J.T. LEROY (Jeremiah Terminator LeRoy) réalisé par Justin Kelly, disponible en DVD le 15 octobre 2020 chez Metropolitan Films.
Acteurs : Kristen Stewart, Laura Dern, Jim Sturgess, Diane Kruger, Kelvin Harrison Jr., James Jagger, Courtney Love, David Lawrence Brown…
Scénario : Savannah Knoop & Justin Kelly, d’après le livre Girl Boy Girl: How I Became JT LeRoy de Savannah Knoop
Photographie : Bobby Bukowski
Musique : Tim Kvasnosky
Durée : 1h44
Date de sortie initiale : 2018
LE FILM
Inspiré de l’histoire de J.T. Leroy, une femme écrivain qui s’était fait passer pour un transgenre dans les années 90-2000 pour duper le monde des célébrités.
Beaucoup de cinéphiles connaissent le film Le Livre de Jérémie, réalisé par Asia Argento en 2004 et adapté du livre éponyme de J.T. LeRoy, qui racontait l’enfance détruite de Jeremiah, jeune garçon ballotté entre une mère prostituée qui l’emmenait dans ses tribulations sur les routes des États-Unis et des grands parents évangéliques voulant l’arracher à cette vie de débauche pour lui donner une éducation rigoriste. Un livre dur et très cru, où la violence et le sexe étaient omniprésents. A la sortie du roman en 2001, son auteur J.T. LeRoy était présenté comme une personne trans, qui se questionnait sexuellement, ancien sans domicile fixe, prostitué et toxicomane. En réalité, J.T. LeRoy était le pseudonyme – ou l’alter ego – de Laura Gilbert (née en 1965), véritable écrivaine, qui avait inventé ce personnage, pour parler de sa véritable histoire. Ainsi, Le Livre de Jérémie était autobiographique, mais la narratrice se dissimulait derrière ce nom et cet avatar monté de toutes pièces, jusqu’en 2006, année où la supercherie a été révélée dans les médias. Il n’en fallait pas plus pour que le cinéma s’empare de cette histoire. Le film qui en découle s’intitule tout simplement J.T. LeRoy, ou parfois Jeremiah Terminator LeRoy. Aux commandes de ce « biopic », on retrouve un certain Justin Kelly, ancien assistant monteur de Gus Van Sant sur Harvey Milk (2008), qui est ensuite passé derrière la caméra avec quelques courts métrages, avant de passer au format long en 2015 avec le remarqué I am Michael en 2015 (avec James Franco, Zachary Quinto et Emma Roberts), trois fois récompensé au Festival FilmOut San Diego. J.T. Leroy est son quatrième film. Dans le(s) rôle(s) titre pourrait-on dire, on retrouve à la fois Kristen Stewart, qui incarne – aux yeux de tous – l’écrivain, et Laura Dern, une fois de plus incroyable dans la peau de Laura Gilbert. Un « monstre à deux têtes » qui va s’avérer plus complexe à gérer que l’imaginait sa créatrice, et qui ne s’attendait pas à ce que sa protégée se perde quelque peu dans la peau du monstre qu’elle a créé. S’il ne révolutionne évidemment pas un genre depuis longtemps ultra-balisé, ce J.T. LeRoy vaut le coup pour admirer la prestation d’une des plus grandes comédiennes de tous les temps, qui avait d’ailleurs déjà partagé l’affiche avec Kristen Stewart dans Certaines Femmes de Kelly Reichardt.
Dans les années 1990, Laura Albert, une femme écrivain, se fait passer pour un homme transgenre nommé JT LeRoy (Jeremiah « Terminator » LeRoy). En public, JT LeRoy est « joué » par sa belle-sœur Savannah Knoop jusque dans les années 2000, pour duper le monde des célébrités, de la mode et des lettres. Mais le canular sera démasqué par le New York Times.
La vérité est rarement pure et jamais simple. (Oscar Wilde)
J.T. LeRoy est une œuvre difficilement classable, une comédie douce et amère, un drame psychologique, un vrai-faux biopic. Le réalisateur Justin Kelly s’en sort très bien avec cette adaptation des mémoires Girl Boy Girl : How I Became JT Leroy, écrit par Savannah Knoop, interprétée dans le film par Kristen Stewart. Comme d’habitude, la comédienne promène son spleen et ses yeux de Droopy en accrochant la lumière, mais ennuie rapidement à force d’en faire le minimum. Alors qu’elle s’apprêtait à interpréter Jean Seberg dans un autre biopic, l’actrice qui sourit à l’envers est un choix judicieux pour « incarner » le trouble et mystérieux J.T. LeRoy, dissimulée sous des chapeaux grands comme des chapiteaux et des lunettes noires, tout en murmurant ses répliques. Mais définitivement, nous n’avons d’yeux que pour Laura Dern, omniprésente au cinéma et à la télévision pour notre plus grand bonheur, en passant allègrement d’un univers à l’autre, et même dans une galaxie lointaine, très lointaine, si vous suivez sa carrière de manière assidue. On reste pantois d’admiration devant son jeu explosif qui n’a pas perdu le feu qui l’animait déjà dans Sailor et Lula – Wild at Heart de David Lynch, trente ans auparavant. Du coup, entre Laura Dern, explosive, et Kristen Stewart, léthargique, notre choix est vite fait, mais du point de vue dramatique le jeu s’équilibre bien et leur rencontre à l’écran fonctionne.
Au milieu des deux stars, Diane Kruger s’immisce facilement et marque le film de sa présence féline dans le rôle d’Eva (et non pas Asia…), réalisatrice quelque peu prédatrice qui voudra profiter de l’engouement pour l’écrivain, sur lequel elle usera de ses charmes, pour obtenir les droits d’adaptation d’un de ses livres. Tout ceci avant que la mystification littéraire soit dévoilée dans les journaux. Révélé en 2007 dans Across the Universe de Julie Taymor, qui a ensuite marqué les spectateurs dans Deux sœurs pour un roi de Justin Chadwick, Las Vegas 21 de Robert Luketic et Les Chemins de la liberté de Peter Weir, Jim Sturgess, que nous avions perdu de vue, fait aussi une apparition remarquée ici dans la peau du demi-frère de Savannah et compagnon de Laura Albert.
Présenté au Festival international du film de Toronto en 2018, J.T. Leroy n’a pas eu les honneurs d’une sortie dans les salles françaises. Heureusement, l’éditeur Metropolitan Vidéo propose le film de Justin Kelly sur support physique, où à n’en pas douter, il rencontrera son public, qui devrait lui faire un bon accueil.
LE DVD
J.T. LeRoy ne passera donc pas par la case cinéma dans nos contrées et arrive dans les bacs en octobre 2020 dans une édition DVD minimaliste, et seulement en édition Standard. Le menu principal est légèrement animé et musical.
Aucune interview, pas de making of, encore moins de scènes coupées. Vous ne trouverez qu’un lot de bandes-annonces comme bonus sur ce DVD.
L’Image et le son
Si l’on excepte deux ou trois plans plus doux, ce master standard se révèle souvent irréprochable. Que l’histoire se déroule dans les intérieurs cosy ou dans des extérieurs plus froids, ce DVD restitue brillamment la belle photographie du chef opérateur Bobby Bukowski (The Messenger, Rampart, The Iceman). Le relief est très présent, la colorimétrie est chatoyante, le piqué suffisamment aiguisé, la clarté de mise et les contrastes d’une densité indiscutable. Le cadre large est excellemment exploité et les détails très appréciables. Superbe DVD sorti encore une fois de l’écurie Metropolitan.
J.T. LeRoy repose en grande partie sur les dialogues et il ne faut donc pas en attendre beaucoup du mixage Dolby Digital 5.1., que ce soit en anglais comme en français. Ici, c’est surtout la composition de Tim Kvasnosky, collaborateur complice de Justin Kelly depuis son premier long-métrage, qui jouit d’une spatialisation concrète, même si les ambiances naturelles sont solides sur les frontales comme sur les latérales. Les sous-titres français ne sont pas imposés.