Test DVD / Drive My Car, réalisé par Ryusuke Hamaguchi

DRIVE MY CAR (Doraibu mai kâ – ドライブ・マイ・カー) réalisé par Ryusuke Hamaguchi, disponible en DVD et Blu-ray le 1er mars 2022 chez Diaphana.

Acteurs : Hidetoshi Nishijima, Toko Miura, Reika Kirishima, Park Yoo-rim, Jin Dae-Young, Sonia Yuan, Satoko Abe, Masaki Okada, Perry Dizon, Ann Fite…

Scénario : Ryusuke Hamaguchi & Takamasa Oe, d’après la nouvelle d’Haruki Murakami

Photographie : Hidetoshi Shinomiya

Musique : Eiko Ishibashi

Durée : 2h52

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Alors qu’il n’arrive toujours pas à se remettre d’un drame personnel, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter Oncle Vania dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu’on lui a assignée comme chauffeure. Au fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige à faire face à leur passé.

Il nous avait enchantés avec Senses (2015) et Ayako I & II (2018), rebelote avec son dernier opus en date, Drive My car. Le réalisateur et scénariste Ryūsuke Hamaguchi (né en 1978) s’inspire cette fois de trois nouvelles de l’écrivain Haruki Murakami, publiées dans le recueil Des hommes sans femmes, paru en 2014, Drive My Car, Shéhérazade et Le Bar de Kino. Celles-ci ont toutes pour point commun des personnages masculins, qui ont perdu des femmes dans leurs vies, en raison d’une séparation, d’un décès ou dans d’autres circonstances, et qui doivent réapprendre à vivre après cette disparition. Cinéaste de l’attente et de la langueur, rappelez-vous du merveilleux Senses qui durait plus de cinq heures, Ryūsuke Hamaguchi était tout attitré pour transposer l’univers de Murakami et dresser le portrait de personnages solitaires, fragiles, que le destin va réunir dans un lieu cloisonné, ici une voiture, qui fera comme qui dirait office de confessionnal, où les angoisses, la colère, les doutes seront extériorisés. Pendant près de trois heures et en dépit de quelques longueurs qui se font ressentir dans la dernière partie, Drive My Car agit comme une séance d’hypnose, place le spectateur à l’arrière du véhicule de Yusuke Kafuku où il observe ce dernier, ainsi que sa chauffeure, où la parole de ces deux âmes en peine va enfin se libérer. S’il reste évidemment conseillé aux cinéphiles les plus pointus, voilà un des superbes films de 2021.

Yūsuke Kafuku est acteur et metteur en scène de théâtre. Il est marié à Oto, scénariste. C’est pendant qu’ils font l’amour qu’Oto a des idées de scénarios, et elle les raconte à Yūsuke. Oto amène un jeune acteur avec lequel elle travaille, Kōji Takatsuki, au théâtre pour voir la dernière mise en scène de Yūsuke, En attendant Godot de Samuel Beckett. Après la représentation, ils vont le voir dans sa loge et Takatsuki complimente Yūsuke. Ce dernier aime conduire sa voiture, une Saab 900, et écouter pendant ses trajets un enregistrement de la pièce d’Anton Tchekhov Oncle Vania, afin de mémoriser le rôle de Vania. C’est Oto qui a enregistré la cassette, en laissant des blancs pour les répliques de Vania pour que Yūsuke puisse les dire. Un jour, Yūsuke a un accident de voiture, et à l’hôpital on lui diagnostique un glaucome encore peu avancé. Il peut encore conduire, mais doit utiliser un collyre pour stopper l’évolution de la maladie. Oto et Yūsuke forment un couple très uni. Ils ont eu une fille unique, morte d’une pneumonie à l’âge de 4 ans. Un jour, Yūsuke part au travail, et Oto lui annonce qu’elle doit lui parler le soir même. Lorsqu’il rentre, il trouve Oto par terre, morte des suites d’une foudroyante hémorragie méningée. Lors des obsèques, il rencontre Takatsuki à nouveau. Peu après, Yūsuke s’effondre nerveusement alors qu’il joue le rôle d’oncle Vania et doit interrompre la représentation. Le générique apparaît au bout de 40 minutes. f2 ans plus tard: Yūsuke est invité à Hiroshima pour y monter la pièce Oncle Vania dans une version multilingue avec des acteurs japonais, coréens, chinois et philippins. Pour des raisons d’assurance, il est contraint de céder le volant de sa Saab 900 à une jeune femme de 23 ans, l’âge qu’aurait sa propre fille si elle avait vécu, qui s’appelle Misaki Watari. Il est réticent au début, mais Misaki le convainc par ses talents de conductrice et parce qu’il peut continuer à écouter son enregistrement de la pièce de Tchekhov. Takatsuki participe aux auditions pour la représentation, et Yūsuke lui attribue le rôle d’oncle Vania malgré son jeune âge. Takatsuki a tendance à se montrer violent avec des hommes qui le filment ou le photographient sans autorisation. Lui et Yūsuke parlent longuement d’Oto. Peu à peu, Yūsuke et Misaki parlent de leurs vies respectives.

Drive My Car est une œuvre que certains qualifieront difficile d’accès. Nous ne nierons pas, car celle-ci s’adresse avant tout au propre vécu de celui ou de celle qui visionnera le film de Ryūsuke Hamaguchi, qui a d’ailleurs remporté le Prix du scénario au Festival de Cannes en 2021, ainsi que le prix FIPRESCI et celui du jury oecuménique, sans oublier le Golden Globe du Meilleur Film International. Mais pour en revenir à l’essence même du récit, tout se fait dans le ressenti. Certes, Drive My Car est un film sur le deuil, sur l’acceptation, sur la frustration, parcouru par une agitation feutrée qui ronge ses protagonistes et qui ne demande qu’à être expulsée. Genre à part entière, le road movie a souvent été synonyme de parcours initiatique, ou quand le défilé sans fin de la route empruntée par celui ou ceux dont nous serons les témoins d’un moment crucial de leurs existences respectives devient le symbole du cheminement de la pensée. Réunis par la fatalité, Yūsuke Kafuku et Misaki Watari, vont tout d’abord s’apprivoiser, avant de communiquer, d’accepter l’intimité imposée par leurs retrouvailles dans le même véhicule, même s’ils ne sont pas obligés de s’adresser la parole. Mais être en présence d’un autre est pour eux une épreuve en soi, avant que cet aller-retour quotidien devienne finalement comme une parenthèse et les coupe tous les deux du monde, durant laquelle l’échange va se faire progressivement.

Dans le rôle principal, Hidetoshi Nishijima, vu moult fois chez Kiyoshi Kurosawa (Creepy, Loft, License to Live) et Takeshi Kitano (Dolls) est parfait de bouillonnement intérieur, un homme blessé qui avait découvert son épouse au lit avec un autre homme, juste avant que celle-ci soit terrassée par une hémorragie méningée. Deux ans plus tard, Kiyoshi vit encore en permanence avec la voix de sa femme, qui pour ses longs voyages en voiture et en raison de son travail, enregistrait le texte d’une pièce qu’il devait monter. Son métier de comédien et de réalisateur lui avait permis jusqu’alors d’éviter une introspection, en s’échappant de sa propre personnalité, en endossant d’autres rôles, plutôt que de jouer le sien. De son côté, Misaki, incarnée par l’incroyable Tōko Miura, inconnue en France et qui a pourtant déjà vingt ans de carrière, détient un secret encore plus inavouable et elle aussi, installée au volant de la voiture de Kiyoshi, se laissera aller à la confession, le regard de la conductrice et celui de son passager étant relié via le rétroviseur. Symboliquement, Misaki regardera « en arrière », pour mieux affronter le présent, ses fautes, dans l’espoir d’une absolution. L’ultime séquence de Drive My Car, tournée en Corée durant la pandémie liée à la Covid comme l’atteste la présence des masques, montre que la jeune femme est parvenue à se sortir d’Hiroshima, où elle était visiblement bloquée et où quelque chose la retenait, pour enfin aller de l’avant.

Assurément, Drive My Car est une expérience cinématographique. Au-delà de son exceptionnelle beauté formelle, notamment la sublime photographie de Hidetoshi Shinomiya (À l’ombre des jeunes filles humides d’Akihiko Shiota), ses plans-séquences magnétiques, sans oublier l’incandescence de ses interprètes, c’est un dialogue intime qui se crée entre les spectateurs et les personnages, mais aussi avec le cinéaste, qui installe une atmosphère ouatée dans laquelle l’audience est invitée à se détendre, pour l’interroger sur son existence, pour que les langues se délient enfin. C’est ce qu’on appelle la grâce.

LE DVD

Disponible en DVD et Blu-ray le 1er mars 2022 chez Diaphana, Drive My Car peut se targuer d’avoir attiré près de 200.000 spectateurs dans les salles françaises. Pour la jaquette, l’éditeur reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

L’édition HD et le DVD contiennent un livret de 32 pages, non reçu pour cette chronique, composé d’interviews, de textes sur le film, des photos inédites…

Si l’édition Standard ne bénéficie que de la bande-annonce comme supplément, le Blu-ray dispose lui d’un entretien de 9 minutes avec le réalisateur.

L’Image et le son

Après son très bon score au box-office, Drive My Car apparaît dans les bacs dans un superbe master Standard, que nous vous détaillons ici, n’ayant pu obtenir le Blu-ray. Diaphana livre même une magnifique copie du film de Ryūsuke Hamaguchi, aux contrastes solides et aux clairs-obscurs profonds. Le piqué est fort agréable, les ambiances nocturnes superbes, la colorimétrie spécifique où se mêlent les teintes bleues, beiges et blanches – sans oublier le rouge de la Saab 900 du personnage principal – du chef opérateur Hidetoshi Shinomiya est très bien restituée, et le relief probant aux quatre coins du cadre. Seuls de petits fourmillements sur les arrière-plans viennent ternir quelque peu le visionnage, mais rien de bien méchant.

Nous n’attendions pas une immersion comme celle-là ! La piste Dolby Digital 5.1 japonaise s’en donne à coeur joie dans la spatialisation musicale, les effets sur les latérales, une balance frontale percutante et un report saisissant des voix sur la centrale… Toutes les enceintes sont joliment mises à contribution et donnent vraiment l’impression d’accompagner les deux protagonistes sur la route. De son côté, l’option Stéréo est à l’avenant, à la fois dynamique et intimiste, avec une scène frontale très riche. Même chose pour la VF Stéréo.

Crédits images : © Diaphana Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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