MAJIN, LE RETOUR DE MAJIN, LE COMBAT FINAL DE MAJIN (Daimajin, Daimajin ikaru, Daimajin gyakushū) réalisés par Kimiyoshi Yasuda, Kenji Misumi et Kazuo Mori, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Miwa Takada, Yoshihiko Aoyama, Jun Fujimaki, Ryūtarō Gomi, Kōjirō Hongō, Shiho Fujimura, Tarō Marui, Takashi Kanda, Riki Hashimoto, Hideki Ninomiya, Shinji Hori, Masahide Iizuka…
Scénario : Tetsurō Yoshida
Photographie : Fujio Morita
Musique : Akira Ifukube
Durée : 1h24 / 1h19 / 1h27
Année de sortie : 1966
LA TRILOGIE
Les trois longs métrages de la série Daimajin (dans l’ordre : Majin, Le Retour de Majin, Le Combat final de Majin) furent tournés simultanément durant l’année 1966. Cette trilogie, affiliée aux genres Kaiju Eiga (films de monstres géants, dont Godzilla demeure le précurseur) et Jidai Geki (en rapport avec l’histoire du Japon médiéval, et notamment le chanbara – film de sabre), développe une thématique commune en fil conducteur. Ainsi, dans chacun de ces films, Daimajin, un géant de pierre, vient aider des villageois opprimés par un seigneur tyrannique. Sorte d’équivalence au Golem issu de la mythologie juive, Daimajin (traduction littérale : « Grand Démon ») est une divinité de pierre endormie, ne se réveillant que pour porter secours au peuple et châtier l’oppresseur. Et ce dernier, qu’il soit chambellan ou monarque, peut alors trembler, car la vengeance de Daimajin n’a aucune limite !
Ou quand la Daiei, société de production cinématographique japonaise fondée en janvier 1942, décide de mélanger les genres, le film historique et le film fantastique, tout en surfant sur le grand succès rencontré par Gamera, réalisé par Noriaki Yuasa et sorti en 1965. Ainsi naît Majin, de Kimiyoshi Yasuda (1911-1983), bien connu des cinéphiles pour avoir mis en scène six des vingt-six films de la série Zatoichi interprétée par Shintarō Katsu. Ici, point de monstre préhistorique ressemblant à une tortue, mais une statue de pierre avoisinant les dix mètres de haut ! En avril 1966, le triomphe de Majin est suivi de deux suites, en fait tournées en même temps, Le Retour de Majin de Kenji Misumi et Le Combat final de Majin de Kazuo Mori, qui sortent respectivement en août 1966 et en décembre 1966. Chaque opus de cette trilogie reprend peu ou prou la même trame (les trois films ont été écrits par Tetsurō Yoshida), mais transposée chaque fois dans une atmosphère différente. Aujourd’hui, revoir les trois épisodes à la suite s’apparente à un récit composé de trois chapitres qui se reflètent et se complètent tout en même temps. Produits par Masaichi Nagata (président de la Daiei), tournés dans de magnifiques décors, naturels ou reconstitués en studio, Majin, Le Retour de Majin et Le Combat final de Majin sont de véritables merveilles cinématographiques, pleines de magie, d’aventures, de combats au sabre, de belles valeurs et de bons sentiments.
Une statue de pierre géante prend vie pour protéger les habitants d’un village de la persécution d’un seigneur de la guerre.
Après avoir pris le contrôle d’un village et de ses habitants, un diabolique seigneur de la guerre décide d’en conquérir un second. Il kidnappe leur chef, Katsushige Nakoshi et impose un ultimatum aux villageois, leur livrer leur champion, Lord Juro en échange de Katsuhige. Mais les villageois et son champion décident de se battre. Après avoir perdu leur combat et leurs espérances, ils ne leur restent plus qu’à prier un sauveur. Majin leur apparaît.
Majin est de retour pour aider les enfants d’un village dont les pères sont retenus prisonniers comme esclaves du Seigneur Arakawa. Ces derniers fabriquent de la poudre à canon près d’une montagne volcanique d’où s’échappent des vapeurs de soufre.
Si les deux premiers volets se ressemblent beaucoup, le troisième se démarque avec une touche Tolkien fort sympathique, puisqu’on y suit principalement quatre très jeunes enfants, qui rappellent la Communauté de l’Anneau, lancés dans une quête et devant traverser quelques territoires semés d’embûches. Toutefois, la structure des trois longs métrages, tournés simultanément, est quasiment la même avec l’éviction d’un bon monarque par un mauvais, qui réduit la population à l’esclavage (la plupart du temps pour construire un fort), qui se moque des croyances et des superstitions, du Dieu Majin donc, dont les hommes, les femmes et les enfants redoutent pourtant la colère qui le fera sortir de son enceinte de pierre. Dans les trois films, une bonne âme prête à se sacrifier pour sauver les siens réveillera Majin, qui viendra délivrer la population, tout en s’en prenant personnellement à celui qui aura douté de lui et asservi le peuple.
Dans un environnement forestier, aquatique ou enneigé, chaque opus de Majin se distingue. La réalisation de Kimiyosho Yasuda, Kenji Misumi (spécialiste du film de sabre) et Kazuo Mori (La Légende de Zatoïchi : Voyage à Shiobara) est soignée, délicate et élégante, la sublime photographie du chef opérateur Fujio Morita fait le lien entre les trois films et imprègne l’image de surnaturel et d’impalpable. Ce qui fait encore aujourd’hui l’immense réussite des trois épisodes est également le soin apporté aux effets spéciaux, concoctés par le spécialiste Yoshiyuki Kuroda. Loin du costume quelque peu figé de Godzilla (personnage star de la Toho depuis 1954), celui arboré par Chikara Hashimoto, qui interprète le rôle-titre, laisse apercevoir les yeux du comédien, qui reflètent le courroux de ce Dieu de pierre qui s’anime quand l’âme humaine est désespérée et blessée par un être en particulier. Majin intervient alors au cours du dernier quart d’heure du film et rentre en contact avec la population, ce qui nous vaut quelques scènes très impressionnantes où le géant de dix mètres écrase l’oppresseur au rire sardonique sous son pied de granite, ou s’en empare pour l’aplatir contre une montagne. Non seulement les effets visuels n’ont rien perdu de leur charme, mais ils demeurent avant tout très spectaculaires.
Le divertissement est donc toujours au rendez-vous et la splendeur des costumes, des décors, de la photographie et de la musique d’Akira Ifukube (Godzilla, Prisonnière des Martiens, King Kong vs Gozilla) ne cessent de subjuguer à chaque instant.
LE COMBO
Ce magnifique coffret limité à 1000 exemplaires, contient quatre disques, soit deux DVD et deux Blu-ray. Les deux premiers films sont couplés sur une même galette, tandis qu’une autre accueille le troisième film accompagné des suppléments. Digipack à quatre volets aux visuels splendides, glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet. Le menu principal est animé et musical.
Le premier bonus proposé par Le Chat qui fume est une large et passionnante présentation de la trilogie Majin par Fabien Mauro (40’), auteur de Ishiro Honda: Humanisme monstre (Broché, 2018) et Kaiju, envahisseurs & apocalypse (Aardvark éditions, disponible en octobre 2020). Vous saurez tout (ou presque) sur l’émergence du cinéma japonais depuis la création de la Daiei, société de production cinématographique japonaise, fondée en janvier 1942 à la suite de la réorganisation de l’industrie du cinéma par les autorités militaires, avec à sa tête Masaichi Nagata. Du succès international de Rashōmon d’Akira Kurosawa, Lion d’or de la Mostra de Venise en 1951, à la découverte des grands noms du cinéma d’auteur japonais, en passant bien évidemment par la mise en route des films commerciaux destinés à rencontrer un large public, Fabien Mauro développe tout cela durant le premier quart d’heure de son intervention, avant d’en venir plus précisément à la trilogie qui nous intéresse aujourd’hui. Il passe ainsi en revue la genèse du projet, les conditions de production (trois films tournés simultanément par quasiment la même équipe), les partis pris, les intentions, les effets spéciaux, la création du Majin, la musique, bref, ne manquez pas cet entretien si comme nous vous avez succombé au charme de ces trois longs métrages.
Le scénariste Fathi Beddiar est un habitué du Chat qui fume. Déjà présent sur les éditions de Tropique du Cancer, de La Longue nuit de l’exorcisme, de Vigilante – Justice sans sommation et de Maniac, l’ex-rédacteur de Mad Movies, expert et érudit en cinéma de genre, propose ici une impressionnante présentation de la trilogie Majin, mais plus particulièrement du sportif et comédien Chikara Hashimoto (1933-2017). Ancien joueur professionnel de baseball, il rejoint le studio de la Daiei où on lui confie entre autres le rôle-titre de la trilogie Majin ! Connaissant le sujet sur le bout des doigts, Fathi Beddiar revient sur cette carrière hors du commun, puisque Chikara Hashimoto a également affronté Bruce Lee dans La Fureur de vaincre et, bien que réalisant ses cascades la plupart du temps, a été doublé par un dénommé Jackie Chan. On ne sait pas si Fathi Beddiar reprend sa respiration durant 45 minutes, toujours est-il que l’invité du Chat est une fois de plus captivant du début à la fin.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce de chaque épisode.
L’Image et le son
Ces nouveaux masters HD s’avèrent resplendissants et permettent non seulement de visionner ces grands spectacles dans les meilleures conditions, mais aussi de s’y replonger à satiété ! Des transferts hauts de gamme qui redonnent à la colorimétrie un éclat inespéré sur les scènes diurnes. C’est aussi le cas du piqué, probablement inédit. La propreté est hallucinante. La photo voit ses partis pris esthétiques savamment restitués, la copie affiche une stabilité à toutes épreuves. La gestion du grain est également solide comme un roc et les détails précis aux quatre coins du cadre large. Hormis divers plans sans doute plus doux et qui ont dû donner plus de fil à retordre aux magiciens du numérique, les Blu-ray de la trilogie Majin laissent pantois d’admiration.
La version japonaise unique est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0. Naturelle, même si le rendu acoustique est un peu restreint et manque de vivacité, cette piste présente des dialogues parfois trop pincés, mais heureusement les séquences d’action profitent mieux de cette restauration avec des ambiances riches et même parfois percutantes. Aucun souffle constaté. Les sous-titres français sont imposés.