THE ANNIVERSARY réalisé par Roy Ward Baker, disponible en combo DVD/Blu-ray le 9 septembre 2019 chez BQHL Editions
Acteurs : Bette Davis, Sheila Hancock, Jack Hedley, James Cossins, Christian Roberts, Elaine Taylor, Timothy Bateson, Sally-Jane Spencer, Arnold Diamond…
Scénario : Jimmy Sangster d’après la pièce de théâtre de Bill MacIlwraith
Photographie : Harry Waxman
Musique : Philip Martell
Durée : 1h36
Date de sortie initiale : 1968
LE FILM
Une veuve et mère abusive réunit tous les ans ses trois fils pour célébrer l’anniversaire de son mariage. C’est l’occasion pour elle de renforcer sa domination psychologique sur ces derniers.
Trois ans après Confession à un cadavre – The Nanny (1965) de Seth Holt, Bette Davis collabore à nouveau avec la Hammer Films pour The Anniversary, adaptation d’une pièce de théâtre de Bill MacIlwraith. A 60 ans, l’actrice mythique de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? – What Ever Happened to Baby Jane ? (1962) et Chut… chut, chère Charlotte – Hush… Hush, Sweet Charlotte (1964) de Robert Aldrich, signe une immense performance comme elle en avait le secret – peut-être parce que le personnage était très proche de sa propre personnalité – en incarnant une femme cruelle, manipulatrice et sadique. Et si c’était elle le monstre le plus terrifiant de toute l’histoire de la Hammer ?
Veuve depuis dix ans, Mme Taggart règne sur sa famille tel un despote sur son peuple. Impossible pour ses trois fils d’échapper au rituel annuel de la célébration de son anniversaire de mariage avec un homme qu’elle haïssait pourtant. La mort dans l’âme, accompagnés par leur conjointe, Terry, Henry et Tom renouent avec leur mère, un sourire crispé au coin des lèvres. Et, à l’occasion de cette nouvelle commémoration, Mme Taggart se montre fidèle à elle-même, prête à tous les coups bas et stratagèmes tordus pour que ses descendants ne se soustraient pas à son implacable domination…
Oubliez Dracula, la créature de Frankenstein, la Momie, mais faites attention à Mme Taggart ! Dès sa première apparition en haut du grand escalier de sa demeure, cette femme âgée, tout de rouge vêtue et arborant un cache-oeil assorti, commence sa représentation. Mme Taggart est ici pour interpréter son rôle, celui d’une mère de famille castratrice, abjecte, malfaisante. Antipathique dès qu’elle descend les marches telle Norma Desmond « prête pour son gros plan » à la fin de Boulevard du crépuscule – Sunset Boulevard (1950) de Billy Wilder, Mme Taggart aime être le centre de l’attention. Ses trois fils et ses deux brus se figent, comme s’ils s’apprêtaient à livrer un combat sur le ring. Ils ne sont pas au bout de leur peine et même s’il est évident que cette famille possède déjà un sacré background, ils vont tous vivre ici le pire face à face de leur vie.
Bette Davis crève, explose, atomise l’écran du début à la fin. Ses éclats de rire démentiels, ses yeux écarquillés, sa démarche légère comme si elle exécutait sans cesse quelques pas de danse, ses costumes et son œil dissimulé laissent pantois chaque seconde. Ajoutez à cela des dialogues incroyablement méchants mis dans la bouche d’une femme d’un âge respectable et vous obtenez un véritable cocktail empoisonné. Outre Bette Davis, un effet spécial à elle seule, les comédiens britanniques qui l’entourent ne sont pas en reste, la plupart avaient d’ailleurs déjà créé leurs rôles sur scène, et sont également parfaits dans la peau des « victimes ». La fratrie se compose de James Cossins (L’Homme au pistolet d’or, La Grande attaque du train d’or) dans le rôle du grand-frère Henry, vieux garçon de 40 ans, qui passe son temps libre à voler et à se vêtir de lingerie féminine. Le deuxième frère, Terry, incarné par Jack Hedley (Rien que pour vos yeux), est marié de longue date, père de cinq enfants et sa femme Karen (Sheila Hancock) en attend visiblement un sixième. Enfin, Tom (Christian Roberts), le dernier, profite de l’anniversaire de mariage de sa mère pour lui présenter sa fiancée, la ravissante Shirley (Elaine Taylor, aperçue dans le Casino Royale de 1967), qui va contribuer à la rébellion de la famille.
Les trois fils, traités de bon à rien par Mme Taggart, sont littéralement exploités par leur mère dans l’entreprise familiale (elle « a fait d’eux des chefs car ils étaient des mauvais ouvriers »), puisqu’ils doivent travailler 12 heures par jour et six jours sur sept, en construisant à la va-vite des appartements et des maisons dont la demande est toujours croissante. Les contremaîtres étant quelque peu dépassés par les événements, les habitations ne sont même pas terminées au moment où leurs futurs habitants viennent emménager. Du pain béni pour Mme Taggart, qui n’hésite jamais à les rabaisser, ayant accroché quelques diplômes de mauvais élèves dans l’entrée de la maison. Mais si ce n’était que ça…
L’un des grands manitous de la Hammer, Jimmy Sangster, également producteur, transpose la pièce de théâtre originale de Bill MacIlwraith. Le dispositif est évident et difficilement dissimulable, mais pourtant la mise en scène de Roy Ward Baker (Atlantique, latitude 41°, Troublez-moi ce soir) qui avait déjà collaboré avec la Hammer pour Les Monstres de l’espace – Quatermass and the Pit (1967), qui avait remplacé au pied levé Alvin Rakoff après des divergences survenues avec Bette Davis une semaine après le début des prises de vue, parvient à éviter cette impression de théâtre platement filmé. Il privilégie ici les gros plans, le hors-champ, tout en aérant l’ensemble grâce à quelques apartés en extérieur. Ce sont plutôt les répliques vachardes qui serrent la gorge et l’on retient souvent notre souffle en attendant de voir jusqu’où Mme Taggart est prête à aller pour assurer sa mainmise sur ses rejetons qu’elle humilie sans cesse.
Après la nourrice abominable de Confession à un cadavre, Bette Davis continue sur sa lancée en prêtant ses traits incroyables à cette femme perverse et machiavélique, qui profite de la faiblesse de ses proches, toujours prête à verser du sel sur les plaies de ceux qu’elle a mis au monde. Ce drame psychologique, instaure un suspense qui glace le sang. Loin des films d’épouvante et fantastiques qui ont fait la renommée du studio, The Anniversary est encore plus éprouvant car réaliste. Redoutablement sombre et pessimiste, qui joue autant avec les nerfs de ses personnages qu’avec ceux des spectateurs, mais toujours avec un humour noir anthracite, The Anniversary n’est clairement pas l’oeuvre la plus connue sortie des usines de la Hammer Films, mais n’en est pas moins un sommet dissimulé par les monstres plus emblématiques du célèbre studio.
LE BLU-RAY
The Anniversary était non seulement inédit dans les bacs français en Blu-ray, mais sa sortie en Haute-Définition chez BQHL Editions est également une exclusivité mondiale ! Cette édition se compose du DVD et du Blu-ray du film. Aucun supplément. Le menu principal est animé et musical.
L’Image et le son
BQHL Editions livre un master HD restauré de The Anniversary tout à fait convenable et permet de redécouvrir ce chef d’oeuvre de la Hammer Films dans d’excellentes conditions techniques. Les partis-pris esthétiques du directeur de la photographie Harry Waxman (The Wicker Man, Quand la panthère rose s’emmêle) trouvent en Blu-ray (1080p) un nouvel écrin et se voient entièrement respectés. Point de réducteur de bruit à l’horizon, le grain est présent, élégant, flatteur pour les mirettes, les poussières, scories, griffures et tâches en tous genres ont quasiment tous été éradiqués, la colorimétrie retrouve un éclat inédit, les contrastes sont denses et le piqué est probant. L’encodage AVC demeure solide, la gestion des noirs est appréciable et le niveau de détails impressionnant. Espérons que ce master HD permettra à The Anniversary d’être réhabilité auprès d’un nouveau public.
Seule la version originale est proposée en Dolby Digital 2.0 mono. Aucun souffle, craquement, ni fluctuations ne sont à déplorer, le confort acoustique est clair, net, précis tout du long. Les sous-titres français ne sont pas imposés.