LA FEMME DÉSHONORÉE (Dishonored Lady) réalisé par Robert Stevenson, disponible en DVD le 7 décembre 2021 chez Artus Films.
Acteurs : Hedy Lamarr, Dennis O’Keefe, John Loder, William Lundigan, Morris Carnovsky, Natalie Schafer, Paul Cavanagh, Douglass Dumbrille…
Scénario : Edmund H. North, d’après une pièce de Edward Sheldon et Margaret Ayer Barnes
Photographie : Lucien N. Andriot
Musique : Carmen Dragon
Durée : 1h21
Date de sortie initiale : 1947
LE FILM
Directrice de presse, Madeleine Damien fait une tentative de suicide. Le docteur Caleb la prend en charge et la convainc de changer de vie. Elle emménage alors à Greenwich Village et se met à la peinture. Elle rencontre David, un scientifique, qui va lui redonner peu à peu goût à la vie. Un soir, elle retrouve Félix, un ancien amant.
La dernière fois que nous évoquions Hedy Lamarr, c’était pour parler du Démon de la chair – The Strange Woman (1946) d’Edgar G. Ulmer, thriller viscéral adapté d’un roman de Ben Ames Williams, produit et interprété par la sublimissime Hedy Lamarr (1914-2000), femme fatale, vénéneuse et à se damner dans un rôle taillé sur mesure, dans lequel elle enflammait l’écran et les sens. Si vous désirez en savoir plus sur la comédienne, ainsi que sur sa vie et son parcours atypiques, vous saurez retrouver notre chronique. Nous reprendrons donc où nous en étions, puisque le film qui nous intéresse aujourd’hui, La Femme déshonorée – Dishonored Lady (1947) est le long-métrage tourné dans la continuité par Hedy Lamarr. Également productrice sur cet opus, cette dernière est toujours aussi magnétique et foudroie par la modernité de son jeu, sur lequel le temps semble ne pas avoir d’emprise. Confié au légendaire Robert Stevenson (1905-1986), réalisateur des mythiques productions Disney Un Amour de coccinelle et Un Nouvel amour de coccinelle, L’Apprentie sorcière, Mary Poppins,L’Espion aux pattes de velours, L’Île sur le toit du monde, Le Fantôme de Barbe-Noire et Professeur tête en l’air, La Femme déshonorée est un drame psychologique saupoudré de quelques petites touches de film noir, qui conserve un charme fou. Et c’est encore une fois l’occasion d’admirer l’une des plus belles actrices de l’histoire du cinéma.
Atteinte de dépression, Madeleine (Hedy Lamarr) fait une tentative de suicide. Elle encastre sa voiture près du domicile du Dr Richard Caleb (Morris Carnovsky), un psychiatre, qui devine son tourment et décide de prendre soin d’elle. Puis, grâce à ses soins professionnels, elle se rend compte qu’elle fuit tout ce qui l’entoure, tout comme son père artiste populaire, qui a mis fin à ses jours. Alors qu’elle est soumise aux exigences de son travail, elle décide soudainement de quitter son emploi et de disparaître pour refaire sa vie. Sous un autre nom, elle emménage dans un petit appartement où elle retourne à sa première passion, la peinture. En attrapant – sans avoir peur – une souris de laboratoire, elle rencontre et impressionne son voisin, un beau scientifique, David Cousins (Dennis O’Keefe), qui a justement besoin d’un artiste pour dessiner les cellules qu’il étudie au microscope. Ils travaillent intensément ensemble, jusqu’à la réalisation d’un article que David est amené à présenter lors d’une conférence. Avant de partir, il propose à Madeleine de l’épouser. Celle-ci le veut clairement aussi, mais se sent trop mal à l’aise pour accepter, car elle n’a jamais parlé à David de son ancienne vie amoureuse quelque peu mouvementée. En attendant, ses anciens collègues, dont Felix Courtland, retrouvent sa trace. Ce dernier, ancien amant, parvient même à obtenir une clé de son appartement et l’y surprend. Elle le vire de chez elle…Mais l’intrus n’a pas dit son dernier mot.
Hedy Lamarr, aussi à l’aise et crédible en femme désespérée et au bord du gouffre qu’en rédactrice de mode d’un magazine chic de Manhattan. Tous les hommes sont forcément attirés par Madeleine, y compris son patron Victor Kranish (Paul Cavanagh), le riche annonceur Felix Courtland (John Loder, alors véritable époux de la star) et un ancien assistant, Jack Garet (William Lundigan), qui travaille maintenant pour Courtland et la fait chanter sur les événements de son passé. Une femme dure, froide, qui cache un tempérament de feu, mais aussi un traumatisme lié à son enfance. Et quand le mal-être ressurgit après plusieurs années de faux-semblants, Madeleine arrive à un carrefour de sa vie. Si elle ne décide pas d’affronter ce qui la ronge depuis toujours, Madeleine risque d’étouffer par l’image qu’elle s’est créée, où elle s’est perdue. Mais son subconscient l’assaille et Madeleine est obligée d’y faire face.
La comédienne crève l’écran dans La Femme déshonorée, film qui surfe alors sur la nouvelle mode de la psychanalyse, ainsi que de sa représentation au cinéma. Mais là où certains longs-métrages abusaient d’effets divers et variés supposés montrer les tourments du personnage principal, Dishonored Lady, inspiré par une pièce d’Edward Sheldon et Margaret Ayer Barnes, demeure sobre et tout passe par le visage fantastique d’Hedy Lamarr. Dans le dernier tiers, son personnage reste stoïque et le visage fermé durant le procès, où Madeleine est jugée pour un meurtre qu’elle n’a pas commis, mais qui a eu la fâcheuse idée de mentir sur son existence, ou plutôt de dissimuler ce qui régissait alors sa vie. Y compris à l’homme dont elle est tombée amoureuse, le scientifique David Cousins, interprété par l’excellent Dennis O’Keefe, vu dans Alerte aux Marines d’Edward Ludwig et surtout dans La Brigade du suicide et Marché de brutes d’Anthony Mann. Finalement, Madeleine semble être plus jugée pour ses anciennes frasques – ce qui renvoie directement à la vie sulfureuse de son interprète – et son caractère indépendant que pour meurtre.
Contrairement au Démon de la chair, La Femme déshonorée, connu aussi sous le titre Sins of Madeleine, ne rencontrera pas son public et les activités de productrice d’Hedy Lamarr allaient cesser très rapidement. Par la suite, l’actrice glamour se fera plus discrète. On la verra chez Cecil B. DeMille dans Samson et Dalila, John Farrow dans Terre damnée, en Jeanne d’Arc chez Irwin Allen dans L’Histoire de l’humanité, mais jamais elle ne retrouvera son irrésistible aura.
LE DVD
Comme souvent en fin d’année, Artus Films dégaine une vague de classiques méconnus ou que l’on pensait même disparus. C’est le cas de La Femme déshonorée de Robert Stevenson. La jaquette arbore un visuel attractif centré uniquement sur la splendide Hedy Lamarr, tout comme le menu fixe et musical.
Aucun supplément.
L’Image et le son
Pour ceux qui s’en souviennent, le master 1.33 – 4/3 de La Femme déshonorée rappelle un peu le Ciné Vieux de Grolandsat. La copie est marquée par des instabilités, des griffures, des points, des tâches et des raccords de montage. La gestion des contrastes est totalement aléatoire, les noirs bouchés et la définition des séquences sombres laisse franchement à désirer. Ajoutez à cela des décrochages sur les fondus enchaînés, un piqué émoussé, un manque flagrant de détails sur les gros plans et un grain étonnamment lissé. Bref, ce DVD n’a rien de miraculeux, mais a au moins le mérite d’exister et nous permet de découvrir ce petit bijou de Robert Stevenson.
Point de version française sur cette édition. L’écoute est souvent parasitée par quelques menus craquements, des échanges plus sourds, un souffle chronique et des fluctuations. La piste Dolby Digital Mono 2.0 fait ce qu’elle peut et en dépit d’un bruit de fond persistant se révèle au final suffisante. Les sous-titres français ne sont pas imposés.