De retour à Almaty, Moro retrouve ses anciens amis en pleine guerre des gangs et Dina, son ancienne petite amie, devenue morphinomane. Décidant de lui venir en aide, il devra affronter “le docteur”, responsable de son addiction.
Nous ne le savons pas en France, mais L’Aiguille – Igla ou en cyrillique Игла réalisé par Rachid Nougmanov, a été un évènement à sa sortie en février 1989, en attirant 30 millions de spectateurs en URSS ! Pourquoi ce phénomène ? Tourné en pleine perestroïka, ce petit film a su immédiatement toucher le coeur des jeunes soviétiques, qui se sont retrouvés dans le personnage principal interprété par le rockeur Viktor Tsoi, de tous les plans, représentant d’une génération en pleine ébullition. L’Aiguille est également l’un des premiers films soviétiques qui aborde frontalement le thème de la dépendance à la drogue en URSS. A la limite de l’expérimental, imprégné d’un spleen contagieux et porté par le charisme magnétique de son acteur principal, Igla mérite d’être découvert dans nos contrées.
L’intrigue tourne autour du personnage de Moro, qui retourne à Almat Ata afin de récupérer l’argent qu’on lui doit. Devant faire face à un retard imprévu, il rend visite à son ancienne petite amie, Dina, et découvre qu’elle est devenue dépendante à la morphine. Il décide de l’aider à arrêter et combat la mafia locale, à la tête du trafic de drogue de la ville, responsable de son addiction. Mais Moro a un adversaire mortel, « le docteur », le parrain de la mafia, qui exploite Dina en cachant de la morphine dans sa cheminée. Moro part avec Dina près de la mer d’Aral pour l’aider à se sevrer de sa dépendance.
Fondateur de la nouvelle vague kazakhe, Rachid Nougmanov, né en 1954, offre à Viktor Tsoi le rôle de sa vie et le fait entrer définitivement dans la légende. Né en 1962 à Léningrad et mort accidentellement en août 1990, le jeune chanteur était rapidement devenu une icône du rock soviétique dans les années 1980, genre qu’il a entre autres introduit dans le pays, un mouvement alors underground, limité aux caves de Leningrad, à l’époque où il était leader du groupe Kino. D’origine coréenne par son père, Viktor Tsoi s’est très vite inspiré de groupes comme The Stranglers ou The Cure, pour devenir un vrai porte-parole de sa génération à travers des textes engagés, entre ombre et lumière, une noirceur teintée d’espoir. Quand il disparaît tragiquement après s’être endormi au volant de sa voiture, L’Aiguille venait de le consacrer au cinéma en faisant de lui l’une des stars les plus influentes de la fin des années 1980.
(Re)découvrir ce film aujourd’hui en connaissant le destin tragique du musicien/comédien, lui donne un cachet supplémentaire, comme si Rachid Nougmanov livrait sans le savoir un film-testament. Déambulant dans les rues d’Almaty, les mains dans les poches, le menton rentré dans son blouson, le regard bas, Viktor Tsoi renvoie à James Dean immortalisé dans sa poignée de films et sur quelques clichés qui ont imprimé sa jeunesse éternelle. L’Aiguille est une version soviétique de La Fureur de vivre, qui fait également écho aux premiers longs métrages d’Alan Clarke, mais aussi et surtout à ceux de Jim Jarmusch, Permanent Vacation (1980) et Stranger Than Paradise (1984) avec son cadre restreint, ses décors naturels constitués de hangars, de souterrains humides, de cages d’escaliers en ruine, où les protagonistes se perdent, déambulent sans véritable but, en allant là où leurs pieds veuillent bien les mener. Parallèlement au thème de l’addiction, Rachid Nougmanov dresse le portrait d’une génération désenchantée, qui a décidé malgré tout de ne pas baisser les bras, avec cette volonté de rester opposé à l’ordre établi.
Sur une musique de Kino (qui signifie cinéma), alors le groupe de punk-rock le plus populaire de l’Histoire de la Russie, L’Aiguille semble dépendante des pérégrinations du personnage principal et donne au film un aspect improvisé, libre, détaché de toutes contraintes. Pourtant, Igla est une œuvre bien construite, aux décors impressionnants (l’acte se déroulant dans le désert en met plein la vue) et aux références culturelles précises (la bande dessinée, les films de Bruce Lee avec les bruitages presque cartoonesques qui soulignent les coups donnés, les westerns avec un petit clin d’oeil au chef d’oeuvre de Sergio Leone, Le Bon, la Brute et le Truand), en utilisant notamment la musicalité des langues liées aux omniprésents programmes télévisés qui passent en boucle et qui parasitent même la bande-son. Donc oui, L’Aiguille est un vrai film culte.
LE BLU-RAY
L’Aiguille est proposé par Badlands, dans un superbe combo Blu-ray/DVD, sous la forme d’un Digipack 3 volets avec étui cartonné, disponible en édition limitée à 1000 exemplaires. Le menu principal est fixe et musical.
Avant de lancer le film, ne manquez pas l’excellente et passionnante présentation de L’Aiguille par Eugénie Zvonkine (13’). L’universitaire et spécialiste du cinéma russe parle de Rachid Nougmanov et évoque son parcours jusqu’à la réalisation de L’Aiguille, avant d’en venir plus précisément à Viktor Tsoi, musicien et chanteur encore interdit à l’époque. Sa carrière, son charisme, sa mort, sa légende sont également abordés. Le fond et la forme s’entrecroisent, et Eugénie Zvonkine donne beaucoup de détails sur ce film culte et populaire.
L’éditeur joint ensuite le court-métrage Yahha (36’), réalisé par Rachid Nougmanov en 1986. Une plongée en N&B dans l’univers du rock underground soviétique à la fin des années 80, aux côtés d’une jeunesse en quête de liberté et ses idoles locales, Viktor Tsoi et Mike Naumenko. Comme l’indique un carton en introduction, Yahha est « une expérience de ciné-transmission ».
Nous retrouvons Eugénie Zvonkine, cette fois derrière la caméra, pour la réunion des quatre membres fondateurs de la nouvelle vague kazakhe (44’). Rachid Nougmanov, Talgat Temenov, Ardak Amirkoulov et Serik Aprymov se retrouvent des années après s’être perdus de vue pour la plupart, afin de discuter de leurs premiers films, de leurs inspirations (la Nouvelle vague française) et de leur amour indéfini pour le cinéma. Les sensibilités s’entremêlent, les anecdotes s’enchaînent, les rires sont partagés, l’émotion est omniprésente. Le tout est illustré par de nombreux extraits de leurs œuvres.
Nettement plus anecdotique, pour ne pas dire dispensable, le bonus intitulé L’Aiguille Remix (85’), uniquement disponible sur le Blu-ray, est un nouveau montage réalisé par Rachid Nougmanov de son film original. Visiblement inspiré par Sin City de Robert Rodriguez, le cinéaste agrémente L’Aiguille (par ailleurs recadré) de planches de bandes-dessinées, de scènes tournées sur fond vert et incrustées sur des séquences tirées de Yahha. Des inserts ont été ajoutés ici et là, qui ne sont franchement pas du meilleur goût. Comme George Lucas avec sa trilogie originale quoi.
L’interactivité se clôt
sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Impeccable ! Présenté dans son format 1.33 respecté (compatible 4/3) et dans un Blu-ray au format 1080p, L’Aiguille renaît de ses cendres. La copie est d’une grande propreté, stable, claire et les couleurs fanées sont d’origine. Quelques séquences sont peut-être plus marquées que d’autres par les années passées, mais la qualité est indéniable et participe à l’engouement de cette belle découverte qu’est L’Aiguille.
Le film est proposé en langue russe DTS-HD Master Audio 2.0 avec les sous-titres français, anglais, espagnols, allemands et coréens en option. L’écoute est dynamique (les plages musicales), les effets précis et le travail de la bande-son est restitué en respectant les volontés artistiques originales.
TÉMOIN À CHARGE (Witness for the Prosecution) réalisé par Billy Wilder, disponible en DVD et Blu-ray le 5 février 2019 chez Rimini Editions
Acteurs : Tyrone Power, Marlene Dietrich, Charles Laughton, Elsa Lanchester, John Williams, Torin Thatcher, Una O’Connor, Henry Daniel, lIan Wolfe…
Scénario : Billy Wilder, Harry Kurnitz, Lawrence B. Marcus d’après la nouvelle et la pièce de théâtre d’Agatha Christie
Photographie : Russell Harlan
Musique : Matty Malneck
Durée : 1h56
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
A peine remis d’une crise cardiaque, Sir Wilfrid Robarts, brillant avocat londonien, accepte de défendre Leonard Vole, accusé d’avoir assassiné une riche veuve. Elément accablant : Vole est l’unique destinataire de l’héritage de la victime. Seule l’épouse de Vole, une mystérieuse allemande, pourrait le disculper. Elle va se révéler être un témoin à charge…
Quelle claque ! La filmographie de l’immense Billy Wilder regorge de titres exceptionnels, de films cultes, de chefs d’oeuvre, de grands moments et rares sont les opus moins inspirés, à part évidemment dans la dernière partie de sa carrière. Malgré son triomphe à sa sortie, Témoin à charge – Witness for the Prosecution n’en demeure pas moins méconnu et souvent dissimulé derrière des titres emblématiques comme Boulevard du crépuscule, Sept ans de réflexion et Certains l’aiment chaud tournés durant la même décennie. Si elle n’est pas l’oeuvre la plus représentative du réalisateur, Témoin à charge est pourtant un film de procès sensationnel, merveilleusement interprété par Charles Laughton, Marlene Dietrich et Tyrone Power, mis en scène avec virtuosité et une fluidité remarquable jusqu’au dénouement qui fait partie des plus grands twists de l’histoire du cinéma.
Sir Wilfrid Robarts, un brillant et expérimenté avocat spécialiste des causes perdues, sort d’un séjour prolongé à l’hôpital des suites d’un infarctus qui a failli le terrasser et doit, pour préserver sa santé, renoncer à s’occuper d’affaires criminelles trop stimulantes. C’est à ce moment que Leonard Vole, accusé du meurtre de madame French, vient demander son aide à ce ténor du barreau. Bien que l’affaire paraisse passionnante, Sir Wilfrid refuse de s’en occuper et conseille un autre avocat, Brogan-Moore, un de ses anciens élèves. Après le départ de Leonard Vole du bureau de Wilfrid, Christine Vole, la femme de Leonard, fait son apparition. Elle est son seul alibi pour le soir du meurtre. Son attitude très froide et désinvolte, ainsi que son rôle crucial dans l’affaire font changer Wilfrid d’avis, qui décide malgré les recommandations des médecins de s’occuper de cette affaire qui le fascine. Pensant qu’elle pourrait desservir son client, Wilfrid décide de ne pas faire témoigner Christine au procès, mais c’est l’accusation qui la fait témoigner. Elle explique alors qu’elle a menti aux policiers lors de son audition pour protéger son mari, et donne alors des éléments accablant ce dernier. À la suite de ces révélations, tout semble perdu pour Leonard.
A la base de Témoin à charge, il y a une nouvelle éponyme d’Agatha Christie publiée en 1925, adaptée en 1948 pour la BBC, avant de devenir une pièce de théâtre en 1953 que l’auteure transpose elle-même. Suite au succès gigantesque rencontré par Témoin à charge sur les planches (645 représentations rien qu’aux USA), les studios hollywoodiens s’arrachent les droits pour le cinéma. United Artists remporte la partie (contre une somme record) et confie la transposition à Billy Wilder. Ce dernier se fait plaisir derrière la caméra, mais aussi avec les « monstres » qu’il dirige. Charles Laughton (1899-1962) est fabuleux dans le rôle de sir Wilfrid Robarts. Le comédien britannique, qui avait d’ailleurs campé Hercule Poirot sur scène dans la pièce Alibi, démontre une fois de plus son talent immense pour composer des personnages inoubliables comme précédemment dans L’Île du docteur Moreau d’Erle C. Kenton, L’Extravagant Mr Ruggles de Leo McCarey, Quasimodo de William Dieterle et bien sûr Le Procès Paradine d’Alfred Hitchcock dans lequel il interprétait le juge Lord Thomas Horfield. Le premier tiers du film est centré uniquement sur lui, sur ses manies (l’utilisation du reflet dans le monocle en guise de lampe d’interrogatoire), son addiction pour les cigares (dissimulés dans sa canne) et l’alcool, ses répliques cyniques et ironiques, ainsi que sur sa relation avec l’infirmière (Elsa Lanchester, la véritable épouse de l’acteur) qui le surveille depuis son attaque cardiaque, au point de lui avoir fait installer un fauteuil-ascenseur pour l’économiser. Les dialogues, abondants, sont admirables, drôles et percutants, tandis que la mise en scène parvient à aérer ce quasi-huis clos à travers un sens étudié du cadre.
Si Tyrone Power est impeccable et ambigu dans le rôle de Leonard Vole, c’est Marlene Dietrich, impériale et qui intervient au bout de trente minutes qui retient l’attention après Charles Laughton. Dans un rôle finalement proche de celui qu’elle campait dans La Scandaleuse de Berlin (une scène de flashback reprend d’ailleurs une séquence de chant qui lui fait écho) presque dix ans auparavant, déjà sous la direction de Billy Wilder, Marlene Dietrich livre l’une de ses prestations les plus originales et énigmatiques. La moitié du film se déroule dans un tribunal, incroyablement reconstitué par le grand Alexandre Trauner, qui devient alors propice à d’éblouissants numéros d’acteurs. Billy Wilder filme ses personnages plongés dans un jeu sous tension, où se joue la vie d’un homme. Le stress et la réflexion se lisent sur le visage en sueur de Robarts, sur sa façon d’aligner ses cachets sur son pupitre, tandis qu’il écoute bien sagement l’accusation.
Que ce soit à la photographie (Russell Harlan), au montage (Daniel Mandell), à la musique (Many Malneck) et à la mise en scène proprement dite, Témoin à charge, nommé à six reprises aux Oscars et à cinq aux Golden Globes, est une nouvelle leçon de cinéma concoctée par Billy Wilder.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Témoin à charge, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui très élégant. Le menu principal est animé sur la scène d’ouverture du film en version française. N’oublions pas le livret de 32 pages concocté par Marc Toullec, qui propose un excellent retour sur la nouvelle et la pièce de théâtre d’Agatha Christie, puis l’adaptation de Billy Wilder, sa production, ses comédiens et la sortie du film.
Comme ils l’ont fait précédemment sur les autres titres de Billy Wilder sortis en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions (La Grande combine, Embrasse moi, idiot, Irma la douce, La Garçonnière), Mathieu Macheret (Le Monde) et Frédéric Mercier (Transfuge) proposent une présentation et une analyse pertinente de Témoin à charge (40’). Face à face, les deux journalistes-critiques cinéma croisent le fond et la forme du film de Billy Wilder, en le replaçant tout d’abord dans la carrière du maître. Puis, les interventions des deux confrères se complètent parfaitement, l’un et l’autre rebondissant sur les arguments avancés, sans aucun temps mort. La genèse du film, l’écriture du scénario, les thèmes explorés, les partis pris, les intentions, le casting, la psychologie des personnages principaux, les décors d’Alexandre Trauner et bien d’autres sujets sont abordés avec une passion contagieuse !
On pensait que l’éditeur avait fait le tour des documentaires sur Billy Wilder, mais c’était sous-estimer Rimini ! Et quel plaisir de (re)découvrir le film Portrait d’un homme à 60% parfait (56’), réalisé par Michel Ciment et Annie Tresgot en 1980 ! Le journaliste rencontre le cinéaste, chez lui et dans son bureau à Los Angeles. Billy Wilder évoque sa jeunesse et sa carrière de journaliste à Vienne puis à Berlin (photos à l’appui), sa fuite à l’arrivée de Hitler, son travail de scénariste, la naissance de l’Hollywood classique, ses rencontres marquantes (Fitzgerald, Faulkner, Lubitsch, Trauner…), son amour pour la peinture. Les comédiens Jack Lemmon et Walter Matthau, ainsi que le scénariste I.A.L. Diamond interviennent également et racontent quelques anecdotes truculentes. Ce documentaire se clôt sur la désormais célèbre tirade de Billy Wilder s’adressant à Michel Ciment « Je déteste de n’être pas pris au sérieux, mais plus encore d’être pris trop au sérieux ».
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale, durant laquelle Charles Laughton s’adresse directement aux spectateurs pour leur signaler de ne pas dévoiler le dénouement du film après l’avoir vu. A l’instar des Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot et de Psychose d’Alfred Hitchcock, un panneau d’avertissement indique également que les spectateurs devront attendre la fin de la séance précédente avant d’être placé dans la salle.
L’Image et le son
S’il n’est pas mirifique, le master HD (1080p, AVC) de Témoin à charge ne démérite pas et offre aux spectateurs un joli confort de visionnage. Le N&B est plus que correct avec des contrastes équilibrés, une palette de gris assez riche et une texture argentique bien gérée. Quelques poussières et tâches diverses subsistent, ainsi qu’une poignée de plans plus abîmés et de sensibles décrochages sur les fondus enchaînés, mais la copie est propre, la stabilité est de mise et les gros plans sont peu avares en détails. Aux oubliettes le DVD édité par MGM en 2004 !
La version originale DTS-HD Dual Mono est très propre et se révèle nettement plus ardente et fluide que la piste française, au doublage obsolète, centrée essentiellement sur les voix, au détriment des effets annexes. Le changement de langue n’est pas verrouillé en cours de visionnage et les sous-titres français non imposés.
C’est dans les couloirs de leur piscine municipale que Bertrand, Marcus, Simon, Laurent, Thierry et les autres s’entraînent sous l’autorité toute relative de Delphine, ancienne gloire des bassins. Ensemble, ils se sentent libres et utiles. Ils vont mettre toute leur énergie dans une discipline jusque-là propriété de la gent féminine : la natation synchronisée. Alors, oui c’est une idée plutôt bizarre, mais ce défi leur permettra de trouver un sens à leur vie…
Quatorze ans après le génial Narco, qu’il avait co-réalisé avec Tristan Aurouet en 2004, Gilles Lellouche signe son premier long métrage en solo avec Le Grand bain. Depuis ce premier coup d’essai, le comédien/metteur en scène/scénariste a mûri et son cinéma s’en ressent. Vrai et grand coup de coeur de l’année 2018, Le Grand bain concilie l’humour et l’émotion de façon inattendue et dresse le portrait de quelques paumés, désenchantés, à qui la vie n’a pas fait de cadeaux, qui n’en espèrent d’ailleurs plus rien, jusqu’à ce qu’ils trouvent enfin un but et surtout une oreille attentive à laquelle se livrer, pour enfin retrouver le goût de vivre et l’estime de soi. Enfin, Le Grand bain c’est aussi et surtout un casting quatre étoiles, de magnifiques comédiens, merveilleusement dirigés, investis, en parfaite osmose, que Gilles Lellouche parvient comme qui dirait à rebooter en les présentant sans fard et avec une rare tendresse.
Huit hommes de diverses générations « cabossés » par la vie (dépression, échec professionnel ou familial…) vont reprendre goût à la vie en s’investissant dans leur équipe de natation synchronisée. En prévision des championnats du monde organisés en Norvège, ils sont pris en charge par deux coaches ex-championnes, Delphine, ancienne alcoolique, et Amanda, une sportive paraplégique.
Non, ce n’est pas un film de « potes » comme pouvait l’être Les Petits mouchoirs. Le Grand bain ne paraît jamais « forcé » et les acteurs retrouvent une authenticité qu’ils avaient pour la plupart pu perdre au fil des années. En s’inspirant du cinéma social britannique (The Full Monty entre autres), Gilles Lellouche leur offre un rôle en or, tout en restant lui-même derrière la caméra. A cette occasion, il retrouve Guillaume Canet (ici Laurent, directeur d’une aciérie), Benoît Poelvoorde (Marcus, directeur d’un magasin de piscines) et Mélanie Doutey. Si cette dernière fait plutôt une participation, le premier montre à quel point il peut être bon quand il est bien dirigé, tandis que le second est comme d’habitude immense, capable d’un humour dévastateur et d’une sensibilité à fleur de peau. Les autres membres de l’équipe ne déméritent évidemment pas avec rien de moins que Mathieu Amalric alias Bertrand (chômeur puis vendeur de meubles), Jean-Hugues Anglade (Simon, musicien raté), Philippe Katerine (Thierry, manutentionnaire de la piscine), Alban Ivanov (Basile, trentenaire sans ambition), Balasingham Thamilchelvan (le mystérieux Avanish qui ne parle pas un mot de français) et Félix Moati (John, infirmier, qui viendra renforcer la troupe). Ça c’est pour le groupe sportif. Ils sont coachés par Delphine (Virginie Efira, fragile comme du cristal) et Amanda (Leïla Bekhti, explosive en entraîneuse sadique), qui vont les encourager et les mener jusqu’à la compétition internationale.
Le réalisateur convoque et mélange tout ce beau monde, d’horizons et d’écoles divers, sans oublier les personnages satellites excellemment campés par Marina Foïs, Claire Nadeau, Jonathan Zaccaï et bien d’autres. Le Grand bain est à ce jour le projet le plus personnel de Gilles Lellouche, un film qu’il portait depuis plusieurs années, porté par une envie de parler d’individus renfermés sur eux-mêmes, qui se redécouvrent en intégrant et en étant accepté par un groupe au sein duquel la parole va progressivement se libérer. En toute honnêteté, on ne s’attendait pas à être cueilli de la sorte. Rien ne paraît exagéré ou poussif, tout y est chaleureux, sans pathos, sensible et mélancolique, très attachant. Loin des poncifs du cinéma bobo à la morale bien pensante, Le Grand bain mixe et rassemble les classes sociales, sans distinction, sans jugement, mais avec une certaine poésie. Outre la ribambelle de grands acteurs, Gilles Lellouche fait souvent preuve de virtuosité et soigne chacun de ses plans, sans tomber dans la gratuité et dans le seul but d’épater la galerie. La mise en scène, la photographie de Laurent Tangy et la géniale bande originale signée Jon Brion agrémentée de tube 80’s (Tears For Fears, Phil Collins, Imagination) emportent immédiatement l’adhésion.
Le Grand bain agit donc comme une véritable potion magique où tous les ingrédients se marient à merveille, pour le plus grand bonheur des spectateurs qui l’ont largement plébiscité puisque le film aura attiré près de 4,5 millions de spectateurs. Un succès populaire qui devrait être suivi par quelques César à la prochaine grande fête du cinéma, puisque Le Grand bain est nommé dans dix catégories : meilleurs film, réalisateur, acteur dans un second rôle (Jean-Hugues Anglade et Philippe Katerine), actrice dans un second rôle (Leïla Bekhti et Virginie Efira), scénario original, photographie, montage et son.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray du Grand bain, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Cette édition comprend deux disques. Le menu principal du premier Blu-ray est animé et musical, celui du second est fixe et musical. Les suppléments se trouvent sur le premier disques, tandis que le deuxième propose la version longue du Grand bain (2h12).
Si vous avez aimé voire adoré Le Grand bain, précipitez-vous sur le making of (35’) qui fait comme qui dirait office de film dans le film, dans le sens où les comédiens apprennent à se connaître véritablement durant leur entraînement qui aura duré sept mois, à raison d’une ou deux fois par semaine. Le tout chapeauté par Julie Fabre, ancienne entraîneuse de l’équipe de France de natation synchronisée olympique. Les acteurs se confient face caméra sur ce défi physique, qu’ils ont tous brillamment relevé. Gilles Lellouche revient quant à lui sur son « bébé », qu’il a porté durant quelques années avant de pouvoir enfin le concrétiser. A l’instar des personnages du Grand bain, tous les comédiens deviennent complices dans l’effort, dans leurs progressions et dans leurs motivations, et c’est aussi beau que dans le film. Mention spéciale au passage de la cryothérapie, où chacun passe à tour de rôle dans une pièce à -10 degrés, puis une autre à -60 degrés, pour finir à -110 degrés !
En plus d’une galerie de photos, l’éditeur joint une version longue du Grand bain, qui comprend notamment quelques scènes en plus avec Marcus, le personnage incarné par Benoît Poelvoorde, ainsi qu’une très belle scène entre Mathieu Amalric et Marina Foïs.
L’Image
et le son
Les contrastes sont riches, la luminosité est omniprésente, les scènes nocturnes sont logées à la même enseigne et le relief est probant. Les visages sont détaillés à souhait, tout comme les décors, la colorimétrie est froide et hivernale, le piqué joliment aiguisé (surtout sur les scènes en extérieur), le relief est indéniable et la photo élégante du chef opérateur Laurent Tangy (Radiostars, La French, HHhH) trouve en Blu-ray un écrin idéal.
Un seul choix disponible, une piste DTS-HD Master Audio 5.1 créant d’entrée de jeu une large et puissante spatialisation musicale. La balance frontales-latérales est très dynamique, les voix solidement plantées sur la centrale. Toutes les enceintes sont mises à contribution, certains effets naturels tirent leur épingle du jeu. Les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant sont disponibles, tout comme une piste Audiodescription pour les spectateurs aveugles et malvoyants.
NOS BATAILLES réalisé par Guillaume Senez, disponible en DVD et Blu-ray le 18 février 2019 chez Blaq Out
Acteurs : Romain Duris, Laure Calamy, Laetitia Dosch, Lucie Debay, Basile Grunberger, Lena Girard Voss, Dominique Valadié, Sarah Le Picard, Cédric Vieira…
Scénario : Guillaume Senez, Raphaëlle Desplechin
Photographie : Elin Kirschfink
Durée : 1h38
Date de sortie initiale : 2018
LE FILM
Olivier se démène au sein de son entreprise pour combattre les injustices. Mais du jour au lendemain quand Laura, sa femme, quitte le domicile, il lui faut concilier éducation des enfants, vie de famille et activité professionnelle. Face à ses nouvelles responsabilités, il bataille pour trouver un nouvel équilibre, car Laura ne revient pas.
N’y allons pas par quatre chemins, Nos batailles est l’un des plus beaux films de l’année 2018. Deux ans après son premier long métrage Keeper, présenté dans plus de 70 festivals du monde entier et multi-récompensé, le cinéaste franco-belge Guillaume Senez (né en 1978) foudroie une fois de plus le coeur des spectateurs avec son deuxième film, coécrit cette fois avec Raphaëlle Desplechin. Sélectionné à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes en 2018, Nos batailles confirme l’immense talent et la sensibilité de son metteur en scène, qui pour l’occasion offre à Romain Duris l’un si ce n’est le plus grand rôle de toute sa carrière. Un cinéaste est né.
Olivier est contremaître dans un entrepôt de vente en ligne. Tandis qu’il se démène au travail, sa femme Laura, vendeuse, s’occupe de leurs deux enfants Elliot et Rose. Un jour elle disparaît sans prévenir, et Olivier doit se débrouiller, seul ou avec l’aide de sa famille, pour mener de front ses vies familiale et professionnelle.
Romain Duris est apparu pour la première fois sur les écrans dans Le Péril jeune de Cédric Klapisch, il y a déjà 25 ans. Très vite, le cinéma français s’est emparé de ce jeune homme de 19 ans, repéré dans la rue. Outre ses nombreuses et fructueuses collaborations avec Cédric Klapisch (Chacun cherche son chat, Peut-être, L’Auberge espagnole, Les Poupées russes, Paris, Casse-tête chinois), Romain Duris a toujours su concilier le cinéma d’auteur et le cinéma commercial, en passant sans complexe de Jan Kounen à Tony Gatlif, de Jean-Paul Salomé à Jacques Audiard, de Christophe Honoré à Laurent Tirard, de Patrice Chéreau à Eric Lartigau. Pour son cinquantième film, le comédien trouve comme qui dirait le rôle de la maturité. A bientôt 45 ans, ses traits se sont creusés et son charisme sauvage s’est encore plus développé. Il est en tout point époustouflant dans Nos batailles, merveilleusement dirigé par Guillaume Senez.
Quasiment de tous les plans, magnétique, beau, bouleversant, l’acteur amateur que l’on a vu grandir et mûrir à l’écran est progressivement devenu un bon, un très bon, un excellent, puis un immense comédien. Comme pour Keeper, Guillaume Senez conserve une spontanéité naturaliste, centrée sur un travail d’improvisations avec les acteurs, qui détiennent uniquement une base écrite détaillée comprenant les enjeux. Le réalisateur privilégie les gestes esquissés ou avortés, les voix des protagonistes qui se chevauchent, les imprévus. La vie explose alors à l’écran, l’empathie est réelle, les situations (inspirées de l’expérience personnelle du réalisateur) crédibles, réalistes, spontanées, universelles, authentiques. Caméra à l’épaule, en plans-séquences, le spectateur est placé comme témoin et suit ce personnage qui apprend à vivre seul avec ses deux enfants (Basile Grumberger et Lena Girard Voss, d’un naturel confondant), à communiquer avec eux, en essayant de faire le mieux possible, tout en essayant de gérer l’équipe (et leurs problèmes) dont il est responsable à l’usine. Tout cela sans pathos, sans musique, sans misérabilisme où certains se seraient engouffrés et paumés. Les personnages existent et donnent cette impression de les connaître, cette envie de les consoler, de les encourager, de les aider. N’oublions pas les trois merveilleuses actrices qui donnent la réplique à Romain Duris. Lucie Debay (La Confession de Nicolas Boukhrief), poignante dans le rôle de la compagne et mère de deux enfants dont le départ restera « inexpliqué », Laëtitia Dosch (déjà présente dans Keeper, avant d’être révélée dans Jeune Femme de Léonor Serraille), saisissante dans celui de la sœur d’Olivier (la scène dit « Paradis Blanc » arrache les larmes), ainsi que l’indispensable et lumineuse Laure Calamy dans celui de Betty, collègue et confidente d’Olivier.
A quinze jours de la prochaine cérémonie des César, Nos batailles, production belge, pourrait bien remporter celui du meilleur film étranger, tandis que Romain Duris, également nommé, est l’un des grands prétendants à la compression du meilleur acteur. Si la concurrence n’a jamais été aussi sévère avec également la présence de Denis Ménochet (Jusqu’à la garde) et d’Alex Lutz (Guy), Romain Duris pourrait enfin obtenir la récompense qui lui avait injustement échappé pour De battre mon coeur s’est arrêté en 2006. En attendant, Nos batailles a reçu le Prix de la Critique au Festival du film de Hambourg, la Mention du Jury Cinevox au festival International du Film Francophone de Namur, le Prix du public au festival de Turin, et surtout 5 Magritte, l’équivalent des César en Belgique, dont celui du Meilleur film, du meilleur réalisateur et de la meilleure actrice dans un second rôle pour Lucie Debay. Des prix à foison, largement mérités pour ce chef d’oeuvre instantané.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Nos batailles, est disponible chez Blaq Out. La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend le visuel de l’affiche du film. Même chose pour le menu principal, fixe et bruité, puisqu’en dehors de la chanson de Michel Berger, il n’y a pas de musique dans le film.
On
commence par un entretien avec Guillaume Senez, enregistré au
Festival de Cannes, à l’occasion de la présentation de Nos
batailles dans le cadre de la Semaine de la Critique (6’30). Le
réalisateur est très honoré d’avoir été sélectionné sur la
Croisette, qui lui offre ainsi une belle vitrine pour dévoiler son
film. La genèse de Nos batailles, inspiré par quelques
évènements personnels, le travail avec les comédiens, ses
intentions et les partis pris, les thèmes abordés et le rapport des
spectateurs avec les personnages sont ensuite évoqués.
Si
l’éditeur ne propose pas de commentaire audio sur tout le film,
Guillaume Senez commente néanmoins près de 25 minutes de scènes
sélectionnées. C’est ici l’occasion pour lui d’étayer les
sujets rapidement abordés dans son interview précédente.
Nous
trouvons également 9 minutes de scènes coupées au montage, sur
lesquelles Guillaume Senez intervient également, en expliquant la
raison de leur rejet, à cause notamment de redondances.
L’éditeur joint également le formidable court-métrage U.H.T., réalisé par Guillaume Senez en 2012 (18’). Sophie voit tous les jours son mari Augustin partir travailler pour sa petite exploitation laitière. Il y travaille corps et âme. Pourtant depuis quelques temps, la production de sa ferme ne suffit plus à assurer la pérennité financière de sa famille. Sophie ne se doute de rien, mais pour combien de temps encore…
L’Image et le son
Nos batailles bénéficie d’un beau traitement de faveur avec ce master HD élégant. Si les contrastes sont un peu légers, les noirs sont denses, le piqué agréable et la caméra portée peut compter sur une compression AVC solide. La palette chromatique est atténuée, froide, avec beaucoup de touches de bleus. La luminosité des séquences diurnes tire indiscutablement de la HD, les détails sont plus acérés sur les gros plans.
Le
mixage DTS HD Master Audio 5.1 ne déçoit pas, tant au niveau de la
délivrance des dialogues que des effets latéraux. S’il n’y a
pas grand-chose à redire sur la balance frontale, ce mixage parvient
vraiment à immiscer le spectateur dans l’ambiance du film. Les
enceintes latérales délivrent sans mal les ambiances naturelles et
l’ensemble demeure harmonieux. La piste Stéréo est également de
très bonne qualité et contentera ceux qui ne seraient pas équipés
sur la scène arrière. Les sous-titres français destinés au public
sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une
piste Audiodescription.
JUGEMENT À NUREMBERG (Judgment at Nuremberg) réalisé par Stanley Kramer,disponible en DVD et Blu-ray le 8 janvier 2019 chez Rimini Editions
Acteurs : Spencer Tracy, Burt Lancaster, Richard Widmark, Marlene Dietrich, Maximilian Schell, Judy Garland, Montgomery Clift, William Shatner…
Scénario : Abby Mann
Photographie : Ernest Laszlo
Musique : Ernest Gold
Durée : 3h
Date de sortie initiale: 1961
LE FILM
En 1948, le juge Haywood est envoyé à Nuremberg pour présider le procès de quatre magistrats allemands accusés de trop de complaisance à l’égard du régime Nazi. L’un d’eux, Janning, se renferme dans un silence méprisant et, en écartant les témoignages et les films sur les camps de concentration, dit qu’il n’a fait qu’appliquer la loi en vigueur…
On parle souvent du procès de Nuremberg, celui intenté par les puissances alliées contre 24 des principaux responsables du Troisième Reich, accusés de complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Un évènement qui s’est tenu du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946. En réalité, il s’agissait de la partie immergée de l’iceberg puisque d’autres procès visant différents acteurs et responsables des atrocités commises sous le Troisième Reich ont découlé du premier. Entre autres le procès des médecins, le procès Pohl (la bureaucratie des camps de concentration), le procès des Otages (les généraux basés dans l’ Sud-Est de l’Europe), le procès des Einsatzgruppen. Mais celui qui a retenu l’attention du scénariste américain Abby Mann (1927-2008) est celui moins connu des Juges et des juristes.
Dans ce procès, le troisième de Nuremberg, les accusés étaient seize juristes et avocats allemands. Neuf avaient été fonctionnaires du Reich au ministère de la Justice, d’autres étaient procureurs et juges de tribunaux spéciaux et tribunaux populaires du Troisième Reich. Ils étaient tenus pour responsables de la mise en œuvre et la promotion de la « pureté raciale » nazie par le biais d’un programme d’eugénisme et de lois raciales. C’est tout d’abord la télévision et le réseau CBS qui s’emparent du sujet d’Abby Mann (né d’une famille juive d’origine russe), dans le cadre de son programme Playhouse 90, qui proposait quelques téléfilms de 90 minutes. Réalisé par George Roy Hill et diffusé en avril 1959, Judgment at Nuremberg ne parvient pas réellement à trouver son public, malgré la présence de Claude Rains dans le rôle du juge Dan Haywood et de Maximilian Schell dans celui de l’avocat de la défense allemand Otto Rolfe. Amie d’Abby Mann, Katharine Hepburn montre ce téléfilm à son compagnon Spencer Tracy. Bien qu’extrêmement fatigué, le comédien se laisse séduire par l’idée d’interpréter le juge Haywood. Abby Mann reprend son scénario et l’étoffe en se basant une fois de plus sur de véritables archives et les vraies plaidoiries. Bien que non mentionné, le comédien Montgomery Clift collabore également à l’écriture du film. Spencer Tracy accepte à la condition que Stanley Kramer (1913-2001) réalise, vu que les deux hommes s’étaient merveilleusement entendus l’année précédente sur Procès de singe – Inherit the Wind. La production est lancée. Jugement à Nuremberg est une date dans l’histoire du cinéma.
Tout comme le procès des criminels de guerre en 1945, celui des hauts fonctionnaires du régime nazi se déroule à Nuremberg en 1948. Haywood, un vieux juge à la retraite désigné par les Etats-Unis, préside les séances. Quatre accusés sont présents. Trois plaident non-coupables, le quatrième, Janning, un juge à la réputation de haute probité, souhaite se taire, trouvant ce procès indigne et non fondé. Les pressions politiques deviennent de plus en plus fortes autour de la personnalité de Haywood. On lui demande d’être clément. Il s’y refuse. Il tente cependant de comprendre (« Je veux comprendre, vraiment, il le faut ! ») le comportement des accusés en discutant avec la veuve d’un général, pendu pour avoir commis des atrocités.
Stanley Kramer et Abby Mann font le pari de se concentrer uniquement sur le procès méconnu des Juges, survenu trois ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale et le procès des grands dirigeants nazis, alors que l’Allemagne et le reste de l’Europe entamaient leur reconstruction. Seulement voilà, ce ne sont pas des hommes comme les autres qui doivent faire face à la justice et répondre de leurs actes. Ceux-ci sont accusés d’avoir ordonné la stérilisation de Juifs ou d’avoir envoyé des milliers d’hommes dans les camps de la mort. Personne ne veut juger et la plupart s’en désintéressent, raison pour laquelle un vieux juge est appelé à la rescousse. Les tensions entre les Américains et les Soviétiques se resserrent. La guerre froide naît. Si le réalisateur adopte le point de vue du juge américain que le gouvernement américain a sorti de sa retraite pour venir conduire ce procès, Stanley Kramer préfère mettre les spectateurs dans sa peau comme témoin avant tout, comme vecteur.
Par un procédé aussi risqué qu’inventif, le cinéaste parvient à basculer de la langue allemande à l’anglais, pour offrir ainsi à ses comédiens un plus grand confort de jeu, mais aussi pour une meilleure exportation du film à l’international. Durant sa première plaidoirie, l’avocat Hans Rolfe (Maximilian Schell, qui reprend son rôle tenu dans le téléfilm), s’exprime tout d’abord en allemand, traduit en anglais par des traducteurs via un micro relié à des écouteurs portés par les américains. Par un effet de mise en scène inattendu, la langue bascule définitivement en anglais, tandis que les traducteurs continuent visiblement leur travail dans leur cabine. John McTiernan s’inspirera de ce subterfuge pour faire parler Sean Connery en anglais, après s’être rapidement exprimé en russe, dans A la poursuite d’Octobre Rouge. Jugement à Nuremberg peut alors véritablement démarrer.
180 minutes filmées comme un thriller ! Pas un seul moment de répit. Le spectateur est aspiré dans cet affrontement qui se tient essentiellement dans un tribunal. Stanley Kramer redouble d’inventivité derrière la caméra pour maintenir l’attention du spectateur (zooms sur les visages, sur les gestes, travellings, plans de grue), tandis que le grand chef opérateur Ernest Laszlo, collaborateur attitré de Robert Aldrich, capte les visages fatigués et les traits marqués des protagonistes. Certes, les dialogues sont très abondants, mais alors quelles répliques et surtout quels comédiens se font face et rivalisent de virtuosité ! Face à Spencer Tracy, impérial dans l’un de ses derniers rôles, apparaissent tour à tour Burt Lancaster (dans un rôle quasi-muet et qui ne s’exprime réellement qu’au bout de deux heures de film), Richard Widmark, dont le tempérament de feu explose l’écran une fois de plus, Marlene Dietrich qui représente l’Allemagne « victime » des atrocités du dictateur, Maximilian Schell, époustouflant et saisissant (lauréat de l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle et du Golden Globe du meilleur acteur dans un film dramatique), Judy Garland (bouleversante) et Montgomery Clift qui incarne la victime d’un faux procès qui a conduit à sa stérilisation en raison de ses troubles mentaux.
Entre deux plaidoiries, toutes plus extraordinaires les unes les autres, Stanley Kramer s’offre quelques moments pour permettre à ses personnages (et aux spectateurs) de souffler, en mettant le nez à l’extérieur, en suivant Haywood déambuler dans les rues de Nuremberg, près des habitations en ruine et des lieux où Hitler crachait ses discours devant ses admirateurs au bras levé. La rencontre d’Haywood avec madame Berthold (Marlene Dietrich) le place face au ressenti d’une nation tout entière, consciente d’être désignée comme coupable, mais également comme victime puisqu’inconsciente (ou non) des actes atroces commis par les nazis envers les juifs dans les camps de concentration. A ce titre, Jugement à Nuremberg reste également très célèbre pour la séquence où le colonel Ted Lawson (Richard Widmark) fait projeter à l’assemblée les (authentiques) images tournées durant la libération des camps, avec les corps dans les charniers, les enfants parqués, le fruit des expériences menées par les « scientifiques » du Troisième Reich.
Stanley Kramer expose les faits, les paroles tenues d’un côté et de l’autre. Bien sûr, l’issue est connue de tous, mais le cinéaste et Abby Mann (Oscar du meilleur scénario) vont plus loin en montrant que ces quatre monstres exposés à la vue de tous sont avant tout des êtres humains dont la pensée et les actes ont été « libérés » par un autre, grâce à son charisme, à son talent d’orateur, à son « patriotisme ». Les auteurs ne stigmatisent pas seulement les allemands (« si l’Allemagne est coupable, le monde l’est aussi, y compris les industriels américains qui ont participé au réarmement de l’Allemagne » déclare Rolfe), et démontrent que le mal est universel, qu’il n’a pas de visage et qu’il peut frapper à nouveau si nous n’y prenons pas garde.
Comment répondre à la question de la responsabilité individuelle et collective ? Comment sanctionner une nation alors que les Etats-Unis tentaient de s’en faire un allié contre les Soviétiques au tout début de la guerre froide ? Le jugement rendu par Hayward devrait être diffusé et étudié dans toutes les écoles, tandis que la dernière réplique du personnage – qui tombe comme un couperet – envers celui campé par un Burt Lancaster incroyable dans le rôle du démon conscient de ses actes, ne cesse de trotter dans la tête. Jugement à Nuremberg est un immense chef d’oeuvre. Sur onze nominations aux Oscars, le film est récompensé par deux statuettes, tandis que Stanley Kramer reçoit de son côté le Golden Globe du meilleur réalisateur.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Jugement à Nuremberg, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. Jaquette sobre, concentrée sur les visages des immenses stars du film. Le menu principal est fixe et musical. A noter que le film n’est pas présenté avec ses cartons d’ouverture, d’entracte et de fermeture diffusés à sa sortie, en raison de sa durée de 3 heures. Jugement à Nuremberg était sorti en DVD en 2004 chez MGM dans une édition aujourd’hui complètement obsolète.
Le premier supplément est une discussion entre l’auteur et scénariste Abby Mann et le comédien Maximilian Schell, réalisée en 2004 (20’). Si les deux intervenants passent un peu trop de temps à se féliciter l’un et l’autre (Abby Mann n’hésite pas à lui dire que le succès du film lui revient), ce rendez-vous permet d’en savoir plus sur la genèse et la première adaptation de Judgment at Nuremberg (dont nous parlons dans la critique), mais aussi et surtout de la performance de Maximilian Schell. Ce dernier évoque également son interprétation d’Ernest Janning (rôle tenu par Burt Lancaster dans le film) dans l’adaptation pour le théâtre, jouée à Broadway en 2001. Quelques anecdotes de tournage sont également au programme.
Karen Sharpe Kramer, épouse et veuve du cinéaste, évoque sa rencontre avec Stanley Kramer, les thèmes récurrents de l’oeuvre de feu son époux, sa passion pour le cinéma et son rapport aux comédiens (2004 – 14’30). Des photos de plateau de Jugement à Nuremberg viennent illustrer l’ensemble, ainsi qu’une intervention d’Abby Mann.
Ce dernier est de retour dans le dernier module intitulé La Valeur d’un seul être humain (6’), qui se focalise cette fois sur le verdict du juge Haywood, sur l’écriture de Jugement à Nuremberg et les intentions de l’écrivain.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Oui de très nombreuses tâches, des points noirs et d’autres poussières apparaissent encore fréquemment à l’image, mais le master HD de Jugement à Nuremberg ne déçoit pas. Quelques images d’archives au tout début font craindre le pire, mais la vraie copie apparaît dès l’arrivée du juge Haywood à Nuremberg avec des transparences toutefois très artificielles sur les scènes en voiture. Pas de réducteur de bruit, le grain est présent, la gestion est même parfois aléatoire avec une image plus grumelée sur certains aplats. Les très nombreux gros plans regorgent de détails (la sueur sur la peau, les cicatrices sur le visage de Montgomery Clift, le maquillage de Burt Lancaster), le rendu des matières (les boiseries) est palpable, la copie est stable. Le N&B est peut-être un peu léger, mais les contrastes trouvent un équilibre plaisant.
Pas de son HD. On peut d’abord tiquer quant à la présence d’une piste anglaise Dolby Digital 5.1, mais celle-ci parvient à tirer son épingle du jeu du point de vue spatialisation de la musique et sur les scènes en extérieur, même si tout reste relatif et anecdotique. N’hésitez pas à sélectionner la mixage anglais PCM 2.0, la meilleure option de ce Blu-ray, même si l’écoute reste souvent étouffée et marquée par un souffle. La version française vaut surtout pour son casting royal composé de Serge Nadaud, Claude Bertrand, Raymond Loyer, Lita Ricio, Roger Rudel…
GUY réalisé par Alex Lutz,disponible en DVD le 9 janvier 2019 chez Studiocanal
Acteurs : Alex Lutz, Tom Dingler, Pascale Arbillot, Brigitte Roüan, Dani, Nicole Calfan, Élodie Bouchez, Bruno Sanches…
Scénario : Alex Lutz, Thibault Segouin, Anaïs Deban
Photographie : Mathieu Le Bothlan
Musique : Vincent Blanchard, Romain Greffe
Durée : 1h37
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
Gauthier, un jeune journaliste, apprend par sa mère qu’il serait le fils illégitime de Guy Jamet, un artiste de variété française ayant eu son heure de gloire entre les années 60 et 90. Celui-ci est justement en train de sortir un album de reprises et de faire une tournée. Gauthier décide de le suivre, caméra au poing, dans sa vie quotidienne et ses concerts de province, pour en faire un portrait documentaire.
C’est la grande surprise de la fin d’été 2018. Guy, second long métrage réalisé par Alex Lutz est un documenteur passionnant, troublant, fascinant et surtout merveilleusement interprété. Né à Strasbourg en 1978, Alexandre Lutz aka Alex Lutz, fait ses débuts au cinéma en 2008 dans Les Femmes de l’ombre de Jean-Paul Salomé. Parallèlement à son succès sur scène, il apparaît dans OSS 117 : Rio ne répond plus (2009), puis dans moult comédies pas franchement réussies (euphémisme) comme La Croisière, Bowling, Turf, Les Visiteurs : La Révolution, Les Aventures de Spirou et Fantasio. Pourtant, malgré la qualité « relative » de ces films, Alex Lutz a toujours brillé à chaque apparition. Pour son spectacle sobrement intitulé Alex Lutz, il se voit récompenser par le Molière de l’humour en 2016. A la télévision, depuis 2012 sur Canal+, il interprète la blonde du tandem Catherine et Liliane, aux côtés de son comparse l’excellent Bruno Sanches, dans la revue de presse du Petit Journal de Yann Barthès. En 2015, il passe tout naturellement de l’autre côté de la caméra avec sa première mise en scène, Le Talent de mes amis, qui passe complètement inaperçu. Trois ans plus tard, débarque ce Guy dont on n’attendait rien ou pas grand-chose, et qui pourtant s’impose comme une très grande réussite. En reprenant le personnage d’un de ses sketchs joué à la cérémonie des Molières, Alex Lutz explose littéralement à l’écran. Un rôle qui le place en grand favori pour le César du meilleur acteur. Le film est d’ailleurs nommé dans trois autres catégories, meilleur réalisateur, meilleur film et meilleur scénario original.
Après avoir vu le film, le personnage de Guy nous accompagne. Son lent débit, ses doigts qui tiennent une cigarette fine, son regard qui semble toujours perplexe, sa bouche souvent ouverte (on a l’impression de voir André Dussollier), ses gestes ralentis, ses tâches de vieillesse (incroyable maquillage qui nécessitait plus de 4 heures pour transformer Alex Lutz), son dos courbé, ses cheveux blancs qui volent au vent. Guy c’est l’incarnation d’une idole qui a vieilli en même temps que ses fans. Si le film est souvent ponctué de répliques drôles et vachardes, Guy est une œuvre furieusement mélancolique. La tirade finale sur le temps qui passe, sur la postérité, sur le souvenir et la transmission foudroie le spectateur en plein coeur et il est alors difficile de retenir ses larmes.
Sous couvert d’un vrai documentaire sur une fausse star de la chanson française (inspiré d’Herbert Léonard, Guy Marchand, Michel Delpech, Julien Clerc, Frank Michael et bien d’autres), Alex Lutz, également auteur avec Vincent Blanchard et interprète des chansons originales créées spécialement pour le film (un vrai répertoire), s’interroge sur la brièveté de l’existence, en nous donnant envie de profiter au maximum du peu de temps qui nous est imparti. Film étonnamment riche et complexe, Guy délivre son message de façon subliminale, tandis que nous admirons le jeu d’Alex Lutz, qui nous fait croire à ce personnage, y compris une fois le film terminé. L’acteur-réalisateur s’entoure de solides comédiens, la géniale et trop rare Pascale Arbillot dans le rôle de la compagne dévouée et qui équilibre son compagnon, Tom Dingler qui incarne Gauthier, dont le spectateur adopte le point de vue du début à la fin, celui d’un fils qui découvre son père (qui ne sait rien de cette paternité), qui l’observe, qui le découvre, qui apprend à l’aimer. Nicole Calfan, Dani, Elodie Bouchez, Brigitte Roüan, Bruno Sanchez, ainsi que quelques vedettes de la radio et de la télévision participent à l’authenticité du film, tout comme les reconstitutions des shows à la Maritie et Gilbert Carpentier façon Podium.
Guy est le portrait d’un artiste quelque peu oublié des médias, qui n’a pourtant jamais cessé de travailler. C’est aussi une déclaration d’Alex Lutz envers son public, puisqu’on y ressent une envie folle d’aimer et d’être aimé. Pour résumer, Guy, présenté à la Semaine de la Critique du festival de Cannes, est un vrai petit miracle, un futur film culte et probablement le meilleur biopic jamais consacré à un artiste français.
LE DVD
Guy s’est malheureusement soldé par un échec dans les salles, d’où l’absence d’édition HD pour ce titre. Le DVD repose dans un boîtier Amaray classique de couleur noire. La jaquette reprend le visuel de l’affiche. Le menu principal est fixe et musical.
Pas grand-chose en guise de suppléments…quatre teasers d’une minute chacun, qui font également office de scènes coupées avec Guy à la radio, avec ses fans, avec Sophie et avec son webmaster.
L’Image et le son
A l’instar d’un réel documentaire ou d’un reportage pris sur le vif, le film d’Alex Lutz est la plupart du temps filmé à l’épaule. La copie est quasi exempte de défauts. Le piqué est constamment acéré sur les plans rapprochés, la colorimétrie est vive, la clarté fort agréable. Seules les séquences tournées en basse lumière apparaissent moins définies. Les contrastes sont soignés, le relief est indéniable et les séquences diurnes n’ont rien à envier à un transfert HD traditionnel.
Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, la piste Dolby Digital 5.1 instaure quelques petites ambiances latérales au moment des séquences de concert ou même en extérieur. Les dialogues sont clairs et se détachent sans mal sur la centrale. La stéréo est également de fort bon acabit et dynamique à souhait. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
ARROW– SAISON 6,disponible en DVD et Blu-ray le 28 novembre 2018 chez Warner Bros.
Acteurs : Stephen Amell, Katie Cassidy, David Ramsey, Willa Holland, Paul Blackthorne, Emily Bett Rickards, John Barrowman, Colton Haynes, Manu Bennett, Caity Lotz, Susanna Thompson, Echo Kellum…
Musique : Blake Neely
Durée : 22 épisodes de 43 minutes + 4 épisodes du crossover Crisis on Earth-X (avec Supergirl, Flash et DC’s Legends of Tomorrow)
Date de sortie initiale : 2017-2018
LA SAISON 6
Quelques mois après l’affrontement explosif avec Adrian Chase sur l’île de Lian Yu, Oliver jongle toujours entre ses responsabilités de maire et sa mission de justicier. Pour l’aider à protéger les habitants de Star City, son équipe reste soudée à ses côtés, même si tout le monde ne s’en est pas sorti indemne du cauchemar vécu sur Lian Yu. Une solidarité d’autant plus précieuse que leurs ennemis ne leur laissent pas de répit. Cayden James, le chef de Helix s’en prend désormais à l’équipe Arrow avec pour but de se venger du justicier en recrutant plusieurs mercenaires et connaissances d’Oliver dont Black Siren.
Difficile de se renouveler après 5 saisons et 115 épisodes ! Surtout après une cinquième saison épique, l’une des plus grandes du show, qui avait su apporter un vent de fraîcheur et qui reposait entre autres sur le meilleur bad-guy de la série, Prometheus. Après le final dantesque sur Lian Yu, la sixième saison démarre mollement et n’est clairement pas à la hauteur des espérances. Comme souvent, il faut attendre le crossover pour que la nouvelle saison d’Arrow démarre véritablement. Un bon tiers des épisodes font du surplace avec des intrigues éculées, indépendantes, où l’on nous ressert même Deathstroke, vedette d’un double-épisode, celui de sa quête de rédemption. Les auteurs tournent en rond, nous font croire qu’un cyber-terroriste machiavélique, Cayden James (Michael Emerson, lisse) sera le grand adversaire d’Oliver et de sa clique durant ces 23 épisodes. Pour secouer un peu la fourmilière, les scénaristes ont décidé cette saison de semer la discorde au sein de l’équipe de justiciers, au point de les séparer en deux équipes distinctes. Oliver se retrouve donc seul avec John et Felicity, tandis que Curtis (Echo Kellum, très bon), Rene (Rick Gonzalez, bad-ass) et Dinah font comme qui dirait « chambre à part ». Cette séparation fait partie du plan de celui qui manipule en réalité tout ce beau monde, Ricardo Diaz. Ce dernier est interprété par le convaincant Kirk Acevedo (Oz), qui possède la voix d’Al Pacino et une part de son charisme animal.
Le problème, c’est que les showrunners mettent bien trop de temps pour dévoiler le pot aux roses et que le peu d’intérêt des épisodes précédents finit par s’effondrer. Comme bien souvent, quelques personnages sont sacrifiés au fil des saisons. Cette fois, Paul Blackthorne aka Quentin Lance, dans sa dernière apparition dans la série, est vraiment insupportable. Il est malheureusement peu aidé par une intrigue bien trop récurrente en ce qui le concerne, autrement dit le deuil impossible de sa fille Laurel. Les scénaristes eux-mêmes ont avoué par la suite qu’ils ne savaient plus quoi lui faire faire. Il n’est pas le seul à être évincé devant le peu d’inspiration des auteurs, qui ont décidément trop de personnages à gérer, et contre toute attente c’est également au tour de Willa Holland (Thea Queen) de quitter (provisoirement?) le show.
Pour résumer (avec spoilers) cette saison diffusée du 12 octobre 2017 au 17 mai 2018 sur The CW, aux États-Unis : Cinq mois ont donc passé depuis l’explosion de Lian Yu. Oliver (Stephen Amell, qui n’a eu de cesse de s’améliorer au fil des saisons est ici parfait) a repris son poste de maire ainsi que le costume de Green Arrow. Il a recueilli son fils William, sa mère Samantha étant morte sur l’île. Sur le terrain, Oliver et son équipe doivent arrêter Alex Faust, terroriste spécialiste des explosifs financé par Black Siren (l’insupportable Katie Cassidy), que tous pensaient morte sur Lian Yu. À la suite de la révélation de la photo d’Oliver dans le costume de Green Arrow, Oliver fait l’objet d’une campagne de presse insistante et d’une enquête du FBI. Oliver ne peut donc pas renfiler le costume sans risquer d’être démasqué ni d’être tué et laisser William orphelin, mais Anatoly Knazyev revient à Star City pour s’en prendre à une délégation markovienne. Dinah (la sexy Juliana Harkavy) voit que Diggle (David Ramsey au jeu soporifique) cache la vérité sur sa condition qui le retient d’utiliser son arme sur le terrain. Sous le coup d’une enquête du FBI et avec son fils qui a besoin de sa présence, Oliver a confié le costume de Green Arrow à Diggle (rires). Dinah s’inquiète que la condition physique du nouvel archer ne soit un danger pour l’équipe, mais devant une unité para-militaire cherchant à mettre la main sur un gaz neurotoxique, c’est la capacité de Diggle à faire des choix difficiles qui pose problème.
Oliver consacre plus de temps à son fils, mais pour l’aider dans ses études, il préfère demander de l’aide à Felicity (Emily Bett Rickards, en retrait dans cette saison). Black Siren réapparaît à Star City et laisse les corps de personnes a priori sans histoire. Felicity ne peut les aider à faire le lien car Alena l’appelle au secours : Cayden James, le pirate informatique qu’elle a malgré elle fait libérer, s’est retourné contre Helix et a un plan visant à détruire le réseau Internet. Pendant ce temps, Oliver part avec Slade Wilson pour Kasnia, où Joe, le fils de Slade, est prisonnier. Slade espère utiliser une voie diplomatique pour le libérer. Diggle est donc chargé de défendre Star City alors que le « Justicier » réapparaît avec dans son viseur, la conseillère Pollard, qui défend son décret anti-justiciers. L’agent spécial Watson interroge un à un les amis de Oliver. Tandis que Slade continue de découvrir ce qu’est devenu son fils, Oliver cherche un moyen d’empêcher les attentats prévus par les Chacals. Pendant ce temps, Green Arrow mène l’équipe dans une bataille contre le « Dragon », un criminel du nom de Ricardo Diaz qui assassine et vole de la technologie coûteuse à Star City afin de fabriquer des drogues très puissantes et qui s’avère être le dealer auprès de qui John Diggle s’approvisionne afin de contrôler ses tremblements. Oliver est arrêté pour les crimes du Green Arrow alors que Black Siren et Cayden James réapparaissent pour dérober de quoi construire une bombe dévastatrice. La santé de John empire et personne n’est de taille à être le Green Arrow contre la menace.
A la fin du crossover en quatre parties (voir notre chronique sur la quatrième saison de Flash), Oliver et Felicity célèbrent leur mariage lors d’une grande réception. Mais rapidement, leurs missions les rappellent : l’agent Watson a un témoin prêt à dénoncer Oliver sous serment, visiblement un membre de l’équipe, et au même moment, Black Siren enlève Quentin Lance pour forcer le Green Arrow à voler un bien détenu par ARGUS. Devant l’importance des enjeux, Oliver commence à remettre en question la confiance qu’il a en son équipe. L’équipe se sépare. Oliver se retrouve seul à affronter sur le terrain Cayden James, mais il a la surprise de voir que le hacker s’est associé avec plusieurs ennemis de Green Arrow. Cayden James commence une vague de piratage des infrastructures de Star City et les premières victimes se font vite connaître. Oliver se prépare à agir à la fois en tant que maire et Green Arrow, tout en espérant une collaboration avec ses anciens alliés. Oliver et John découvrent que le Vigilante est un agent double et collabore avec Dinah, Curtis et Rene pour faire tomber Cayden James. L’ARGUS s’étant montré incapable de contrer la menace du hacker sur Star City, Oliver accepte l’aide du justicier. Quentin pense pouvoir se rapprocher de Laurel. Felicity et Alena parviennent à prouver que la vidéo du meurtre d’Owen James a été trafiquée. Cayden James lance alors un dernier ultimatum : lui livrer ses trois anciens partenaires en vie avant minuit ou la bombe qui rasera Star City explosera. Mais Dinah est résolue à saisir la première opportunité pour tuer Black Siren.
La mort de Cayden James met Star City et son maire, Oliver Queen, dans une situation délicate : les 70 millions extorqués par le hacker ont disparu et Star City risque la faillite totale. Felicity découvre que c’est Black Siren qui a récupéré l’argent, avant de disparaître. L’autre Laurel a en fait été recueillie par Quentin en secret, persuadé de pouvoir la ramener dans le droit chemin. Black Siren s’est rendue à la police de Star City en se présentant comme Laurel Lance. Sa disparition soudaine permet de découvrir que c’est Ricardo Diaz qui tire les ficelles depuis la mort de Cayden James et qu’une partie de la police est sous ses ordres. Oliver a un autre objectif : Roy Harper a été capturé et torturé pour témoigner contre lui, et Thea veut le faire libérer. Thea se prépare pour une nouvelle vie avec Roy loin de Star City mais Nyssa al Ghul revient avec à ses trousses une nouvelle ligue des Assassins fondée avant sa mort par Malcolm Merlyn. Thea reconsidère alors son avenir tout comme Oliver qui peine à redonner le costume de Green Arrow à John. Dinah et Curtis continuent à démasquer un à un les policiers corrompus par Diaz. À mesure qu’Oliver combat le réseau de Ricardo Diaz, il découvre à quel point il s’étend dans Star City. John comprend qu’Oliver ne lui rendra pas le costume de Green Arrow, ce qui le met dans une colère sourde qu’il ne s’explique pas. Oliver, dans son premier costume d’Arrow, se lance dans une opération suicide, affrontant à lui seul les policiers corrompus qui protègent Ricardo Diaz. Quelques heures auparavant, il se débattait avec le conseil municipal qui envisage de lancer la procédure de destitution et constatait sa solitude alors que tous ses anciens alliés sont partis.
Ricardo Diaz quitte Star City avec Laurel pour la nouvelle étape de son plan : obtenir un rendez-vous avec les dirigeants du Quadrant, une organisation criminelle secrète mais puissante. Laurel va avoir l’occasion de découvrir ce qui pousse son partenaire à toujours prévoir un plan de longue durée. Oliver agit désormais seul comme justicier dans Star City. Felicity n’assurant plus ses arrières, elle se plonge dans le travail d’Helix avec Curtis. Rene sort de l’hôpital, prêt à renfiler le costume de Wild Dog et combattre le réseau de Diaz. Les Outsiders vont tomber sur une opération du Quadrant, déjà surveillée par ARGUS et Diggle. Oliver prend le risque de confronter Knazyev avec une offre : il peut réintégrer la Bratva s’il le souhaite, mais l’ancien Pakhan affirme renoncer à l’honneur de son ancien clan pour rester fidèle à Diaz, même s’il n’a aucun honneur. À peine prend-il le siège de maire que Quentin Lance découvre que Laurel est restée aux ordres de Diaz.
Le procès d’Oliver Queen pour ses actes de vigilantisme commence et Diaz a tout fait pour que le verdict soit coupable. Alors que les témoins défilent et que certains remettent en question leur allégeance envers le Dragon, Diggle a prévu un plan pour sortir Oliver libre du procès. Puisque Ricardo Diaz n’a pas réussi à faire tomber Oliver Queen et l’envoyer en prison, il change de plan et lance toutes ses forces pour le tuer avec son entourage. Les justiciers doivent se réunir avec le soutien d’ARGUS, mais aussi leur atout : Anatoly Knyazev, qui joue les agents doubles avec Diaz. Avec son arrangement avec Samandra Watson, Oliver a désormais le soutien du FBI pour démanteler le réseau de Ricardo Diaz au sein de Star City. Quentin Lance, en tant que maire et père d’adoption de Black Siren, devient la cible des pressions de Diaz. Pendant le combat, Oliver se réconcilie avec ses anciens alliés, prêt à leur confier la tâche de protéger la ville.
Quant au dénouement…nous ne le révélerons pas ici, mais cette saison 6 en demi-teinte n’est clairement pas à la hauteur de la précédente. La faute à trop d’épisodes qui ne servent tout simplement à rien. Cette fois, une bonne moitié de la saison rame trop pour retenir l’attention. n’ayant plus recours à l’intrigue parallèle sous forme de flashbacks, procédé qui commençait à s’épuiser et à fatiguer les spectateurs, les showrunners ont perdu leur appui quand ils étaient en manque d’inspiration. C’est donc ici flagrant puisqu’ils doivent désormais se concentrer sur le présent de leurs personnages, qui tournent souvent en rond, pour revenir à leur point de départ. Les spectateurs américains commencent d’ailleurs à se lasser puisque cette saison a enregistré les pires audiences depuis le début de la série. Nous l’avons déjà évoqué, mais le crossover en quatre épisodes est en revanche passionnant, excellemment réalisé et se permet même de surpasser la plupart des films DC Comics en dosant parfaitement l’action, l’humour, l’émotion, avec d’excellents effets visuels. Néanmoins, la saison va en s’améliorant et il faut s’armer de patience (beaucoup trop de longueurs, de redondances) car cela vaut franchement la peine. La série n’a jamais été aussi brutale et la violence de certaines séquences étonne. Diaz est un antagoniste très intéressant, torturé à souhait, déchaîné, cinglé et ses actes feraient parfois passer Deathstroke pour un enfant de choeur. L’épisode qui lui est entièrement consacré est d’ailleurs l’un des meilleurs de la saison.
Malgré cette semi-déception, on a quand même hâte de découvrir la septième saison (diffusée actuellement) afin de voir si les auteurs sauront cette fois être à la hauteur du twist qui clôturait la précédente. D’autant plus que la fin de la série est cette fois indéniablement envisagée.
LE BLU-RAY
La sixième saison d’Arrow en Blu-ray, disponible chez Warner Bros., se compose de quatre disques placés dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné. La liste des épisodes apparaît au verso, tout comme celle des suppléments. Le menu principal est identique sur les quatre Blu-ray, fixe et musical, qui reprend le visuel de la jaquette. Signalons que l’éditeur a eu la bonne idée de proposer l’intégralité de l’épisode crossover divisé sur les quatre séries DC. Cette édition se compose donc de 26 épisodes de 42 minutes.
Sur le premier disque, nous trouvons un module consacré au parcours de Slade Wilson aka Deathstroke au fil des précédentes saisons, jusqu’à son apparition dans la saison 6 (12’). Un bonus classique, composé d’images d’épisodes et d’interviews des producteurs.
Le second Blu-ray contient un débat bien rythmé entre les producteurs des séries DC, qui répondent aux questions de l’animateur Hector Navarro (42’) sur la création de l’énorme crossover, Crisis on Earth-X, composé des épisodes 8 de Supergirl, Arrow, Flash et DC’s Legends of Tomorrow. C’est ici que vous apprendrez chacune des étapes ayant conduit à cette histoire de tentative d’invasion de la Terre par des soldats nazis issus d’un monde dystopique appelé Terre-X. Les spoilers sont évidemment au rendez-vous. Chacun aborde la difficulté d’écrire pour une vingtaine de personnages réunis à l’écran et sur les défis finalement relevés.
Sur le troisième disque, l’éditeur propose un supplément sur le personnage de Cayden James (11’). Même chose que pour Deathstroke, les producteurs et scénaristes se contentent de paraphraser ce qui se passe dans la série. Alors attention aux spoilers très nombreux !
L’interactivité se clôt sur un best-of du Comic-Con 2017 avec notamment un résumé des présentations des nouvelles saisons de Supergirl, Flash, Arrow, DC’s Legends of Tomorrow et Gotham (58’).
L’Image et le son
Les épisodes sont proposés au format HD (1080p, AVC). Les couleurs sont froides, toujours marquées par quelques touches vertes, caractéristiques du personnage principal. Le piqué est acéré, les contrastes au top et la profondeur de champ très appréciable. Les séquences diurnes sont éclatantes et les scènes de nuit sont aussi bien définies. Warner Bros. met la barre haute et prend soin de l’arrivée de Arrow dans les salons avec même un léger et élégant grain typique du tournage avec la caméra Arri Alexa. Le résultat est superbe et la promotion HD indispensable.
Sans surprise, seule la version originale est livrée au format DTS-HD Master Audio 5.1. Privilégiez évidemment cette option qui instaure un confort acoustique digne des plus grands blockbusters avec une spatialisation tonitruante, des effets latéraux à foison, une percutante délivrance des dialogues et une balance frontale explosive. Mention également au caisson de basses très souvent sollicité dans les scènes d’action. Les réfractaires à la V.O. devront se contenter d’une toute petite VF Dolby Digital 2.0 Stéréo au doublage nian-nian souvent indigne de la série. Etrangement, les allemands disposent d’un mixage Dolby Digital 5.1.
THE BLACK CAGE (Black Hollow Cage) réalisé par Sadrac González-Perellón,disponible en DVD le 8 janvier 2019 chez Rimini Editions
Acteurs : Julian Nicholson, Lowena McDonell, Lucy Tillett, Haydée Lysander, Marc Puiggener, Daniel M. Jacobs, Will Hudson…
Scénario : Sadrac González-Perellón
Photographie : Iván Romero
Musique : Sergio Ramis
Durée : 1h41
Date de sortie initiale: 2017
LE FILM
Une jeune fille vit dans une maison isolée, au cœur des bois, avec son père et son chien loup. A la suite d’un accident, elle a perdu un bras. Que lui est-il arrivé ? Dans la forêt, elle découvre un mystérieux cube noir. Il semble avoir la faculté d’agir sur le passé…
Etrange film que The Black Cage aka Black Hollow Cage en version originale, premier long métrage réalisé en solo de l’espagnol Sadrac González-Perellón, après quelques courts aux très beaux titres (La jaula o Analogía de los pájaros, El señor cuello largo) et une mise en scène à deux têtes avec Sonia Escolano sur Le Départ de Myna (2009). Sur The Black Cage, il officie en tant que directeur de casting, designer du cube, opérateur caméra, producteur, scénariste et bien évidemment réalisateur. The Black Cage est une proposition de science-fiction intéressante sur le papier, mais qui peine à maintenir l’intérêt du spectateur du début à la fin. Les partis pris sont froids, glacials même, la mise en scène essentiellement composée de plans fixes peut dérouter et les enjeux sont somme toute limités. Néanmoins, il y a là une vraie personnalité, une âme, un ton, une forme qui ne peuvent laisser indifférents.
Le décor avec cette villa moderne constituée de grandes baies vitrées et perdue dans les bois rappelle celui d’Ex Machina, très grand film d’Alex Garland. La ressemblance est même troublante. On pense également au poussif (pour ne pas dire chiant) Morgane de Luke Scott avec cette jeune fille étonnante cloîtrée dans un environnement high-tech. Sans tomber dans l’ennui du second, mais loin de la virtuosité du premier, The Black Cage manque de chair. Beaucoup plus convaincant sur la forme que sur le fond, le film de Sadrac González-Perellón s’apparente à une œuvre de mathématicien, avec des événements calculés qui renvoient à d’autres, qui eux-mêmes sont la résultante d’autres éléments narratifs, puisque The Black Cage évoque le voyage dans le temps. Le problème c’est que tout est tellement figé, qu’il ne se crée aucune empathie, y compris pour Alice, interprétée par Lowena McDonell, qui passe très bien à l’écran et qui participe à la part de mystère distillée par l’intrigue, mais qui est finalement peu aidée par un personnage cloisonné et réduit au maximum.
Du coup, ce drame intimiste sur le deuil impossible se regarde essentiellement comme une expérience, tout ce qui tourne autour du bras mécanique et à la rééducation de la jeune fille amputée interpelle, tout comme cette chienne « parlante » qu’Alice appelle « maman », croyant que sa mère s’est réincarnée dans le canidé. Mais rien ou presque ne touche jamais vraiment les spectateurs, surtout dans le dernier tiers où le récit part dans tous les sens, au risque de perdre les spectateurs qui auront eu la patience d’arriver jusque-là. Certaines séquences étonnent par leur violence graphique, sèche, asphyxiante, osée même puisqu’elles mettent en scène des enfants. Les images sont belles, rien à redire là-dessus et le travail du chef opérateur Iván Romero est soigné avec sa photo entre chaud et froid, le reflet des vitres omniprésentes et ce cube étrange planté dans la forêt qui n’est pas sans rappeler le monolithe de 2001, l’Odyssée de l’espace.
The Black Cage ressemble à un film de fin d’études. On sent le potentiel de Sadrac González-Perellón, qui aime le genre, l’anticipation, la science-fiction, mais il lui faudrait un vrai sujet pour éviter de tomber dans cet écueil popularisé par Christopher Nolan, qui consiste à juxtaposer des images au vernis glacé, sans rythme, à la B.O. pompeuse, en espérant être considéré comme un nouveau prodige du cinéma. Sadrac González-Perellón a encore le temps de faire ses preuves. En tout cas, même s’il apparaît trop épuré, The Black Cage témoigne d’un vrai sens esthétique et c’est déjà pas mal.
LE DVD
The Black Cage apparaît dans les bacs français sous l’égide de Rimini Editions. Le visuel de la jaquette est suffisamment étrange pour attirer la curiosité du cinéphile. Le menu principal est animé et musical.
Seule la bande-annonce est disponible comme supplément.
L’Image et le son
Pas d’édition HD pour The Black Cage, mais un DVD de fort bonne qualité avec une copie éclatante dans les scènes diurnes (en forêt principalement) et aux contrastes élégants sur les séquences sombres et nocturnes. La colorimétrie est froide, aux teintes bleutées et vertes, la définition est solide, les noirs denses. Les visages sont peut-être un peu trop lisses, mais les détails ne manquent pas sur les décors. Notons également que le format 2.39 indiqué sur la jaquette semble recadré.
Seule la version originale est disponible. La piste Dolby Digital 5.1 instaure quelques ambiances sur les latérales avec le chant des oiseaux ou les insectes nocturnes. Quelques pics musicaux profitent également au caisson de basses. Les voix se détachent sans problème sur la centrale.
MADEMOISELLE DE JONCQUIÈRES réalisé par Emmanuel Mouret,disponible en DVD le 16 janvier 2019 chez France Télévisions Distribution
Acteurs : Cécile de France, Edouard Baer, Alice Isaaz, Natalia Dontcheva, Laure Calamy, Jean-Michel Lahmi, Arnaud Dupont, Alban Casterman…
Scénario : Emmanuel Mouret d’après le roman Jacques le fataliste et son maître de Denis Diderot
Photographie : Laurent Desmet
Musique : Bach, Vivaldi, Boieldieu
Durée : 1h46
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
Madame de La Pommeraye, jeune veuve retirée du monde, cède à la cour du marquis des Arcis, libertin notoire. Après quelques années d’un bonheur sans faille, elle découvre que le marquis s’est lassé de leur union. Follement amoureuse et terriblement blessée, elle décide de se venger de lui avec la complicité de Mademoiselle de Joncquières et de sa mère…
Si toutes les femmes agissaient comme nous, l’honneur d’être une femme en serait grandi.
Mademoiselle de Joncquières est le neuvième long métrage d’Emmanuel Mouret. Neuf films réalisés en 18 ans, pour la plupart de vraies petites pépites comme Changement d’adresse (2006), Un baiser, s’il vous plaît ! (2007) et Caprice (2015), faisant du cinéaste l’un des plus précieux et atypiques du cinéma français aujourd’hui. Librement inspiré de l’histoire de Mme de la Pommeraye extrait de Jacques le fataliste et son maître, de Denis Diderot, Mademoiselle de Joncquières est une nouvelle grande réussite à inscrire au palmarès de son auteur.
L’action se déroule en France au XVIIIe siècle. Madame de La Pommeraye, jolie veuve, qui se pique de n’avoir jamais été amoureuse, finit par céder aux avances du marquis des Arcis, réputé libertin, qui la courtise avec assiduité. Deux ans plus tard, elle se rend compte que le marquis s’éloigne d’elle. Brisée et blessée dans son orgueil, elle entreprend de se venger en humiliant le marquis et l’amène à épouser mademoiselle de Joncquières, dont il s’est épris, mais dont il ignore qu’elle et sa mère sont tombées dans la prostitution suite à un revers de fortune.
En réalité, il y a toujours eu du Diderot dans chaque film d’Emmanuel Mouret. Cette fois, le cinéaste s’attaque frontalement à l’écrivain, philosophe et encyclopédiste français des Lumières, à travers l’épisode le plus célèbre de Jacques le fatalisteet son maître, déjà adapté par Robert Bresson en 1945 avec son second film, Les Dames du Bois de Boulogne. Là où Robert Bresson transposait le récit original au XXe siècle à travers un drame sombre et impitoyable, Emmanuel Mouret mise sur la reconstitution d’époque. Mettre en scène un film en costume aujourd’hui est un pari que le cinéaste relève haut la main. Certes, la réalisation pourrait passer pour académique, mais Mademoiselle de Joncquières n’a rien de poussiéreux. Sa modernité étonne et d’ailleurs détonne avec son rythme vif et soutenu comme un thriller, ses dialogues percutants et pourtant respectueux du texte original, sans oublier les plans-séquences qui instaurent une vraie tension psychologique.
A ce petit jeu, Cécile de France est parfaite dans le rôle de Madame de la Pommeraye et sa maturité convient parfaitement à ce personnage de femme blessée et vengeresse. Face à elle, Edouard Baer n’a rien à lui envier et campe un marquis libertin très attachant dans sa complexité, tout en conservant son flegme habituel et son allure de dandy. Comme si Emmanuel Mouret prenait le comédien et nous révélait la face cachée de son personnage avec une réelle mélancolie. Sous couvert d’un vrai portrait de femme, Mademoiselle de Joncquières est également et surtout le récit initiatique d’un homme qui va découvrir l’amour pour la première fois et qui saura rester droit et digne lorsqu’il apprendra qu’il a été dupé et manipulé par son ancienne conquête. La présence du couple vedette à la prochaine cérémonie des César (le film est nommé six fois) est donc amplement justifiée et méritée, tout comme l’aurait été celle de la formidable Laure Calamy, qui interprète ici Lucienne, l’amie de Madame de La Pommeraye (inventé ici pour le film), et celle de la jolie Alice Isaaz (La Crème de la crème, Rosalie Blum) aka Mademoiselle de Joncquières qui devient malgré-elle l’instrument de la vengeance. Sans oublier la comédienne bulgare Natalia Dontcheva, poignante dans le rôle de la mère de la jeune fille.
On pourrait donc croire qu’Emmanuel Mouret s’efface derrière ses protagonistes, ce qui n’est pas du tout le cas, même s’il n’apparaît pas devant la caméra cette fois. Ses œuvres précédentes ont toujours été marquées par le thème de l’amour, sous toutes ses formes, c’est même la veine principale de chacun de ses films. Mais c’est comme si tout son travail passé devait conduire inévitablement le cinéaste à Mademoiselle de Joncquières, récit qui lui revenait de droit. Il s’en acquitte avec une suprême élégance et une grande délicatesse qu’il souligne à travers les compositions de Bach, Vivaldi et Boieldieu, dans de merveilleux décors et une clarté (de la photo aux costumes de soie clinquants) qui contraste avec les desseins les plus obscurs, ceux du coeur blessé de Madame de la Pommeraye.
Mademoiselle de Joncquières est assurément l’un des plus grands et passionnants films de 2018. A ce jour, il s’agit du plus grand succès dans les salles d’Emmanuel Mouret avec près de 550.000 entrées et c’est largement mérité.
LE DVD
Le test du DVD de Mademoiselle de Joncquières, disponible chez France Télévisions Distribution, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur propose deux petites scènes coupées (4’). La première montre Madame de La Pommeraye, qui se confie à son amie Lucienne, quant à la fin de sa relation avec le marquis des Arcis. Emmanuel Mouret a finalement préféré supprimer le dialogue et montrer uniquement les deux femmes aux spectateurs, qui comprennent par eux-mêmes ce qui vient de se passer. La seconde scène est un dialogue entre le marquis des Arcis et un médecin (Laurent Stocker) dépêché pour s’occuper de Mademoiselle de Joncquières, après qu’elle ait été retrouvée inconsciente.
Ne manquez surtout pas le superbe court-métrage d’Emmanuel Mouret intitulé Aucun regret (2015-22’). Aurélie (Katia Méran) et Célia (Fanny Sidney) sont deux amies de l’école des beaux-arts quand Olivier (Mathieu Métral), un bel étudiant en architecture, séduit Aurélie. Célia la met en garde, il a mauvaise réputation avec les filles. Mais Aurélie ment alors à Célia en l’assurant qu’elle n’est pas intéressée par Olivier et cache qu’elle a accepté un rendez-vous. L’ombre de Diderot (et celle de Rohmer aussi) plane une fois de plus sur ce film sensuel et très sensible.
L’Image et le son
On ne change pas une équipe qui gagne et Emmanuel Mouret a de nouveau fait appel au chef opérateur Laurent Desmet, directeur de la photographie du metteur en scène depuis Changement d’adresse en 2006. Si les contrastes sont un peu léger, force est d’admettre que la copie se révèle claire et lumineuse, le relief est appréciable, la colorimétrie chatoyante, la profondeur de champ présente, le piqué ciselé et les détails indéniables aux quatre coins du cadre. Dommage de ne pas disposer d’édition HD pour Mademoiselle de Joncquières, d’autant plus que le film a été excellemment reçu par la critique et même par le public avec un très joli score dans les salles.
Comme à son habitude, Emmanuel Mouret privilégie la musique classique et Mademoiselle de Joncquières mixe les compositions de Bach, Vivaldi et Boieldieu, admirablement délivrées et spatialisées par le mixage Dolby Digital 5.1. Les voix s’imposent sans mal sur la centrale. Quelques ambiances naturelles parviennent à percer sur les latérales lors des séquences en extérieur, la balance gauche-droite est dynamique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
BILLIONAIRE BOYS CLUB réalisé par James Cox,disponible en DVD le 19 janvier 2019 chez Metropolitan Vidéo
Acteurs : Ansel Elgort, Taron Egerton, Kevin Spacey, Emma Roberts, Ryan Rottman, Jeremy Irvine, Thomas Cocquerel, Bokeem Woodbine, Barney Harris…
Scénario : James Cox, Captain Mauzner
Photographie : James M. Muro
Musique : Joel J. Richard
Durée : 1h44
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
Au milieu des années 1980, le jeune et ambitieux Joe Hunt, un entrepreneur dont la société Billionaire Boys Club est composée d’héritiers fortunés de Beverly Hills, met en place une arnaque basée sur une chaîne de Ponzi. Mais quand arrive l’heure des comptes, la panique s’empare des associés accusés d’homicide.
Billionaire Boys Club vaut pour deux raisons. La première, c’est que le quatrième long métrage de James Cox (Wonderland) réunit deux stars montantes du cinéma hollywoodien, Ansel Elgort, découvert dans la saga Divergente, Nos étoiles contraires et surtout dans Baby Driver d’Edgar Wright, et Taron Egerton, révélation de Kingsman : Services secrets, formidable dans Eddie the Eagle de Dexter Fletcher. La seconde, c’est qu’il s’agit à ce jour du dernier film interprété par Kevin Spacey à avoir connu les « honneurs » d’une sortie dans les salles américaines depuis les multiples accusations à son encontre de harcèlement sexuel, d’agressions sexuelle, voire de tentatives de viol. On connaît ce qui a suivi avec son renvoi définitif de la série House of Cards, l’annulation de la sortie de Gore de Michael Hoffman, sans oublier son remplacement par Christopher Plummer dans Tout l’argent du monde de Ridley Scott. Billionaire Boys Club est donc un film « rescapé » dans le sens où il a bien été exploité au cinéma aux Etats-Unis. Toutefois, éclaboussé par le scandale de l’affaire Harvey Weinstein et du phénomène #MeToo, Billionaire Boys Club a connu un échec retentissant avec seulement 126 dollars récoltés le vendredi, le jour de sa sortie (technique), à peu près 450 dollars le week-end. Un bide certainement pas mérité, car bien que le film de James Cox ne soit pas original ni sur le fond, ni sur la forme, l’excellence des comédiens vaut largement le détour.
En 1983, de jeunes hommes richissimes fondent le Billionaire Boys Club, un club d’investissement créé par le génie de la finance Joe Hunt et le joueur de tennis Dean Karney. Ils dépensaient follement notamment l’argent investi par des investisseurs. Jusqu’au jour où les fonds ont tourné court en 1984, les membres de l’association se sont tournés vers le banditisme ce qui les mena à tuer Ron Levin, un escroc qui leur aurait volé plusieurs millions de dollars.
Dispensé d’une sortie dans les salles françaises, Billionaire Boys Club est vendu comme étant un « Nouveau Loup de Wall Street », jusque dans le visuel de la jaquette du DVD qui rappelle l’affiche et les couleurs du chef d’oeuvre de Martin Scorsese. Alors, oui il y a quelques points communs, notamment ce qui touche aux arnaques financières, mais cela s’arrête là. Les personnages sont ici très jeunes, sortent de l’université et ont les dents qui rayent le parquet. Certains sont issus de la classe moyenne et tous rêvent de faire fortune en s’installant à Beverly Hills. Les USA sont en pleine ère Reagan, l’argent est roi, la réussite est vantée comme seule ligne directrice, c’est l’American Dream. Les « héros » de Billionaire Boys Club ont tout misé et surtout tout tenté pour avoir leur part du gâteau.
Au-delà de son cachet « Tiré d’une histoire vraie », le film dévoile les rouages de cette entreprise basée sur quelques montages financiers frauduleux qui consistent à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Jusqu’au jour où tout s’écroule, quand les sommes procurées par les nouveaux entrants ne suffisent plus à couvrir les rémunérations des clients Le système de Ponzi. Concou Bernard Madoff ! Billionnaire Boys Club est un film scolaire, mais divertissant, plaisant et qui vaut le coup grâce à ses acteurs. Baby Driver contre Kingsman donc, mais aussi Kevin Spacey bien sûr qui se délecte dans un rôle de salopard, sans oublier la lumineuse Emma Roberts et une amusante apparition de Cary Elwes dans le rôle d’Andy Warhol. On suit volontiers le parcours de ces jeunes arrivistes qui ont cru pouvoir jouer dans la cour des grands, mais qui ont été très vite rattrapés par la réalité, jusqu’à franchir le point de non-retour pour certains. Certes, Billionnaire Boys Club se révèle souvent bavard, mais il s’en dégage une vraie énergie contagieuse.
LE DVD
Le test du DVD de Billionnaire Boys Club, disponible chez Metropolitan, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est très légèrement animé et musical. Le boîtier est glissé dans un surétui cartonné. Pas d’édition HD pour ce titre.
Nous ne trouvons qu’un lot de bandes-annonces en guise de supplément.
L’Image et le son
Comme pour ses sorties traditionnelles, Metropolitan soigne autant le transfert de ce DTV qu’un blockbuster et l’image de Billionnaire Boys Club ne déçoit pas. Le piqué est soigné, la clarté de mise, le grain respecté, le cadre offre un lot conséquent de détails et la colorimétrie brille de mille feux. Evidemment, la copie est d’une propreté immaculée, les contrastes sont denses, les intérieurs agréablement feutrés, et malgré un sensible bruit vidéo, les meilleures conditions techniques sont réunies et la définition est exemplaire.
En anglais comme en français, les mixages Dolby Digital 5.1 parviennent à créer une sensible spatialisation, avec une plus grande homogénéité pour la version originale. Certes, la balance frontales-latérales profite surtout à la musique mais quelques ambiances naturelles parviennent à percer sur les séquences en extérieur avec les bruits de la circulation. Les voix sont claires et distinctes, la spatialisation musicale systématique et le confort acoustique solide. En revanche, le doublage français est inapproprié.