UN MURMURE DANS L’OBSCURITÉ (Un sussurro nel buio) réalisé par Marcello Aliprandi, disponible en Blu-ray depuis juin 2023 chez Le Chat qui fume.
Acteurs : John Phillip Law, Nathalie Delon, Olga Bisera, Alessandro Poggi, Joseph Cotten, Lucretia Love, Zora Velcova, Susanna Melandri…
Scénario : Nicolò Rienzi & Maria Teresa Rienzi
Photographie : Claudio Cirillo
Musique : Pino Donaggio
Durée : 1h42
Date de sortie initiale : 1976
LE FILM
D’étranges choses se déroulent dans une villa. Une jeune mère est horrifiée lorsqu’elle découvre que l’ami imaginaire de son fils est son deuxième enfant qu’elle a perdu avant la naissance. Elle sombre lentement dans une dépression et consulte un psychiatre qui lui apprend qu’elle est hantée par le fantôme de son cadet.
Ancien assistant de Luchino Visconti sur ses pièces de théâtre et ses opéras, Marcello Aliprandi (1934-1997), démarre sa carrière au cinéma en secondant Alberto Lattuada. Il passe ensuite à la mise en scène au début des années 1970 avec La Ragazza di latta dans lequel il transforme la magnifique Sydne Rome en robot, opus qui sera présenté au Festival d’Avoriaz en 1973. Malgré ce succès, le réalisateur ne revient que cinq ans plus tard derrière la caméra, en prenant le train en route du poliziottesco et signe Le Juge et la mafia, connu aussi sous le titre Corruption, l’Affaire du juge Vanini (Corruption, l’Affaire du juge Vanini), avec Franco Nero face à Fernando Rey. Cette fois, Marcello Aliprandi n’attend pas et enchaîne directement sur son troisième long-métrage, Un murmure dans l’obscurité – Un sussurro nel buio, qu’il n’a pas écrit (ce qui lui permet de s’y coller très rapidement), tâche qu’il a laissé à Nicolò Rienzi et à son épouse Maria Teresa, pour leur quasi-unique incursion dans le monde du cinéma. Un murmure dans l’obscurité est un étrange drame teinté de fantastique qui paraît s’inspirer grandement de L’Autre – The Other de Robert Mulligan. Dans ce dernier, un petit garçon prénommé Niles, a perdu son frère jumeau Holland dans un tragique accident. Le jeu permet à Niles de faire comme si son frère Holland était encore avec lui, au point de croire qu’il est encore en vie. Ada, sa grand-mère, croyant bien faire pour que Niles puisse surmonter sa peine, joue le jeu en le confortant dans ce qu’il croit être vrai. Dans Un murmure dans l’obscurité, il s’agit également et avant tout de l’histoire d’un deuil impossible, non pas pour le jeune Martino, mais pour sa mère, solidement campée par la magnifique Nathalie Delon, qui avant la naissance de son fils a perdu un bébé né prématurément à l’âge de 7 mois. Le film part un peu dans tous les sens, sans vraiment trancher et ce jusqu’à la fin qui peut laisser perplexe et/ou décevoir. En l’état, Marcello Aliprandi soigne la forme de sa troisième œuvre et son atmosphère mystérieuse est pour le coup très réussie. Une curiosité.
Dans une belle villa de Vénétie, le jeune Martino entraîne toute la maisonnée à croire en l’existence de Luca, son ami imaginaire, au point qu’une place lui est même réservée à table. Si toute la famille, jusqu’aux serviteurs, se prête à cette lubie, des faits troublants finissent par faire douter ses parents, d’autant plus que Camilla, sa mère, a perdu naguère un enfant qu’elle souhaitait justement appeler Luca…
L’essentiel d’Un murmure dans l’obscurité n’est pas son côté surnaturel, mais le cinéaste invite son audience à découvrir comment une mère va enfin parvenir à passer cette épreuve difficile, la mort d’un enfant, qui la hante depuis plus de dix ans. Délicat, sombre, fragile, Un sussurro nel buio interpelle par ses partis pris et son caractère parfois éthéré qui lui donne un aspect dérangeant, inconfortable et inquiétant, d’autant plus qu’un meurtre (ou s’agit-il d’un accident) est commis dans cette splendide demeure du 18è siècle. C’est donc l’histoire d’un lien unique brisé, une partie de Camilla a été emportée lors du décès de son premier enfant. Alors, quand Luca (prénom qu’elle voulait donner à cet enfant décédé) semble accompagner Martino partout (il lui laisse même une chaise libre à ses côtés quand ils sont à table), Camilla, de plus en plus troublée, va se prendre au jeu (comme ses deux autres petites filles, des jumelles au caractère bien trempé) et s’opposer à son époux (très bon John Phillip Law, Le Baron Rouge, Danger : Diabolik !) qui souhaiterait que Martino (impressionnant Alessandro Poggi) consulte un expert en troubles psychiatriques. Ce dernier est d’ailleurs interprété par Joseph Cotten, de passage en Italie (il venait de tourner Bracelets de sang d’Umberto Lenzi), avant de rejoindre Robert Aldrich pour l’un de ses derniers barouds d’honneur (L’Ultimatum des trois mercenaires – Twilight’s last gleaming) dont l’aura du personnage rappelle tout d’abord celle de Max Von Sydow dans L’Exorciste, avant de bifurquer sur autre chose.
On pense à Ne vous retournez pas – Don’t Look Now de Nicolas Roeg, sorti en 1973, et à ce titre, la photo du grand chef opérateur Claudio Cirillo (La Carrière d’une femme de chambre, Parfum de femme, Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?, Deux super-flics!, Nous nous sommes tant aimés) et la musique de Pino Donaggio (qui avait justement signé la partition du film susmentionné de Roeg) appuient la dimension tragique et angoissante du film, tout en lui apportant également cette légèreté propre à l’enfance. Quelques touches d’humour, des longueurs aussi, mais Un murmure dans l’obscurité est suffisamment singulier pour qu’on puisse s’y attarder.
LE BLU-RAY
Et une nouvelle édition limitée à 1000 exemplaire, une ! Le Chat qui fume nous offre cette fois la possibilité de (re)voir Un murmure dans l’obscurité, en Haute-Définition. La galette bleue est disposée dans un Digipack à trois volets, magnifiquement illustré, glissé dans un fourreau cartonné du même acabit. Le menu principal est animé et musical. Version intégrale.
Aux côtés de la bande-annonce, nous trouvons un enregistrement audio, une interview de la comédienne Olga Bisera (34’). Celle qui dans Un murmure dans l’obscurité incarne la gouvernante Françoise, revient sans langue de bois sur le film qui nous intéresse aujourd’hui, ainsi que sur ses partenaires. Mais avant cela, l’actrice née en 1944 raconte un peu sa vie, y compris personnelle (ses problèmes conjugaux, sa liaison avec le Premier ministre des Seychelles) et on peut trouver le temps. On en sait un peu plus sur les lieux de tournage (la Villa Condulmer à Mogliano Veneto, dans la province de Trévise en Italie), sur sa mésentente avec Nathalie Delon qui d’ailleurs en prend pour son grade (« Ce n’était pas une belle personne, quelqu’un de bien. Elle était capable de tout […] elle était probablement jalouse de ma relation avec Alain Delon, ce n’était pas de l’amour, pas de sexe, mais juste de l’affection, il a choisi mon nom d’artiste sur le tournage du Professeur de Zurlini »). Un rendez-vous peu indispensable au final…
L’Image et le son
Sublime ! Quelle beauté ! Les couleurs sont éclatantes dès le premier plan avec des teintes très riches et bigarrées. Le piqué est acéré comme la lame d’un scalpel, les gros plans étonnants de précision, les détails foisonnent du début à la fin et la propreté de la copie est irréprochable. Qu’ajouter de plus ?
Seule la version originale est disponible. Les dialogues sont parfois quelque peu étouffés et un léger souffle se fait entendre. C’est néanmoins nickel et certaines scènes sont même étonnamment vives.
Crédits images : © Le Chat qui fume / Surf Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr