LE LION DE SAINT MARC (Il leone di San Marco) réalisé par Luigi Capuano, disponible en DVD le 6 juillet 2021 chez Artus Films.
Acteurs : Gordon Scott, Gianna Maria Canale, Rik Battaglia, Alberto Farnese, Giulio Marchetti, Franca Bettoia, Feodor Chaliapin Jr., Mirko Ellis…
Scénario : Luigi Capuano, Arpad DeRiso & Ottavio Poggi
Photographie : Alvaro Mancori
Musique : Carlo Rustichelli
Durée : 1h24
Date de sortie initiale : 1963
LE FILM
Au XVIIe siècle, Venise est la proie des pirates. Le fils du Doge, Manrico, est fiancé à Isabelle et son père veut le lancer dans la carrière diplomatique, mais celui-ci n’a qu’un désir : libérer Venise du joug des pirates. Il réunit secrètement quelques amis dans une taverne et décide de suppléer les mercenaires commandés par le capitaine Ostemberg…
Alors qu’il vient de tourner un cross-over pour le moins inattendu, Zorro et les 3 Mousquetaires – Zorro e i tre moschettieri, le réalisateur Luigi Capuano décide de surfer sur cette mouvance du « Renard rusé qui fait sa loi », même si la série avec Guy Williams n’arrivera pas en Italie avant 1966, et renoue avec le film de pirates en y intégrant un héros justicier épéiste, dont l’identité est dissimulée sous un masque. Pour cela, il engage à nouveau le comédien américain Gordon Scott (1926-2007), qui venait d’interpréter Zorro, et le confronte à la divine Gianna Maria Canale, dans son antépénultième apparition au cinéma et un an avant de mettre fin définitivement à sa carrière à l’âge de 37 ans. Contrairement au Tigre des mers – La Tigre dei sette mari, du même cinéaste et mis en scène un an auparavant, Le Lion de Saint Marc ne se déroule pas sur l’eau et les affrontements ne sont pas maritimes. L’intrigue se passe principalement à Venise, très bien filmée d’ailleurs, sublime décor merveilleusement bien exploité par un Luigi Capuano en pleine forme derrière la caméra, qui compile les séquences d’action, les conspirations et une histoire d’amour, sur un rythme soutenu et sans aucun temps mort durant 1h25.
La cité de Venise est la cible d’attaques régulières de la part d’une bande de pirates, sous l’impuissance des doges. Le fils de l’un d’eux, Manrico, lors du bal en l’honneur de ses fiançailles avec Isabella, subit une nouvelle attaque. Le soir même, il réunit quelques amis et décide de passer à l’action afin de mettre un terme à ces prédations.
En 1955, Gordon Scott devient Tarzan, rôle évidemment convoité qu’il tiendra dans cinq longs-métrages jusqu’en 1960, Tarzan chez les Soukoulous, Tarzan et le Safari perdu, Le Combat mortel de Tarzan, La Plus Grande Aventure de Tarzan, Tarzan le magnifique, sans oublier le téléfilm Tarzan et les trappeurs. Ce succès et sa carrure impressionnante (1m91 au garrot) le conduisent en Italie, où il devient une star du péplum. On le croise chez Riccardo Freda (Le Géant à la cour de Kublai Khan – Maciste alla corte del Gran Khan), Sergio Corbucci (Maciste contre le fantôme – Maciste contro il vampiro, Romulus et Rémus), Piero Pierotti (Cléopâtre une reine pour César – Una regina per Cesare), Mario Caiano (Goliath et l’Hercule noir – Goliath e la schiava ribelle) et Mario Costa (Le Gladiateur de Rome, Le Retour du fils du sheik). En 1963, Gordon Scott est au top de sa popularité et enchaîne les films sans interruption, puisqu’il tournera pas moins de six films cette année-là. Il est impeccable dans Le Lion de Saint Marc – Il leone di San Marco, non seulement au maniement de l’épée, scènes où il avait déjà démontré sa dextérité, son aisance et son naturel, mais aussi dans les séquences reposant uniquement sur son jeu d’acteur, où il se révèle également très convaincant dans la peau de cet homme qui rejette le destin qu’on voudrait le voir embrasser (devenir ambassadeur en France) pour lutter contre les pirates. Manrico est un soldat et non un homme politique. Alors, quand les flibustiers viennent dépouiller les vénitiens, s’attaquer aux pécheurs, aux artisans, au peuple, et que les mercenaires engagés pour parer leurs mauvaises actions sont incapables d’y remédier, Manrico lève une armée secrète de sympathisants, se camoufle derrière un masque, et s’en va sur les routes pour affronter les pirates. Cependant, c’était sans compter sur la belle et (naturellement) pétillante Rosanna, fille de corsaire, voleuse, maniant l’épée comme personne, dont il tombe instantanément amoureux dès qu’ils se retrouvent face à face. Sous ses allures de jeune femme rebelle, Rosanna n’est pas insensible à ce grand gaillard qui lui a tenu tête et qui s’avère le premier homme à avoir su la désarmer, corps et âme pourrait-on dire. Partagée entre cet amour « interdit » et le code d’honneur de ses camarades, Rosanna se retrouve entre deux feux, celui de l’amour et celui qui pourrait brûler les vénitiens les plus fortunés.
Luigi Capuano signe une fois de plus le scénario en compagnie d’Arpad DeRiso (Le Dernier des Vikings, Le Triomphe de Maciste, Maciste contre les monstres, Hercule contre Rome), d’après une histoire originale d’Ottavio Poggi (Le Secret de d’Artagnan, Totò contro Maciste, Gordon, chevalier des mers), autrement dit des experts en séries B. Le Lion de Saint Marc est encore plus réussi que Le Tigre des mers, grâce à un récit plus riche, des personnages plus développés, un montage soigné, une mise en scène appliquée et des combats solidement chorégraphiés. Si Gianna Maria Canale apparaît quelque peu effacée par rapport au Tigre des mers, sa présence n’en demeure pas moins lumineuse et participe au charme de ce petit film d’aventures et de cape et d’épée toujours aussi savoureux et suprêmement divertissant.
LE DVD
Après Le Tigre des mers, un autre félin débarque chez Artus Films dans la collection Piraterie, Le Lion de Saint Marc ! Le DVD est solidement harnaché dans un boîtier Slim Digipack au visuel clinquant, par ailleurs repris pour le menu principal, fixe et musical.
Contrairement aux bonus du Tigre des mers, pas de générique français à l’horizon, mais pour le reste, la configuration est identique, à savoir un Diaporama de photos et d’affiches d’exploitation, la bande-annonce, ainsi qu’une présentation toujours éminemment sympathique du sieur Christian Lucas (15’). Cette fois, petit cours d’orthographe, doit-on ou pas prononcer le C à la fin de Saint Marc ? L’orthographe française regorge de consonnes muettes. Par définition, il n’est donc pas facile de savoir quand écrire un c muet à la fin d’un mot, d’autant que les mots de la même famille sont parfois trompeurs. Pour cela, petit rappel de Christian Lucas sur le pourquoi du comment. Et d’abord, qui est le Saint Marc du titre ? Pour cela aussi, le complice désormais incontournable d’Artus Films répondra à cette question. Bon et pour le film qui nous intéresse aujourd’hui ? Pas de problème, Christian Lucas a tout prévu et replace Le Lion de Saint Marc dans la carrière du réalisateur Luigi Capuano, passe en revue quelques-uns de ses films d’exploitation, évoque le casting (Gordon Scott, Gianna Maria Canale…), développe les thèmes et loue la qualité du scénario, tout en disant que Le Lion de Saint Marc est comme qui dirait le film jumeau du Bourreau de Venise, tourné la même année par le même metteur en scène, avec la même équipe technique, avec quelques éléments similaires de l’intrigue, des décors semblables…On appréciera encore une fois la générosité et l’engouement de Christian Lucas.
L’Image et le son
Voilà un très beau master ! Si l’on observe divers décrochages chromatiques ou de la définition, parfois aléatoire lors d’un champ-contrechamp, ainsi que de légers plans flous, ainsi qu’une rayure verte intempestive constatée à 1h11’’28 précisément, la copie proposée par Artus Films est très souvent un ravissement pour les mirettes. Le piqué est appréciable, tout comme la propreté et la stabilité, le cadre large est bien exploité avec une profondeur de champ éloquente, des détails à foison. C’est beau, net, carré, élégant et l’on ne pouvait sans doute pas espérer mieux en terme de qualité pour découvrir ce film d’aventures.
En italien comme en français, les voix des comédiens sont dynamiques, jamais perturbées par un souffle parasite, les effets sont concrets, percutants dans les scènes d’action, tandis que la musique du maestro Carlo Rustichelli, déjà à l’oeuvre sur Le Tigre des mers et Le Bourreau de Venise de Luigi Capuano, est délivrée avec une ardeur jamais démentie. Les sous-titres français ne sont pas imposés.