LES DEUX FANFARONS (Una botta di vita) réalisé par Enrico Oldoini, disponible en DVD depuis le 16 février 2022 chez LCJ Editions & Productions.
Acteurs : Alberto Sordi, Bernard Blier, Andréa Ferréol, Vittorio Caprioli, Alberto Sorrentino, Elena Falgheri, Josette Nieri, René Balangero…
Scénario : Liliane Betti, Enrico Oldoini, Agenore Incrocci & Alberto Sordi, d’après une histoire originale d’Aurelio Chiesa
Photographie : Giuseppe Ruzzolini
Musique : Manuel De Sica
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 1988
LE FILM
Un petit village d’Italie. C’est la mi-août et presque tout le monde est parti en vacances. Il reste quelques personnes du 3eme âge comme Mondardini et Battistini qui passent leurs soirées sous la fenêtre éclairée, d’une splendide jeune femme qui se douche. Mondardini, vieux provincial lettre et de bonne éducation, a une passion effrénée pour les femmes. Battistini petit fonctionnaire prétentieux, ne vit, lui, que pour les gueuletons et le bon vin. Bientôt, l’été a raison d’eux. Fatigués par la solitude, ils décident de partir, eux aussi et se rendent sur la Côte d’Azur. Débarquant à Saint-Tropez, ils ne tardent pas à faire connaissance de la charmante Germaine, au caractère bien trempé et indépendant. Les deux hommes vont tenter de la séduire…
Le titre français d’Une botta di vita, Les Deux fanfarons donc, surfe sur l’aura du chef d’oeuvre de Dino Risi, Le Fanfaron – Il Sorpasso, y compris dans son histoire, avec cette balade en voiture de deux protagonistes, qui toutefois n’ont pas le même âge que Bruno et Roberto, immortalisés par Vittorio Gassman et Jean-Louis Trintignant. Dans le film d’Enrico Oldoini (né en 1946), nos deux héros ont 70 piges bien tassées et arrivent au bout de l’automne de leur existence. A l’écran ? Deux autres monstres et non des moindres, Bernard Blier (72 ans) et Alberto Sordi (68 ans), qui s’étaient déjà donné la réplique dans La Grande guerre – La Grande guerra (1959) de Mario Monicelli, Chacun son alibi – Crimen (1960) de Mario Camerini et dans Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? – Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l’amico misteriosamente scomparso in Africa? (1968) d’Ettore Scola. Si le générique peut annoncer une comédie à la Mex Pecas, il n’en est rien. Les Deux fanfarons est une fable douce-amère, non pas sur le passage du temps, mais sur les années qui ont passé et sur celui qui reste. Comme une dernière virée avant de tirer leur révérence, Mondardini (Blier) et Battistini (Sordi), se connaissent à peine, mais décident de prendre la route ensemble la fameuse journée du Ferragosto (le 15 août), puisque ces deux papys ont pour ainsi dire été abandonnés par leurs familles respectives, parties se dorer la pilule. Les Deux fanfarons est aussi troublant car il s’agit du dernier long-métrage sorti – en Italie du moins – du vivant de Bernard Blier, pour les fêtes de Noël 1988, tandis que les spectateurs français devront attendre octobre 1989 pour découvrir le séjour estival de nos deux trublions, soit plus de six mois après la disparition du comédien. Une botta di vita est une jolie surprise, sur laquelle on ne misait pas du tout au départ, qui nous cueille par sa mélancolie, son humour léger et par l’immense talent de ses deux têtes d’affiche, dont la complicité est aussi éclatante qu’évidente.
Qui est Enrico Oldoini, le réalisateur des Deux fanfarons ? Les cinéphiles et passionnés du cinéma transalpin le connaissent pour avoir écrit Valse d’amour – Torgo il disturbo (1990), l’ultime association de Dino Risi et Vittorio Gassman, ainsi que le mythique Tais-toi quand tu parles ! de Philippe Clair, avec Aldo Maccione et Edwige Fenech . Les plus pointus se souviendront peut-être de Vacanze di Natale ’90 et Vacanze di Natale ’91, deux fleurons du Ciné-Panettone, qui représente la légendaire série – de l’autre côté des Alpes – des comédies sortant pour les fêtes de fin d’année. Si Enrico Oldoini s’est donc chargé des deux premières suites du film de Carlo Vanzina sorti en 1983 (et dont une quinzaine d’autres sortirons, sans compter les ersatz non officiels), la série Don Matteo avec Terence Hill occupera une bonne partie de sa carrière. Les Deux fanfarons, son sixième long-métrage en tant que cinéaste, capitalise évidemment sur l’influence des deux côtés de la frontière d’Alberto Sordi (également co-scénariste) et de Bernard Blier, pour plonger ces deux vétérans dans un monde qui désormais les dépasse.
Bien sûr, la mise en scène n’a rien d’exceptionnel et peut même faire penser aujourd’hui à un téléfilm de luxe, mais le rythme est malgré tout soutenu, les gags et quiproquos font mouche, les dialogues sont amusants (« La nuit il ne conduit pas, si je lui dis il se vexe, à l’opéra monsieur se branle, mais avec qui je suis parti en vacances ? »), on rit de bon coeur avec ces compères paumés au milieu d’une plage naturiste ou fumer un joint en bonne compagnie (avec la sévèrement bustée Elena Falgheri), tandis que leur nouvelle et récente amitié sera confrontée à l’arrivée inopinée de Germaine (excellente André Ferréol), que chacun cherche à séduire, histoire de voir s’ils en ont encore sous le capot.
« Répondez-moi franchement…vous espérez vivre encore combien de temps ? » « Moi j’voudrais bien être immortel, pas vous ? » « Si…mais pas pour toujours ! »
Les Deux fanfarons s’avère un road-movie pépère, nullement déplaisant, où l’on se prend immédiatement d’affection pour ces deux solitaires (« D’après vous, la solitude prolonge le temps ou le raccourcit ? ») qui débarquent sur la Côte d’Azur, en espérant sûrement retrouver ou entendre quelques échos de leurs jeunes années. Le passé se dévoile à mesure que les kilomètres défilent (lentement, puisqu’ils ne font que 200 bornes en huit heures seulement), on y parle de la mort qui commence à rôder, mais pas quand ils mangent un plat de spaghetti au pistou, on s’incruste dans un club du troisième âge pour profiter du buffet (« Les vieux dansent mal, mais ils mangent bien, pour ça je leur fais confiance ! ») et même Vittorio Caprioli fait son apparition. Alors, n’hésitez pas à embarquer à bord de « Teresa » (le nom de la vieille Lancia) auprès de nos deux vantards, voyeurs, flagorneurs et gourmands septuagénaires, toujours prêts à bouffer la vie.
LE DVD
Inédit en DVD, Les Deux fanfarons est disponible en édition Standard chez LCJ Editions & Productions. Glissée dans un boîtier Amaray classique, la jaquette reprend l’un des visuels d’exploitation. Le menu principal est fixe et muet.
Aucun supplément.
L’Image et le son
Évidemment, la copie n’est pas fantastique (euphémisme), mais il s’agit de la seule existante dans les bacs français, alors nous la prenons comme elle se présente. Vous aurez l’impression de (re)voir le film sur une télé cathodique dans les années 1980-90 (sans la coupure pub M6 « Chaud devant chaud ! Un jingle pub pour la six ! »), avec des couleurs parfois lumineuses, parfois fades, quelques poussières ici et là, diverses sautes et broutilles éparses, un piqué aléatoire, une gestion moyenne des contrastes, une texture argentique appuyée sur les séquences plus sombres…ce n’est guère reluisant, mais pour celles et ceux qui auront connu les belles heures du petit écran, cela participe au charme de cette (re)découverte.
Le son laisse plus à désirer…Bernard Blier ayant joué en français et Alberto Sordi en italien, quelle solution adoptée ? LCJ ne joint que la VF, où l’immense Roger Carel double la star transalpine et l’affuble d’un accent rital, certes caricatural, mais ô combien réjouissant et génial. On peut tiquer quand le personnage, qui parle en français aux habitants et touristes sur la Côte d’Azur, ne parvient pas à se faire comprendre (car italien donc…), mais cette fois encore on dira que « ça passe ». La différence est notable entre le son direct (Blier qui déclame son texte) et le doublage réalisé en postsynchro. Le volume est différent lors d’un échange, les répliques de Blier étant même souvent accompagnées d’un souffle et sa voix étant un peu pincée. Dans l’ensemble, c’est propre et suffisamment dynamique.