CHRONIQUE D’UNE LIAISON PASSAGÈRE réalisé par Emmanuel Mouret, disponible en DVD et Blu-ray le 24 janvier 2023 chez Pyramide Vidéo.
Acteurs : Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne, Georgia Scalliet, Maxence Tual, Stéphane Mercoyrol, Eric Wrembel, Ghislaine Fleury, Brahim Zairi, Mohamed Zairi, Juliette Capieu, Lola Niedermayer…
Scénario : Emmanuel Mouret & Pierre Giraud
Photographie : Laurent Desmet
Durée : 1h36
Date de sortie initiale : 2022
LE FILM
Une mère célibataire et un homme marié deviennent amants. Engagés à ne se voir que pour le plaisir et à n’éprouver aucun sentiment amoureux, ils sont de plus en plus surpris par leur complicité…
Les films d’Emmanuel Mouret ont cette particularité de se ressembler, tout en étant différents et de conserver chaque fois, à une ou deux exceptions près (Une autre vie, sans doute la seule faute de parcours du réalisateur), une indéniable fraîcheur doublée d’une inspiration sans cesse renouvelée. Chronique d’une liaison passagère est déjà le onzième long-métrage d’Emmanuel Mouret et l’un de ses plus beaux, attachants, matures, le cinéaste atteignant ici les sommets dans son écriture, dans sa direction d’acteurs, dans sa mise en scène. Chaînon manquant entre Woody Allen et Richard Linklater (on pense à la trilogie Before Sunrise – Sunset – Midnight), il déploie une virtuosité à la fois sur le fond (ou comment aborder de façon innovante, un amour adultère, sujet maintes fois raconté au cinéma) et sur la forme (un usage magistral du plan-séquence), tout en offrant à Sandrine Kiberlain et à Vincent Macaigne (en route pour le César du Meilleur acteur !) un de leurs plus grands rôles. On déguste, on savoure chaque fulgurante réplique, sublime, renversante, de cette comédie-romantique, tout en admirant le couple principal, rencontre de deux tornades dévastatrices, qui ont rarement été aussi lumineux.
Au cours d’une soirée, Charlotte, mère célibataire rencontre Simon, un homme marié, lui-même père de deux enfants. Ce nouveau couple s’engage à se voir uniquement pour le plaisir, sans rien éprouver d’autre. Pour autant, cette relation sans avenir est bouleversée quand des sentiments nouveaux apparaissent.
Les jours, les mois, les saisons défilent durant cette escapade consentante entre deux adultes d’âge mûr, où les sentiments n’ont pas la place, tandis que résonnent des airs de Haendel, Mozart, Poulenc et même La Javanaise version Juliette Gréco. Du moins le pensaient-ils, car bien sûr l’amour est la sève qui parcourt les veines du cinéma d’Emmanuel Mouret. D’entrée de jeu, derrière les mots (par ailleurs magnifiques) expulsés à vitesse grand V de Charlotte (Sandrine Kiberlain, solaire) et de Simon (Vincent Macaigne, hilarant et bouleversant, vu précédemment dans Les Choses qu’on dit, les Choses qu’on fait) lors de leur seconde rencontre, on sait, on sent, on devine qu’il s’agit d’un vrai et réel coup de foudre entre eux, même s’ils essayent de se faire croire le contraire. Comme son titre l’indique, nous sommes ici en pleine chronique sentimentale, forcément marquée par des ellipses, où le spectateur est placé comme témoin à chaque retrouvaille secrète de Simon et Charlotte, leurs sentiments évoluant par petites touches, infimes, subtiles, délicates, vers une histoire d’amour qui ne se dit pas, ou plutôt qui ne doit pas se dire et se définir ainsi. Chez Emmanuel Mouret, les mots sont abondants et veulent souvent dire le contraire de la pensée, mettent en relief l’indécision, la peur, l’envie, la mélancolie, le désir des protagonistes, incapables d’exposer clairement ce qu’ils ont réellement dans le coeur et l’âme.
Bien sûr, ce qu’ils ressentent va bien au-delà de la simple parenthèse instaurée dès la première nuit passée ensemble et chaque nouveau rendez-vous secret s’accompagne de nouveaux regards plus appuyés sur l’autre, de gestes avortés devenant plus affirmés et spontanés, de propos qu’on ne dit pas habituellement à un amant, ou tout simplement de l’envie de passer encore plus de temps avec l’autre. Cela les déstabilise l’un comme l’autre, même s’ils ne se l’avoueront pas, du moins pas quand ils sont face à face. Chose amusante, les titres des précédents opus d’Emmanuel Mouret paraissent résumer Chronique d’une liaison passagère, Un baiser, s’il vous plaît !, Fais-moi plaisir !, L’Art d’aimer, Une autre vie, Les Choses qu’on dit, les Choses qu’on fait…comme un film somme, qui synthétise les sujets principaux de ses autres longs-métrages, comme les différents pétales d’une même fleur qui n’aurait fait que s’épanouir durant une vingtaine d’années.
Outre la progression dramatique et donc de l’idylle entre Charlotte et Simon, le spectateur et cinéphile suit celle de celui qui s’est imposé depuis Laissons Lucie faire ! (2000) comme l’un des meilleurs cinéastes français contemporains.
LE DVD
Les films d’Emmanuel Mouret ont fait le tour des éditeurs pour leur sortie dans les bacs, chez Blaq Out, France Télévisions Distribution, ARTE, TF1 Studio, aux Éditions Montparnasse…À l’instar de Fais-moi plaisir !, Chronique d’une liaison passagère sort chez Pyramide Vidéo, en DVD et Blu-ray. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche d’exploitation.
Les cinéphiles ne manqueront pas d’écouter la passionnante interview d’Emmanuel Mouret, accompagné de son fidèle chef opérateur Laurent Desmet, menée par Philippe Rouyer (47’). Onze collaborations unissent les deux hommes, évidemment très complices, qui reviennent longuement sur leurs premiers travaux, ainsi que sur leur évolution professionnelle au fil du temps, sur les courts comme sur les longs-métrages. Les propos tenus sont pointus, mais toujours clairs, surtout lorsqu’ils évoquent leur méthode pour « filmer la parole ». L’utilisation du plan-séquence, dévoiler ce que dissimulent les personnages, le dialogue (et le débit des acteurs), le rapport du réalisateur avec les comédiens, les inspirations (Woody Allen, Frank Capra) et plusieurs anecdotes de tournage sont détaillés au fil de ce merveilleux entretien.
Les fans du cinéma d’Emmanuel Mouret seront aux anges en découvrant une autre pépite du réalisateur, à savoir le court-métrage Un zombie dans mon lit (2019,13’) qui marque les retrouvailles du cinéaste avec Frédérique Bel, une de ses actrices fétiches, vue dans Changement d’adresse, Un baiser, s’il vous plaît ! et Fais-moi plaisir !. L’histoire ? Toute simple, mais étonnante (euphémisme) : Un zombie (Sylvain Mossot) rencontre une jeune femme lors de son jogging. La première, prenant le second pour un « prétendant », l’invite chez elle et lui parle d’amour… Un joyau de drôlerie et de poésie, dans lequel Frédérique Bel crève l’écran une fois de plus devant la caméra d’Emmanuel Mouret, sans doute le réalisateur lui ayant offert ses plus beaux personnages. Mention spéciale aux effets spéciaux de maquillage.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
On ne change pas une équipe qui gagne et Emmanuel Mouret a de nouveau fait appel au chef opérateur Laurent Desmet, directeur de la photographie du metteur en scène depuis Changement d’adresse en 2006. Si les contrastes sont un peu légers, force est d’admettre que la copie se révèle claire et lumineuse, le relief est appréciable, la colorimétrie chatoyante, la profondeur de champ présente, le piqué ciselé et les détails indéniables aux quatre coins du cadre large. Quelques baisses de la définition…rien de bien méchant. Dommage de ne pas avoir pu disposer de l’édition HD…
Comme à son habitude, Emmanuel Mouret privilégie la musique classique et Chronique d’une liaison passagère mixe les compositions de Haendel, Mozart et Poulenc, avec La Javanaise entonnée par Juliette Greco, admirablement délivrées et spatialisées par le mixage Dolby Digital 5.1. Les voix s’imposent sans mal sur la centrale. Quelques ambiances naturelles parviennent à percer sur les latérales lors des séquences en extérieur, la balance gauche-droite est dynamique. L’éditeur joint également une Stéréo, les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.