ALIEN CRYSTAL PALACE réalisé par Arielle Dombasle, disponible en DVD le 12 mai 2020 chez Epicentre Films.
Acteurs : Arielle Dombasle, Nicolas Ker, Michel Fau, Asia Argento, Joséphine de La Baume, Theo Hakola, Julian de Gainza, Joana Preiss…
Scénario : Florian Bernas, Arielle Dombasle, Jacques Fieschi, Nicolas Ker
Photographie : Elie Girard
Musique : Nicolas Ker
Durée : 1h37
Année de sortie : 2018
LE FILM
Un savant manipulateur d’âmes imprégné d’ésotérisme, tente de recréer le couple idéal selon le mythe platonicien d’Aristophane, celui de l’androgyne, un être complet qui fut coupé en deux et condamné à errer inlassablement à la recherche de sa part manquante, l’amour parfait. Il semble avoir repéré de nouveaux sujets pour son expérience : Dolorès Rivers, romantique cinéaste underground, et son miroir inversé, Nicolas Atlante, chanteur de rock fou et vénéneux. Le magnétisme opère, le diable s’en mêle, les crimes se succèdent…
Vous n’êtes pas prêts…Alien Crystal Palace est un film dont on ne revient pas entier. On y laisse beaucoup de choses durant 97 minutes. Une partie de son âme, de ses fonctions vitales et cognitives. A la fin, si vous y arrivez, vous espérez que ce que vous venez de voir n’est pas un aperçu de ce qui nous attend tous au moment où l’on rendra notre dernier souffle. Un effet d’agonie, de paralysie cérébrale, comme si tous vos organes s’atrophiaient. Et c’est magique. Il serait faux de croire qu’Arielle Dombasle en est à son coup d’essai derrière la caméra. En réalité, Alien Crystal Palace est le quatrième long métrage réalisé par l’actrice, chanteuse et scénariste franco-américaine, après Chassé-croisé (1982), Les Pyramides bleues (1988) et Opium (2013). Entre-temps, parallèlement à sa carrière de comédienne, Arielle Dombasle aura également signé quelques documentaires, ainsi qu’un épisode de la série X-Femmes en 2008. Actrice souvent frappadingue, dans le bon sens du terme, qui a souvent fait le bonheur des aficionados du cinéma d’Eric Rohmer, de Perceval le Gallois (1978), sa première apparition au cinéma, en passant par Le Beau mariage (1982), Pauline à la plage (1983) et L’Arbre, le Maire et la Médiathèque (1993), Arielle Dombasle fait partie de ces artistes extravagants dont on aime la folie douce et poétique. Il est donc impossible de détester Alien Crystal Palace, un Objet Filmique Non Identifié, un clip kitsch et stroboscopique, certains diront « coloscopique » certes, un patchwork inégal, plombant, surréaliste, mais aussi vraiment drôle, involontairement ou pas on ne le saura sans doute jamais, mais qui vaut le détour puisqu’Arielle Dombasle propose ici une véritable expérience de cinéma. Sans déconner. Un vrai et grand nanar de luxe.
« Les deux me semblent parfaitement fous ! »
Arielle Dombasle et Nicolas Ker, avaient déjà collaboré sur l’album La Rivière Atlantique (2016), neuvième album studio de la première, deuxième du second. Suite à ce grand succès critique et commercial, les deux illuminés ont décidé de prolonger leur collaboration, d’où Alien Crystal Palace. Ne cherchez pas une histoire rationnelle, d’ailleurs n’espérez pas tirer quelque chose de cette réaction chimique au précipité multicolore si ce n’est que vos sens vont être mis à rude épreuve, ainsi que votre patience. Alien Crystal Palace, c’est pour ainsi dire la gégène cinématographique, où des pinces crocodiles auraient été posées sur vos parties génitales avant d’actionner le générateur électrique. C’est comme si des journalistes travaillant habituellement dans le Poitou pour Jean-Pierre Pernaut se voyaient catapultés à Paris du jour au lendemain pour couvrir la Fashion Week. La caméra bouge dans tous les sens, on ne sait où regarder, on ne comprend pas ce qu’on veut nous dire. Arielle Dombasle déambule dans des costumes improbables, pas longtemps ceci-dit puisque la comédienne en profite pour se mettre à oilp à plusieurs reprises, histoire d’emballer quelques belles jeunes filles en fleur. Les amateurs (ou « à mateurs » c’est selon) seront à la fête puisqu’Alien Crystal Palace est peu avare en poitrines dénudées, Arielle Dombasle n’étant d’ailleurs pas la dernière pour dévoiler ses charmes indéniables à la caméra.
Nicolas Ker parcourt le film dans un état second, comme les spectateurs en fait, et parvient à déclamer toutes ses répliques sans jamais être intelligible. Impossible ou presque de capter ce qui sort de cette bouche d’aération ouverte sur le néant. Coécrit par les deux acteurs principaux, avec Florian Bernas et Jacques Fieschi, Alien Crystal Palace semble échappé d’une exposition vidéo du Centre Pompidou, un appareil filmé qui habituellement ne retient pas l’attention des visiteurs venus admirer des paillettes collées sur quelques combinaisons en vinyle. Donné en pâture, le film d’Arielle Dombasle interpelle. L’image clinquante, remplie de personnages ahuris, gesticulant et parlant fort, comme s’ils étaient plongés dans un état second attire forcément le regard. Se crée alors une sensation d’hypnose, qui paralyse le corps et qui retient finalement le spectateur dans cet état jusqu’à la fin.
Au milieu de tout ce gloubi-boulga qui peut faire penser à une suite de Vidocq de Pitof (c’est pour vous donner une image des partis pris) et qui ferait passer la Techno Parade pour un film Béla Tarr, Michel Fau, Asia Argento, Joséphine de La Baume, Joana Preiss, Jean-Pierre Léaud (en dieu égyptien) viennent faire une apparition très remarquée (surtout en raison de leurs costumes et maquillages), et même le créateur Christian Louboutin vient s’encanailler dans le rôle d’un producteur. Entre la Fête à Neu-Neu et la Fête à la Saucisse, avec une touche de giallo et de David Lynch, Alien Crystal Palace se célèbre lui-même et déroule son propre tapis-rouge. Faussement intellectuel, véritablement nonsensique et volontairement burlesque (ou tragique, on hésite), le film compile les idées (Arielle s’empare de ciseaux pour ruiner une chemise blanche, certains y verront un message) ou semblants d’idées et fonce dans le mur. On peut appeler ça une œuvre crash-test qui s’en fout des conséquences et du qu’en-dira-t-on. C’est sans doute ça aussi le génie. Au détour d’un plan, Arielle en profite pour filmer un phallus. Et si elle était la Tyler Durden que le cinéma français attendait ? Mais pour boucler la boucle, vous n’êtes pas prêts pour ce qui vous attend.
A Sandrine, mon amie de toujours.
LE DVD
A l’instar de ses trois précédents longs-métrages, Arielle Dombasle peut compter sur l’éditeur Epicentre Films pour le service après-vente de ses films en DVD. Alien Crystal Palace est ainsi disponible en Digipack, un objet soigné qui reprend heureusement le visuel de l’affiche du film, y compris pour la sérigraphie du disque. Le menu principal est animé et musical.
Concernant les suppléments, nous vous conseillons vivement de prolonger l’expérience avec l’interview d’Arielle Dombasle et de Nicolas Ker (13’). Les deux « responsables » d’Alien Crystal Palace reviennent tout d’abord sur leur rencontre, puis sur leurs diverses collaborations artistiques. Puis la réalisatrice et son « comédien » abordent ce qui a nourri le scénario, à savoir les films d’horreur italiens, en particulier le cinéma de Dario Argento, les œuvres de Stanley Kubrick, Tarkovski, David Cronemberg, sans oublier Blade Runner de Ridley Scott, « le plus grand film du cinéma de tous les temps » dixit Nicolas Ker. La musique du film est aussi évoquée, ainsi que le casting. Enfin, Arielle Dombasle et Nicolas Ker révèlent qu’ils planchent actuellement sur un prochain album. Les fans apprécieront, les autres fuiront, dans les deux cas cela ne peut pas laisser indifférent.
Ceux qui se sont esclaffés devant l’affiche d’Alien Crystal Palace, seront ravis d’apprendre qu’un tout petit module d’un peu plus d’une minute est consacré au shooting qui a conduit à la réalisation de cette œuvre d’art.
L’interactivité se clôt sur une galerie de photos (non censurées) et la bande-annonce.
L’Image et le son
Emballé avec « les moyens du bord », Alien Crystal Palace débarque en DVD dans une copie qui reflète les conditions de tournage, à savoir diverses sources numériques collées les unes aux autres. Une partie du film semble même avoir été tournée avec un Smartphone, mais nous n’en savons rien. Le piqué et les contrastes sont donc totalement aléatoires d’une scène à l’autre, tout comme la définition, tantôt pointue, tantôt émoussée. Toujours est-il que la « qualité » est présente et que les partis pris sont entièrement respectés.
Le mixage franco-anglais Dolby Digital 5.1. instaure un excellent confort acoustique. La musique est constamment spatialisée, les effets latéraux naturels et convaincants, les voix bien délivrées par la centrale (même si on ne comprend pas souvent grand-chose quand Asia Argento et Nicolas Ker s’expriment) et les frontales en grande forme. Le caisson de basses a même quelques occasions de briller. La version Stéréo, de fort bon acabit, est également proposée, ainsi que les sous-titres anglais partiels anglais et français.