TENUE DE SOIRÉE réalisé par Bertrand Blier, disponible en Blu-ray le 1er janvier 2020 chez Studiocanal
Acteurs : Michel Blanc, Gérard Depardieu, Miou-Miou, Bruno Cremer, Michel Creton, Jean-François Stévenin, Mylène Demongeot, Jean-Pierre Marielle…
Scénario : Bertrand Blier
Photographie : Jean Penzer
Musique : Serge Gainsbourg
Durée : 1h24
Date de sortie initiale : 1986
LE FILM
Antoine est amoureux de la froide Monique qui le rabroue en permanence. Alors Antoine confie son désespoir à son copain Bob qui l’écoute avec beaucoup d’intérêt, car il est amoureux d’Antoine. C’est ainsi que débute cette histoire d’amour…
Regarde-toi dans mes yeux, tu vas te trouver sublime.
Quand on visionne Tenue de soirée, on ne peut s’empêcher de trouver impressionnante toute cette poésie de chaque instant, que ces répliques crues renferment une immense sensibilité, et surtout que Bertrand Blier livre de fabuleux portraits de marginaux solitaires, furieusement en manque d’amour et de tendresse. Aujourd’hui, il serait impensable voire carrément impossible de refaire un film comme Tenue de soirée, « PUTAIN DE FILM ! », comme le scandait l’affiche d’exploitation. Enorme succès populaire en avril 1986 avec près de 3,2 millions de spectateurs, ce qui le place en seconde position dans le top du réalisateur derrière les 5,7 millions d’entrées des Valseuses en 1974, Tenue de soirée est une chronique amoureuse, mais aussi un drame psychologique et social, une comédie de mœurs comme pouvait l’être La Grande Bouffe (1973) de Marco Ferreri. Là où ce dernier avait fait scandale (euphémisme) au Festival de Cannes, le film de Bertrand Blier enthousiasmait alors la Croisette. Michel Blanc se voyait récompenser du Prix d’interprétation masculine, ex aequo avec Bob Hoskins pour Mona Lisa de Neil Jordan, par le Président du jury Sydney Pollack. Plus de trente ans après sa sortie, Tenue de soirée n’a absolument rien perdu de sa verve (et de sa verge), fait toujours grincer les dents et embarque les spectateurs pour un rollercoaster d’émotions sur un rythme effréné, de très belles images signées Jean Penzer et la musique balancée de Serge Gainsbourg (sa dernière pour le cinéma), où l’on reste pantois d’admiration pour le magnifique trio d’acteurs et les dialogues exceptionnels.
Antoine (Michel Blanc) et Monique (Miou-Miou) forment un couple à la dérive malgré l’amour qu’Antoine porte à Monique. Un soir alors qu’ils se trouvent dans un bal, Monique houspille violemment Antoine en lui reprochant sa situation désastreuse, ceux-ci en étant désormais réduits à vivre été comme hiver dans une caravane vétuste. Un inconnu nommé Bob (Gérard Depardieu) assiste à la scène et intervient inopinément en giflant Monique et en prenant la défense d’Antoine, puis en lui jetant une liasse de billets de banque. Devant le bagou et le charisme de cet homme, le couple accepte de le suivre dans le cambriolage de maisons bourgeoises. Un trio se met alors en place et Bob semble plus intéressé par Antoine que par Monique. Cette dernière voyant son niveau de vie augmenter grâce à la présence de Bob, encourage même Antoine à céder aux sollicitations de ce mastodonte qui souhaite entreprendre une relation homosexuelle avec lui.
Mais mon pauvre ami, si j’étais vraiment pédé, y a longtemps que tu serais passé à la casserole. Réfléchis un petit peu : un mec comme moi. Je te coince entre deux portes et hop ! Bonjour le chocolat, ramonage du boyau, la turbine ensorcelée, rouleau de printemps, boudin créole. Je te sers un coup de Pommard ? Ça rime avec braquemart. Et puis avec canular aussi.
Bertrand Blier fonce dans le tas. Vaguement inspiré par la relation de Gérard Depardieu et de Patrick Dewaere (qui était rattaché également au projet, avant de se donner la mort) sur le plateau des Valseuses et de Préparez vos mouchoirs (1978), où les deux hommes s’amusaient à jouer au couple, Tenue de soirée montre des situations et prononce des mots de manière frontale, sans avoir peur de choquer. Si certains ont rejeté le film et continuent d’ailleurs de le bannir, les autres ont immédiatement vu et su où le cinéaste voulait en venir. Les hommes et les femmes sont seuls. Ils peuvent entrer en interaction, se confronter, se rentrer dedans, au sens propre comme au figuré, ils sont prêts à tout pour quelques secondes de bonheur, de bien-être, avec pour espoir de se faire aimer, même mal, du moment qu’ils parviennent à en tirer quelques grammes d’affection.
Une serrure il faut qu’ça mouille, c’est comme tous les orifices. Tu la démarres à la salive et t’attends qu’elle se donne.
Si Michel Blanc n’a évidemment pas volé son prix à Cannes et surprend pour la première fois de sa carrière dans un rôle dramatique, ce qui était un vrai défi pour lui après avoir triomphé avec Marche à l’ombre, Gérard Depardieu (la même année que Jean de Florette et Les Fugitifs !) emporte tout et tous avec ce personnage hors-norme qui tel un cyclone dévaste les corps et les coeurs. Capable de se montrer attendrissant quand il essaye de séduire sa proie, puis de devenir le roi des connards en parlant aux femmes comme s’ils n’étaient que des morceaux de viande, le mystérieux Bob n’en finit pas de jouer avec l’empathie des spectateurs et des protagonistes qui l’entourent. Difficilement cernable, brouillant les pistes, à la fois fragile comme du cristal, rustique et macho, ayant le coeur sur la main et l’autre main dans le calbute de son voisin, Bob est une parfaite représentation du vrai Gérard Depardieu, dont la nature se confond évidemment avec celle de son personnage, écrit spécialement pour lui. Quant à Miou-Miou, qui ralentissait les tournages par rapport aux années 1970, elle se délecte également de ses répliques vachardes dès la première séquence où Monique balance ses quatre vérités à Antoine, avant de se prendre une grosse baffe par Bob pour lui fermer le clapet. Une scène d’anthologie parmi les autres.
Mais je vais quand même pas me faire enculer sous prétexte que c’est un ami !
Les trios ont toujours porté bonheur à Bertrand Blier avec Les Valseuses, Calmos, Préparez vos mouchoirs, Buffet froid, La Femme de mon pote et avant Trop belle pour toi. Tenue de soirée, nommé huit fois aux Césars en 1987 (même si aucune récompense ne viendra le couronner) ne fait pas exception à la règle et demeure un indémodable et intemporel chef d’oeuvre du cinéma français des années 1980.
LE BLU-RAY
Tenue de soirée en Blu-ray ! L’attente a été longue ! Studiocanal répond enfin aux attentes des fans du long métrage de Bertrand Blier. Le menu principal est animé sur une séquence du film.
Le spéléologue Jérôme Wybon a mis la main sur des images d’archives sensationnelles sur le tournage de Tenue de soirée. Intitulé L’Intelligence plutôt que la connerie (27’), ce module compile quelques interviews de Michel Blanc, Miou-Miou et de Bertrand Blier, et surtout des images provenant des essais, des répétitions et des prises de vue où l’on peut se rendre compte de la bonne humeur qui régnait alors sur le plateau. Gérard Depardieu est évidemment bien présent pour faire rire l’équipe à la moindre occasion, tandis que Serge Gainsbourg et le réalisateur se rejoignent en studio pour le mixage de la musique du film. Un vrai trésor, merci encore une fois à Jérôme Wybon.
L’Image et le son
La très belle photographie du mythique chef opérateur Jean Penzer (Sans mobile apparent, Peur sur la ville, Malevil) retrouve de sa superbe en Haute-Définition. En extérieur comme en studio, les couleurs possèdent un nouvel éclat, à l’instar de la scène des toilettes dans le dernier acte, avec un aspect sensiblement vaporeux du plus bel effet. Le piqué est mordant, le cadre large excellemment exploité, les gros plans regorgent de détails, même si les séquences sombres ou tamisées s’avèrent moins définies. C’est le seul vrai bémol à déclarer, car en dehors de cela, les contrastes sont rutilants, la propreté irréprochable, la stabilité de mise et le grain argentique heureusement préservé.
La piste française est proposée en LPCM 2.0 plutôt percutante. Aucun souffle n’est à déplorer, ni aucune saturation dans les aigus. Les dialogues sont vifs, toujours bien détachés, la musique est délivrée avec une belle ampleur. L’ensemble est aéré, fluide et dynamique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.