puisque l’action se déroule en 2003, lors de la capture de Saddam Hussein.

Richard Linklater nous renvoie à notre propre vie, au temps qui passe, sujet alors récurrent chez le cinéaste. A travers la mort du fils d’un des personnages, tué durant la guerre en Irak, le réalisateur montre que quels que soient l’âge et les expériences, tout le monde est logé à la même enseigne car tous sont dans la même galère, avec les mêmes peurs. La mise en scène apparaît cependant trop sage, Richard Linklater préférant se concentrer sur ses trois têtes d’affiche, sur leurs traits marqués, sur les non-dits ou au contraire sur leur bagou qui dissimule en réalité moult blessures. Ce que l’on retient surtout de Last Flag Flying – La Dernière Tournée, c’est surtout la puissance de tous les comédiens, brillants, drôles, complices, spontanés, bouleversants, merveilleusement dirigés.

L’oeuvre de Richard Linklater peut paraître simple, mais comme toujours chez le cinéaste, la sensibilité, la délicatesse et la nostalgie y sont universelles, même quand la notion de patriotisme est abordée, et la réussite est encore une fois au rendez-vous. C’est cette pudeur et cette retenue qui font la force du cinéma de Richard Linklater, jusqu’à ce que les larmes coulent enfin durant l’ultime scène du film, avant de laisser le trio s’évanouir dans un fondu au noir.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Last Flag Flying – La Dernière Tournée, disponible chez Metroplitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical, sobre.

On sait Richard Linklater très généreux, donc la petite poignée de scènes coupées (5’30) ne donne sûrement qu’un bref aperçu des séquences abandonnées au montage. Celles présentées ici sont très belles, notamment quand Sal et Richard s’entraident pour enfiler leur uniforme avant de se rendre aux funérailles.

Un montage de « prises en plus » fait office de petit bêtisier (9’) où les trois comédiens principaux apparaissent très complices.

Le making of (16’) fait son office en compilant les propos des acteurs, du réalisateur et d’autres intervenants mystérieux (leurs noms ne sont pas indiqués), avec des images du plateau. Les thèmes, l’évolution des personnages, le roman original et les conditions de tournage sont abordés.

Le module intitulé Le Jour des vétérans (6’) donne la parole à quelques membres de l’équipe du film, aux comédiens, au réalisateur et à bien d’autres, qui donnent leur impression sur le tournage de la scène où Larry vient se recueillir sur le cercueil de son fils rapatrié d’Irak.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes annonces et des liens internet.

L’Image et le son

Le master HD dépasse toutes les attentes et restitue merveilleusement les partis-pris esthétiques stylisés du chef opérateur Shane F. Kell, complice de Richard Linklater (A Scanner Darkly, Boyhood). Le piqué demeure constamment vif et acéré. La colorimétrie se révèle joliment glacée, les contrastes denses, la compression solide comme un roc. Toutefois, le rendu n’est pas optimal et certaines séquences posent quelques problèmes avec une gestion aléatoire des noirs, ainsi qu’une perte des détails. Rien de bien rédhibitoire ceci dit.

Last Flag Flying – La Dernière Tournée n’est pas un film à effets et les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 ne font pas d’esbroufe inutile. L’essentiel de l’action est canalisé sur les enceintes avant, même si chacune des séquences en extérieur s’accompagne inévitablement de petites ambiances naturelles sur les latérales. Il en est de même pour la musique du film, systématiquement mise en valeur par l’ensemble des enceintes. Les voix demeurent claires, limpides, solidement délivrées par la centrale, bien que la version française (horrible, il faut bien le dire) demeure nettement moins ardente que son homologue.


Crédits images : © Metropolitan Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Internat, réalisé par Boaz Yakin

L’INTERNAT (Boarding School) réalisé par Boaz Yakin, disponible en DVD et Blu-ray le 18 février 2019 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs : Luke Prael, Samantha Mathis, Will Patton, Nadia Alexander, Tammy Blanchard, Sterling Jerins, David Aaron Baker, Barbara Kingsley, Robert John Burke…

Scénario : Boaz Yakin

Photographie : Mike Simpson

Musique : Lesley Barber

Durée : 1h52

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Il était une fois un garçon de 12 ans, Jacob, hanté par le souvenir d’une grand-mère qu’il n’a pas connue. Sa mère et son beau-père l’envoient se faire soigner dans une école spécialisée. L’établissement se révèle être un lieu maléfique et le terrifiant directeur leur  promet une purification prochaine.

Né en 1966, Boaz Yakin possède un C.V. atypique. Né à New York de parents israéliens, il fait des études de cinéma à Los Angeles et travaille ensuite pour le compte des studios Warner Bros et United Artists. A la fin des années 1980, il signe le scénario de Punisher de Mark Goldblatt avec Dolph Lundgren dans le rôle-titre, puis celui de La Relève (quelle bombe ce film) de Clint Eastwood. Parallèlement, il passe lui-même derrière la caméra avec son premier long métrage, Fresh (1994), récompensé à Sundance, suivi en 1998 de Sonia Horowitz, l’insoumise avec Renée Zellweger. Il accepte des œuvres de commande et écrit Une nuit en enfer 2 : Le Prix du sang (1999), Dirty Dancing 2 (2004), Prince of Persia : Les Sables du temps (2010) et Insaisissables (2013), tout en continuant de réaliser ses propres films et de produire ceux de son ami Eli Roth (les deux Hostel). Le Plus Beau des combats (2000) avec Denzel Washington est son plus gros succès au box-office. Après Safe (2012) avec Jason Statham et Max (2015), Boaz Yakin revient avec un long métrage beaucoup plus personnel et intimiste, annoncé comme un film d’épouvante. L’Internat Boarding School contient certes son lot de séquences effrayantes, mais reste avant tout un film psychologique, mystérieux, quelque peu opaque, merveilleusement photographié et interprété par des jeunes comédiens très impressionnants.

Jacob, 12 ans , souffre de cauchemars et de troubles du comportement. Suite au décès de sa grand-mère qu’il n’a jamais connue, il devient fasciné par sa présence et son passé tragique. Après l’avoir aperçu en train de danser dans une robe de la défunte, sa mère et son beau-père l’envoient donc dans un mystérieux internat perdu au milieu de la forêt, dirigé par le docteur Sherman. Le jeune homme y rencontre ses camarades marqués par des symptômes ou des pathologies diverses : l’autiste Elwood, le brûlé vif Phil, la sociopathe Christine, les jumeaux Lenny et Calvin ou encore Frederic, souffrant de maladie de Gilles de La Tourette. Leur éducation est basée sur l’étude de la Bible mais, rapidement, Jacob découvre que l’internat cache de lourds secrets lorsque Frederic est découvert mort dans son lit. Alors qu’il tente une évasion, il est aussitôt ramené dans le bâtiment où le docteur Sherman, secondé par sa femme, est chargé de faire disparaître des enfants pour le compte de leurs propres parents…

L’Internat n’est pas un film d’horreur au sens gore, mais joue avec les nerfs des spectateurs en distillant son venin, progressivement, lentement, jusqu’au malaise. La première partie étonne par ses partis pris avec des couleurs baroques signées Mike Simpson inspirées du cinéma de Mario Bava (cité d’ailleurs dans le film avec un extrait des Trois Visages de la peur), des contrastes tranchés, des noirs très sombres. Boaz Yakin ne perd pas son temps en expliquant les faits et gestes de son personnage principal, Jacob, formidablement interprété par Luke Prael, magnétique, puissant, sensible. Le spectateur adopte son point de vue, tout en acceptant que le jeune homme enfile les habits de sa grand-mère décédée. Boaz Yakin fait confiance au ressenti des spectateurs. Le spectre de la Shoah est bel et bien présent, planant sur la vie de Jacob, jeune des années 1990, comme un héritage à porter, un devoir de mémoire qu’il devra assimiler pour devenir un être entier, avant de le transmettre à son tour. Puisqu’il n’a pas connu sa grand-mère, ses vêtements, imprégnés des horreurs de la guerre dans chaque fibre, prendront « possession » de Jacob, un passé à dévoiler comme un relais à communiquer.

La violence dans l’internat est finalement rare, mais insoutenable quand elle explose. C’est le cas du suintant et génial Will Patton, terrifiant docteur Sherman, dont la véritable mission se dévoile dans la dernière partie du film. Entre-temps, Boaz Yakin et son directeur de la photographie transforme cet internat en camp mortel, sans issue pour ses pauvres pensionnaires abandonnés par leurs parents. On s’attache très rapidement à ces victimes rejetées en raison de leur maladie, de leurs défauts physiques, de leur comportement. Ces « freaks » sont bel et bien les plus humains de cet internat et les monstres ceux que nous ne soupçonnions pas.

L’internat est une véritable expérience cinématographique, un mélange des genres, en aucun cas un film d’horreur traditionnel, mais narré comme un conte macabre, une vraie fable pour adultes comme pouvaient l’être Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro, Quelques minutes après minuit de J.A. Bayona et La Neuvième Vie de Louis Drax d’Alexandre Aja.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de L’Internat, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est légèrement animé et musical.

Pas un seul supplément vidéo concernant L’Internat ! Juste une bonne dizaine de bandes-annonces de titres édités chez Metropolitan. En revanche, très bon point pour la présence d’un livret de 28 pages, richement illustré et comprenant une brillante analyse du film par Nicolas Rioult, ainsi qu’un entretien avec Boaz Yakin et un bref retour sur la carrière de ce dernier.

L’Image et le son

L’Internat doit se voir ou se revoir en Haute définition. Le piqué est affûté comme la lame d’un scalpel, les couleurs impressionnantes, les contrastes léchés, les noirs denses. Les détails sont légion à l’avant comme à l’arrière-plan, de jour comme de nuit, le relief ne cesse d’étonner et le rendu des textures est subjuguant. Le nec plus ultra pour apprécier toute la richesse de la photographie du chef opérateur Mike Simpson. Un superbe disque de démonstration.

Les versions française et anglaise sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1. Dans les deux cas, les dialogues y sont remarquablement exsudés par la centrale, les frontales sont saisissantes sur quelques séquences, les effets et ambiances intelligemment délivrés, les enceintes arrière instaurent constamment un environnement musical, tout comme le caisson de basses qui se mêle habilement à l’ensemble dans le dernier acte.


Crédits images : © Momentum Pictures / Metropolitan Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Les Chatouilles, réalisé par Andréa Bescond & Eric Métayer

LES CHATOUILLES réalisé par André Bescond et Eric Métayer, disponible en DVD le 14 mars 2019 chez Orange Studio

Acteurs : Andréa Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac, Pierre Deladonchamps, Grégory Montel, Carole Franck, Gringe, Ariane Ascaride…

Scénario : Andréa Bescond, Eric Métayer

Photographie : Pierre Aïm

Musique : Clément Ducol

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner. Pourquoi se méfierait-elle d’un ami de ses parents qui lui propose de « jouer aux chatouilles » ? Une fois devenue adulte, Odette libère sa parole, et se plonge corps et âme dans sa carrière de danseuse, dans le tourbillon de la vie…

Il est temps de parler, de s’ouvrir, d’exploser pour le personnage principal des Chatouilles. Odette, la trentaine, ne peut plus contenir ce qu’elle a gardé dans sa tête et dans son corps depuis plus de vingt ans. Cette histoire, c’est celle d’Andréa Bescond, danseuse, comédienne, metteuse en scène, scénariste et réalisatrice. Après l’avoir interprété au théâtre dans la pièce autobiographique Les Chatouilles (ou la danse de la colère) mise en scène par Eric Métayer et jouée au Petit Montparnasse, ce qui lui a valu le Molière seule en scène en 2016, Andréa Bescond transpose son « personnage » au cinéma. Résultat, près de 400.000 entrées dans les salles en novembre 2018, le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Karin Viard et celui de la meilleure adaptation pour Andréa Bescond et Eric Métayer. Les Chatouilles est une œuvre solaire et optimiste sur un sujet pourtant très grave et délicat, celui de la pédophilie et du trauma des victimes. Egalement Prix Nouveau Talent Théâtre SACD et Prix Jeune Talent Théâtre de l’Académie française, ce premier long métrage empli de sensibilité, étonne par ses partis pris poétiques et ambitieux, qui reflètent le traumatisme d’une jeune femme violée par un ami de la famille de ses parents, mais aussi et surtout son désir de s’en sortir et d’embrasser la vie.

Victime de violences sexuelles durant son enfance, Andréa Bescond a tout mis dans Les Chatouilles. Elle se livre corps et âme, danse pour (sur)vivre, pour trouver l’énergie nécessaire et la force pour enfin parler à ses parents sur ce qui se passait dans sa chambre à l’insu de tous. La réalisatrice endosse elle-même le rôle d’Odette adulte. Au-delà de sa performance faite d’énergie et de fureur, la ressemblance de la comédienne avec Karin Viard ajoute une authenticité inattendue. Cette dernière trouve l’un de ses meilleurs rôles depuis quinze ans et le troisième César de sa carrière n’est pas usurpé. La dernière séquence fait d’ailleurs froid dans le dos et s’imprime dans les mémoires. De son côté, Clovis Cornillac signe une prestation bouleversante dans le rôle du père d’Odette. L’excellent Pierre Deladonchamps endosse le personnage de l’ogre du film, monstrueux avec sa voix douce qui terrifie Odette. C’est aussi l’occasion d’évoquer l’actrice Carole Franck, dont le nom n’évoque peut-être pas grand-chose, mais dont la présence est pourtant toujours très appréciée. Vue chez Abdellatif Kechiche, Cédric Klapisch, Mia Hansen-Løve, Michael Haneke, François Ozon, Jacques Maillot et Albert Dupontel, Carole Franck interprète ici la psychologue qui aidera Odette à trouver les mots, le moment et à canaliser sa force.

Certaines idées oniriques de mise en scène peuvent paraître déplacées ou inappropriées, à l’instar de l’envol de la danseuse sur fond de Lac des Cygnes. Pourtant ces fantasmes qui s’immiscent dans la vie d’Odette, avec les souvenirs qui prennent forme, qui mutent, qui sont triturés par la conscience qui préfèrent enjoliver quelque peu un récit sordide, témoignent de la volonté d’Odette de trouver un moyen de se libérer de ses chaînes, tout comme celle de la réalisatrice de proposer aux spectateurs une expérience de cinéma. Sensible, à fleur de peau, fragile comme du cristal, Les Chatouilles foudroie par son désir de communiquer sur un sujet qui dérange, sans aucun pathos. Lumineux, solaire même, ce film indispensable montre ce besoin irrépressible pour les victimes de parler, sous peine de se noyer et de perdre pied, de trouver le bon interlocuteur, de faire la ou les bonnes rencontres, pour s’extirper de l’obscurité et des enfers où ils ont été plongés.

Les Chatouilles est un témoignage viscéral, qui espérons-le, saura donner confiance à celui ou à celle qui aurait subi pareilles ignominies, mais aussi encourager les autres à être attentif face à ce fléau omniprésent (plus de 150.000 enfants violés chaque année en France), tout comme à prêter une oreille attentive à la personne qui voudrait bien se confier à eux.

LE DVD

Le test du DVD des Chatouilles, disponible chez Orange Studio, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Malheureusement, nous ne disposons que d’un minuscule module de 5 minutes, réalisé à l’occasion de la présentation des Chatouilles au Festival de Cannes. D’un côté, Karin Viard et Clovis Cornillac s’expriment sur le film, et de l’autre Andréa Bescond et Eric Métayer évoquent les thèmes et l’accueil des Chatouilles, les larmes aux yeux. Quelques images de la montée des marches viennent illustrer l’ensemble.

L’Image et le son

Si le rendu n’est pas optimal en raison d’une définition moins ciselée sur les scènes en intérieur, le master SD des Chatouilles ne manque pas d’attraits… La clarté est bienvenue, la colorimétrie chatoyante, et le piqué affûté sur toutes les séquences en extérieur. Remarqué par ses photographies des films de Mathieu Kassovitz (La Haine, Assassin(s)) ou bien encore Polisse, le chef opérateur Pierre Aïm voit ses partis pris esthétiques savamment respectés via un DVD de haute volée. Le cadre fourmille de détails, les contrastes affichent une constante solidité et l’encodage emballe solidement l’ensemble.

Les Chatouillesrepose essentiellement sur les dialogues. La piste Dolby Digital 5.1 distille les voix des comédiens avec efficacité, tandis que les latérales s’occupent de la musique du film. Une spatialisation concrète, immersive et efficace, à l’instar des séquences de musique urbaine et des percussions tribales qui réveillent le caisson de basses . Une version Stéréo, ainsi qu’une piste Audiodescription et des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : ©
Stéphanie Branchu – Les Films du Kiosque / Orange Studio / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Ombre d’Emily, réalisé par Paul Feig

L’OMBRE D’EMILY (A Simple Favor) réalisé par Paul Feig, disponible en DVD et Blu-ray le 8 février 2018 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs : Anna Kendrick, Blake Lively, Henry Golding, Andrew Rannells, Jean Smart, Bashir Salahuddin, Joshua Satine, Ian Ho, Kelly McCormack, Aparna Nancherla, Rupert Friend…

Scénario : Jessica Sharzer

Photographie : John Schwartzman

Musique : Theodore Shapiro

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Stephanie cherche à découvrir la vérité sur la soudaine disparition de sa meilleure amie Emily.

Oublions son remake-reboot-suite de SOS FantômesGhostbusters, même si son film ne méritait pas toutes ces insultes et cette volée de bois vert, Paul Feig est de retour aux affaires avec L’Ombre d’EmilyA Simple Favor. Si l’on retrouve son humour pince-sans-rire, le réalisateur aborde son film avec une ironie et un cynisme revigorants, à travers une histoire à la fois douce et surtout très amère, qui lui permet de s’amuser avec les codes du film noir hollywoodien des années 1940-50, en jouant avec le mélange des genres, tout en dirigeant deux formidables comédiennes, Blake Lively et Anna Kendrick. Une très belle réussite à inscrire au palmarès du metteur en scène de l’une des plus grandes comédies de ces quinze dernières années, Mes Meilleures amiesBridesmaids.

Warfield, Connecticut. Stephanie Smothers est la mère au foyer de banlieue parfaite : coquette, polie et aimante, elle participe aussi à toutes les activités de l’école de son fils qu’elle élève seule depuis la mort de son mari et anime un vlog d’astuces pour maman. Néanmoins, les autres parents se moquent d’elle, ce qui l’empêche de se faire des amis. Mais tout commence à changer quand elle fait la rencontre d’Emily Nelson, la mère d’un ami de son fils. Les deux femmes sont très différentes : Emily est mariée, travaille en ville, jure, boit et dispose d’une grande confiance en elle et d’une classe folle. Pourtant, un après-midi, elles commencent à échanger autour d’un martini. Ce petit rendez-vous devient alors une habitude, au point qu’elles deviennent amies. Un jour, Stephanie reçoit un appel d’Emily qui lui demande de récupérer son fils après les cours. Mais la soirée passe, puis un jour, puis un autre et aucun signe d’Emily. Désespérée, elle contacte le mari d’Emily qui est en déplacement pour lui faire part de la disparition de sa femme. Une enquête de police est ouverte, mais Stephanie ne peut s’empêcher de penser à son amie. Elle va alors commencer à découvrir les nombreux et sombres secrets d’Emily.

Nouveau virage dans la carrière de Paul Feig donc avec L’Ombre d’Emily. Après Les Flingueuses et Spy, qui mixait l’humour et les scènes d’action, sans oublier le fantastique avec SOS Fantômes donc, le réalisateur adapte le roman Disparue de Darcey Bell, sur un scénario de Jessica Sharzer, récurrente sur la série American Horror Story. S’il n’a pas sa férocité, Paul Feig rappelle Billy Wilder en égratignant le vernis de l’American Way of Life, avec un sourire carnassier. Autrement dit, si les petites bourgades américaines sont belles, colorées, fleuries, avec leurs habitants qui participent à la vie de la communauté, qui font des gâteaux pour les kermesses, qui s’entraident pour aller chercher les enfants à la sortie de l’école, tout n’est qu’apparence, décor et faux-semblants. N’importe qui peut dissimuler un passé trouble, un crime, un vol, le péché est partout. A l’instar de la géniale série Big Little Lies, L’Ombre d’Emily joue sur l’ambivalence des personnages, leur psyché perturbée et dissimulée, tout est convoitise, désir, envie. Chaque protagoniste est replié sur lui-même, tout en lorgnant chez le voisin chez qui l’herbe est toujours plus verte. A ce titre, les deux actrices principales trouvent ici l’un de leurs meilleurs rôles.

Anna Kendrick, girl next door du cinéma américain depuis la saga Twilight, révélée il y a dix ans dans In the Air de Jason Reitman et devenue depuis très bankable à Hollywood (la trilogie Pitch Perfect), a déjà démontré toute l’étendue de son talent dans le registre plus dramatique dans Sous surveillance de Robert Redford, End of Watch de David Ayer et l’excellent Mr. Wolff de Gavin O’Connor. Ambiguë et attachante, sexy et prude, inquiétante et empathique, la comédienne est quasiment de tous les plans et s’en acquitte à merveille. Souvent réduite à sa beauté diaphane, Blake Lively est pourtant devenue une actrice confirmée, qui n’a eu de cesse de faire des choix intéressants pour se débarrasser de ce carcan. De The Town de Ben Affleck, en passant par Savages de Oliver Stone, Adaline de Lee Toland Krieger et Café Society de Woody Allen, elle est impériale, magnétique et sensuelle dans L’Ombre d’Emily, vulgaire, castratrice, condescendante, manipulatrice, mauvaise mère, alcoolique, qui dissimule un passé perturbé. Au milieu des deux têtes d’affiche et donc des deux personnages principaux, Henry Golding parvient à tirer son épingle du jeu.

Paul Feig s’amuse des retournements de situation, des clichés inhérents au genre et des rebondissements dignes d’une série B, en se moquant de l’innocence et du puritanisme, sans jamais tomber dans la méchanceté gratuite. La mise en scène en solide, les décors soignés, la photographie léchée, les costumes très classes, tout ce qui se joue est cruel (dialogues très acides), tandis que résonne moult chansons françaises des années 60 (France Gall, Jacques Dutronc, Brigitte Bardot, Françoise Hardy), avec une petite touche d’Orelsan en guise de générique de fin et une faute de goût avec Les Passants de Zaz. Personne n’est parfait. Tiens, encore Billy Wilder. Tout cela pour dire que L’Ombre d’Emily est un film très réjouissant.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de L’Ombre d’Emily, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est très beau, animé et musical. Même chose pour les sous-menus, très élégants. Ça fait plaisir !

C’est l’une des grandes éditions du mois de février 2019 ! L’éditeur a concocté un Blu-ray remplit de suppléments, par ailleurs très bons. Cette section est présentée par Paul Feig, débordant d’énergie derrière son bureau.

Les sept premiers modules intitulés Martinis sur pierre tombale (20’), L’esthétique du film (12’30), Récit d’un réalisateur raffiné (10’30), Le triangle amoureux (6’), Le style selon Paul (5’), Dennis Nylon (5’) et A propos des enfants (4’30) donne un grand aperçu du tournage de L’Ombre d’Emily. Les comédiens, le réalisateur (toujours en costard trois-pièces), le directeur de la photographie, les responsables des costumes et des décors prennent la parole au fil des quarante jours de prises de vue. La psychologie et l’évolution des personnages sont intelligemment abordées, tout comme les thèmes du film. Attention aux nombreux spoilers puisque le dénouement y est ouvertement évoqué.

Le plus inattendu provient de l’épilogue rejeté lors des projections tests. Le réalisateur et sa scénariste avaient prévu de terminer le film sur un flash mob où Sean faisait une demande en mariage à Stéphanie dans la cour de l’école. Une séquence pour laquelle Henry Golding et d’autres comédiens s’étaient durement entraînés, qui a finalement été coupée au montage final. Heureusement, car même si la scène est amusante, elle aurait clairement donné au film un côté grotesque et inapproprié. Cela n’empêche pas Paul Feig de présenter cette scène (d’une durée de 5’), ainsi que son making of (5’) avec les répétitions des acteurs.

Nous trouvons ensuite 16 minutes de scènes coupées (anecdotiques), parmi lesquelles est intégré le flash mob vu précédemment. Cette fois encore, Paul Feig fait une petite intro sur cette section.

Trois commentaires audio (!) uniquement réservés aux anglophiles sont également au programme, sans sous-titres français. Le dénominateur commun est la présence de Paul Feig sur les trois pistes. Il est seul derrière le micro sur le premier, accompagné des acteurs Anna Kendrick, Blake Lively, Jean Smart et Bashir Salahuddin sur le second, et de la scénariste Jessica Sharzer, de la productrice Jessie Henderson, du chef opérateur John Schwartzman et de la costumière Renee Ehrlich Kalfus sur le dernier.

L’interactivité se clôt sur un montage de prises ratées (3’30) et des bandes-annonces.

L’Image et le son

Tout d’abord, c’est la clarté, le relief des séquences diurnes et en extérieur qui impressionnent et flattent la rétine, avec des couleurs bigarrées et chatoyantes. Le piqué est vigoureusement acéré (un peu plus lisse sur les scènes en intérieur), les noirs denses, les détails abondent aux quatre coins du cadre et les contrastes affichent une très belle densité. C’est très plaisant et l’ensemble tire habilement partie de l’apport HD. Un transfert très élégant qui met en avant la photo du chef opérateur John Schwartzman (Armageddon, Pearl Harbor, Jurassic World).

On ne s’attendait pas à ce service princier ! Dès la première séquence, l’ensemble des enceintes des pistes anglaise DTS-HD Master Audio 7.1 est mis à contribution, ainsi que sur la version française DTS-HD Master Audio 5.1 au doublage réussi. Les ambiances sont très présentes, l’excellente musique de Theodore Shapiro bénéficie d’un traitement de faveur avec une large ouverture, tout comme les tubes français des années 1960. Les dialogues ne sont jamais pris en défaut et demeurent solidement plantés sur la centrale. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport / LIONSGATE / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Aiguille, réalisé par Rachid Nougmanov

L’AIGUILLE (Igla – ИГЛА) réalisé par Rachid Nougmanov, disponible en Combo Blu-ray + DVD – Édition Limitée le 14 décembre 2018 chez Badlands

Acteurs : Viktor Tsoi, Marina Smirnova, Pyotr Mamonov, Aleksandre Bashirov, Arkhimed Iskakov, Gennadi Lyui, Rakhimdzhan Abdykadyrov, Aleksandre Konks…

Scénario : Alexandre Baranov, Bakhyt Kilibaïev

Photographie : Murat Nugmanov

Musique : Kino

Durée : 1h17

Date de sortie initiale : 1988

LE FILM

De retour à Almaty, Moro retrouve ses anciens amis en pleine guerre des gangs et Dina, son ancienne petite amie, devenue morphinomane. Décidant de lui venir en aide, il devra affronter “le docteur”, responsable de son addiction.

Nous ne le savons pas en France, mais L’AiguilleIgla ou en cyrillique Игла réalisé par Rachid Nougmanov, a été un évènement à sa sortie en février 1989, en attirant 30 millions de spectateurs en URSS ! Pourquoi ce phénomène ? Tourné en pleine perestroïka, ce petit film a su immédiatement toucher le coeur des jeunes soviétiques, qui se sont retrouvés dans le personnage principal interprété par le rockeur Viktor Tsoi, de tous les plans, représentant d’une génération en pleine ébullition. L’Aiguille est également l’un des premiers films soviétiques qui aborde frontalement le thème de la dépendance à la drogue en URSS. A la limite de l’expérimental, imprégné d’un spleen contagieux et porté par le charisme magnétique de son acteur principal, Igla mérite d’être découvert dans nos contrées.

L’intrigue tourne autour du personnage de Moro, qui retourne à Almat Ata afin de récupérer l’argent qu’on lui doit. Devant faire face à un retard imprévu, il rend visite à son ancienne petite amie, Dina, et découvre qu’elle est devenue dépendante à la morphine. Il décide de l’aider à arrêter et combat la mafia locale, à la tête du trafic de drogue de la ville, responsable de son addiction. Mais Moro a un adversaire mortel, « le docteur », le parrain de la mafia, qui exploite Dina en cachant de la morphine dans sa cheminée. Moro part avec Dina près de la mer d’Aral pour l’aider à se sevrer de sa dépendance.

Fondateur de la nouvelle vague kazakhe, Rachid Nougmanov, né en 1954, offre à Viktor Tsoi le rôle de sa vie et le fait entrer définitivement dans la légende. Né en 1962 à Léningrad et mort accidentellement en août 1990, le jeune chanteur était rapidement devenu une icône du rock soviétique dans les années 1980, genre qu’il a entre autres introduit dans le pays, un mouvement alors underground, limité aux caves de Leningrad, à l’époque où il était leader du groupe Kino. D’origine coréenne par son père, Viktor Tsoi s’est très vite inspiré de groupes comme The Stranglers ou The Cure, pour devenir un vrai porte-parole de sa génération à travers des textes engagés, entre ombre et lumière, une noirceur teintée d’espoir. Quand il disparaît tragiquement après s’être endormi au volant de sa voiture, L’Aiguille venait de le consacrer au cinéma en faisant de lui l’une des stars les plus influentes de la fin des années 1980.

(Re)découvrir ce film aujourd’hui en connaissant le destin tragique du musicien/comédien, lui donne un cachet supplémentaire, comme si Rachid Nougmanov livrait sans le savoir un film-testament. Déambulant dans les rues d’Almaty, les mains dans les poches, le menton rentré dans son blouson, le regard bas, Viktor Tsoi renvoie à James Dean immortalisé dans sa poignée de films et sur quelques clichés qui ont imprimé sa jeunesse éternelle. L’Aiguille est une version soviétique de La Fureur de vivre, qui fait également écho aux premiers longs métrages d’Alan Clarke, mais aussi et surtout à ceux de Jim Jarmusch, Permanent Vacation (1980) et Stranger Than Paradise (1984) avec son cadre restreint, ses décors naturels constitués de hangars, de souterrains humides, de cages d’escaliers en ruine, où les protagonistes se perdent, déambulent sans véritable but, en allant là où leurs pieds veuillent bien les mener. Parallèlement au thème de l’addiction, Rachid Nougmanov dresse le portrait d’une génération désenchantée, qui a décidé malgré tout de ne pas baisser les bras, avec cette volonté de rester opposé à l’ordre établi.

Sur une musique de Kino (qui signifie cinéma), alors le groupe de punk-rock le plus populaire de l’Histoire de la Russie, L’Aiguille semble dépendante des pérégrinations du personnage principal et donne au film un aspect improvisé, libre, détaché de toutes contraintes. Pourtant, Igla est une œuvre bien construite, aux décors impressionnants (l’acte se déroulant dans le désert en met plein la vue) et aux références culturelles précises (la bande dessinée, les films de Bruce Lee avec les bruitages presque cartoonesques qui soulignent les coups donnés, les westerns avec un petit clin d’oeil au chef d’oeuvre de Sergio Leone, Le Bon, la Brute et le Truand), en utilisant notamment la musicalité des langues liées aux omniprésents programmes télévisés qui passent en boucle et qui parasitent même la bande-son. Donc oui, L’Aiguille est un vrai film culte.

LE BLU-RAY

L’Aiguille est proposé par Badlands, dans un superbe combo Blu-ray/DVD, sous la forme d’un Digipack 3 volets avec étui cartonné, disponible en édition limitée à 1000 exemplaires. Le menu principal est fixe et musical.

Avant de lancer le film, ne manquez pas l’excellente et passionnante présentation de L’Aiguille par Eugénie Zvonkine (13’). L’universitaire et spécialiste du cinéma russe parle de Rachid Nougmanov et évoque son parcours jusqu’à la réalisation de L’Aiguille, avant d’en venir plus précisément à Viktor Tsoi, musicien et chanteur encore interdit à l’époque. Sa carrière, son charisme, sa mort, sa légende sont également abordés. Le fond et la forme s’entrecroisent, et Eugénie Zvonkine donne beaucoup de détails sur ce film culte et populaire.

L’éditeur joint ensuite le court-métrage Yahha (36’), réalisé par Rachid Nougmanov en 1986. Une plongée en N&B dans l’univers du rock underground soviétique à la fin des années 80, aux côtés d’une jeunesse en quête de liberté et ses idoles locales, Viktor Tsoi et Mike Naumenko. Comme l’indique un carton en introduction, Yahha est « une expérience de ciné-transmission ».

Nous retrouvons Eugénie Zvonkine, cette fois derrière la caméra, pour la réunion des quatre membres fondateurs de la nouvelle vague kazakhe (44’). Rachid Nougmanov, Talgat Temenov, Ardak Amirkoulov et Serik Aprymov se retrouvent des années après s’être perdus de vue pour la plupart, afin de discuter de leurs premiers films, de leurs inspirations (la Nouvelle vague française) et de leur amour indéfini pour le cinéma. Les sensibilités s’entremêlent, les anecdotes s’enchaînent, les rires sont partagés, l’émotion est omniprésente. Le tout est illustré par de nombreux extraits de leurs œuvres.

Nettement plus anecdotique, pour ne pas dire dispensable, le bonus intitulé L’Aiguille Remix (85’), uniquement disponible sur le Blu-ray, est un nouveau montage réalisé par Rachid Nougmanov de son film original. Visiblement inspiré par Sin City de Robert Rodriguez, le cinéaste agrémente L’Aiguille (par ailleurs recadré) de planches de bandes-dessinées, de scènes tournées sur fond vert et incrustées sur des séquences tirées de Yahha. Des inserts ont été ajoutés ici et là, qui ne sont franchement pas du meilleur goût. Comme George Lucas avec sa trilogie originale quoi.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Impeccable ! Présenté dans son format 1.33 respecté (compatible 4/3) et dans un Blu-ray au format 1080p, L’Aiguille renaît de ses cendres. La copie est d’une grande propreté, stable, claire et les couleurs fanées sont d’origine. Quelques séquences sont peut-être plus marquées que d’autres par les années passées, mais la qualité est indéniable et participe à l’engouement de cette belle découverte qu’est L’Aiguille.

Le film est proposé en langue russe DTS-HD Master Audio 2.0 avec les sous-titres français, anglais, espagnols, allemands et coréens en option. L’écoute est dynamique (les plages musicales), les effets précis et le travail de la bande-son est restitué en respectant les volontés artistiques originales.

Crédits images : © Kazakhfilms / Badlands / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Témoin à charge, réalisé par Billy Wilder

TÉMOIN À CHARGE (Witness for the Prosecution) réalisé par Billy Wilder, disponible en DVD et Blu-ray le 5 février 2019 chez Rimini Editions

Acteurs : Tyrone Power, Marlene Dietrich, Charles Laughton, Elsa Lanchester, John Williams, Torin Thatcher, Una O’Connor, Henry Daniel, lIan Wolfe…

Scénario : Billy Wilder, Harry Kurnitz, Lawrence B. Marcus d’après la nouvelle et la pièce de théâtre d’Agatha Christie

Photographie : Russell Harlan

Musique : Matty Malneck

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

A peine remis d’une crise cardiaque, Sir Wilfrid Robarts, brillant avocat londonien, accepte de défendre Leonard Vole, accusé d’avoir assassiné une riche veuve. Elément accablant : Vole est l’unique destinataire de l’héritage de la victime. Seule l’épouse de Vole, une mystérieuse allemande, pourrait le disculper. Elle va se révéler être un témoin à charge…

Quelle claque ! La filmographie de l’immense Billy Wilder regorge de titres exceptionnels, de films cultes, de chefs d’oeuvre, de grands moments et rares sont les opus moins inspirés, à part évidemment dans la dernière partie de sa carrière. Malgré son triomphe à sa sortie, Témoin à chargeWitness for the Prosecution n’en demeure pas moins méconnu et souvent dissimulé derrière des titres emblématiques comme Boulevard du crépuscule, Sept ans de réflexion et Certains l’aiment chaud tournés durant la même décennie. Si elle n’est pas l’oeuvre la plus représentative du réalisateur, Témoin à charge est pourtant un film de procès sensationnel, merveilleusement interprété par Charles Laughton, Marlene Dietrich et Tyrone Power, mis en scène avec virtuosité et une fluidité remarquable jusqu’au dénouement qui fait partie des plus grands twists de l’histoire du cinéma.

Sir Wilfrid Robarts, un brillant et expérimenté avocat spécialiste des causes perdues, sort d’un séjour prolongé à l’hôpital des suites d’un infarctus qui a failli le terrasser et doit, pour préserver sa santé, renoncer à s’occuper d’affaires criminelles trop stimulantes. C’est à ce moment que Leonard Vole, accusé du meurtre de madame French, vient demander son aide à ce ténor du barreau. Bien que l’affaire paraisse passionnante, Sir Wilfrid refuse de s’en occuper et conseille un autre avocat, Brogan-Moore, un de ses anciens élèves. Après le départ de Leonard Vole du bureau de Wilfrid, Christine Vole, la femme de Leonard, fait son apparition. Elle est son seul alibi pour le soir du meurtre. Son attitude très froide et désinvolte, ainsi que son rôle crucial dans l’affaire font changer Wilfrid d’avis, qui décide malgré les recommandations des médecins de s’occuper de cette affaire qui le fascine. Pensant qu’elle pourrait desservir son client, Wilfrid décide de ne pas faire témoigner Christine au procès, mais c’est l’accusation qui la fait témoigner. Elle explique alors qu’elle a menti aux policiers lors de son audition pour protéger son mari, et donne alors des éléments accablant ce dernier. À la suite de ces révélations, tout semble perdu pour Leonard.

A la base de Témoin à charge, il y a une nouvelle éponyme d’Agatha Christie publiée en 1925, adaptée en 1948 pour la BBC, avant de devenir une pièce de théâtre en 1953 que l’auteure transpose elle-même. Suite au succès gigantesque rencontré par Témoin à charge sur les planches (645 représentations rien qu’aux USA), les studios hollywoodiens s’arrachent les droits pour le cinéma. United Artists remporte la partie (contre une somme record) et confie la transposition à Billy Wilder. Ce dernier se fait plaisir derrière la caméra, mais aussi avec les « monstres » qu’il dirige. Charles Laughton (1899-1962) est fabuleux dans le rôle de sir Wilfrid Robarts. Le comédien britannique, qui avait d’ailleurs campé Hercule Poirot sur scène dans la pièce Alibi, démontre une fois de plus son talent immense pour composer des personnages inoubliables comme précédemment dans L’Île du docteur Moreau d’Erle C. Kenton, L’Extravagant Mr Ruggles de Leo McCarey, Quasimodo de William Dieterle et bien sûr Le Procès Paradine d’Alfred Hitchcock dans lequel il interprétait le juge Lord Thomas Horfield. Le premier tiers du film est centré uniquement sur lui, sur ses manies (l’utilisation du reflet dans le monocle en guise de lampe d’interrogatoire), son addiction pour les cigares (dissimulés dans sa canne) et l’alcool, ses répliques cyniques et ironiques, ainsi que sur sa relation avec l’infirmière (Elsa Lanchester, la véritable épouse de l’acteur) qui le surveille depuis son attaque cardiaque, au point de lui avoir fait installer un fauteuil-ascenseur pour l’économiser. Les dialogues, abondants, sont admirables, drôles et percutants, tandis que la mise en scène parvient à aérer ce quasi-huis clos à travers un sens étudié du cadre.

Si Tyrone Power est impeccable et ambigu dans le rôle de Leonard Vole, c’est Marlene Dietrich, impériale et qui intervient au bout de trente minutes qui retient l’attention après Charles Laughton. Dans un rôle finalement proche de celui qu’elle campait dans La Scandaleuse de Berlin (une scène de flashback reprend d’ailleurs une séquence de chant qui lui fait écho) presque dix ans auparavant, déjà sous la direction de Billy Wilder, Marlene Dietrich livre l’une de ses prestations les plus originales et énigmatiques. La moitié du film se déroule dans un tribunal, incroyablement reconstitué par le grand Alexandre Trauner, qui devient alors propice à d’éblouissants numéros d’acteurs. Billy Wilder filme ses personnages plongés dans un jeu sous tension, où se joue la vie d’un homme. Le stress et la réflexion se lisent sur le visage en sueur de Robarts, sur sa façon d’aligner ses cachets sur son pupitre, tandis qu’il écoute bien sagement l’accusation.

Que ce soit à la photographie (Russell Harlan), au montage (Daniel Mandell), à la musique (Many Malneck) et à la mise en scène proprement dite, Témoin à charge, nommé à six reprises aux Oscars et à cinq aux Golden Globes, est une nouvelle leçon de cinéma concoctée par Billy Wilder.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Témoin à charge, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui très élégant. Le menu principal est animé sur la scène d’ouverture du film en version française. N’oublions pas le livret de 32 pages concocté par Marc Toullec, qui propose un excellent retour sur la nouvelle et la pièce de théâtre d’Agatha Christie, puis l’adaptation de Billy Wilder, sa production, ses comédiens et la sortie du film.

Comme ils l’ont fait précédemment sur les autres titres de Billy Wilder sortis en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions (La Grande combine, Embrasse moi, idiot, Irma la douce, La Garçonnière), Mathieu Macheret (Le Monde) et Frédéric Mercier (Transfuge) proposent une présentation et une analyse pertinente de Témoin à charge (40’). Face à face, les deux journalistes-critiques cinéma croisent le fond et la forme du film de Billy Wilder, en le replaçant tout d’abord dans la carrière du maître. Puis, les interventions des deux confrères se complètent parfaitement, l’un et l’autre rebondissant sur les arguments avancés, sans aucun temps mort. La genèse du film, l’écriture du scénario, les thèmes explorés, les partis pris, les intentions, le casting, la psychologie des personnages principaux, les décors d’Alexandre Trauner et bien d’autres sujets sont abordés avec une passion contagieuse !

On pensait que l’éditeur avait fait le tour des documentaires sur Billy Wilder, mais c’était sous-estimer Rimini ! Et quel plaisir de (re)découvrir le film Portrait d’un homme à 60% parfait (56’), réalisé par Michel Ciment et Annie Tresgot en 1980 ! Le journaliste rencontre le cinéaste, chez lui et dans son bureau à Los Angeles. Billy Wilder évoque sa jeunesse et sa carrière de journaliste à Vienne puis à Berlin (photos à l’appui), sa fuite à l’arrivée de Hitler, son travail de scénariste, la naissance de l’Hollywood classique, ses rencontres marquantes (Fitzgerald, Faulkner, Lubitsch, Trauner…), son amour pour la peinture. Les comédiens Jack Lemmon et Walter Matthau, ainsi que le scénariste I.A.L. Diamond interviennent également et racontent quelques anecdotes truculentes. Ce documentaire se clôt sur la désormais célèbre tirade de Billy Wilder s’adressant à Michel Ciment « Je déteste de n’être pas pris au sérieux, mais plus encore d’être pris trop au sérieux ».

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale, durant laquelle Charles Laughton s’adresse directement aux spectateurs pour leur signaler de ne pas dévoiler le dénouement du film après l’avoir vu. A l’instar des Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot et de Psychose d’Alfred Hitchcock, un panneau d’avertissement indique également que les spectateurs devront attendre la fin de la séance précédente avant d’être placé dans la salle.

L’Image et le son

S’il n’est pas mirifique, le master HD (1080p, AVC) de Témoin à charge ne démérite pas et offre aux spectateurs un joli confort de visionnage. Le N&B est plus que correct avec des contrastes équilibrés, une palette de gris assez riche et une texture argentique bien gérée. Quelques poussières et tâches diverses subsistent, ainsi qu’une poignée de plans plus abîmés et de sensibles décrochages sur les fondus enchaînés, mais la copie est propre, la stabilité est de mise et les gros plans sont peu avares en détails. Aux oubliettes le DVD édité par MGM en 2004 !

La version originale DTS-HD Dual Mono est très propre et se révèle nettement plus ardente et fluide que la piste française, au doublage obsolète, centrée essentiellement sur les voix, au détriment des effets annexes. Le changement de langue n’est pas verrouillé en cours de visionnage et les sous-titres français non imposés.

Crédits images : © MGM / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr