CINQ DÉSERTEURS (Yellowneck) réalisé par R. John Hugh, disponible en DVD le 6 décembre 2022 chez Artus Films.
Acteurs : Lin McCarthy, Stephen Courtleigh, Berry Kroeger, Harold Gordon, Bill Mason, Al Tamez, Jose Billie, Roy Nash Osceola…
Scénario : Nat S. Linden & R. John Hugh
Photographie : Charles T. O’Rork
Musique : Laurence Rosenthal
Durée : 1h20
Année de sortie : 1955
LE FILM
Un colonel sudiste démis de ses fonctions rencontre quatre déserteurs dans les Everglades. Ensemble, ils vont tenter de survivre et de s’échapper de ces marais. L’épreuve sera longue entre la nature hostile et les assauts successifs des Indiens Séminoles vivant sur ce territoire.
On ne misait pas forcément grand-chose sur ce petit film déterré on ne sait où par l’éditeur Artus Films, mais force est d’admettre que Cinq déserteurs – Yellowneck est un survival assez épatant et ce en dépit d’un évident manque de moyens. Que signifie le titre original ? Un prologue nous indique que le film s’apprête à nous raconter l’histoire de cinq hommes, « produits » d’une longue et sanglante guerre, qui ont décidé de tourner le dos à la cause Confédérale pour fuir. Ces déserteurs pour les hommes de la Confédération sont appelés « Yellowneck ». Intégralement tourné dans les décors naturels des Everglades, Cinq déserteurs est un étonnant mélange de film de guerre, de drame psychologique, d’aventures, de western et même d’épouvante dans sa dernière partie, qui ne compte qu’une poignée de comédiens au casting, tous solidement dirigés. Produit par la Republic Pictures, Yellowneck est le premier long-métrage écrit et réalisé par le britannique R. John Hugh (1923-1985), qui ne signera que cinq longs-métrages en vingt ans de carrière, des opus indépendants qui fleurent bon ce parfum kitsch et rétro, mais qui en avaient sous le capot et qui conservent encore aujourd’hui un charme inaltérable doublé d’une envie de cinéma.
Les Everglades, Floride, 1863. Quatre déserteurs de l’Armée des États confédérés, le sergent Todd, Plunkett, Cockney et le Kid, se cachent. Un colonel, également déserteur, apparaît soudain, muni d’une note indiquant un arrangement passé avec un Indien, pour l’emmener jusqu’à l’océan, où il pourra embarquer pour Cuba. Lorsque le guide est retrouvé mort, assassiné par les Séminoles, le quatuor s’associe à contrecoeur avec le colonel afin d’atteindre la côte et de contourner ce qui reste de la guerre civile. Alors que le groupe parcourt la dangereuse végétation, on découvre que Plunkett a pris l’habitude de détrousser les cadavres et porte sur lui une grande quantité d’or, butin convoité par Cockney. Le groupe continue son évasion, devant faire attention aux nombreux serpents, peur bleue de Cockney, qui se fige sur place dès qu’il se trouve face aux reptiles. Chacun se dévoile ainsi petit à petit, tandis que les Indiens Séminoles semblent les suivre de près, attendant sans doute le bon moment pour les affronter.
Sur une durée ramassée (80 minutes montre en main, génériques compris), Cinq déserteurs déroule ainsi son unité de lieu et d’action, sans aucun temps mort, en profitant des paysages sauvages, en dévoilant ses personnages au compte-gouttes, en instaurant une tension palpable d’entrée de jeu, jusqu’à l’explosion de violence, un affrontement entre les cinq protagonistes et les Séminoles, qui combattaient alors dans et autour des Everglades. Leur présence se fait ressentir durant plus de 45 minutes, jusqu’au face-à-face violent, sec et brutal, très bien mis en scène. Si les acteurs demeurent obscurs voire inconnus, Lin McCarthy (le sergent, vu dans Le Salaire de la haine aux côtés de Fred MacMurray), Berry Kroeger (Plunkett, qui tournera pour Robert Siodmak, William A. Wellman, Henry Hathaway) et leurs partenaires affichent des tronches patibulaires efficacement mises en valeur. R. John Hugh montre la saleté, la sueur et la crasse, n’échappe pas à quelques gros plans emphatiques, mais ceux-ci reflètent l’état mental de ces mecs au bout du rouleau, qui ne manquent souvent pas l’occasion de penser à leur propre tronche et prêts à sacrifier leurs partenaires pour s’en sortir.
Ce retour à l’état primaire domine, malgré quelques sursauts humains qui ne durent jamais très longtemps. L’acte final rend compte du chacun pour soi, les survivants étant désormais seulement animés par l’instinct de survie, alors que le soleil frappe, que l’eau potable vient à manquer, ainsi que les vivres, que la fièvre guette, que les hallucinations s’accentuent, que les marécages et les sables mouvants se referment sur notre groupe, que les caïmans, les alligators, les félins, les araignées, les charognards et les serpents (encore) se font plus présents…
Il y a donc finalement pas mal de choses à dire sur Cinq déserteurs, beaucoup plus riche qu’on s’y attendait, prenant, divertissant et qui contre toute attente risque de nous marquer un bon bout de temps. Une bonne surprise.
LE DVD
C’est une collection que nous aimons beaucoup à Homepopcorn, celle intitulée « Les Classiques » proposée par Artus Films, à laquelle s’ajoute désormais Cinq déserteurs. Jaquette au visuel efficace, glissée dans un boîtier Amaray classique de couleur noire. Menu fixe et musical, sobre. Dispo à prix tout doux !
Aucun supplément.
L’Image et le son
Inédit en DVD en France, Cinq déserteurs a été tourné en Trucolor, procédé cinématographique couleur utilisé et détenu par la division Consolidated Film Industries de Republic Pictures, deux ans avant son arrêt définitif. Mais bon, on va dire que la copie présentée ici ne permet pas réellement de se rendre compte des qualités du Trucolor, car la copie n’a subi aucun dépoussiérage et demeure particulièrement abîmée. À savoir que Yellownek est tombé dans le domaine public, chose habituelle pour les films édités dans cette anthologie. Néanmoins, le résultat n’est pas pire que pour Daniel Boone, l’invincible trappeur, sorti il y a un an chez Artus Films, quelques scènes parvenant même à sortir du lot avec une meilleure stabilité. Des tâches, rayures, griffures et poussières émaillent souvent l’écran, les couleurs sont complètement délavées, les séquences sombres sont difficilement regardables. Saluons tout de même la possibilité de disposer de ce film sur support physique !
Et du point de vue du son, c’est à peu près du même acabit. Entre dialogues clairs ou soudainement couverts, criards ou feutrés, c’est un peu les montagnes russes. Pas de version française et les sous-titres ne sont pas imposés.