NEVER GROW OLD réalisé par Ivan Kavanagh, disponible le 3 décembre 2019 en DVD chez Rezo Films.
Acteurs : John Cusack, Emile Hirsch, Déborah François, Molly McCann, Quinn Topper Marcus, Sam Louwyck, Danny Webb, Tim Ahern…
Scénario : Ivan Kavanagh
Photographie : Piers McGrail
Musique : Aza Hand, Will Slattery, Gast Waltzing
Durée : 1h35
Année de sortie : 2019
LE FILM
Un charpentier et entrepreneur de pompes funèbres irlandais Patrick Tate vit avec sa jeune famille à la périphérie d’une petite ville sur la route de la Californie pendant la ruée vers l’or de 1849.
La vie y est dure mais paisible jusqu’à l’arrivée de Dutch Albert et sa bande de Hors-la-loi qui va tout faire basculer et l’obliger à protéger sa famille…
Depuis plus de dix ans et même si le genre est devenu rare, certains westerns ont su marquer les cinéphiles. Citons pêle-mêle L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d’Andrew Dominik (2007), 3H10 pour Yuma de James Mangold (2008), Appaloosa d’Ed Harris (2008), Blackthorn de Mateo Gil (2010), True Grit des frères Coen (2010), Shérif Jackson des frères Miller (2013), Gold de Thomas Arslan (2013), The Salvation de Kristian Levring (2014), Bone Tomahawk de S. Craig Zahler (2015), Brimstone de Martin Koolhoven (2016), Hostiles de Scott Cooper (2017). Le Django Unchained de Quentin Tarantino s’avérait plus une parodie qu’un véritable western pur et dur comme pouvait l’être Les 8 salopards en 2016. Dans cette poignée de films, quatre se démarquent par la nationalité de leurs réalisateurs et donc par leur interprétation singulière du mythe américain, entre l’espagnol Mateo Gil, l’allemand Thomas Arslan, le danois Kristian Levring et le néerlandais Martin Koolhoven. Il faudra désormais compter sur l’irlandais Ivan Kavanagh qui écrit et réalise avec Never Grow Old, un western crépusculaire, noir anthracite, jusque dans sa sublime photographie. Sombre et poisseux, le sixième long métrage du cinéaste est un projet qui a dû attendre dix années pour enfin se concrétiser. Avec son casting hétéroclite où les américains John Cusack et Emile Hirsch donnent la réplique à la belge Déborah François, dans un film supposé se passer près de la Californie et dont le tournage s’est en fait déroulé au Luxembourg et en Irlande, Never Grow Old détonne et comblera les amateurs.
En 1849, pendant la ruée vers l’or, l’Irlandais Patrick Tate (Emile Hirsch), charpentier et de ce fait croque-mort, s’installe à Garlow, ville paisible sur le sentier californien, avec son épouse française Audrey (Déborah François) et ses deux enfants. Une nuit, le hors-la-loi Dutch Albert (John Cusack) débarque chez lui et l’utilise pour s’emparer du saloon, ses jeux d’argent et ses prostituées, créant la terreur dans la ville. Les conflits et les meurtres provoqués par le hors-la-loi vont incidemment faire prospérer les revenus de Patrick Tate. Sous la contrainte, celui-ci entretient une relation très ambigüe avec Dutch Albert. Mais ces liens, dans la violence ambiante, sont très mal vus en ville et rejetés par Audrey qui ne veut pas voir sa famille vivre grâce au sang versé par des bandits.
Magnifiquement photographié par le chef opérateur Piers McGrail et sans oublier la composition hypnotique d’Aza Hand, Will Slattery et Gast Waltzing, ce western baigne dans une atmosphère quasi-apocalyptique, où la violence refait surface dans une petite communauté qui avait réussi à éloigner les fléaux qui font habituellement la triste renommée de l’Ouest américain. Récit initiatique, drame psychologique, mais également fable sur le fanatisme religieux qui s’avère aussi dangereux et extrémiste que le « crime organisé », Never Grow Old subjugue à plus d’un titre. Certes, son intrigue est somme toute classique et respecte les codes habituels du genre, mais Ivan Kavanagh lui insuffle un ton âcre et amer, mélancolique aussi, doublé d’une forme puissante et flamboyante qui participe à une indéniable sensation claustrophobique.
Quel plaisir de revoir John Cusack aux affaires. A l’instar de Nicolas Cage, le comédien aura enchaîné les DTV dans les années 2010 et en dehors de ses participations chez Lee Daniels (Paperboy, Le Majordome) et David Cronenberg (Maps to the Stars), ses bons rôles sont devenus très rares. Dissimulé sous un chapeau mou où son visage blafard apparaît tel un spectre, le comédien bouffe l’écran de son charisme toujours intact. Face à lui, Emile Hirsch ne cesse d’impressionner, comme toujours, et se bâtit mine de rien l’une des plus belles filmographies de ces quinze dernières. L’acteur âgé seulement de 34 ans possède déjà un C.V. bien fourni où apparaissent les noms de Sean Penn, les sœurs Wachowski, Gus Van Sant, Ang Lee, William Friedkin, Oliver Stone et Quentin Tarantino. Attiré par le cinéma européen, Emile Hirsch aura également déjà collaboré avec l’italien Sergio Castellitto (Venir au monde), le norvégien André Øvredal (The Jane Doe Identity), le danois Bille August (The Lost Soldier). Enfin, le casting est complété par Déborah François, que nous n’attendions pas dans une telle production. Celle qui fut la révélation de L’Enfant de Jean-Pierre et Luc Dardenne il y a quinze ans, s’impose ici dans le rôle d’une femme forte, courageuse, mère de deux enfants et qui en attend un troisième, qui a quitté la France pour suivre son mari en Irlande, puis aux Etats-Unis. Aveuglé par le mirage de la Terre Promise, le couple doit se rendre à l’évidence et subsiste tant bien que mal dans cette ville boueuse paumée sur la route de la Californie. Jusqu’au jour où Dutch Albert, spécialiste de la gâchette, va multiplier les meurtres et donc faire fructifier les affaires de Patrick. Mais jusqu’où ce dernier est-il prêt à aller dans son désir d’enrichissement ?
N’attendez donc pas des chevauchées fantastiques ou des gunfights hallucinants, Never Grow Old est comme qui dirait un drame psychologique et oppressant se déroulant dans l’Amérique figée et crasseuse de 1850 qui prend l’allure d’un purgatoire où les personnages seraient dans l’attente du Jugement Dernier. Un western fort recommandable.
LE DVD
Never Grow Old est disponible uniquement en DVD, édité par Rezo Films et distribué par ESC Distribution. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche d’exploitation française. Le menu principal est animé et musical.
Deux interviews sont au programme avec Emile Hirsch d’un côté (7’30) et Ivan Kavanagh (16’30) de l’autre. Ces entretiens proviennent du matériel promotionnel réalisé pour la sortie de Never Grow Old et les deux intervenants répondent plus ou moins aux même questions sur l’histoire et les thèmes du film, les personnages, les références (Impitoyable, La Porte du Paradis, John McCabe), le casting, les conditions de tournage en Irlande et au Luxembourg, le travail sur le son et celui du directeur de la photographie.
Nous trouvons aussi un tout petit aperçu du tournage, sans commentaire et mis en musique (4’30), qui permet d’apprécier un peu plus la qualité des décors, souvent plongés dans la pénombre dans le film.
L’Image et le son
Pas d’édition HD pour Never Grow Old. Malgré cette déconvenue, cette édition standard s’avère plutôt soignée. La propreté de la copie est assurée, les couleurs désaturées et crépusculaires sont superbes et bien restituées. Le piqué est aléatoire, mais s’en tire honorablement, surtout que les partis pris esthétiques auraient pu avoir du mal à passer le cap du petit écran. La gestion des contrastes est solide, même si nous pouvions attendre plus de détails. Heureusement, l’encodage consolide l’ensemble et toutes les séquences tournées en extérieur sont très belles, tout comme les très nombreuses scènes nocturnes.
Les versions originale et française sont disponibles en Dolby Digital 5.1. D’emblée, les mixages imposent une spatialisation qui happe le spectateur dans un flot d’ambiances naturelles qui ne se calment que durant les scènes en intérieur, axées sur les dialogues. Le cinéaste fait la part belle aux éléments environnants et la scène arrière ne manque pas l’occasion de briller. L’éditeur joint également deux pistes Stéréo percutantes. Les sous-titres français ne sont pas imposés.