SCALPS réalisé par Bruno Mattei & Claudio Fragasso, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Vassili Karis, Mapi Galán, Charly Bravo, Beni Cardoso, Alberto Farnese, Lola Forner, Emilio Linder, José Canalejas…
Scénario : Italo Gasperini, Richard Harrison, Bruno Mattei, Roberto Di Girolamo & José Maria Cunillés
Photographie : Julio Burgos & Luigi Ciccarese
Musique : Luigi Ceccarelli
Durée : 1h41
Date de sortie initiale : 1987
LE FILM
A la fin de la guerre de Sécession, la fille d’un chef indien, Yari, est enlevée par une troupe de soldats sudistes menée par le commandant d’un fort texan qui refuse de se rendre aux Nordistes. La jeune femme, dont la tribu a été massacrée, parvient à s’échapper et vient se réfugier dans la maison de Matt, un vétéran devenu fermier, qui accepte de la protéger.
Qui aurait pu penser que le western italien donnerait quelques signes de vie à la fin des années 1980 ? Il n’y avait probablement que Bruno Mattei et son comparse Claudio Fragasso pour tenter un revival du genre abandonné plus de quinze ans auparavant, avant de donner naissance à moult parodies du genre On l’appelle Trinita – Lo chiamavano Trinità… (1970) d’Enzo Barboni et l’extraordinaire chant du cygne représenté par Mon nom est Personne – Il mio nome è Nessuno (1973) de Tonino Valerii. Après les ersatz de Rambo intitulés Strike Commando (1986) et Double target – Cibles à abattre (1987), Vincent Dawn alias Bruno Mattei enchaîne avec deux westerns tournés simultanément avec son complice Claudio Fragasso, qui de son côté n’était pas resté sans rien faire puisqu’il venait d’emballer Monster Dog – Leviatán, ou quand une rock star tombait nez à nez avec une meute de chiens sauvages. Scalps est une merveilleuse surprise. D’une part parce qu’il s’agit d’un véritable et sérieux western pro-indien, d’autre part le film est très bien mis en scène et interprété. Marqué par une violence frontale assez impressionnante, Scalps démontre une fois de plus que lorsqu’il se donnait la peine, Bruno Mattei pouvait accomplir de très bonnes choses, à la fois au scénario, coécrit avec Roberto Di Girolamo (futur producteur du Dracula de Dario Argento et du Crime farpait d’Álex de la Iglesia), d’après une histoire de Richard Harrison (comédien vu dans une ribambelle de péplums et dans le rôle légendaire de Philliiiiiip de Hitman le cobra), comme à la réalisation. D’une rigueur inattendue et soutenu par une très belle photographie, ainsi que des décors soignés, Scalps est un vrai et bon western antiraciste et féministe, à découvrir absolument.
1865 – La résistance des Confédérés s’est effondrée avec la reddition du général Lee. Cependant, le colonel Connor refuse de capituler et ordonne le massacre d’une tribu apache afin de kidnapper Yarin, la fille du chef indien, qu’il convoite. Mais celle-ci, malgré ses blessures, parvient à s’échapper et trouve refuge dans la ferme de Matt Brown, un ex-soldat inconsolable depuis la mort de sa bien-aimée. Le fermier soigne l’Indienne et promet de l’aider dans sa quête de vengeance. Après un assaut des hommes de Connor, Brown et Yarin fuient dans le désert. Commence alors une longue traque…
Bruno Mattei et Claudio Fragasso ne sont pas là pour rigoler, même pour faire rire involontairement les spectateurs. Nous ne sommes pas devant Zombi 3, Robowar, Mondo Cannibale ou bien encore Shocking dark – Spectres à Venise (ou Terminator 2 si vous préférez), car Scalps donne le ton dès la première attaque du camp indien par la troupe du Colonel Connor (le prolifique Alberto Farnese, vu chez Vittorio De Sica et Sergio Gobbi), le film sera violent, n’hésitant pas à montrer les très nombreux impacts de balles, les têtes tranchées, les cuirs chevelus soigneusement arrachés, ainsi que la torture infligée à certains. La plus connue du film demeure celle où Matt Brown (Vassili Karis, aperçu dans quelques péplums et westerns transalpins) est traîné par deux chevaux, à l’aide de deux crochets qui lui ont été enfoncés dans la poitrine. Certes, la comédienne principale Mapi Galán (La Cité des enfants perdus), bien jolie et sexy au demeurant, ressemble plus à une coach sportive de la RAI qu’à une apache, mais celle-ci se défend très bien devant la caméra, autant dans les scènes dramatiques que dans les séquences d’action, où elle se révèle aussi à l’aise qu’impliquée. Bad-ass et charismatique, l’actrice est une révélation et porte l’essentiel du film sur ses épaules.
L’histoire de vengeance dans le sang de Scalps est sans doute classique, mais son anachronisme, autrement dit de débouler comme ça en 1987 alors que plus personne ou presque ne produisait ou ne réalisait de westerns (on peut quand même citer Pale Rider, le cavalier solitaire de Clint Eastwood, Silverado de Lawrence Kasdan), est déjà suffisamment inattendu pour qu’on s’y attarde un petit peu. Et rapidement, on se rend compte de la qualité de ce divertissement, franchement pas bête et au discours franc et implacable, doublé d’une réelle qualité formelle, avec d’un côté une photographie chaude et pastel que l’on doit à Julio Burgos (La Vénus noire de Claude Mulot) et Luigi Ciccarese (Opération K), et de l’autre de sublimes paysages naturels espagnols capturés dans la province d’Almeria en Espagne, notamment dans le désert de Tabernas. Les cinéphiles à l’oeil acéré pourront d’ailleurs reconnaître quelques bâtisses vues dans Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone, y compris le lieu du duel final entre Charles Bronson et Henry Fonda. En parlant de ce dernier, on peut aussi évoquer la superbe partition de Luigi Ceccarelli, qui n’est pas sans rappeler certains thèmes d’Ennio Morricone, sans pour autant plagier les œuvres du maestro.
Alors non, Scalps n’est pas un navet ou un western de pacotille, même si son budget était dérisoire. Il n’y a absolument rien de déshonorant, bien au contraire, dans ce film réussi, brutal, parfois sadique, authentique et par ailleurs très maîtrisé. Ce ne sera pas le cas pour Bianco Apache, mais nous en reparlerons très bientôt…
LE BLU-RAY
Après Novices libertines et avant Bianco Apache, voici Scalps, qui débarque en Haute-Définition chez Le Chat qui fume en édition limitée à 1000 exemplaires. Merci à Frédéric Domont d’avoir mis Mapi Galán en valeur, au centre du Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné au visuel sublime. Le menu principal est animé et musical. Ce Blu-ray est disponible à la vente sur le site du Chat qui fume https://www.lechatquifume.com/products/scalps , ainsi que sur celui de la boutique Métaluna https://metalunastore.fr/products/scalps?_pos=1&_psq=scalps&_ss=e&_v=1.0 .
L’éditeur présente ici la deuxième partie (sur trois) de l’interview-fleuve du scénariste et réalisateur Claudio Fragasso (41’), la première étant proposée sur le Blu-ray de Novices libertines et la dernière sur celui de Bianco Apache. Cette section aborde l’incontournable Les Rats de Manhattan (« un film particulier…tourné avec des souris blanches plongées dans un baril rempli de charbon pour leur donner l’aspect de rats »), le nanar Les Sept Gladiateurs (« une des pires expériences de ma vie, avec Lou Ferrigno qui était quelqu’un de désagréable) et Monster Dog. Claudio Fragasso en vient alors à Scalps et à Bianco Apache, « deux beaux westerns tournés à Almeria, sans aucun soutien de la production ». De nombreuses anecdotes de tournage s’enchaînent. Cet entretien se clôt sur l’évocation de Strike Commando, Zombi 3, Zombi 4 : After Death, Troll 2 (« un film d’horreur sans sang ») et Beyond Darkness (« mon film qui a fait le plus de recettes en Italie ! »). Toujours un immense plaisir d’écouter ce spécialiste de la série B (voire Z), dont l’amour incommensurable pour le cinéma ne s’est jamais démenti et dont la passion s’avère contagieuse.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce de Scalps et sur celle de Bianco Apache.
L’Image et le son
Scalps a bénéficié d’une solide restauration. Le résultat est devant nos yeux, nous sommes devant un superbe master HD ! C’est propre, clair, souvent lumineux, très détaillé (surtout sur les gros plans), le piqué est plaisant, le grain argentique excellemment géré et le cadre stable. Les aficionados apprécieront la qualité de la copie et le soin particulier apporté à ce petit titre, tout aussi choyé que les films plus reconnus et porteurs. Quelques rayures verticales (27e minute), mais rien de bien méchant, tout comme la définition qui peut changer d’un plan à l’autre, mais cela renvoie la plupart du temps aux conditions de tournage originales. La version intégrale est proposée ici.
Deux pistes au choix pour Scalps, en anglais et en français. Les deux pistes instaurent un confort acoustique équivalent, sans souffle, dynamique, même si l’option anglaise s’avère toujours plus riche. Le doublage français vaut son pesant ! Les sous-titres français ne sont pas imposés et le changement de langue non verrouillé à la volée.
Bravo pour votre travail d’orfèvre !