DEVILMAN LE DIABOLIQUE (Devilman Story) réalisé par Paolo Bianchini, disponible en DVD le 1er juin 2021 chez Artus Films.
Acteurs : Guy Madison, Luisa Baratto, Diana Lorys, Luciano Pigozzi, Valentino Macchi, Bill Vanders, Giovanni Cianfriglia…
Scénario : Paolo Bianchini & Max Caret
Photographie : Aldo Greci
Musique : Patrick Leguy
Durée : 1h24
Date de sortie initiale : 1969
LE FILM
Venus à Rome pour un congrès scientifique, le chirurgien Becker est enlevé sous les yeux de sa fille. Celle-ci, aidée par le journaliste Mike, part à sa recherche. Ils vont arriver en Afrique, au sein d’une forteresse commandée par le terrible Devilman, qui va tenter une substitution de cerveau sur Becker.
Même s’il a énormément tourné auprès de cinéastes de renom tels que Edward Dmytryk (Jusqu’à la fin des temps), John Cromwell (Depuis ton départ), William Castle (L’Archange de Brooklyn), Phil Karlson (On ne joue pas avec le crime), Anthony Mann (La Charge des Tuniques Bleues), Guy Madison (1922-1996) reste avant tout pour les cinéphiles experts en la matière, un acteur lié à la série B. On peut citer par exemple Le Shérif d’El Solito, western dense, complexe, passionnant, au suspense bien mené par George Sherman, Le Rocher du diable, très bon drame de guerre et western réalisé par William Cameron Menzies, ou bien encore The Beast of Hollow Mountain d’Edward Nassour et Ismael Rodríguez, dans lequel le comédien interprète un cowboy qui doit faire face à…un dinosaure ! Guy Madison faisait partie de ces acteurs que l’on aimait retrouver de film en film, qui n’étaient pas forcément les plus célèbres, tel le génial John Payne, mais pour lesquels l’empathie était souvent immédiate, dont le charisme fonctionnait naturellement et dont le talent parvenait à faire accepter les incohérences d’un scénario. C’est encore le cas pour Devilman le diabolique alias Devilman Story en version originale ou bien encore The Devil’s Man, divertissement tout droit sorti de l’imagination du réalisateur italien Paolo Bianchini, sous le nom de Paul Maxwell. A la fois film d’aventures, d’espionnage et de science-fiction, Devilman le diabolique a sans cesse le cul entre deux chaises, mais parvient tout de même à trouver un ton finalement assez unique, puisqu’il fait penser à l’adaptation d’un fumetti qui n’existe pas, tout en surfant allègrement sur le triomphe international des James Bond. Mélange de film BD et d’Eurospy, Devilman le diabolique conserve ce charme rétro qui nous plaît tant.
Le journaliste Mike Harway décide d’aider la jeune Christine, lancée à la recherche de son père, le professeur Baker, spécialiste du cerveau de premier plan, sommité de la neurochirurgie, tout juste disparu alors qu’il venait d’arriver à Rome (ce qui nous vaut quelques étapes dignes d’un circuit touristique) pour donner une conférence. Leur enquête les amène en Afrique du Nord, où lors de la traversée d’un désert, ils sont capturés par des nomades et amenés au fort abandonné d’El Faiu. Ils y découvrent un laboratoire caché conçu par l’esprit tordu de Devilman, Cet homme masqué (on sent l’inspiration du Fantômas d’André Hunebelle, qui avait cartonné en Italie) car défiguré, rêve d’échanger son cerveau naturel avec une création artificielle, qui, selon lui, le rendra parfait. Mike, Christine et le professeur Baker, que Devilman avait bien sûr fait enlever, tentent désespérément de s’échapper de la forteresse avant ce transfert qui pourra faire de leur ravisseur, le maître du monde !
Au début des années 1960, Guy Madison s’envole pour l’Europe, et plus précisément en Italie qui semble devenir le carrefour mondial du septième art. Il s’y spécialisera notamment dans le péplum et le film d’aventures dans des titres bien représentatifs de l’exploitation d’alors comme L’Esclave de Rome, Le Glaive du conquérant, La Vengeance du doge, Le Trésor de Malaisie, sans oublier évidemment le western qui venait d’exploser sur le Vieux Continent après l’avènement de Pour une poignée de dollars de Sergio Leone. Guy Madison ne collabore pas vraiment avec de grosses pointures, même si l’on peut quand même citer Franco Prosperi et Enzo G. Castellari, mais enchaîne les projets, les succès commerciaux et ne cesse de tourner. Devilman le diabolique intervient à la fin de sa période européenne. En 1966, le réalisateur Paulo Bianchini est remarqué par le producteur Gabriele Crisanti avec son premier long-métrage Bagarre à Bagdad pour X-27 – Il Gioco delle spie, autre ersatz transalpin de l’agent 007. Il lui donne carte blanche pour mettre en scène Devilman Story (le titre est déjà choisi), avec pour seule consigne, celle d’intégrer une séquence de cavalerie provenant du film I Predoni del Sahara (1965) de Guido Malatesta, dont il détient les droits et dont il souhaite recycler quelques extraits. Paulo Bianchini accepte et relève le défi en concoctant un film quelque peu fourre-tout, mais généreux, représentatif des goûts des spectateurs de l’époque, à l’aube de l’avènement du Nouvel Hollywood outre-Atlantique.
S’il ne brille pas son scénario, qui part effectivement dans tous les sens, il se dégage de Devilman le diabolique une vraie générosité, un sens du travail bien fait (la séquence inaugurale est particulièrement brillante) et du spectacle entièrement monté de toutes pièces, dans le seul but avoué de donner le maximum de plaisir à une audience complice, tout en remplissant le tiroir-caisse de lires italiennes. Suite à ce succès, Paolo Bianchini et Gabriele Crisanti s’associeront encore à deux reprises, pour Hypnose ou la folie du massacre (1967) et surtout Superargo contre robots – L’Invincibile Superman (1968), dans lequel Guy Madison fait son retour et retrouve sa partenaire de Devilman le diabolique, la belle Luisa Baratto.
LE DVD
Nous en parlions avec la sortie en DVD de Supersonic Man chez Artus Films, Devilman le diabolique intègre la collection Ciné Fumetti disponible chez l’éditeur à l’ours vaillant. Le disque repose dans un superbe slim Digipack à deux volets, toujours merveilleusement illustré. Le menu principal est fixe et musical.
Et comme nous nous y attendions, nous retrouvons ce cher Christian Lucas (16’), qui comme à son habitude nous propose une présentation particulièrement éclairante sur Devilman le diabolique. Le complice d’Artus Films dissèque le film de Paolo Bianchini, sa genèse, sa structure en trois actes (« un montage déconcertant entraînant une narration confuse »), tout en parlant du producteur Gabriele Crisanti, des scènes provenant d’I Predoni del Sahara, l’influence du genre Fumetti Neri (comme Kriminal ou Satanik), le casting, ainsi que les autres collaborations entre Crisanti et Bianchini. Christian Lucas indique que « Devilman le diabolique est plus une curiosité qu’un très bon film, que l’on apprécie plus au second visionnage ». Alors, on se le refait ?
L’interactivité se clôt sur un Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation.
L’Image et le son
La copie est propre, en dehors de quelques poussières résiduelles et de fils en bord de cadre. C’est stable, plutôt plaisant pour les mirettes, même si les contrastes – tout comme le piqué – sont parfois aléatoires et que la palette chromatique s’avère un brin fanée. Mais dans l’ensemble, Devilman le diabolique bénéficie d’un master plus que convenable et le cadre large TechniScope n’est pas avare en détails.
La version dite originale est italienne, même s’il est indéniable que Guy Madison s’exprimait dans sa langue maternelle, autrement dit en anglais. Mais bien sûr, privilégiez celle-ci, en dépit d’une version française qui s’en tire honorablement et apporte au film un délicieux cachet vintage.