Test Blu-ray / Street Trash, réalisé par Jim Muro

STREET TRASH réalisé par Jim Muro, disponible en DVD et combo DVD-Blu-ray-Livret le 24 avril 2018 chez ESC Editions

Acteurs :  Mike Lackey, Bill Chepil, Vic Noto, Marc Sferrazza, Jane Arakawa, Nicole Potter, Pat Ryan, Clarenze Jarmon, Roy Frumkes…

ScénarioRoy Frumkes

Photographie : David Sperling

Musique : Rick Ulfik

Durée : 1h42

Année de sortie : 1987

LE FILM

Fred et Kevin sont deux adolescents paumés qui vivent dans une décharge, au royaume des clochards. Par misère ou méchanceté, tous ceux qui gravitent autour du bidonville leur en veulent et essaient d’avoir leur peau, sans compter un alcool frelaté qui transforme les buveurs en une flaque de bouillie jaunâtre.

Street Trash est un film culte, un vrai. Ne ressemblant à aucun autre, unique en son genre encore trente ans après, le seul long métrage réalisé par Jim Muro reste emblématique du cinéma d’horreur des années 1980. A la seule évocation du titre, l’affiche nous apparaît avec ces deux chevilles encore fumantes plantées dans des godasses posées devant des toilettes, avec une bouteille d’alcool vidée de son contenu. Comédie d’épouvante, Street Trash n’est certes pas un chef d’oeuvre, mais cela ne l’a pas empêché de traverser le temps et d’être toujours aussi chéri par les aficionados.

Dans les tréfonds de sa réserve, le propriétaire d’une petite boutique de spiritueux découvre par hasard une caisse d’un alcool frelaté de marque Viper. Mises en vente à 1$ pièce, les bouteilles trouvent très vite preneurs, achetés par les marginaux et clochards qui peuplent une casse automobile du quartier. Ses effets sont dévastateurs, le breuvage d’origine inconnue décapant de l’intérieur ceux qui l’ingurgitent, dans un éventail de couleurs. Un flic brutal, Bill, décide de mener l’enquête sur ces étranges disparitions. Son travail le mène à Bronson, vétéran du Vietnam, chef autoproclamé des sans-abri, qui règle sur la casse et le quartier à l’aide d’un fémur humain transformé en couteau aiguisé.

Bienvenus dans Street Trash ! Ici, la crasse, la violence et la mort sont reines et omniprésentes. A peine le film commence qu’un personnage se retrouve derrière un autre qui lui lâche une grosse caisse au nez, avant même la première réplique. Mais ce qui frappe aussi d’emblée, c’est la mise en scène. Devenu l’un des plus grands spécialistes du steadicam, James M. Muro, alias Jim Muro, alors âgé de 21 ans, plonge le spectateur dans une sorte de monde parallèle planté à quelques kilomètres de Manhattan puisque les tours du World Trade Center apparaissent au loin. En glissant littéralement sur le bitume craquelé avec sa caméra, Jim Muro présente le territoire de ces laissés-pour-compte vivant dans la fange, qui ont appris à faire avec et dont la vie se résume à une loi de la jungle régie par la consommation d’alcool qui permet de faire passer le temps. Quant aux femmes, également présentes, leurs vies se résument à assouvir les pulsions sexuelles des mecs toujours en rut.

S’il ne signera que quelques épisodes de séries diverses en tant que metteur en scène (Southland, Animal Kingdom, Longmire), Jim Muro aura surtout travaillé avec les plus grands en tant que cameraman, chez Michael Mann (Heat, Révélations, Miami Vice – Deux flics à Miami), James Cameron (Abyss, Titanic, Terminator 2 : Le Jugement Dernier), Brian de Palma (L’Esprit de Caïn), Oliver Stone (JFK, L’Enfer du dimanche), Martin Scorsese (Casino) ou Kathryn Bigelow (Point Break – Extrême limite, Strange Days). Bon, son C.V. indique également Brett Ratner (Dragon rouge, X-Men: L’affrontement final, Rush Hour 3), mais quand même ! Son talent explose dans Street Trash. S’il a aujourd’hui totalement renié son film, Jim Muro livre pourtant une œuvre souvent jubilatoire, constamment inventive, qui parvient même à contourner la censure en utilisant des giclées multicolores Pop art lors des séquences d’horreur (effets spéciaux encore très réussis aujourd’hui), quand les personnages fondent après avoir bu leur gnôle.

Sous ses allures de gros délire gore réalisé par des étudiants en cinéma de la School of visual arts de New-York sous la houlette d’un de leurs professeurs, Roy Frumkes, Street Trash peut également se voir comme un « document » sur celles et ceux qui représentent la face cachée de la politique libérale reaganienne, les rebuts du rêve américain. Alors que les buildings brillent de mille feux dans la brume (ou la pollution), les bâtisses branlantes et les boutiques mal famées font le quotidien des habitants qui ont atterri là parce qu’ils ne pouvaient sans doute pas faire autrement.

Le problème de Street Trash, qui était à l’origine un court-métrage, c’est son manque de rythme. Le film s’apparente à une série de sketches reliés par le fil rouge des bouteilles d’alcool frelaté. Si Jim Muro parvient à maintenir l’intérêt sur 1h40 au moyen de quelques séquences savoureuses et mythiques, dont une partie de football américain où une bite tranchée remplace le ballon ovale, Street Trash contient quelques ventres mous et l’ennui peut s’installer. Et dire que le montage original durait 2h40 !

Satire sociale désopilante et pourtant bien acérée sur les bas-fonds dégueulasses de la société new-yorkaise, bourrée d’idées visuelles à chaque plan, Street Trash est loin de proposer un discours neutre sur les conditions de vie de ses protagonistes. C’est sans doute pour cela que cette série B au budget de 500.000 dollars a su rester une référence et qu’il dépasse de loin son simple statut de film d’horreur. En fait, Street Trash peut se voir comme un remake trash d’Affreux, sales et méchants d’Ettore Scola. Ce qui n’est pas un mince compliment.

LE BLU-RAY

Street Trash, disponible chez ESC Editions, est disponible en DVD et en édition Médiabook combo 2 DVD + Blu-ray + livret exclusif de 24 pages. Superbe objet aux couleurs étincelantes et livret concocté par Marc Toullec. Le menu principal est animé et musical sur le Blu-ray, fixe et muet sur le DVD bonus.

Le premier supplément disponible sur le Blu-ray est le court-métrage Street Trash, à l’origine du film (15’). Quand Roy Frumkes, professeur de Jim Muro découvre le film de fin d’études de ce dernier, il lui propose d’en faire un vrai long métrage. On y retrouve évidemment ce qui fera le succès de la version cinéma, à savoir les clochards, la boisson frelatée et bien sûr les personnages qui se mettent à fondre après absorption du tord-boyaux.

Le bonus suivant croise les propos souvent passionnants de Nicolas Stanzick des Cahiers du cinéma et de Fausto Fasulo de Mad Movies (33’). Le premier se souvient de sa découverte de Street Trash, film gore inventif et explosif, repoussant et pourtant jubilatoire, qui l’avait marqué à l’adolescence. Le second insiste sur le côté « film odorant, devant lequel on se sent sale ». Ensuite, les deux journalistes dressent le portrait du réalisateur Jim Muro, qui signait ici son unique long métrage, évoquent la genèse de Street Trash et les conditions de tournage de la version long métrage. La mise en scène, les décors, le premier montage de 2h40, les thèmes, les personnages, les effets visuels, l’utilisation de la couleur, l’affiche et le statut culte du film sont ensuite passés au crible sans aucun temps mort.

L’interactivité du Blu-ray se clôt sur deux bandes-annonces du film.

Mettez ensuite le DVD Bonus dans votre lecteur, pour savourer l’incroyable documentaire rétrospectif sur Street Trash, d’une durée de 120 minutes et réalisé à l’occasion du vingtième anniversaire du film. Si Jim Muro est évidemment absent (sauf via quelques images d’archives) puisqu’il refuse aujourd’hui de parler du film (qu’il a par ailleurs renié), c’est Roy Frumkes, producteur, scénariste et ancien professeur du réalisateur, qui monopolise la parole ici. Néanmoins, la plupart des comédiens et techniciens du film ont également accepté de participer à ce documentaire : Mike Lackey (Fred, également responsable des maquillages), Robert Marcucci (décorateur), Denise Labelle (directrice artistique), Vic Noto (Bronson), Tony Darrow (Nick Duran), Clarence Jarmon (Burt), David Sperling (directeur de la photographie), Bryan Singer alors assistant et bien d’autres.

La genèse, l’écriture du scénario, le parcours de Jim Muro, les conditions des prises de vues, l’élaboration du storyboard, la postproduction, la Première du film, l’affiche, la critique, sa mauvaise exploitation dans les salles et son triomphe en VHS sont longuement abordés. Le tout illustré par des photos et même des images de tournage, ainsi que des essais des comédiens et des scènes coupées au montage !

L’Image et le son

Jusqu’ici, Street Trash était disponible uniquement en DVD chez Opening, dans une copie au format original respecté 1.85 (16/9). Cette nouvelle copie restaurée proposée par ESC Editions est annoncée en 1.77, ceci à la demande du producteur, en accord avec Jim Muro. Si l’apport de la HD demeure peu indispensable pour Street Trash, force est de constater que l’image est très lumineuse, avec des couleurs éclatantes. En revanche, la texture argentique manque à l’appel. Cela est très regrettable puisque le grain original faisait non seulement partie de la photographie de David Sperling, mais rajoutait également au côté sordide des décors et des conditions de vie des protagonistes. Cette image trop lisse à notre goût est néanmoins très propre, malgré divers points blancs, le piqué est évident et les contrastes revus à la hausse.

La version française, puisque de nombreux spectateurs ont découvert puis revu le film ainsi, est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0. Si la piste est propre, les dialogues sont parfois très forts et frôlent la saturation. Cela n’empêche pas d’apprécier les propos particulièrement fleuris. La version originale bénéficie d’un remixage DTS-HD Master Audio 5.1, aux sous-titres français non imposés. Cela profite essentiellement à la composition de Rick Ulfik, bien présente sur l’ensemble des canaux. Plus homogène, cette version est également plus dynamique avec quelques effets de basses sympathiques, même si le volume des voix aurait pu être plus élevé.

Crédits images : © Roy Frumkes / ESC Editions/ Captures Blu-ray et DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test DVD / La Bonzesse, réalisé par François Jouffa

LA BONZESSE réalisé par François Jouffa, disponible en DVD le 3 avril 2018 aux Editions Montparnasse

Acteurs :  Sylvie Meyer, Bernard Verley, Olga Valéry, Christine Aurel, Betty Berr, Catherine Bidaut…

ScénarioFrançois Jouffa, Jean-Pierre Gambert

Photographie : Jean Gonnet

Musique : Hadi Kalafate

Durée : 1h39

Année de sortie : 1974

LE FILM

Béatrice, une étudiante, est en quête d’absolu. Désoeuvrée, elle décide de se prostituer dans une  »maison » a la clientèle sélectionnée, du gros industriel au diplomate recommandé par le Quai d’Orsay. Mais Béatrice se lasse vite et décide de partir pour l’Orient.

Carton en introduction : « Avertissement : les scènes et les dialogues de ce film sont inspirés de témoignages authentiques, recueillis par les auteurs ».

Réalisé en 1973 par François Jouffa, La Bonzesse ou les concessions d’une enfant du siècle, sera interdit et bloqué par la censure pendant un an. Raison de plus pour le revoir en 2018 et essayer de comprendre pourquoi. Le film est produit par Francis Leroi, alors futur producteur du Sexe qui parle (1975) et réalisateur de films et téléfilms (sous le pseudo de Jim Clark) aux titres explicites et dont on ne se lasse pas, La michetonneuse, Lèche-moi partout, Je suis à prendre, Cette salope d’Amanda, Déculottez-vous mesdemoiselles, L’infirmière n’a pas de culotte, Le Secret des écolières sans culotte, Charlotte, mouille ta culotte et près d’une dizaine d’Emmanuelle. Autant dire que La Bonzesse apparaît presque comme un vrai film d’auteur dans sa carrière. C’est donc François Jouffa, journaliste musical, qui passe derrière la caméra pour ce petit film au charme suranné, qui aborde frontalement son sujet, les maisons closes, avec humour, mais aussi avec un vrai regard social.

Béatrice, interprétée par la ravissante Sylvie Matton, est une étudiante en philosophie de 21 ans, qui a quitté sa famille et la province pour faire études à Paris. Un jour, par désir de liberté, elle décide de se rendre chez une maquerelle afin d’expérimenter l’art de la sexualité. Charmée par sa silhouette élancée et son regard ingénu, Madame Renée (Olga Valéry, excellente) embauche la belle sur-le-champ. Béatrice prend le nom de Julie et se vend à des hommes fortunés. Un soir, un client la séduit. Au fur et à mesure de ses rencontres et de la découverte des fantasmes de ses clients (un type se coud des boutons sur les tétons, scène visiblement réalisée sans trucage), Béatrice se sent de plus en plus attirée par les philosophies orientales. Malgré son succès auprès des fidèles visiteurs du bordel, elle commence à envisager son départ en aller simple pour Katmandou.

Voilà, c’est cela La Bonzesse, une petite comédie coquine qui a des choses à dire et qui les fait passer derrière les petites nanas dénudées. D’ailleurs, il n’y a pas que ces demoiselles qui se présentent en tenue d’Eve, puisque la nudité est également de mise chez les clients, présentés dans toutes les postures possibles et imaginables. Il y a fort à parier que François Jouffa et son coscénariste Jean-Pierre Gambert aient vu le premier long métrage de Paul Verhoeven, un certain cinéaste néerlandais, Business is Business, qui traitait plus ou moins du même sujet. Dans ce film, deux prostituées travaillant à Amsterdam devaient se plier aux exigences parfois étranges de leurs clients. La mise en scène était déjà frontale chez Paul Verhoeven et François Jouffa n’hésite pas de son côté à montrer les corps nus des hommes et des femmes. Si tout est évidemment plus sage dans le film qui nous intéresse, toutes les classes sociales sont logées à la même enseigne puisque certains hommes politiques et même un évèque viennent également prendre du bon temps dans le bordel de Madame Renée, situé dans un beau quartier, à deux pas des Champs-Elysées.

Certes, la qualité des dialogues laisse parfois à désirer : « Tiens salut ! » « Tiens, ça va ? » « Ça va et toi ? » « Ça va… » « Oui ça va ! » « Ça va bien ? » « Oui oui très bien, ça va ! » « Salut ! », mais de ce point de vue c’est Olga Valéry qui se taille la part du lion avec ses répliques très épicées, surtout lorsque Madame Renée explique à Béatrice l’organisation de sa maison, tout en détaillant l’anatomie de sa nouvelle recrue.

La Bonzesse est drôle, polisson et décalé, mais également et finalement politique, social (tout est argent, tout se monnaie) et intelligent, prenant parfois une tournure documentaire. Ou comment faire passer son message derrière des comédiennes déculottées donc, surtout que le récit se clôt sur une incroyable séquence pleine de spleen tournée à Ceylan, qui contraste avec le reste du film et qui lui donne un vrai cachet d’auteur. Un vrai classique du cinéma érotique des années 70.

LE DVD

Le DVD de La Bonzesse, disponible aux Editions Montparnasse, repose dans un très beau slim Digipack au visuel coquin très attractif. Le menu principal est légèrement animé, avec quelques dialogues du film en fond sonore.

La bande-annonce des Sorcières du bord du lac est proposée comme supplément. Dommage. Il y avait sans doute matière à réaliser quelques entretiens !

L’Image et le son

La Bonzesse était jusqu’alors inédit en DVD. Le master SD au format 1.66 (4/3 compatible 16/9) d’origine proposé par l’éditeur s’avère fort honorable, bien restauré, avec des couleurs qui retrouvent un certain éclat. Le grain est heureusement préservé et très bien géré, la copie est belle et stable.

La piste Mono affiche une ardeur et une propreté remarquables, créant un spectre phonique fort appréciable. La restitution des dialogues est solide et l’ensemble harmonieux. Dommage que l’éditeur ait également oublié les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © DFL. Editions Montparnasse / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Man on the Moon, réalisé par Miloš Forman

MAN ON THE MOON réalisé par Miloš Forman, disponible en DVD et Blu-ray le 24 avril 2018 chez ESC Editions

Acteurs :  Jim Carrey, Danny DeVito, Courtney Love, Paul Giamatti, Christopher Lloyd, Reiko Aylesworth, Gerry Becker, Leslie Lyles, George Shapiro, Budd Friedman, Carol Kane, Vincent Schiavelli…

ScénarioScott Alexander, Larry Karaszewski

Photographie : Anastas N. Michos

Musique : R.E.M.

Durée : 1h58

Année de sortie : 1999

LE FILM

Andy Kaufman a toujours aimé se mettre en scène. Petit, il s’imaginait présentateur de télévision. Devenu adulte, il fait des numéros d’imitation dans des cabarets puis s’invente un premier personnage, celui de « l’Étranger ». Il est alors abordé par un agent, George Shapiro, qui lui obtient un passage dans la célèbre émission Saturday Night Live et lui trouve un rôle dans le sitcom Taxi. C’est le début de la gloire. Mais au lieu de se reposer sur ses lauriers, Andy Kaufman multiplie les personnages et les défis, repoussant un peu plus loin les limites de la comédie et du bon goût…

Andy Kaufman au New York Times : « Je ne suis pas un comique, je ne raconte jamais de blagues… La promesse du comique, c’est d’arriver à vous faire rire de lui… Ma seule promesse, c’est d’essayer de divertir du mieux que je peux. Je sais manipuler les réactions des gens. Il y a différentes sortes de rire. Le rire des tripes, c’est quand vous n’avez pas le choix, vous êtes obligés de rire. Le rire des tripes ne vient pas de l’intellect, et c’est beaucoup plus difficile à pratiquer pour moi maintenant que je suis connu. Ils se disent : « Wow, Andy Kaufman, ce type est vraiment marrant », mais je n’essaie pas d’être drôle, je veux simplement jouer avec leur tête ».

A l’instar de son confrère Lenny Bruce, Andy Kaufman (1949-1984) reste l’un des comiques américains les plus célèbres, insolents, libertaires et controversés des années 1970. A la fin des années 1990, le réalisateur américain d’origine tchécoslovaque Miloš Forman décide de raconter l’histoire hors-norme de cette icône de la contre-culture, dont les improvisations caustiques et happenings auront autant rencontré le succès que décontenancé les spectateurs. S’attirant les foudres de l’Amérique bien-pensante, entre scandales et indignations, ce maître du politiquement incorrect se fera la voix de toute une génération. Il n’y avait que l’immense Jim Carrey qui pouvait interpréter à l’écran ce comique irrévérencieux et controversé. Ce chef d’oeuvre, c’est Man on the Moon, dont le titre provient d’une chanson du groupe R.E.M. qui rend hommage à Andy Kaufman.

Enfant, dans les années 50, Andy Kaufman animait déjà des émissions imaginaires, pour son seul plaisir. Devenu adulte, il entreprend d’imiter Elvis dans un cabaret, tout en se faisant passer pour un réfugié d’Europe de l’Est. Contacté par l’agent George Shapiro, il abandonne son apparente modestie pour confesser sa plus chère ambition : conquérir le monde, ni plus ni moins. Après avoir chanté, sans trop convaincre, sur le plateau du célèbre show «Saturday Night Live», il s’impose dans la série comique «Taxi», où il incarne, il est vrai, son personnage fétiche de petit immigré. Ayant monté sa propre émission, il recrute un chanteur sans classe, Tony Clifton…

Trois ans après l’exceptionnel Larry Flynt, Miloš Forman se penche sur l’une des personnalités les plus complexes et ambiguës du spectacle américain. Porté par un sublime Jim Carrey, véritablement habité par son rôle, Man on the Moon dresse le portrait d’un homme intrigant croisé avec celui d’une Amérique puritaine, encore sclérosée par les années Nixon et la guerre du Vietnam, et se révèle un véritable plaidoyer pour la liberté d’expression. De son propre aveu, Andy Kaufman détestait les blagues et pratiquait une forme d’anti-humour, loin de la comédie dite « traditionnelle », en privilégiant les situations absurdes voire surréalistes, dans le but de faire perdre leurs repères aux spectateurs, à la fois outrés et empathiques. Ses personnages de Foreign Man (L’Etranger) venu de Caspiar, qui se transforme en Elvis Presley, ou bien encore Latka, qui découle de Foreign Man, que Kaufman interprètera dans la sitcom Taxi sur la chaîne ABC aux côtés de Danny DeVito (qui interprète George Shapiro dans Man on the Moon), et surtout celui de Tony Clifton, artiste de music-hall antipathique et vulgaire, ne sont que des exemples des multiples facettes de l’artiste.

Avec une reconstitution élégante  doublée d’une très belle photo signée Anastas N. Michos, Miloš Forman suit au plus près le succès souvent accompagné de polémique d’Andy Kaufman. Un homme qui a osé se dresser face à l’hypocrisie américaine grâce à son immense talent pour l’improvisation et sa liberté de ton. Longtemps critiqué à son époque, Andy Kaufman est aujourd’hui réhabilité par les comédiens américains actuels qui le considèrent comme une véritable référence. A l’écran, Jim Carrey lui prête non seulement son immense talent, mais aussi son corps et même son âme, comme l’a récemment montré le documentaire Jim et Andy de Chris Smith, dans lequel le comédien revient sur sa crise existentielle et comment Andy Kaufman s’est réellement « emparé » de lui. A tel point que Miloš Forman lui-même indiquera n’avoir jamais eu affaire à Jim Carrey sur le plateau, mais à Andy Kaufman lui-même uniquement. Ou comment entretenir la légende du comique puisque de nombreux fans qui n’ont jamais cru à sa mort prématurée en 1984, continuent de le célébrer en attendant son retour.

On peut donc parler de véritable « incarnation » en ce qui concerne le jeu de Jim Carrey. Alors à un tournant de sa carrière et en quête de respectabilité comme de nombreux acteurs de comédie, l’acteur canadien sortait du magnifique The Truman Show de Peter Weir. Dans Man on the Moon, Jim Carrey est allé plus loin, beaucoup plus loin. C’est ce trouble psychologique, cette dépression que Miloš Forman capte à l’écran. Non pas par voyeurisme, mais pour l’art. Star internationale alors au sommet de son succès critique et commercial, Jim Carrey ne joue pas à être Andy Kaufman, il est bel et bien Andy Kaufman et les happenings reproduits à l’identique (le catch, l’altercation à la télévision, les bagarres sur le plateau) vont au-delà du simple mimétisme. Aux côtés de Jim Carrey, Courtney Love trouve l’un de ses plus grands rôles, celui de la compagne de l’humoriste, trois ans après avoir interprété Althea Leasure Flynt chez le même Miloš Forman.

Man on the Moon n’est pas une œuvre facile d’accès et qui ne recherche pas l’adhésion des spectateurs (dont le réalisateur capte la réaction), au même titre que les sketchs d’Andy Kaufman. Le film de Miloš Forman ne cesse de déstabiliser. Le personnage est à la fois attachant et agaçant, émouvant et pathétique, génial et naïf, toujours insaisissable. Plus que Jim Carrey, c’est donc le film dans son entièreté qui restitue l’âme d’Andy Kaufman. Par ailleurs, la première séquence donne le ton, puisque Carrey-Kaufman s’adresse directement aux spectateurs et s’empare du « film » en décidant de faire défiler d’entrée de jeu le générique de fin, mentionnant que Jim Carrey interprète Andy Kaufman. En brouillant ainsi les pistes, on se croirait presque dans un film de Spike Jonze, par ailleurs producteur du documentaire Jim & Andy, scénarisé par Charlie…Kaufman.

Etant donné que cet artiste de performance était quasi-inconnu dans nos contrées, Man on the Moon, qui a pourtant valu l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à Miloš Forman, est passé complètement inaperçu en France à sa sortie. Presque vingt ans après, cet immense et fascinant biopic – qui d’ailleurs n’en est pas vraiment un – est considéré comme l’un des plus grands films de son auteur, tandis que l’interprétation de Jim Carrey, saluée par un Golden Globe, demeure l’une des plus ébouriffantes du cinéma américain des années 1990.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Man on the Moon, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est un peu cheap, animé sur la chanson éponyme de R.E.M. Pas de chapitrage.

S’il s’agit d’une exclusivité française, ce Blu-ray de Man on the Moon perd néanmoins le making of de 19 minutes présent sur le DVD disponible chez Warner, qui comprenait d’ailleurs quelques images de tournage. Même s’il ne disposait pas de sous-titres français, au moins le réalisateur, les acteurs et les producteurs intervenaient pour parler du film. Même chose, les 13 minutes de scènes coupées ont également disparu, tout comme le clip vidéo de R.E.M., les spots commerciaux et la bande-annonce.

Cependant, l’éditeur ne vient pas les mains vides, loin de là, puisque nous disposons ici d’1h40 de bonus !

Dans un premier temps, le journaliste Jacky Goldberg propose une formidable présentation de Man on the Moon (26’30), brillamment replacé dans les carrières respectives de Miloš Forman et de Jim Carrey. Jacky Goldberg mentionne les précédents biopics du réalisateur, Amadeus et Larry Flynt, tout en exposant les points communs et les passerelles dressées entre ces trois œuvres. Les thèmes de Man on the Moon sont analysés, la performance de Jim Carrey passée au peigne fin, tout comme le « show » qui se déroulait en dehors du tournage avec le comédien qui est pour ainsi dire resté dans la peau – ou les peaux devrait-on dire – de son personnage. Cela permet à Jacky Goldberg d’évoquer comment Jim Carrey a su convaincre Miloš Forman et ses producteurs qu’il était le seul et unique acteur capable d’interpréter Andy Kaufman à l’écran. Les performances de ce dernier sont également passées en revue et mises en parallèle avec le film de Miloš Forman.

Ensuite, Jacques Demange, auteur du livre Les mille et un visages de Jim Carrey (chez ROUGE PROFOND), s’attarde encore plus en profondeur sur l’interprétation du comédien (23’). A travers sa présentation et son analyse, Jacques Demange replace Man on the Moon dans la carrière, mais aussi et surtout dans la vie personnelle de Jim Carrey. Alors en quête de légitimité, l’acteur commence à se tourner vers des rôles plus ambigus, comme dans Disjoncté de Ben Stiller. Man on the Moon se situe entre The Truman Show de Peter Weir et Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry, qui apparaît presque comme une radiographie de la propre vie de Jim Carrey. D’ailleurs, comme si le comédien avait tourné une page, sa carrière apparaît depuis en dents de scie. Ce module très riche et passionnant rend également un formidable hommage à la star des années 1990, à ses créations, à ses personnages emblématiques et à son jeu unique.

Le segment le plus imposant, Andy Kaufman : le funambule du rêve américain, croise les interventions de Florian Keller, essayiste et auteur de Comique extrémiste : Andy Kaufman et le rêve américain (Capricci Editions), l’essayiste Pacôme Thiellement et les humoristes et comédiens Jean-Philippe de Tinguy et Marc Fraize (53’). Ce documentaire, uniquement disponible sur l’édition Blu-ray de Man on the Moon, propose un portrait doublé d’une analyse du travail d’Andy Kaufman. Si certains propos restent plus anecdotiques que d’autres, il serait dommage de passer à côté de ce supplément réalisé sans temps mort et souvent pertinent.

L’Image et le son

Jusqu’alors disponible chez Warner, dans une édition DVD devenue rare, Man on the Moon apparaît pour la première fois dans le monde en Haute-Définition chez ESC Editions/Progam Store. Ce nouveau master relève les couleurs et les contrastes, la stabilité fait plaisir et le grain original est heureusement respecté. En revanche, quelques poussières subsistent, le piqué est émoussé et les détails manquent parfois à l’appel sur le cadre large. La définition est aléatoire, plus convaincante sur les séquences en extérieur, mais le lifting est quand même indéniable.

Les versions anglaise et française sont présentées en DTS-HD Master Audio 5.1. Comme sur le DVD, les deux pistes sont plutôt percutantes et peuvent compter sur quelques séquences spécifiques comme les matchs de catch et le show final à Carnegie Hall pour une spatialisation alors adéquate. La musique profite également d’un bon dosage frontales-latérales. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale. En revanche, malgré l’investissement d’Emmanuel Curtil qui double Jim Carrey, la version française reste franchement anecdotique.

Crédits images : © ESC Editions / Program Store / Warner Bros. / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Epouse-moi mon pote, réalisé par Tarek Boudali

ÉPOUSE-MOI MON POTE réalisé par Tarek Boudali, disponible en DVD et Blu-ray le 6 mars 2018 chez Studiocanal

Acteurs :  Tarek Boudali, Philippe Lacheau, Charlotte Gabris, Andy Rowski, David Marsais, Julien Arruti, Baya Belal, Philippe Duquesne…

ScénarioKhaled Amara, Tarek Boudali, Pierre Dudan, Nadia Lakhdar

Photographie : Antoine Marteau

Musique : Maxime Desprez, Michaël Tordjman

Durée : 1h32

Année de sortie : 2017

LE FILM

Yassine, jeune étudiant marocain vient à Paris faire ses études d’architecture avec un visa étudiant. Suite à un événement malencontreux, il rate son examen, perd son visa et se retrouve en France en situation irrégulière. Pour y remédier, il se marie avec son meilleur ami. Alors qu’il pense que tout est réglé, un inspecteur tenace se met sur leur dos pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’un mariage blanc…

Non mais là, stop ! S’il vous plaît, arrêtez tout ! Les deux trublions de l’’ancienne Bande à Fifi du Grand Journal sur Canal+ sont de retour, pour le pire…et pour le pire. Succès surprise de 2014, Babysitting avait attiré 2,4 millions de spectateurs et 3,2 millions pour sa suite sortie en décembre 2015 ! Puis, Alibi.com avait confirmé l’aura de la troupe auprès du jeune public en attirant plus de 3,5 millions de spectateurs ! Pour Epouse-moi mon pote, Philippe Lacheau a laissé sa place derrière la caméra (rires) à son partenaire et ami Tarek Boudali. Ecrite et réalisée (encore des rires) par ce dernier, cette comédie est encore plus irresponsable et ratée que les opus précédents de la bande. Misogyne, homophobe, tout y est puant, has-been, laid et immature. Tout ça au service du rire. Vive la France !

Evidemment, Philippe Lacheau est quand même de la partie pour « jouer » dans le film de Tarek Boudali. S’il n’a pas eu le même succès que les deux derniers opus de la bande, Epouse-moi mon pote a quand même totalisé près de 2,5 millions d’entrées. Impressionnant. Il n’y a aucune explication pour ce phénomène, d’autant plus que les comédiens, en particulier Philippe Lacheau, ne sont jamais crédibles, que leur jeu d’acteur laisse franchement à désirer (on se croirait dans Oui-Oui), tout autant que leur charisme lisse. Pas une seule de leurs répliques ne tombe juste. L’exploit d’Epouse-moi mon pote est d’être encore plus exécrable qu’Alibi.com avec des seconds rôles qui ont constamment l’air de se demander ce qu’ils font là. Tarek Boudali et Philippe Lacheau s’en moquent bien, ça marche, ça cartonne et le box-office s’enflamme. Si Nathalie Baye et Didier Bourdon parvenaient à sauver quelques scènes dans Alibi.com, rien ne permet à Epouse-moi mon pote de sortir de la mélasse et de la crasse, à part peut-être l’apparition du génial David Marsais, membre du Palmashow, qui montre que l’on peut faire rire tout en restant sobre.

C’est bien simple, nous n’avions pas vu une telle accumulation de clichés sur la communauté gay depuis, bah en fait jamais et voir un tel ramassis de gags éculés, vieux-jeu, vulgaires en 2017 est en soi un exploit à part entière. Il faut voir comment les deux têtes d’affiche, dans le but de faire rire, essayent de s’intégrer dans la « faune » du quartier du Marais, terme utilisé car la scène s’apparente à un safari, en tortillant du croupion et en s’habillant de façon identique (avec une marinière et un jean troué donc), en tenant un petit chien dans les bras et en mangeant des pâtisseries en forme de phallus. Quelques éléments comiques renvoient à ceux chers à Franck Gastambide, mais contrairement à ce dernier, il n’y a aucune affection pour les vieux, les gros, les gays, les femmes chez Boudali/Lacheau. Tout est gênant là-dedans.

A l’instar d’Alibi.com, Epouse-moi mon pote n’est ni plus ni moins qu’un très mauvais vaudeville aux blagues grasses basées sur des mensonges, des quiproquos pouët-pouët, des vannes rouillées et blagues molles qui se terminent presque par un « Ba Dum Tss! ». Une succession de sketchs improbables, jamais inspirés, usés jusqu’à la moelle, comme un remake du formidable Green Card de Peter Weir sur fond de mariage pour tous. Les comédies de Tarek Boudali/Philippe Lacheau sont du même acabit que celles d’un Fabien Onteniente (People à côté c’est du Billy Wilder) ou de Philippe de Chauveron puisque Epouse-moi mon pote n’a rien à envier à l’exécrable et nauséabond A bras ouverts. Poussif, fatigant, sans rythme, sans aucun effort de mise en scène.

Le mystère reste donc entier quant au triomphe de ce genre de comédies ringardes dans les salles. D’accord, on peut rire de tout, encore faut-il que ça ne soit pas dégradant et condescendant. De l’humour Cyril Hanouna quoi. En attendant l’adaptation live de…Nicky Larson écrit, réalisé et interprété par Philippe Lacheau, qui sortira en 2019. Que Dieu ait pitié de nous.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Epouse-moi mon pote, disponible chez Studiocanal, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné qui reprend le visuel de l’affiche originale. Le menu principal est animé et musical.

En plus de la bande-annonce, l’éditeur joint un making of classique (20’), qui donne la parole à l’ensemble de l’équipe et propose des images de tournage, ainsi que de prises ratées assez drôles, contrairement au film. L’essentiel de ce documentaire est aussi focalisé sur les blagues lourdingues de Philippe Lacheau sur le plateau. Et mention spéciale à Tarek Boudali qui clôt ce making of en déclarant « On m’a demandé si j’avais kiffé de réaliser. Et en fait si tu veux j’étais tellement dans le coup, dans l’taf, que tu te rends pas compte en fait que t’es réalisateur. T’as pas l’temps de te dire putain t’es réalisateur. En fait c’est vraiment à la fin du tournage, j’me suis dit putain j’ai fait mon premier film. Une fois qu’tu finis, tu t’dis putain j’ai envie d’y r’tourner », alors que le module montre un « superviseur de la mise en scène », David Diane, derrière son combo qui s’occupe de tout et qui n’est pas mentionné en tant que réalisateur à part entière.

L’Image et le son

Le chef opérateur Antoine Marteau (Les Kaïra, Bienvenue au Gondwana) ne s’encombre pas de partis pris esthétiques extraordinaires et livre une photo passe-partout, dont le transfert HD renforce les contrastes et la luminosité des séquences en extérieur, dès le générique d’ouverture. La colorimétrie est riche et chatoyante, le piqué probant. Seules certaines séquences en intérieur ne sont pas autant définies, sans pour autant que les détails s’en trouvent amoindris aux quatre coins du cadre large. Studiocanal prend autant soin de l’apport HD pour ses comédies que pour un blockbuster, ce qui n’est pas le cas chez les autres éditeurs.

Epouse-moi mon pote n’est pas un film à effets mais la piste française DTS-HD Master Audio 5.1 parvient à distiller ici et là quelques ambiances latérales plaisantes, comme les séquences de fiesta ou celle de la danse finale. Certes, la plupart des scènes se déroulent en intérieur et les mixages se concentrent sur les enceintes avant, mais dès que la caméra met le nez dehors, quelques atmosphères parviennent sans mal à environner le spectateur. Les dialogues sont excellemment délivrés par la centrale, la balance frontale est savamment dosée et la spatialisation musicale est systématique. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste française Audiodescription.

Crédits images : © Axel Films Production / Hassen Brahiti / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Jalouse, réalisé par David et Stéphane Foenkinos

JALOUSE réalisé par David et Stéphane Foenkinos, disponible en DVD et Blu-ray le 16 mars 2018 chezStudiocanal

Acteurs :  Karin Viard, Dara Tombroff, Anne Dorval, Thibault de Montalembert, Bruno Todeschini, Marie-Julie Baup, Corentin Fila, Anaïs Demoustier…

ScénarioDavid Foenkinos, Stéphane Foenkinos

Photographie : Guillaume Deffontaines

Musique : Paul-Marie Barbier, Julien Grunberg

Durée : 1h49

Année de sortie : 2017

LE FILM

Nathalie Pêcheux, professeure de lettres divorcée, passe quasiment du jour au lendemain de mère attentionnée à jalouse maladive. Si sa première cible est sa ravissante fille de 18 ans, Mathilde, danseuse classique, son champ d’action s’étend bientôt à ses amis, ses collègues, voire son voisinage…

Lauréat de dix prix littéraires et vendu à plus de 800.000 exemplaires depuis sa publication, La Délicatesse de David Foenkinos a très vite été envisagé au cinéma. Avec l’aide de son frère Stéphane, l’écrivain en avait profité pour passer derrière la caméra, afin d’adapter lui-même son best-seller. Coup d’essai et petit coup de maître, La Délicatesse était un vrai moment de poésie, d’humour, de tendresse burlesque, magnifiquement interprété par Audrey Tautou et François Damiens. Six ans plus tard, les deux frères se retrouvent pour leur second long métrage en commun, Jalouse, dans lequel on retrouve volontiers leur ironie, à travers le portrait d’une femme aux portes de la cinquantaine. Et qui mieux que Karin Viard, pour qui le rôle a été écrit, pouvait à la fois se permettre d’être parfois odieuse et cynique, tout en restant « attachiante » et charismatique ?

Le Karin Viard Movie est presque devenu un genre à part entière, un Cinematic Universe. Après presque trente ans de carrière, deux César (Haut les coeurs ! et Les Randonneurs) pour neuf nominations et plus de soixante films à son actif, la comédienne dispose aujourd’hui d’une place très enviée au sein du cinéma français. Alternant les films d’auteur (Sólveig Anspach, les frères Larrieu, Anne Villacèque) et le cinéma populaire (Dany Boon, Eric Lartigau, Jean-Marie Poiré), Karin Viard peut choisir aujourd’hui les rôles qu’elle souhaite, en étant sûre d’attirer quasi-systématiquement les spectateurs dans les salles. Loin de se reposer sur ses lauriers, elle trouve dans Jalouse l’occasion d’aborder un personnage en apparence moins accessible, une mère de famille divorcée, qui commence à voir apparaître certains signes de la ménopause, qui devient petit à petit aigrie avec sa fille de 17 ans, dont elle envie la jeunesse, le bonheur, la réussite et la vie amoureuse. Même chose envers une nouvelle et rayonnante collègue de travail (Anaïs Demoustier) et son entourage. Sa jalousie empiète également sur la vie de son ex-mari (Thibault de Montalembert) désormais en couple avec Isabelle (la lumineuse Marie-Julie Baup), une femme pétillante et plus jeune.

Comme dans la comédie italienne, ce portrait de « monstre » permet aux frères Foenkinos et donc à Karin Viard, de mettre en relief les contradictions et l’ambiguïté de l’âme humaine, ainsi que les doutes d’un personnage de tous les jours, mi-ange mi-démon, que l’on ne peut s’empêcher d’aimer en dépit de ses nombreux défauts. En incarnant cette femme au bord de la crise de nerfs, la comédienne se délecte de ses répliques vachardes et savoureuses, capable de dire à sa meilleure amie Sophie (la superbe actrice canadienne Anne Dorval) qu’elle ne doit pas avoir de soucis à se faire avec sa fille « moche », ou bien d’envoyer balader son prétendant (Bruno Todeschini, élégant et sensible) sous prétexte qu’il aurait regardé sa fille Mathilde (Dara Tombroff, jolie révélation) avec l’oeil d’un prédateur.

Récit initiatique, Jalouse possède ce charme qui nous avait tant séduits dans La Délicatesse, mais se révèle plus réaliste, moins conte de fée, donc plus terrien, grinçant, grave et plus rustre, en laissant également une belle part à l’émotion. Le film des frères Foenkinos s’élève bien au-dessus du cinéma français, grâce à un œil aiguisé et une étude psychologique complexe aussi intelligente qu’aboutie.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Jalouse, disponible chez Studiocanal, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est fixe et musical.

Le making of (35’) compile quelques instantanés de tournage, des repérages des décors principaux, jusqu’au clap final. Divers propos des comédiens et des réalisateurs sont illustrés par des images tirées des répétitions et des prises de vue. L’ambiance a l’air détendue, chaleureuse et les comédiens prennent visiblement beaucoup de plaisir sur le plateau, surtout en voyant les frères Foenkinos devenir spectateurs de leur propre film.

L’interactivité se clôt sur le clip Jealous (3’).

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080p-AVC. Studiocanal soigne le master HD de Jalouse, qui se révèle exemplaire. Les contrastes sont d’une densité rarement démentie, à part peut-être durant les séquences tamisées où l’image paraît plus douce et moins affûtée, mais cela demeure franchement anecdotique. La clarté demeure frappante, le piqué est affûté, les gros plans détaillés, les contrastes denses et la colorimétrie reste chatoyante, riche et bigarrée.

Le spectateur a le choix entre les pistes DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0. Notre préférence va pour la première qui instaure un confort acoustique très plaisant, une spatialisation musicale convaincante et des effets latéraux probants. Les ambiances naturelles sont présentes, la balance frontale est toujours dynamique et équilibrée, et le report des voix solide. La piste stéréo est évidemment plus plate, mais riche et remarquablement équilibrée. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Mandarin production / Studio Canal / France 2 Cinéma / Séverine Brigeot / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test DVD / Le Franc-tireur, réalisé par Maurice Failevic

LE FRANC-TIREUR réalisé par Maurice Failevic, disponible en DVD le 5 décembre 2017 chez Inser & Cut/L’Oeil du témoin

Acteurs :  Bernard Le Coq, Jenny Arasse, René Camoin, Richard Caron, Gabriel Cattand, Jacques Chevalier…

ScénarioMaurice Failevic, Jean-Claude Carrière

Photographie : Serge Palatsi

Musique : Even de Tissot

Durée : 1h15

Date de diffusion initiale : 1978

LE FILM

Jacques Maréchal a décidé de se faire licencier de son entreprise pour changer de vie. Il se met donc à critiquer la gestion de sa société, mais cela ne se passe pas forcément comme il le voudrait. D’ailleurs, au lieu de se faire licencier, il obtient une promotion. Il va falloir changer de tactique pour arriver à ses fins …

C’est l’histoire non pas d’un homme qui ne veut plus travailler, mais plutôt celle d’un homme qui ne veut plus aller au travail.

Quelle découverte ! Le Franc-tireur est un téléfilm réalisé par Maurice Failevic (1933-2016), diffusé sur TF1 en janvier 1978 à une heure de grande écoute, accompagné d’un grand succès public et critique. Diplômé de l’IDHEC en 1957, scénariste, militant communiste, Maurice Failevic intègre la RTF en 1962 et se voit très vite confier la réalisation de documentaires, souvent récompensés, puis de fictions pour la télévision et pour le cinéma. Il se constitue une équipe de techniciens à laquelle il restera toujours fidèle. Réalisé en 1977, Le Franc-tireur est un joyau de la télévision française et un des sommets de la carrière de Maurice Failevic. Co-écrit avec l’immense Jean-Claude Carrière, qui signait alors son premier travail pour le petit écran, ce téléfilm n’a vieilli que dans ses décors et sa mode vestimentaire, évidemment emblématiques des années 1970, et reste toujours d’actualité quarante ans après.

Dès la première séquence, le réalisateur installe son décor. Une réunion de travail laisse Jacques (Bernard Le Coq) maussade. Pour se changer les idées, il téléphone à Daniel (Yves Pignot), un cousin de sa femme Nicole (Jenny Arasse) et l’invite à dîner le soir même. Au cours du repas, Jacques expose son projet: ouvrir un centre de loisirs au bord de la mer. Pour ce faire, il n’entrevoit qu’une solution: se faire renvoyer et toucher de fortes indemnités. Malgré ses efforts pour déclarer haut et fort ce qui ne va pas dans sa société, en espérant faire réagir ses supérieurs et se faire congédier, ses propos sont entendus et pris en compte par le grand directeur qui le convoque dans son bureau. Jacques est alors stupéfait d’apprendre qu’il est considéré comme le meilleur élément de son entreprise, tandis que ses collègues lui font part de leur admiration. Jacques se demande dans quoi il s’est embarqué.

Certes, on se demande comment de tels papiers peints et objets de décorations ont pu voir le jour. Mais si l’on fait fi de cette esthétique, même si cela apporte un cachet désuet non dénué de charme, alors Le Franc-tireur pourrait très bien se dérouler de nos jours. Pourtant, à l’époque, peu de films ou téléfilms prenaient comme sujet principal la condition des cadres moyens dans leur environnement professionnel. La mise en scène de Maurice Failevic privilégie de doux travellings, une caméra qui semble glisser et l’usage de zooms afin de plonger les (télé)spectateurs dans une société où l’on s’exprime grâce à des acronymes, des circulaires, des chiffres, un peu à la manière de la Maison qui rend fou dans Les 12 travaux d’Astérix. Des partis pris hérités du travail dans le documentaire de Maurice Failevic.

Le personnage de Jacques Maréchal, interprété par le génial Bernard Le Coq alors âgé de 27 ans, travaille depuis six ans pour cette entreprise et s’ennuie. Donc, quand un ami lui offre l’opportunité de changer de vie, Jacques essaye de mettre au point un stratagème pour se faire renvoyer, sans commettre de faute professionnelle, pour ainsi jouir d’une indemnité conséquente et proportionnelle à ses années de bons et loyaux services. Seulement voilà, en exprimant tout haut ce que la plupart pensent tout bas, tout va ne faire que renforcer sa position au sein de sa société plantée dans une tour du 13ème arrondissement de Paris.

Comme Maurice Failevic le revendiquait lui-même, Le Franc-tireur est une fable, et celle qui nous est contée ici semble aussi universelle qu’intemporelle. Les répliques concoctées avec l’aide de Jean-Claude Carrière sont fabuleuses, rappelant parfois la grande époque de Francis Veber, le rythme est soutenu, le casting composé de trognes récurrentes du cinéma français est formidable. Si Maurice Failevic et Jean-Claude Carrière avaient senti venir le malaise des cadres à la fin des années 1970, Le Franc-tireur, comédie ironique, subversive et sociale, teintée de drame donc et toujours élégante, doit être absolument redécouvert en 2018.

LE DVD

Bienvenue à Inser & Cut/L’Oeil du témoin dans le monde de l’édition DVD ! Pour son premier titre, Roland-Jean Charna, rédacteur en chef du site internet L’Oeil du témoin, consacré à l’actualité du cinéma français des années 1970-80, a choisi cette perle rare qu’est Le Franc-tireur, de Maurice Failevic. Le Slim-Digipack est très attractif avec son visuel coloré, estampillé « Ciné-Club TV N°1 ». Un soin tout particulier a été apporté à la sérigraphie du disque, tout comme à l’ensemble de ce très bel objet. Nous avons hâte de découvrir les prochains titres de l’éditeur. Le menu principal est fixe, avec quelques dialogues du téléfilm en fond sonore.

En guise de présentation, Roland-Jean Charna lui-même propose un retour éclairé et passionnant sur Le Franc-tireur (21’). Le rédacteur en chef de L’Oeil du témoin se souvient déjà de sa découverte du film de Maurice Failevic en 1978. Puis, Le Franc-tireur est brillamment analysé sur le fond comme sur la forme, replacé dans son contexte. La carrière du cinéaste et celle de Jean-Claude Carrière sont également abordées. Quelques coupures de presse de l’époque viennent illustrer ces propos.

Le module suivant, sobrement intitulé Maurice Failevic, le franc-tireur (58), croise les propos du scénariste Jean-Claude Carrière, du journaliste et documentariste Marcel Trillat et du comédien Bernard Le Coq. Ces trois intervenants s’expriment évidemment sur le film qui nous intéresse, mais dressent également le très beau portrait de l’homme et du cinéaste Maurice Failevic. La genèse du Franc-tireur, l’écriture du scénario, la collaboration Failevic-Carrière, la liberté d’expression de l’époque, les thèmes du film, tout est posément abordé pendant près d’une heure. Jean-Claude Carrière se dit beaucoup touché quand on lui reparle du Franc-tireur, pour la simple et bonne raison qu’il considère Maurice Failevac comme l’un des trois plus grands réalisateurs avec lesquels il a travaillé au cours de son impressionnante carrière.

L’Image et le son

Le Franc-tireur est un téléfilm, qui était jusqu’alors inédit en DVD. Le master plein cadre 1.33 (4/3 compatible 16/9) d’origine proposé par l’éditeur s’avère fort honorable, très bien restauré, avec des couleurs qui retrouvent un certain éclat. Le grain est heureusement préservé et très bien géré, la copie est belle et stable.

Le mixage Stéréo Dolby Digital 2.0 instaure un remarquable confort acoustique. Propre, dynamique, cette piste met bien avant les excellents dialogues du film. En revanche, il aurait été souhaitable de proposer les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © INA 1978 / Inser & Cut/ L’Oeil du témoin / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Daddy Cool, réalisé par Maxime Govare

DADDY COOL réalisé par Maxime Govare, disponible en DVD chez Universal Pictures France le 6 mars 2018

Avec :  Vincent Elbaz, Laurence Arné, Grégory Fitoussi, Jean-François Cayrey, Bernard Le Coq, Juliette Pivolot, Abel Mansouri Asselain, Maxence Chanfong‐Dubois, Sarah Le Huu Nho, Albert Bordes‐Guet, Bartholomé Bordes-Guet, Andy Rowski, Vanessa Demouy, Axelle Laffont, Michel Leeb…

Scénario : Maxime Govare, Noémie Saglio

Photographie : Gilles Henry

Musique : Mathieu Lamboley

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Adrien, 40 ans et totalement immature, se fait larguer par Maude, 35 ans, désireuse d’enfin fonder une famille. Pour tenter de reconquérir l’amour de sa vie, Adrien décide de monter dans le futur ex-appartement conjugal : une crèche à domicile… Le début, d’une improbable expérience éducative…

Il y a dix ans, le cinéma français, ou plutôt la comédie française se focalisait sur les personnages de jeunes trentenaires immatures, qui peinaient à entrer dans l’âge adulte. Les films se bousculaient alors dans les salles avec des titres aussi évocateurs que L’Âge d’homme, maintenant ou jamais, Tel père, telle fille, Notre univers impitoyable, Ma vie en l’air, Dépression et des potes, Situation amoureuse : C’est compliqué, La Stratégie de la poussette, J’me sens pas belle, sans compter les films avec Alexandra Lamy, Clovis Cornillac, Julien Boisselier et bien d’autres. Parmi ces films se trouvent un élément récurrent, le comédien Vincent Elbaz. Révélé en 1994 par Cédric Klapisch dans Le Péril jeune, l’acteur a alors 26 ans quand il enchaîne deux hits en 1997, Les Randonneurs de Philippe Harrel et La Vérité si je mens ! de Thomas Gilou. Depuis, Vincent Elbaz a très peu côtoyé les sommets du box-office, mais n’a jamais chômé, apparaissant dans des œuvres variées chez Michel Spinoza, Gabriel Aghion, Michel Deville, Michel Blanc, Rémi Bezançon, Ariel Zeitoun. S’il a évidemment pris de la bouteille comme tout le monde, l’acteur âgé de 47 ans parvient à conserver cette énergie juvénile qui le caractérise. Il était donc le choix idéal pour interpréter le rôle principal de Daddy Cool, nouvelle comédie de Maxime Govare après le remarqué Toute première fois, Grand Prix du Festival international du film de comédie de l’Alpe d’Huez, qu’il avait cosigné et coréalisé avec Noémie Saglio en 2015.

Pour Daddy Cool, les deux signent une fois de plus le scénario, mais Maxime Govare est cette fois seul derrière la caméra. Petite réussite très sympathique, Daddy Cool peut compter sur une écriture soignée, des répliques qui fusent et qui font mouche, des situations amusantes bien exploitées et de formidables acteurs branchés sur cent mille volts.

Contrairement à son rôle dans l’excellent Ma vie en l’air de Rémi Bezançon, Vincent Elbaz devient ici celui qui squatte l’appartement, le type qui n’a pas vu passer les années et qui se retrouve à l’âge de 40 ans confronté à sa femme, Maude, qui demande le divorce. Ensemble depuis dix ans, la jeune femme de 35 ans, dessinatrice à succès, arrive à un carrefour de sa vie et pense fonder une famille. Mais comme elle le dit, « on ne fait pas un enfant avec un enfant ». Alors que la passion s’émousse, Adrien rentre une nuit bien éméché. Il réveille Maude à 4h du matin dans une situation embarrassante. C’est la goutte d’eau (ou d’autre chose plutôt) qui fait déborder le vase et Maude décide de quitter Adrien. Seulement voilà, ce dernier perd son magasin de disques qui périclitait et se retrouve sans argent. Les mois passent. Alors que Maude refait sa vie avec Renaud (Grégory Fitoussi, très bien), Adrien vit toujours sous son toit en dormant sur le canapé. Sur le point d’être viré, il parvient à trouver la solution pour rester chez son ex-compagne et dans l’espoir de la reconquérir, en ressortant du placard un diplôme de puériculture qui date d’avant leur rencontre. Il lui annonce alors qu’il ouvre une crèche à domicile. Mais Adrien ne connaît rien aux enfants et pour ainsi dire ne connaît rien à la vie. Il n’est jamais trop tard.

Vincent Elbaz a peu à faire pour rendre attachant et touchant son personnage de loser et éternel adolescent irresponsable à la dégaine dégingandée et aux yeux de cocker triste. Face à lui, la géniale Laurence Arné (L’amour c’est mieux à deux, Radin !) lui tient la dragée haute et démontre une fois de plus à quel point la comédie lui sied à ravir, sans jamais perdre son sex-appeal même en jurant comme un charretier. Daddy Cool est un divertissement très plaisant, drôle, au rythme soutenu, à la bande-son pêchue, qui se permet d’avoir recours à des gags gentiment trash et qui se clôt pourtant sur un plan-séquence très élégant.

LE DVD

Le test du DVD de Daddy Cool, disponible chez Universal Pictures France, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur l’entêtant Big Brown Eyes de Benny Sings.

L’interactivité se compose tout d’abord d’un bêtisier amusant de 13 minutes, dans lequel quelques fous rires se révèlent particulièrement contagieux.

S’ensuivent 13 minutes de scènes coupées et une fin alternative. Nous retiendrons notamment la séquence où Adrien essaye de dissuader un couple de jeunes femmes d’acheter l’appartement, après une visite organisée par Maude. Mention spéciale à la scène où Adrien donne des surnoms aux enfants dont il a la garde, Marine (« parce-qu’elle n’aime pas son père ») et Justin Bieber (« parce-qu’il fait que de la mer** »).

Cette section se clôt sur une galerie de dessins réalisés par l’illustratrice Audrey Bussi, dont on peut apprécier le travail tout le long du film, et sur un module durant lequel le réalisateur prépare son plan-séquence final (2’).

L’Image et le son

Pas de Blu-ray pour Daddy Cool. Cette édition SD ne manque pas d’éclat avec une définition plus que convenable mais nous attendions une colorimétrie et des contrastes plus affirmés. Les quelques séquences en extérieur sont les mieux loties avec un relief indéniable et une luminosité pimpante. Si ce transfert est parfois un peu trop doux et sobre, les noirs sont solides et les détails délicats.

La piste Dolby Digital 5.1 offre une belle spatialisation ponctuelle de l’excellente bande-son (caisson de basses compris), notamment les tubes Daddy Cool de Boney M., Big Brown Eyes de Benny Sings et le Are You Gonna Be My Girl de Jet qui restent en tête bien après la projection. Outre la spatialisation musicale, certaines ambiances naturelles parviennent à percer sur les quelques séquences en extérieur mais finalement, l’ensemble demeure axé sur les frontales, dynamiques et fluides, tandis que la centrale exsude les dialogues avec efficacité. Egalement disponible, la Stéréo se montre très dynamique et, s’agissant d’une comédie, largement suffisante et claire. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Jean Claude Lother – Universal Pictures International France / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Another Wolfcop, réalisé par Lowell Dean

ANOTHER WOLFCOP réalisé par Lowell Dean, disponible en DVD chez Factoris Films le 6 mars 2018

Avec :  Leo Fafard, Yannick Bisson, Amy Matysio, Jonathan Cherry, Serena Miller, Devery Jacobs…

Scénario : Lowell Dean

Durée : 1h15

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Quelques mois ont passé depuis que l’éclipse noire a transformé notre valeureux policier en WolfCop.
Et bien que les mécréants qui contrôlaient la ville aient été éliminés, Woodhaven est loin d’être revenue à la normale. De plus, ses transformations les soirs de pleine lune ont gravement mis à l’épreuve sa relation avec l’officier Tina Walsh, devenue chef de la police. C’est alors qu’un nouvel assassin émerge de l’ombre, cherchant à terminer ce qu’avaient commencé ses prédécesseurs.
Et pour vaincre cet adversaire, il faudra plus qu’un loup solitaire armé d’un pistolet…

On nous avait prévenus, Lou Garou, le flic borné, paresseux, alcoolique et lycanthrope, qui fait profiter de ses talents à la petite ville de Woodhaven est de retour. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le réalisateur et scénariste canadien Lowell Dean a poussé les curseurs à fond pour ce second volet qui joue ou plutôt surjoue la surenchère jusqu’à l’outrance, à tel point que même notre flic loup-garou combattant le crime paraît lui-même dépassé par l’entreprise.

Cette fois, il doit affronter un homme d’affaires excentrique aux intentions maléfiques, qui a décidé de s’emparer de la petite ville tranquille de Woodhaven. On se demande bien pourquoi, mais c’est ainsi. Nous retrouvons donc Lou Garou, toujours aussi porté sur la bibine. Alors qu’il avait pris l’habitude de se réveiller dans les endroits les plus improbables avec une sérieuse gueule de bois, Lou doit maintenant se cacher dans quelques hangars miteux au moment de sa mutation. Il doit encore user de sa vue, de son ouïe et de son flair, ou plus exactement son odorat décuplé, pour défendre sa ville et aider ses amis. Another Wolfcop peine à retrouver la fraîcheur du premier épisode. Pour cette raison, Lowell Dean et sa clique y vont à fond dans les effets sanglants et les scènes nawak, à l’instar d’une séquence où notre héros (non transformé) s’accouple avec une She-Wolf (avec queue et fourrure), dans toutes les positions possibles et imaginables, avec moult détails graveleux en sus. Le règlement de comptes sur la patinoire vaut également son pesant.

Sur un montage alerte, le récit court et ramassé sur 1h15 tient à peu près la route. L’histoire est évidemment un prétexte pour retrouver notre héros atteint de lycanthropie galopante, qui tente de devenir un homme meilleur le jour alors qu’il est un animal la nuit. Le premier Wolfcop avait profité d’un buzz monumental créé avant même le tournage du film. Ce second opus est un délire complètement assumé, une comédie d’horreur frappadingue, mais dans le bon sens du terme, autrement dit une frénésie cinématographique contagieuse, respectueuse du genre et ne croulant pas sous les références lourdingues. Ici le ton comique et ironique est bienvenu, les séquences crades font leur effet, tout comme les maquillages qui s’avèrent amusants, les acteurs y vont à fond, en particulier Leo Fafard, qui s’éclate dans l’attachant rôle-titre. Un certain Kevin Smith vient faire également une apparition.

Bien rythmé, bien allumé, bien tout court, Another WolfCop est une attraction généreuse et potache pour les fanas du cinéma déviant et on lui pardonne volontiers ses quelques écarts scénaristiques. Le résultat est là, c’est délicieusement vintage, bourré d’imagination malgré un évident manque de moyens. Que les fans soient rassurés, un troisième tour de piste est d’ores et déjà annoncé dans l’épilogue. Répondrez-vous présents aux prochaines aventures de Lou Garou, le film alcoolique qui se transforme en lycanthrope et qui utilise cette malédiction pour faire régner la justice dans sa petite bourgade pleine de péquenauds ?

LE DVD

En juin 2015, le premier Wolfcop avait bénéficié d’une édition Blu-ray chez Factoris Films. Trois ans plus tard, le même éditeur accueille tout naturellement Another Wolfcop dans sa musette, mais point de galette bleue pour ce second opus ! Le menu principal – qui parodie celui de l’affiche de Cobra avec Sylvester Stallone – et musical accueille le spectateur. Signalons que les deux films sont également disponibles sur un disque dans une autre édition, mais uniquement en DVD.

Seule la bande-annonce en version française est proposée comme suppléments, là où le premier disposait de bonus plus conséquents.

L’Image et le son

Ce master au format respecté 1.78 (16/9) de Antoher WolfCop présente une propreté irréprochable. Néanmoins, les partis pris donnent parfois du fil à retordre et l’image de ce DVD qui demeure parfois perfectible. La copie est certes immaculée, mais les couleurs restent un peu trop ternes à notre goût et manquent de peps. L’excentricité des maquillages et des effets spéciaux aurait pu être encore plus mise en valeur, les contrastes manquent de temps en temps de fermeté et quelques légers flous sporadiques sont à déplorer. Les personnages se détachent sans mal devant des fonds unis, entre chaud et froid, les gros plans sont bien restitués avec un lot de détails parfois confondant, à l’instar de la fourrure de Lou Garou. Les noirs paraissent tantôt concis tantôt sensiblement poreux en tirant sur le vert et dénaturent quelque peu le piqué. Mais cela reste anecdotique. Le codec fait alors ce qu’il peut pour consolider le tout et évite les fourmillements intempestifs.

La piste anglaise est la seule à bénéficier d’une DTS 5.1 qui instaure une spatialisation musicale souvent saisissante et distille de belles ambiances naturelles. Les dialogues sont solidement délivrés par la centrale et au jeu des comparaisons, cette option acoustique écrase la version française Dolby Digital 5.1 au doublage rigolo. La DTS 5.1 anglaise est évidemment plus ample, plus homogène et frappante dans les scènes d’action, et les transformations du personnage. L’ensemble des enceintes est mis à contribution, le caisson de basses a souvent l’occasion de participer à la mise en valeur de la musique. La version originale bénéficie également d’une piste Dolby Digital 5.1 également percutante.

Crédits images : © Factoris Films / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / La Garçonnière, réalisé par Billy Wilder

LA GARÇONNIÈRE (The Apartment) réalisé par Billy Wilder, disponible en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions le 27 février 2018

Avec :  Jack Lemmon, Shirley MacLaine, Fred MacMurray, Ray Walston, Jack Kruschen, David Lewis, Hope Holiday, Joan Shawlee, Naomi Stevens…

Scénario : Billy Wilder, I.A.L. Diamond

Photographie : Joseph LaShelle

Musique : Adolph Deutsch

Durée : 2h05

Date de sortie initiale : 1960

LE FILM

C.C. Baxter est employé à la Sauvegarde, grande compagnie d’assurance. Dans l’espoir d’un avancement il prête souvent son appartement à ses supérieurs qui y emmènent leurs petites amies. Un jour le chef du personnel le convoque et lui apprend qu’il sait tout et lui demande aussi sa clé. Baxter est enfin promu. Mais ce qu’il ignorait c’est que le chef du personnel emmenait dans son appartement la femme dont il était amoureux.

Avant de s’exiler à Hollywood suite à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir, Samuel Wilder dit Billy Wilder (1906-2002), scénariste austro-hongrois débarque à Paris où il tourne son premier long métrage en 1934, Mauvaise graine, avec Danielle Darrieux. Arrivé sur la terre de l’Oncle Sam et ne parlant quasiment pas anglais, il parvient tout de même à se faire engager à la Paramount Pictures comme scénariste et script-doctor. Il est très vite remarqué par Ernst Lubitsch, pour lequel Billy Wilder écrit La Huitième femme de Barbe-Bleue et Ninotchka. En 1942, il passe derrière la caméra pour Uniformes et jupons courtsThe Major and the Minor, comédie sur fond de guerre qu’il écrit avec son complice Charles Brackett. C’est un succès et la carrière de réalisateur de Billy Wilder est lancée. S’ensuivent Les Cinq secrets du désert (1943), le film noir Assurance sur la mortDouble Indemnity (1944), le documentaire Death Mills (1945), sur la découverte des camps de concentration nazis par les Alliés, le drame Le Poison (1945), récompensé par la Palme d’or au festival de Cannes, mais aussi par quatre Oscars, ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur acteur pour Ray Milland et du meilleur scénario adapté. Billy Wilder s’octroie ensuite une récréation avec la comédie musicale La Valse de l’empereur avec Bing Crosby et Joan Fontaine, avant de se consacrer à La Scandaleuse de Berlin avec Marlene Dietrich. Le succès international est au rendez-vous. La décennie suivante, Billy Wilder accélère la cadence et enchaîne entre autres Boulevard du crépuscule (1950), Stalag 17 (1953), Sabrina (1954), Sept ans de réflexion (1955), Ariane (1957). Puis, Billy Wilder fait une rencontre déterminante, celle avec le comédien Jack Lemmon, qu’il engage pour donner la réplique à Marilyn Monroe et Tony Curtis dans l’extraordinaire Certains l’aiment chaud (1959). A partir de ce triomphe mondial, le cinéaste entame alors les années 1960 et une nouvelle étape de sa carrière en signant La GarçonnièreThe Apartment, critique acerbe et féroce du monde du travail et sur les pauvres conditions des petits employés. Et c’est un nouveau chef d’oeuvre dans l’une des plus remarquables filmographies de toute l’histoire du cinéma.

C. C. Baxter (Jack Lemmon), dit « Buddy », employé d’une importante compagnie d’assurances new-yorkaise, met son appartement à disposition de ses supérieurs comme garçonnière par complaisance et servilité; il obtient alors des avantages professionnels…et il faut bien payer le loyer. La gestion des quatre « co-locataires » est un casse-tête, son appartement de célibataire est laissé sens dessus-dessous, ses voisins et sa logeuse sont indignés de ce défilé de jolies filles. Son DRH Jeff D. Sheldrake (Fred MacMurray), apprenant cela, lui demande également de lui prêter l’appartement et lui octroie une promotion en échange. Mais C. C. ignore que Sheldrake souhaite utiliser cette garçonnière pour y retrouver Fran (Shirley MacLaine), une liftière de la compagnie, dont Baxter est vainement épris.

La Garçonnière, c’est comme qui dirait la perfection du 7e art. Cinq Oscars, dont celui du meilleur Film sont venus couronnés le 17e film de Billy Wilder. Le réalisateur mêle la comédie au drame avec une virtuosité de chaque instant. Si l’on rit très souvent, le fond de La Garçonnière est triste, voire tragique puisque le héros, magistralement incarné par un immense Jack Lemmon, renonce à sa vie intime, au point de ne plus pouvoir dormir chez lui dans son propre lit, pour espérer en retour un poste bien placé dans sa société. Dans La Garçonnière, les personnages sont animés par la course à la réussite, au point de s’oublier eux-mêmes. A la fois comédie romantique et drame social, The Apartment possède une tonalité sombre et mélancolique qui a toujours effleuré dans le cinéma de Billy Wilder, et pas seulement dans ses œuvres les plus dramatiques.

Billy Wilder raconte comment deux êtres solitaires, au bord de la dépression, se rencontrent, pour finalement retrouver l’espoir, l’entraide, et bien sûr l’amour. Perdus dans les incroyables décors d’Alexandre Trauner, magnifiquement photographiés par Joseph LaShelle, avec une utilisation du CinemaScope qui appuie la profondeur de champ et donc la perte de l’individu, les protagonistes se confrontent, se rentrent dedans, s’observent, s’apprivoisent, puis prennent finalement le temps de se connaître. Deux électrons libres agités autour de l’atome-entreprise, qui décident de stopper leur course effrénée pour faire le point sur eux-mêmes. Alors que les spectateurs n’attendent qu’une chose, que Jack Lemmon et la merveilleuse Shirley MacLaine – récompensée par la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine à la Mostra de Venise en 1960 – s’embrassent à l’écran, Billy Wilder décide de préserver cette intimité. Il termine son film sur une déclaration d’amour qui n’a pas de réponse directe, du moins pas avant le THE END sur lequel nous quittons Fran et CC.

Dialogues cocasses et tordants, comédie tendre et cynique sur l’amour, critique du puritanisme hypocrite, le mensonge, les faux-semblants, la mécanique Wilder fonctionne à plein régime. La Garçonnière est un film immense.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de La Garçonnière, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui très élégant. Le menu principal est animé sur la scène d’ouverture du film en version française. N’oublions pas le livret de 32 pages concocté par Marc Toullec, qui résume tous les arguments avancés au fil des nombreux suppléments.

Saluons l’éditeur qui nous permet non seulement de bénéficier du chef d’oeuvre de Billy Wilder dans une magnifique copie, mais également de prolonger ce plaisir avec près de 2h30 de suppléments.

On commence par une passionnante conversation (46’) sur La Garçonnière, entre Mathieu Macheret (Le Monde) et Frédéric Mercier (Transfuge). Face à face, les deux journalistes-critiques cinéma croisent le fond et la forme du film de Billy Wilder, en le replaçant tout d’abord dans la carrière du maître. Puis, les interventions des deux confrères se complètent parfaitement, l’un et l’autre rebondissant sur les arguments avancés, sans aucun temps mort. La genèse du film, l’écriture du scénario, les thèmes explorés, les partis pris, les intentions, le casting, la collaboration Billy Wilder-Jack Lemmon, la psychologie des personnages principaux, les décors d’Alexandre Trauner, le rejet des conventions et bien d’autres sujets sont abordés avec une passion contagieuse !

Le second bonus donne la parole à Didier Naert, peintre et architecte, qui revient sur sa rencontre, sa collaboration (en 1975 sur L’Homme qui voulut être roi de John Huston) et sur le travail du chef-décorateur Alexandre Trauner sur La Garçonnière (24’). Didier Naert évoque les débuts de Trauner dans le monde du cinéma, ses rencontres déterminantes (Marcel Carné), ses œuvres les plus célèbres. Puis, les associations de Trauner (alors directeur artistique et décorateur) avec Billy Wilder sur La Garçonnière et Irma la douce sont abordées.

Place à la comédienne Hope Holiday (13’), qui interprète Margie Mac Dougall (la femme du bar) dans La Garçonnière, qui intervient ici pour partager ses souvenirs liés au tournage du film de Billy Wilder. Egalement présente au générique d’Irma la Douce, l’actrice née en 1933 se remémore son casting pour obtenir un rôle dans La Garçonnière, puis raconte quelques anecdotes liées au tournage et sur sa collaboration avec Jack Lemmon. Très émue, la gorge serrée, Hope Holiday se met à pleurer en se remémorant tant de bons moments.

Vous pouvez enchaîner avec un essai vidéo centré sur la collaboration Billy Wilder / Jack Lemmon, réalisé par le critique David Cairns (20’). Cette analyse constituée d’extraits et de photographies n’évoque pas seulement La Garçonnière, mais également toutes les autres associations du tandem.

Le module suivant est consacré au comédien Jack Lemmon (1925-2001). Constitué de photos, d’extraits de films et d’interventions du biographe Joe Baltake, de l’historien du cinéma Robert Osborne, des actrices Shirley MacLaine et Hope Holiday, sans oublier le fils de Jack Lemmon, ce petit documentaire de 13 minutes et réalisé en 2007, rend un formidable hommage à l’un des comédiens les plus attachants de l’histoire du cinéma.

En plus de la bande-annonce originale (qui démarre par la dernière séquence du film!), cette section se clôt sur un segment rétrospectif réalisé en 2007 avec les mêmes protagonistes que dans les modules précédents, auxquels s’ajoutent Kevin Lally (auteur d’un livre sur Billy Wilder), Molly Haskell (critique de cinéma), Walter Mirisch (producteur de La Garçonnière), Drew Casper (professeur à l’école de cinéma et de télévision à l’Université de la Californie du Sud). Chacun revient sur la genèse, l’écriture, la mise en scène et tout ce qui concerne La Garçonnière de Billy Wilder.

L’Image et le son

La restauration numérique de La Garçonnière est très impressionnante. Le nouveau master HD (codec AVC, 1080p) au format respecté se révèle extrêmement pointilleux en terme de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Billy Wilder et les décors d’Alexandre Trauner. La photo signée Joseph LaShelle (Laura, Hangover Square, Irma la Douce) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Seul petit bémol, l’ouverture constituée de stock-shots reste marquée par des griffures et des points, mais cela reste vraiment anecdotique, car ce Blu-ray est vraiment superbe.

Le remixage de la version originale en DTS-HD Master Audio 5.1 ne profite surtout qu’à la musique du film. Et encore, l’écoute reste essentiellement frontale. N’hésitez pas à sélectionner la piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 qui contente non seulement les puristes, mais qui se révèle également soignée, fluide et largement suffisante pour créer un grand confort acoustique. La version française DTS-HD Master Audio 2.0 est évidemment anecdotique, même si l’immense Roger Carel prête sa voix extraordinaire à Jack Lemmon, comme cela avait été déjà le cas pour Certains l’aiment chaud et plus tard pour Irma la Douce. Cette piste est plus feutrée, accompagnée d’un léger souffle et de scories.

Crédits images : © Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. All Rights Reserved / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Un beau soleil intérieur, réalisé par Claire Denis

UN BEAU SOLEIL INTÉRIEUR réalisé par Claire Denis, disponible en DVD chez Ad Vitam le 6 février 2018

Avec :  Juliette Binoche, Xavier Beauvois, Philippe Katerine, Josiane Balasko, Sandrine Dumas, Nicolas Duvauchelle…

Scénario : Christine Angot, Claire Denis

Photographie : Agnès Godard

Musique : Stuart A. Staples

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Le résumé d’Un beau soleil intérieur est simple, direct. Présenté en Ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs en 2017, le douzième long métrage de Claire Denis, le treizième si l’on tient compte du téléfilm US Go Home (1994), est sans aucun doute le film le plus attachant et le plus chaleureux de la réalisatrice. Après Les Salauds, une œuvre particulièrement éprouvante et sombre, Claire Denis collabore avec la romancière Christine Angot et s’inspirent de Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes pour dresser le portrait d’une femme de 50 ans, séparée et mère d’une petite fille, qui recherche désespérément l’amour. Parisienne belle et sexy, artiste-peintre, Isabelle (Juliette Binoche) entretient une relation avec Vincent (Xavier Beauvois), un banquier marié, mais leur liaison demeure essentiellement physique. Isabelle peut compter sur la franchise de son amie Maxime (Josiane Balasko), écoute la philosophie quotidienne de Mathieu (Philippe Katerine) devant la poissonnerie, une connaissance de son quartier. Certains prétendants gravitent autour d’elle, notamment un jeune comédien (Nicolas Duvauchelle), qui a l’air encore plus paumé qu’elle.

Dans Un beau soleil intérieur, alors que les non-dits et les silences remplissent souvent l’espace chez Claire Denis, les mots sont au contraire très abondants. Cependant, les échanges entre les personnages reflètent leur propre enfermement, comme si les hommes et femmes étaient plongés dans leur propre monde, en désirant pourtant la même chose, aimer et être en retour. S’ils essayent de communiquer, le dialogue peine à s’instaurer. Alors que les protagonistes expriment leurs propres maux, ils ne se rendent pas compte que la personne en face ressent la même chose. Claire Denis évoque ainsi la solitude dans les grandes villes (comme dans Vendredi soir), non pas la peur de l’autre, mais celle d’être déçu et d’aller droit dans le mur. Ou comment penser à la déception avant même de vivre ce qu’il y a à vivre.

Le titre provient de la scène finale, quand Isabelle décide d’aller consulter un voyant, incarné par le monstre Gérard Depardieu. De sa voix sublime, tout en délicatesse, ce radiesthésiste tente de rassurer Isabelle en lui indiquant de vivre à fond ce qui s’offre à elle, sans penser au lendemain, afin de trouver une paix intérieure. Cette longue scène d’un quart d’heure est un cadeau supplémentaire, la cerise sur le gâteau, d’autant plus que le générique défile en même temps et se clôt à la dernière réplique, au dernier regard. Un beau soleil intérieur est un film extrêmement généreux, sensible, mais également une ode à sa comédienne principale. De tous les plans, de toutes les scènes, Juliette Binoche resplendit et enflamme l’écran. Sa peau diaphane, ses yeux caressés de pattes d’oie, ses courbes voluptueuses et sexy, Claire Denis la filme sous tous les angles, subjuguée comme nous pouvons l’être à chaque instant. Certes, si elle est excellemment épaulée par ses camarades, dont le complice Alex Descas, Bruno Podalydès et une apparition de Valeria Bruni-Tedeschi, nous n’avons d’yeux que pour Juliette Binoche, que la caméra caresse, frôle, comme si elle voulait rassurer son personnage capable de passer du rire aux larmes en un claquement de doigts.

Un beau soleil intérieur est une comédie mélancolique (superbes dialogues), un portrait de femme d’aujourd’hui, fragile comme du cristal, mais lumineuse et forte, qui n’a pas perdu l’espoir et l’envie de rêver malgré l’adversité et ses déboires amoureux successifs. La grande Juliette Binoche donne tout à Isabelle, son immense sensibilité, son rire, sa nature, son âge et ses tripes. Nommée aux César de la meilleure actrice en 2018, elle peut largement prétendre à la compression.

LE DVD

Le DVD d’Un beau soleil intérieur, disponible chez Ad Vitam, est logé dans un boîtier classique de couleur blanche, glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est élégant, animé et musical.

En plus de la bande-annonce, un seul supplément est disponible sur cette édition. Mais alors quel plaisir de découvrir l’intégralité de la masterclass de Claire Denis (1h16), enregistrée à la Cinémathèque française le 27 septembre 2017, jour de la sortie d’Un beau soleil intérieur et qui marquait aussi le premier jour des prises de vue de High Life, film de science-fiction avec Robert Pattinson et Juliette Binoche. Alors qu’une rétrospective de ses films était présentée, la réalisatrice répond aux questions de Frédéric Bonnaud et revient sur ses premiers souvenirs de cinéma, son amour pour le septième art, ses premiers chocs sur le grand écran (Soudain l’été dernier), ses années comme assistante auprès de Wim Wenders et Jim Jarmusch. De nombreux souvenirs s’enchaînent, souvent liés aux acteurs et aux conditions de tournage. Un beau voyage cinématographique en compagnie de l’une de nos cinéastes les plus passionnantes.

L’Image et le son

La belle photographie de la grande Agnès Godard qui allie à la fois les couleurs chatoyantes capturées et les gammes froides aurait mérité un bien meilleur traitement. En effet, les détails manquent à l’appel, certes la clarté est de mise mais le piqué manque de mordant, les scènes sombres sont les plus mal loties et certains visages demeurent blafards. Les plans très rapprochés ne sont pas aussi bien définis que nous l’espérions et les noirs manquent parfois de concision. Ajoutez à cela quelques légers artefacts de la compression et des baisses de la définition, ainsi qu’une gestion parfois aléatoire des contrastes. Dommage de ne pas disposer d’édition HD.

C’est un peu mieux, même si le mixage Dolby Digital 5.1 parvient tout juste à créer une immersion acoustique probante. Les ambiances naturelles viennent souvent à manquer sur les séquences en extérieur et l’ensemble se révèle souvent timide. Le report des voix est solide, la balance frontale fait gentiment son boulot, mais beaucoup de scènes reposent essentiellement sur les enceintes avant. A titre de comparaison, la version Stéréo finit par l’emporter sur la 5.1 du point de vue fluidité et homogénéité des voix avec les effets et la musique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription pour aveugles et malvoyants.

Crédits images : © Ad Vitam / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr