Test Blu-ray / The Two Jakes, réalisé par Jack Nicholson

THE TWO JAKES réalisé par Jack Nicholson, disponible en Blu-ray le 6 janvier 2021 chez Paramount Pictures.

Acteurs : Jack Nicholson, Harvey Keitel, Meg Tilly, Madeleine Stowe, Eli Wallach, Rubén Blades, Frederic Forrest, David Keith, Joe Mantell, James Hong…

Scénario : Robert Towne

Photographie : Vilmos Zsigmond

Musique : Van Dyke Parks

Durée : 2h17

Année de sortie : 1990

LE FILM

A Los Angeles, en 1948, le promoteur immobilier Jake Berman s’attache les services du détective privé Jake Gittes pour déterminer la fidélité de sa femme Kitty. Les deux hommes mettent un plan sur pied et surprennent Kitty en flagrant délit d’adultère mais Gittes ne s’attendait pas à ce que Berman assassine l’amant de sa femme sous ses yeux.

Sorti en 1990, The Two Jakes est une curiosité à plus d’un titre. Premièrement, il s’agit d’une des rares fois où Jack Nicholson retrouve l’un de ses personnages pour la suite d’un de ses précédents succès, en l’occurrence ici celui de Jake Gittes, apparu seize ans plus tôt dans le triomphal Chinatown de Roman Polanski, l’autre étant Garrett Breedlove du diptyque Tendres PassionsTerms of Endearment (1983) de James L. Brooks et Étoile du soirThe Evening Star (1996) de Robert Harling. Deuxièmement, The Two Jakes est aussi l’un des films mis en scène par Jack Nicholson lui-même, à ce jour son troisième et dernier, après Vas-y, fonceDrive, He Said (1971) et En route vers le sudGoin’ South (1978), son quatrième si l’on tient compte de sa participation non créditée aux côtés de Roger Corman pour l’excellent L’Halluciné The Terror sorti en 1963. Bon, maintenant il est vrai que nous n’attendions sûrement pas cette séquelle du chef d’oeuvre absolu qui avait reçu onze nominations à la 47e cérémonie des Oscars en 1975, dernier film de Roman Polanski tourné aux États-Unis et récompensé de nombreuses fois, y compris par l’Oscar du meilleur scénario original, quatre Golden Globes et trois BAFTA. Ce qu’on oublie parfois, c’est qu’au début des années 1990, Jack Nicholson domine Hollywood grâce à son rôle du Joker qu’il vient d’incarner dans le Batman de Tim Burton. Il avait en effet accepté de participer à ce film sous certaines conditions, autrement dit un salaire mirobolant, mais aussi et surtout une partie des recettes du box office et des produits issus du merchandising. Batman devient le plus gros succès de l’année 1989 et l’ami Jack peut faire ce qu’il souhaite à l’âge de 52 ans. Contre toute attente, le comédien décide de repasser derrière la caméra et de reprendre le costume trois-pièces du détective privé Jack Gittes, pour la suite inattendue de Chinatown. The Two Jakes est également écrit par le scénariste Robert Towne (le script était d’ailleurs prêt depuis 1984), qui très tôt avait pensé faire une trilogie autour de ce personnage. Forcément, on ne peut s’empêcher de comparer The Two Jakes à son modèle, mais il apparaît vite que la mise en scène de Jack Nicholson ne peut rivaliser avec celle de Roman Polanski. Toutefois, ce film néo-noir comporte quelques éléments intéressants et même si l’intrigue demeure foncièrement obscure, pour ne pas dire hermétique, The Two Jakes mérite bien qu’on s’y attarde au moins une fois.

Le détective privé Jake Gittes s’est fait une spécialité des affaires d’adultère. Il est engagé par Jake Berman, un riche promoteur immobilier qui lui demande de surprendre sa femme Kitty et son amant en flagrant délit d’adultère. C’est alors que Berman tue l’amant de sa femme. Gittes découvre après coup que la victime était également l’associé de Berman. Accusé par la veuve du défunt d’avoir ourdi ce complot afin d’assassiner son mari en toute impunité, Gittes décide d’enquêter pour son propre compte. Rien n’est moins facile. Les pressions des avocats, l’hystérie difficilement canalisable de la veuve éplorée, la haine d’un lieutenant de police et les coups d’un gangster compliquent singulièrement la tâche du détective…

Jack Nicholson n’a jamais cherché à égaliser Roman Polanski. C’est indéniable. En revanche, l’acteur ne s’est pas laissé aller non plus à la facilité et a vraisemblablement mis beaucoup de soin dans sa mise en scène. Son cadre ne manque pas d’inspiration, les costumes, tout comme la reconstitution, sont élégants et surtout, le réalisateur est soutenu par l’immense talent de Vilmos Zsigmond (Délivrance, Le Privé, L’Épouvantail, Obsession, Rencontres du troisième type, Voyage au bout de l’enfer et bien d’autres) à la photographie qui donne au film sa véritable identité avec l’usage de filtres parfois étonnants et qui se démarquent des partis-pris de John A. Alonzo sur Chinatown. De plus, l’usage de la voix-off de Jake contraste avec le premier film, qui misait avant tout sur le ressenti des spectateurs, plongés aux côtés du détective, qui découvrait les preuves et les indices, sans en dévoiler la teneur à l’audience qui devait alors deviner par elle-même. Jack Nicholson se rapproche donc des films noirs américains des années 1940, période à laquelle se déroule l’action de The Two Jakes, mais tombe dans le piège de la paraphrase.

Si l’on devait pointer le gros problème de The Two Jakes, ce serait son histoire, bien trop alambiquée et qui se rapproche des récits tortueux voire insondables du style Le Grand Sommeil The Big Sleep (1949) de Howard Hawks, adapté de Raymond Chandler, ou plus récemment d’Inherent Vice (2014) de Paul Thomas Anderson. Des récits inutilement complexes, labyrinthiques, qui privilégient l’atmosphère, des personnages ambigus et pas forcément attachants, des couleurs, des motifs et même des parfums immédiatement identifiables. C’est peu dire que l’on ne comprend pas grand-chose à cette intrigue de société de développement immobilier (après tout, Howard Hawks indiquait ne rien avoir pigé à l’histoire du Grand Sommeil) et d’adultère où un mari, Berman (Harvey Keitel) tue son rival Bodine qui était en fait son partenaire commercial. Là-dessus, Gittes se retrouve soudainement sous surveillance pour son rôle dans ce crime et doit convaincre le capitaine Escobar du LAPD (Perry Lopez, qui reprend aussi son rôle de Chinatown) qu’il ne devrait pas être accusé de complicité. Puis, arrive un magnat du pétrole qui s’intéresse de près aux terrains de Berman et Bodine, ce qui remet en question les droits miniers de la région. Et c’est là que le lien se fait réellement avec Chinatown, puisque les droits appartiennent à une certaine Katherine Mulwray, qui n’est autre – on le devine très rapidement – que la fille d’Evelyn Mulwray, disparue tragiquement plus de dix ans auparavant et qui était évidemment incarnée par Faye Dunaway (dont on peut entendre la voix) dans le premier film. Mais tout cela est bien confus et malgré toute la bonne volonté du monde, on finit par décrocher de l’intrigue, surtout que le rythme est très lent et que l’ensemble s’étire sur une durée bien trop excessive de 137 minutes.

Heureusement, la beauté de la photographie, ainsi que celle de la musique suave et envoûtante de Van Dyke Parks (qui fait aussi une apparition dans le film), sans oublier une pincée d’humour et bien sûr la qualité de l’interprétation, Jack Nicholson en tête bien sûr, mais aussi celle de Madeleine Stowe (bien trop rare au cinéma) en femme fatale, Meg Tilly, Frederic Forrest, Eli Wallach et consorts, font de The Two Jakes une vraie proposition de nouveau film noir, à la fois une variation et une suite finalement logique à Chinatown. L’échec critique et commercial du film a entraîné l’annulation du troisième épisode envisagé par Robert Towne, qui devait narrer les derniers jours de Jake Gittes.

LE BLU-RAY

En dehors d’un DVD sorti discrètement en 2002, The Two Jakes n’a jamais intéressé Paramount Pictures Pictures, qui a toujours relégué ce titre au fond de leur catalogue. C’est donc une très grande surprise de voir le film de Jack Nicholson réapparaître dans les bacs en Haute-Définition ! Jaquette au visuel sobre tiré d’une partie de l’affiche originale, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue. Le menu principal est fixe et muet.

Aucun supplément.

L’Image et le son

Paramount Pictures nous permet de (re)découvrir The Two Jakes dans de très belles conditions techniques et un master restauré. Les partis-pris esthétiques concoctés par le chef opérateur Vilmos Zsigmond auraient pu donner du fil à retordre au codec AVC, mais il n’en est rien. L’équilibre est omniprésent, y compris sur les séquences sombres ou nocturnes avec des noirs denses, des contrastes soignés, de magnifiques couleurs, des textures palpables. La copie est d’une propreté immaculée (bon à part diverses poussières peut-être) et l’apport HD est loin d’être négligeable. D’une part parce-que les scènes diurnes sont magnifiquement restituées avec une luminosité inédite, mais nous découvrons également un lot de détails – sur les gros plans notamment – qui flatte la rétine, d’autant plus que le cadre – même si Jack Nicholson n’a pas repris le format large de Chinatown – est superbement exploité. Enfin, le grain argentique est respecté, fin, très bien géré et équilibré.

La version originale bénéficie d’un mixage DTS-HD Master Audio 5.1. Cette option acoustique séduisante permet à la composition enivrante de Van Dyke Parks d’environner le spectateur pour mieux le plonger dans l’atmosphère du film, même si les frontales prédominent. Les effets latéraux ne tombent jamais dans la gratuité ni dans l’artificialité, à l’instar des bruits de la circulation, tandis que le caisson de basses rugit aux moments opportuns, autrement dit lors des secousses sismiques. De plus, les dialogues ne sont jamais noyés et demeurent solides, la balance frontale assurant de son côté le spectacle acoustique, riche et dynamique. La version française dispose de son côté d’une piste Dolby Digital 2.0 forcément plus plate et anecdotique, même si le doublage vaut le coup avec l’affrontement Serge Sauvion (Jack Nicholson) – Daniel Russo (Harvey Keitel).

Crédits images : © Paramount Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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