UN CHÂTEAU EN ENFER (Castle Keep) réalisé par Sydney Pollack, disponible en DVD et Blu-ray le 12 mai 2020 chez Rimini Editions.
Acteurs : Burt Lancaster, Patrick O’Neal, Jean-Pierre Aumont, Peter Falk, Astrid Heeren, Scott Wilson, Bruce Dern…
Scénario : David Rayfiel, Daniel Taradash d’après le roman de William Eastlake
Photographie : Henri Decaë
Musique : Michel Legrand
Durée : 1h47
Date de sortie initiale : 1969
LE FILM
Décembre 1944. Durant la bataille des Ardennes, un groupe de soldats américains se réfugie au château de Malderais, où vivent le comte Henri Texier et sa jeune épouse. Pour les forces allemandes, la prise du château faciliterait leur progression vers Bastogne. Les G.I’s, en trop petit nombre, n’auront que deux options : abandonner le château ou résister le plus longtemps possible.
Sydney Pollack (1934-2008) commence sa carrière en tant qu’acteur. D’abord sur les planches, puis à la télévision, il apparaît dans plusieurs séries comme Playhouse 90, La Quatrième Dimension, ou encore Alfred Hitchcock présente. Ayant du mal à percer en tant que comédien, il décide en 1965 de passer derrière la caméra. Il réalise Trente minutes de sursis – The Slender Thread, inspiré d’une histoire vraie, celle d’une femme qui téléphone à un centre d’appels d’urgence, après avoir avalé des comprimés, afin de parler à quelqu’un avant de mourir. Son deuxième film est Propriété interdite – This Property Is Condemned (1966), qui se déroule durant la Grande Dépression, dans les années 1930. Puis, il réalise un western intitulé Les Chasseurs de scalps –The Scalphunters. En 1968, il remplace son confrère Frank Perry pour terminer le tournage du drame Le Plongeon – The Swimmer, qui propose une critique du rêve américain. L’année suivante, sort sur les écrans Un château en enfer – Castle Keep, où il aborde un autre genre : le film de guerre.
Dans la première moitié, nous découvrons Burt Lancaster en commandant, casque sur la tête et arborant un cache-oeil. Avec ses soldats, il débarque dans un somptueux château qu’il a pour mission de protéger. Une demeure remplie d’œuvres d’art, de tableaux et de sculptures qui décorent chaque pièce. Un véritable musée ! Le propriétaire est un comte, interprété par Jean-Pierre Aumont. La forêt enneigée, autour du château, offre un magnifique paysage.
Épuisés par les années de guerre qui viennent de s’écouler, ces soldats s’amusent, discutent et vont au bordel du village qui porte le nom de La Reine Rouge. Alors que traditionnellement les films de guerre se concentrent sur les scènes de bataille, Un Château en enfer préfère nous décrire ses personnages. Le Capitaine Lionel Beckman, joué par Patrick O’Neal, est un fervent défenseur de l’art. Peter Falk, qui venait tout juste d’endosser l’imperméable de l’inspecteur Colombo à la télévision, incarne un bien curieux personnage. Il est un sergent qui n’hésite pas à échanger son uniforme pour un tablier de boulanger. Il s’active au four pour la confection du pain, oubliant totalement la guerre. Le film comporte, à ce propos, une étrange référence au film de Marcel Pagnol La Femme du boulanger, Peter Falk prononce cette réplique : « Là où il y a une boulangerie, il y a une femme de boulanger ! ». Le soldat Benjamin, interprété par Al Freeman, Jr., est un écrivain qui se donne l’objectif d’écrire le récit de ces aventures au château.
Un Château en enfer est-il vraiment un film de guerre ? Curieusement, l’atmosphère est calme, les quelques scènes de fusillades sont peu importantes dans le récit. Burt Lancaster tue quelques allemands qui s’approchent du château, sans la moindre tension. Une scène surréaliste montre un dialogue entre un militaire français et un soldat allemand sur la confection d’une flûte, avant qu’un tir de fusil mette un terme à la conversation. Des scènes d’amour apparaissent entre le commandant et Thérèse, la femme du comte, mais aussi plus étrangement, entre un soldat et une voiture.
Un Château en enfer n’est dont pas un film de guerre comme les autres. Il cache un thème plus philosophique : l’importance de l’art en temps de guerre. Un tableau de Delacroix est-il plus important que la vie d’un soldat ? Les personnages sont face à un dilemme, ne sachant pas s’ils doivent défendre le château et laisser détruire toutes ces œuvres inestimables ou fuir, épargnant leur destruction. La bande originale, signée Michel Legrand, n’a rien d’une musique de film de guerre, venant accentuer le côté décalé.
Malgré tout, la fin amène enfin les scènes de guerre que le spectateur attendait. Les soldats, esquivant les balles qui fusent, se battent face à un char allemand qui détruit tout sur son passage. Les décors en flammes sont impressionnants. Ces scènes nous offrent un vrai spectacle pour les yeux.
Un Château en enfer est un film surréaliste, complètement décalé, un ovni cinématographique qui vous marquera. A sa sortie, il passe pourtant inaperçu dans les salles obscures. Mais par la suite, Sydney Pollack triomphe avec On achève bien les chevaux, Jeremiah Johnson, Les Trois Jours du Condor, Tootsie ou encore Out of Africa : Souvenirs d’Afrique.
LE BLU-RAY
Le DVD et le Blu-ray du film Un château en enfer sont disponibles chez Rimini Editions. Le visuel de la jaquette est réussi, son montage photos nous plonge directement dans le film de guerre et garde l’esprit de l’affiche de l’époque. Le menu principal, reprenant le même visuel, est musical et animé par des extraits du film.
Une interview (39′) de Samuel Blumenfeld (critique de cinéma au journal Le Monde) et d’Yves Chevalier (producteur de cinéma) permet de nous éclairer sur Un château en enfer. Ils analysent la carrière de Sydney Pollack, le style du film, les films de guerre de cette période, les différents thèmes, les influences du réalisateur, le tournage, la carrière de Burt Lancaster et les hypothèses qui expliquent cet échec commercial. Cette interview incorpore des photos et des affiches.
Un entretien (20′) avec Christian Viviani (professeur à l’université de Caen-Normandie) apporte d’autres éclaircissements sur le film. Il revient en détails sur la carrière de Sydney Pollack avant Un Château en enfer, la rencontre entre le réalisateur et Burt Lancaster, la naissance du projet, le choix des acteurs, les thèmes développés et la réception du film par la critique et le public. L’interview est illustrée de photos et d’affiches.
L’image et le son
L’image HD permet d’apprécier pleinement la forêt enneigée ainsi que les décors détruits par les explosions lors des scènes de combat. La photographie étant assez terne, les images ne sont pour autant pas assombries. Cependant, la restauration n’est pas maximale et les poussières sont visibles tout le long. Heureusement, ces traces sont peu apparentes et cette édition offre une qualité qui permet de visionner le film dans des conditions plus que correctes.
La piste audio en français est en mono DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Elle permet une écoute favorable du film, et encore plus lors des scènes de combat, où le son nous emmène en pleine guerre. Le doublage est assuré par quelques grands noms dans ce domaine : André Valmy, Pierre Trabaud, Gérard Hernandez ou encore Jacques Balutin. Il est inutile de préciser qu’il est tout à fait agréable de visionner ce film avec ce doublage français. Sinon, l’éditeur propose une version originale en 2.0 DTS-HS en excellente qualité. Les sous-titres français ne sont pas imposés.