SIROCCO réalisé par Curtis Bernhardt, disponible en DVD le 6 mars 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Humphrey Bogart, Märta Torén, Lee J. Cobb, Everett Sloane, Gerald Mohr, Zero Mostel, Nick Dennis, Onslow Stevens…
Scénario : A.I. Bezzerides, Hans Jacoby d’après le roman « Le Coup de grâce » de Joseph Kessel
Photographie : Burnett Guffey
Musique : George Antheil
Durée : 1h34
Date de sortie initiale : 1951
LE FILM
Syrie, 1925. La révolte gronde contre l’occupant français dont les soldats sont régulièrement pris pour cible par les rebelles de l’émir Hassan. Bon pour les affaires d’Harry Smith, un américain cynique qui prospère dans le trafic d’armes. Si le colonel Feroud, chef du contre-espionnage, envisage de signer une trêve plutôt que de basculer dans la répression, ses efforts sont remis en question par un attentat…
Au début des années 1950, Humphrey Bogart est au sommet de sa carrière. Le comédien vient d’enchaîner coup sur coup Le Trésor de la Sierra Madre et Key Largo de John Huston, puis Les Ruelles du malheur et Le Violent de Nicholas Ray. Depuis 1942, le succès de Casablanca a entraîné moult ersatz en plaçant souvent un anti-héros américain dans un pays « exotique » dirons-nous, prêt à se sacrifier pour la bonne cause et la plupart du temps pour la femme qu’il aime. Sirocco de Curtis Bernhardt (1899-1981), qui avait déjà collaboré avec Humphrey Bogart sur La Mort n’était pas au rendez-vous – Conflict en 1945, ne déroge pas à à la règle, mais vaut qu’on s’y intéresse à plus d’un titre et notamment parce que le film est interprété par Bogey, impeccable dans le rôle du mystérieux Harry Smith, sans son galurin vissé sur la tête, mais avec son trench-coat fermé sous un soleil ardent.
En 1925, à Damas, lors de la grande révolte syrienne contre le mandat français, l’américain Harry Smith (Humphrey Bogart) pratique la contrebande d’armes à feux avec les rebelles syriens. Du côté français, face à la détérioration de la situation, le général LaSalle (Everett Sloane) ordonne l’exécution de civils en représailles à l’attaque de soldats français. Le colonel Feroud (Lee J. Cobb) le persuade d’annuler ce plan et entame des négociations avec le chef rebelle Hassan (Onslow Stevens). Mais ces dernières échouent. En collaboration avec le major Leon (Gerald Mohr), Feroud entame alors une enquête afin d’identifier la filière par laquelle les rebelles se ravitaillent afin de remonter à Hassan. Il interroge différents commerçants susceptibles de pratiquer la contrebande avec les rebelles. Harry fait alors la connaissance de Violetta (Märta Torén), la maîtresse de Feroud. Plus tard, il est dénoncé par Balukjian (Zero Mostel). Informé, Harry tente alors de fuir au Caire et emmène avec lui Violetta qui souhaite elle aussi échapper à Feroud et quitter la Syrie. Cependant, Harry manque de se faire capturer par une patrouille française et doit renoncer à son plan d’évasion, ayant perdu son argent dans sa fuite.
Même dans le rôle d’une canaille, surtout dans le rôle d’une canaille en fait, le public aime Humphrey Bogart et se range à ses côtés, car même si les desseins de son personnages demeurent troubles et ambigus, les spectateurs savent qu’un coeur tendre se cache sous ses airs bougons et ses actes répréhensibles. C’est encore cela dans Sirocco. Si le nom de Curtis Bernhardt est quelque peu oublié des cinéphiles, ceux-ci se souviennent tout de même du Tunnel, réalisé en 1933 avec un jeune Jean Gabin, film étrange où ce dernier interprétait un ingénieur qui entreprenait un tunnel sous l’Atlantique pour relier les Etats-Unis à la France. Brillant technicien, à défaut d’imposer un réel point de vue, Curtis Bernhardt dirige Humphrey Bogart, avant qu’il ne s’envole pour rejoindre Katharine Hepburn et embarquer sur l’African Queen. Sirocco est un petit film sympathique, qui vaut principalement aujourd’hui pour le jeu de ses acteurs. Si Bogey est – comme toujours – parfait, c’est étonnamment son partenaire Lee J. Cobb (1911-1976) qui tire son épingle du jeu et qui parvient presque à lui voler la vedette. Immortalisé à l’écran par Sidney Lumet dans Douze hommes en colère (1957) dans le rôle du Jurée #3, puis par William Friedkin dans L’Exorciste (1973) où il tient le rôle du Lt. William Kinderman, Lee J. Cobb faisait partie de ces acteurs très prisés par les grands noms du cinéma tels que Rouben Mamoulian, Henry King, George Cukor, Elia Kazan, Henry Hathaway, Edward Dmytryk et bien d’autres. Une longue carrière débutée dans les années 1940, qui continuera jusqu’à sa mort. Lee J. Cobb c’était une gueule, une carrure, mais aussi une immense sensibilité, comme il le démontre une fois de plus dans Sirocco à travers le personnage du Colonel Feroud, amoureux d’une femme, mais qui ne l’est pas en retour, également épris de justice et qui saura reconnaître la valeur et le courage d’Harry Smith. Les séquences mettant en scène Humphrey Bogart et Lee J. Cobb sont les meilleures de Sirocco, bien plus que celle où Bogey fait du charme à la belle Märta Torén.
Cette transposition du roman Le Coup de grâce de Joseph Kessel, entièrement tournée en Californie et en Arizona, reste un bon divertissement, dépaysant, au charme rétro inaltérable, dans lequel Bogart promène sa carcasse nimbée de volutes de fumée (superbe photo de Burnett Guffey), sans se forcer, mais avec une redoutable efficacité et un charisme foudroyant.
LE DVD
Sidonis Calysta aime Humphrey Bogart. Sirocco rejoint ainsi Plus dure sera la chute, Le Violent, Les Ruelles du malheur, En marge de l’enquête et Sahara déjà disponibles chez l’éditeur. Edition minimaliste pour Sirocco, uniquement proposé en DVD et avec des suppléments réduits. Le menu principal est animé et musical.
Au côtés de la bande-annonce du film, nous trouvons une petite présentation de Sirocco par Patrick Brion (8’). Le critique de cinéma évoque rapidement cette « énième version de Casablanca« , en précisant tout de même « qu’il ne s’agit pas du Casablanca du pauvre » et défend Sirocco, même s’il avoue comprendre ceux qui pourraient être déçus par le film de Curtis Bernhardt. Patrick Brion avance ainsi divers arguments, parle du casting et du réalisateur et indique « qu’un film, même moyen avec Humphrey Bogart, reste au-dessus du lot ».
L’Image et le son
Le master ne manque pas d’élégance. Les contrastes sont concis, fermes, les noirs denses et les blancs lumineux, les détails sont appréciables sur les nombreux gros plans et la copie est surtout très propre. La stabilité est également de mise.
Seule la version originale, aux sous-titres français non imposés, est proposée ici. Rien à signaler non plus de ce côté-là, les dialogues sont dynamiques, le souffle limité, pour ne pas dire absent, et les effets sont plutôt percutants.