LE BONHEUR EST POUR DEMAIN réalisé par Brigitte Sy, disponible en DVD le 19 juin 2024 chez Blaq Out.
Acteurs : Laetitia Casta, Damien Bonnard, Béatrice Dalle, Guillaume Verdier, Coralie Russier, Sarah Le Picard, Malik Tadj, Félix Verhaverbeke…
Scénario : Christine Dory, Frédéric Serve & Brigitte Sy
Photographie : Frédéric Serve
Musique : Béatrice Thiriet
Durée : 1h35
Année de sortie : 2024
LE FILM
Sophie a un enfant, un conjoint, mais son quotidien lui semble désespérément plat, sans plaisir, sans envies. Jusqu’au jour où elle rencontre Claude. Il est drôle, séduisant, intelligent. Elle tombe immédiatement sous le charme. Mais Claude n’est pas un prince charmant. C’est un braqueur. Or, au cours d’une attaque de banque, un homme est tué. Claude est arrêté et condamné à une lourde peine de prison. Ce qui aurait dû être la fin devient alors le début d’une histoire folle, passionnelle et sans limites. Soutenue par Lucie, la mère de Claude, Sophie ne renonce pas à son amour pour Claude. Elle est prête à aller jusqu’au bout. Quelles qu’en soient les conséquences.
En 2010, Brigitte Sy signe Les Mains libres, un magnifique premier long métrage inspiré de sa propre histoire à l’époque où elle dirigeait des ateliers de théâtre en prison avec les détenus. Loin des clichés liés aux films se déroulant en milieu carcéral mais avec une extrême pudeur ainsi qu’une émotion constamment à fleur de peau, la réalisatrice dressait le portrait d’un homme et d’une femme, solitaires et abîmés par la vie, dont la rencontre dans un milieu inattendu allait les ressusciter tous les deux. Avec leurs personnalités faites de force nerveuse et d’une sensibilité fragile comme du cristal, Ronit Elkabetz (sublime) et Carlo Brandt (immense comédien de théâtre) incarnaient ces deux êtres troublants avec une rare intensité qui nous bouleversaient tout du long jusqu’à la poignante séquence finale où brillait également l’indispensable Noémie Lvovsky. Avec sa mise en scène sobre, sans concession et épurée, Brigitte Sy allait droit à l’essentiel, et saisissait directement le spectateur en plein coeur. On en ressortait complètement retourné. Après L’Astragale (2015), adaptation de l’autobiographie éponyme d’Albertine Sarrazin, qui évoquait aussi un couple (Leïla Bekhti et Reda Kateb) autour du thème de la prison, Brigitte Sy revient une fois de plus à ses thèmes de prédilection (pour ne pas dire obsessions) avec Le Bonheur est pour demain, qui aborde encore l’incarcération, l’amour empêché, la cavale, l’évidence entre deux êtres, avec un romanesque assumé. Et l’on se retrouve à nouveau sur les rotules, emportés que nous sommes par le souffle de cette histoire d’amour aussi contrariée que passionnée, magistralement interprétée par Laetitia Casta et Damien Bonnard, l’un des plus beaux couples vus dernièrement au cinéma.
En 1998, Brigitte Sy est tombée amoureuse d’un détenu avec lequel elle réalisait des ateliers de théâtre. Elle devait ensuite l’épouser. Cela marque une existence, ainsi que celle de ses proches, puisque l’on retrouvait également cet élément dans le génial L’Innocent de Louis Garrel, le fils de la cinéaste. Dans Le Bonheur est pour demain, titre qui fait penser à un roman de Marc Lévy c’est vrai, Brigitte Sy confie le rôle principal à Laetitia Casta, qui n’est autre que sa belle-fille dans la vie privée. Il a fallu des années pour que l’ex-mannequin s’impose comme comédienne, surtout quand on commence à jouer les potiches dans Astérix et Obélix contre César. Pourtant, rétrospectivement, Laetitia Casta a visiblement toujours cherché à apparaître là où on l’attendait le moins, chez Raoul Ruiz, Damien Odoul, Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Hélène Fillières, Bertrand Bonello, cherchant sans doute à apprendre le métier, une respectabilité, afin de démontrer qu’elle ne prenait pas cette reconversion à la légère. Depuis quelques films, L’Homme fidèle de Louis Garrel, L’Incroyable Histoire du facteur Cheval de Nils Tavernier et dernièrement Le Consentement de Vanessa Filho, on sent que la comédienne a franchi une nouvelle étape, la maturité aidant peut-être, puisqu’elle s’est imposée facilement tout en épatant les spectateurs.
Rebelote pour Le Bonheur est pour demain où elle livre une prestation magnétique, où son charisme foudroie, ainsi que la force de son jeu. D’emblée, elle a peu à faire pour imposer son personnage, Sophie, quelque peu paumée entre un petit ami truand, violent, toxicomane et jaloux, père de son fils, et un boulot qui lui remplit mollement ses journées. Jusqu’à la rencontre, le coup de foudre instantané avec Claude, braqueur de son état (comme Michel dans Les Mains libres), mais aventurier dans l’âme, qui s’occupe de sa mère (Béatrice Dalle, impeccable), atteinte du sida. Tout irait pour le mieux, si ce n’est que Claude fait une (grosse) connerie et se retrouve derrière les barreaux. Mais, contre toute attente, cela ne va pas empêcher ces deux êtres de s’aimer, follement, d’avoir un enfant et de penser tout de même à l’avenir.
Claude, c’est Damien Bonnard, l’un des acteurs les plus passionnants depuis 2016, année de sa révélation dans Rester vertical d’Alain Guiraudie. Vu depuis chez Pierre Salvadori (En liberté !), Anne Fonaine (Blanche comme neige), Ladj Ly (Les Misérables), Roman Polanski (D’après une histoire vraie, J’accuse), Wes Anderson (The French Dispatch, Asteroid City), Joachim Lafosse (Les Intranquilles, Un silence) et même chez Yórgos Lánthimos (Pauvres Créatures), il s’impose encore dans Le Bonheur est pour demain et l’alchimie avec sa partenaire est foudroyante de vérité.
Brigitte Sy joue la carte du film de genre, le polar, à travers des décors et des éclairages stylisés (belle photo de Frédéric Serve, déjà à l’oeuvre sur L’Atragale et Les Mains libres, ainsi que les deux premiers courts-métrages de la réalisatrice), qui parvient à donner à à Roubaix et à Lille une étonnante cinégénie. Rien n’est vraiment réaliste, même si le scénario s’inspire librement de différents faits réels comme l’indique un panneau dans le générique de fin, mais cela n’empêche pas d’être fortement attachés aux personnages, d’être à leurs côtés, d’espérer pour eux…et si jamais le bonheur devait être retardé pour l’un, pour l’autre, pour les deux (et leurs enfants), cela arrivera bien forcément un jour. On leur souhaite.
LE DVD
Après Les Mains libres chez Chrysalis Films et L’Astragale chez Alfama Films, le troisième long-métrage de Brigitte Sy déboule chez Blaq Out, uniquement en DVD, après avoir seulement attiré 19.000 spectateurs à sa sortie. Belle jaquette, qui reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le boîtier est glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est fixe et musical.
Le seul supplément est une interview de Brigitte Sy (20’30). La réalisatrice revient sur la genèse du Bonheur est pour demain, les véritables faits divers et personnages ayant inspiré le scénario qu’elle a coécrit avec Frédéric Serve (également chef opérateur) et Christine Dory, ainsi que sur les conditions de tournage. Les thèmes du film, les partis-pris, la part autobiographique, le casting, la reconstitution des années 1990, la psychologie des personnages sont aussi les sujets abordés au cours de cet entretien passionnant.
L’Image et le son
Le transfert est correct et passe-partout. Les couleurs sont jolies, chaudes (merci les néons dans la première partie), sans en mettre plein les yeux, le piqué est aléatoire, nettement plus vigoureux sur les scènes diurnes en extérieur. Les ambiances tamisées sont nettes et reposantes, les contrastes bien gérés. Cependant, les gros plans ne sont pas aussi ciselés que nous pouvions l’espérer, les visages sont un peu blafards. Malgré des petits défauts constatés et baisses de la définition, le master de Le Bonheur est pour demain instaure un confort de visionnage largement suffisant pour voir ou revoir ce très beau film.
Le Bonheur est pour demain est disponible en Dolby Digital 5.1 et Stéréo. En dehors d’une spatialisation musicale, l’ensemble du mixage se focalise sur les enceintes avant avec une nette restitution des dialogues sur la centrale et des effets discrets. La piste Stéréo est largement suffisante pour un film de cet acabit et conviendra aisément à ceux qui ne seraient pas équipés sur les latérales. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.