SANCTUAIRE (La Chiesa) réalisé par Michele Soavi, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume
Acteurs : Hugh Quarshie, Tomas Arana, Fedor Chaliapine Jr., Barbara Cupisti, Giovanni Lombardo Radice, Asia Argento, Roberto Caruso, Roberto Corbiletto, Alina De Simone, John Karlsen
Scénario : Franco Ferrini, Michele Soavi
Photographie : Renato Tafuri
Musique : Keith Emerson, Fabio Pignatelli, Philip Glass
Durée : 1h42
Année de sortie : 1989
LE FILM
Moyen Âge. Accusés de servir le Diable, les habitants d’un village sont massacrés par des chevaliers. Afin d’enrayer la propagation du mal, une église est érigée sur le charnier. De nos jours, lors des travaux de restauration qu’elle dirige, Lisa découvre un parchemin dissimulé dans la paroi des sous-sols de l’église. Elle s’empresse d’en faire part à Ewald, le nouveau bibliothécaire. Imprégné des théories de l’alchimiste Fulcanelli, Ewald, bien résolu à percer le secret du parchemin, va, bien malgré lui, réveiller des forces obscures et malveillantes… qui bientôt vont se déchaîner en se propageant à tous ceux présents dans l’édifice.
Né en 1957, Michele Soavi débute au cinéma en tant qu’assistant-réalisateur de Dario Argento sur Ténèbres (1982), Phenomena (1985) et Opéra (1987). Il seconde également Lamberto Bava sur Démons (1985), coécrit et produit par le même Dario Argento. Il fait ses premiers pas derrière la caméra avec Bloody Bird, slasher, giallo, film d’horreur qui remporte un vrai succès et se voit même primé au Festival d’Avoriaz. Alors qu’un troisième volet de la franchise Démons (au succès international) est abandonné durant l’écriture du film, Michele Soavi reprend le travail des scénaristes Franco Ferrini, Lamberto Bava, Dardano Sacchetti et Dario Argento pour le remanier, afin d’en faire son second long métrage en tant que réalisateur. Ce travail donnera naissance à Sanctuaire – La Chiesa, aka The Church dans les pays anglo-saxons, formidable film d’épouvante et fantastique qui contient son lot d’émotions fortes, tout en offrant à la jeune Asia Argento, âgée de 13 ans, son premier vrai rôle au cinéma.
Durant le Moyen-Age, des chevaliers teutoniques éliminent tout un village accusé d’hérésie et de sorcellerie. Pour purifier le lieu, une cathédrale est bâtie sur les cadavres de ces villageois considérés comme possédés et soupçonnés d’être des partisans de Satan. Cette construction est censée enterrer les forces du Mal pour l’éternité. Des siècles plus tard, alors que des travaux de rénovation sont engagés dans l’édifice, une jeune femme, Lisa, fait la découverte d’un parchemin dissimulé dans une fissure du bâtiment et contacte un jeune bibliothécaire, Evan, pour qu’il le déchiffre. Ce dernier tente de le décrypter mais il délivre, sans le savoir, des esprits maléfiques. Alors que le bâtiment religieux enferme un groupe de visiteurs à cause d’un mécanisme accidentellement déclenché par Evan, autrefois pensé par l’architecte de la cathédrale, les démons s’échappent du charnier pour prendre le contrôle de leurs corps et les poussent à commettre des atrocités entre eux.
Passionné par la peinture et les grands maîtres, Michele Soavi imprègne Sanctuaire de références picturales (Jérôme Bosch notamment) et concocte de vrais tableaux gothiques absolument remarquables. Du point de vue visuel, on en prend plein les mirettes durant 1h40. Sa mise en scène étonnamment virtuose pour un deuxième film, ses décors impressionnants et la photo riche et contrastée de Renato Tafuri, font de Sanctuaire l’un des films de genre italiens des années 1980 les plus recherchés sur la forme. Le prologue médiéval étonne par sa violence graphique qui peut faire penser à quelques séquences de la série Game of Thrones avant l’heure, toutes proportions gardées bien sûr. Si certains trouveront à redire sur un dernier acte qui part un peu dans tous les sens dans le but sans doute d’épater la galerie, Sanctuaire est une œuvre très généreuse, qui reflète l’amour du cinéaste pour le genre, soucieux d’offrir aux spectateurs un spectacle riche en émotions fortes et en hémoglobine.
Du point de vue interprétation, hormis le plaisir de suivre les premiers pas d’Asia Argento devant la caméra, nous retiendrons surtout la tronche incroyable de Fedor Chaliapine Jr. (Le nom de la rose) qui campe un évêque qui ne semble pas très catholique, la beauté de Barbara Cupisti (L’éventreur de New York) et l’excellent Hugh Quarshie. Sur un rythme plutôt lent, mais très maîtrisé, Sanctuaire enchaîne les morceaux de bravoure (un coït avec un démon), entre effets gores très réussis (un suicide au marteau piqueur), huis clos dégénéré (coucou [REC] !) possessions démoniaques, humour noir (les vieux qui fêtent leur anniversaire de mariage), dans une recherche formelle, baroque, constante et omniprésente, avec en fond les compositions de Keith Emerson, Philip Glass et le groupe incontournable Goblin.
Tous ces ingrédients en apparence hétérogènes, contribuent à la singularité et surtout à la belle réussite de Sanctuaire.
LE BLU-RAY
Sanctuaire est disponible dans les bacs grâce aux bons soins de ce cher Chat qui fume. Un sublime combo Blu-ray/DVD, trois disques, un Digipack trois volets quadri avec un étui cartonné du plus bel effet et au visuel intrigant. Les menus principaux sont animés sur la musique du film.
C’est devenu une habitude, mais nous ne pouvons que saluer une fois de plus le travail acharné de l’éditeur griffu qui ne vient pas les pattes vides, puisque près de 90 minutes de suppléments accompagnent le film de Michele Soavi !
Et c’est Asia Argento qui ouvre le bal de cette interactivité, à travers une interview (8’30) au cours de laquelle la comédienne se souvient du tournage de l’un de ses premiers films. Un module un peu trop court, mais être en compagnie d’Asia ne se refuse évidemment pas.
Ensuite, c’est au tour de Michele Soavi de prendre la parole (20’). le réalisateur se remémore sa rencontre Dario Argento, dont le cinéma lui a donné la passion pour le genre quand il avait 12 ans. Le destin a finalement réuni les deux hommes qui sont rapidement devenus amis, jusqu’à ce que Dario Argento lui propose d’être son assistant sur Ténèbres (1982). Ce dernier a ensuite produit son second long métrage en tant que metteur en scène, Sanctuaire. Michele Soavi en vient ensuite plus précisément sur le film qui nous intéresse. La genèse, les conditions des prises de vues, ses inspirations (les peintures de Jérôme Bosch), le casting, la bande originale et l’accueil du public.
Passons maintenant à l’entretien avec Franco Casagni (10’). Le créateur des maquillages et effets spéciaux aborde les débuts de sa carrière dans Les Barbarians (1987) puis sa collaboration avec Dario Argento sur Opéra (1987), qui l’a conduit à travailler pour Michele Soavi sur Sanctuaire. Cette fois encore, diverses anecdotes de tournage s’enchaînent pour notre plus grand plaisir.
Place au comédien Giovanni Lombardo Radice, qui interprète le Révérend dans Sanctuaire (14’30). Le « Père Giovanni » revient surtout sur son amitié avec Michele Soavi, sur Dario Argento à la production, sur ses partenaires à l’écran, sur son personnage et le tournage à Budapest.
L’intervention la plus dense et la plus complète de cette édition reste celle du chef décorateur Massimo Antonello Geleng (21’). D’emblée, ce dernier indique être très heureux d’évoquer Sanctuaire, pour lequel il a toujours une grande affection. L’association avec Michele Soavi qui lui a permis de travailler également sur La Secte et Dellamorte Dellamore du même metteur en scène, mais également sur divers films de Dario Argento dont Le syndrome de Stendhal (1996) et Le Fantôme de l’Opéra (1998). Massimo Antonello Geleng mentionne également les difficultés rencontrées pour éclairer le plateau, notamment en raison des vitraux de la cathédrale qui servait alors de décor à Budapest.
Le dernier invité de cette édition n’est autre que Franco Ferrini (13’), scénariste de Sanctuaire, Phenomena de Dario Argento, mais aussi des deux Démons, réalisés par Lamberto Bava en 1985 et 1986. Alors que les producteurs désiraient surfer sur les succès de ces deux précédents films, Lamberto Bava décline finalement cette proposition. Dario Argento et Franco Ferrini ayant déjà bien avancé le script pour un troisième volet de Démons, l’histoire est ensuite reprise pour aboutir finalement à ce que deviendra Sanctuaire. Le casting est également passé au peigne fin.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce (anglaise) du film et d’autres trailers de films prévus chez l’éditeur.
L’Image et le son
Nous ne sommes pas déçus ! C’est avec un plaisir immense que nous découvrons ce film de Michele Soavi dans de pareilles conditions ! D’emblée, la colorimétrie s’impose par sa tenue, le relief est très appréciable et le piqué est souvent tranchant pour un film qui a déjà près de trente ans. Le chef-opérateur Renato Tafuri (Bloody Bird), voit sa photo – légèrement ouatée dans son prologue médiéval et plus contrastée par la suite – restituée et offre un lot de détails conséquents. Si la profondeur de champ n’est guère exploitée, certains gros plans étonnent par leur précision, la clarté est de mise sur quelques scènes, la copie stable (merci au codec AVC), le grain bien géré et les noirs denses. N’oublions pas non plus la vertueuse restauration et la propreté de la copie, débarrassée de toutes les scories possibles et imaginables. Ce Blu-ray est en format 1080p et l’apport HD loin d’être négligeable.
Trois versions DTS-HD Master Audio 2.0 disponibles sur cette édition ! Quitte à choisir, sélectionnez la piste anglaise, plus dynamique, aérée, percutante que les versions française et italienne. Cette dernière s’en tire néanmoins avec les honneurs, du moins bien mieux que la langue de Molière au spectre réduit. Les sous-titres français sont imposés.
Crédits images : © Le Chat qui fume, 1994 Mario et Vittorio Cecchi Gori – Silvio Berlusconi Communications / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr