
PRESENCE réalisé par Steven Soderbergh, disponible en DVD & Bu-ray le 17 juin 2025 chez Blaq Out.
Acteurs : Lucy Liu, Chris Sullivan, Callina Liang, Julia Fox, West Mulholland, Lucas Papaelias, Eddy Maday, Daniel Danielson…
Scénario : David Koepp
Photographie : Steven Soderbergh
Musique : Zack Ryan
Durée : 1h24
Année de sortie : 2024
LE FILM
Une famille emménage dans une nouvelle maison, où une mystérieuse présence hante les lieux.

On ne saurait faire plus concis en matière de pitch. Et pourtant, c’est sur celui-ci que Steven Soderbergh nous livre l’un de ses meilleurs films et ce depuis dix ans. Pour cet opus, il revient d’ailleurs par la case cinéma en France, ce qui ne lui était pas arrivé depuis Paranoïa – Unsane en 2018, ayant depuis officié pour le compte de plusieurs plateformes, pour Netflix (High Flying Bird, The Laundromat : L’Affaire des Panama Papers) et HBO Max (La Grande Traversée –Let Them All Talk, No Sudden Move, KIMI, Magic Mike : Dernière danse). Sous ses allures on ne peut plus modestes, Presence est un très grand film en matière de mise en scène. Un objet fascinant à décortiquer, à analyser, à visionner, doublé d’un grand moment de cinéma. Steven Soderbergh a toujours été un touche-à-tout, un artiste passionné par la technique, par ce qu’une caméra (ou plutôt par ce que tout objet susceptible d’enregistrer une image) peut réaliser, l’aider à raconter une histoire. Tous les genres y sont passés dans sa carrière et ce depuis 1989 et son premier long-métrage, Sexe, Mensonges et Vidéo – Sex, Lies ans Videotape, titre ô combien révélateur quant à l’attachement du cinéaste à l’image. Presence est un film de genre, raconté à la première personne, par le metteur en scène lui-même donc, étant cameraman, chef opérateur, monteur, bref un homme-orchestre, mais aussi du point de vue d’un fantôme, vecteur que l’on ne quittera pas une seule seconde pendant tout le récit. Magistralement réalisé par Steven Soderbergh, qui n’a jamais eu de cesse de se renouveler d’oeuvre en œuvre et qui a conservé une véritable fraîcheur, celle digne d’un premier film, Presence (tourné en seulement onze jours au moyen d’un appareil photo), véritable exercice de style, accroche le spectateur dès la première scène, celle de la découverte de la demeure par une entité indéterminée, qui paraît se demander elle-même ce qu’elle fait ici, tandis qu’une famille débarque pour visiter la maison. Point de found-footage ici (nous ne sommes pas dans la lénifiante saga Paranormal Activity), place au grand cinéma, celui qui rappelle l’origine du septième art, un spectacle forain et populaire et universel. Presence est un film touché par la grâce.


Une famille de quatre personnes — la mère Rebecca (Luci Liu), le père Chris (Chris Sullivan), le frère aîné Tyler (Eddy Maday) et la sœur cadette Chloe (Callina Lang) — emménage dans une grande maison de banlieue habitée par une présence. Celle-ci assiste à la dégradation croissante des relations au sein du foyer. Le mariage des parents est en crise : Rebecca a commis une fraude financière au travail ; Chris envisage de la quitter. Rebecca est obsédée par Tyler, un champion de natation arrogant, elle prête peu d’attention à sa fille Chloe. Pendant ce temps, Chris s’inquiète pour Chloe, qui pleure la mort de sa meilleure amie Nadia, l’une des deux jeunes femmes de la communauté récemment décédées dans leur sommeil. Tyler considère que ces jeunes femmes étaient toxicomanes. Chloe sent la Présence, qui se cache souvent dans le placard de sa chambre, et croit que c’est l’esprit de Nadia. Chloe rencontre un ami de Tyler, Ryan (West Mulholland). Ils se défoncent et discutent de la perte et du chagrin, jusqu’à ce que Chloe s’effondre, sanglotant pendant que Ryan la console. Il lui dit qu’elle décidera quand et où ils auront des rapports sexuels, il parle de ses problèmes psychologiques et de son obsession du contrôle. La Présence fait s’effondrer une étagère dans le placard de Chloe afin de les empêcher de devenir intimes.


Il y a des ficelles évidentes dans Presence, au sens propre comme au figuré, à l’instar de cette scène magique où la Présence s’empare d’un livre de Chloe pour le placer à un autre endroit, convoquant ainsi des effets spéciaux quasi-rétros du temps de James Whale et de son Homme Invisible et même de Georges Méliès, quand, en tant que magicien amateur, il exécutait des tours devant sa caméra fixe. Mais Steven Soderbergh connaît tous les rouages et ne cesse, comme il l’a toujours fait, de jouer avec tous les moyens mis à sa disposition, d’expérimenter, de tenter, d’essayer, de combiner, et ce au service de l’histoire (écrite par le génial David Koepp et qui rappelle son formidable Hypnose – Stir of Echoes) qu’il souhaite raconter au public.


Le récit avance par à-coups, par plans-séquences, ponctués par un écran noir, qui renvoie sans doute à une extinction momentanée de la Présence. Certains éléments peuvent aisément se deviner avant la fin, mais cela n’empêche pas de se laisser prendre par la tension et l’émotion qui prennent à la gorge à mesure que la révélation finale approche. L’ultime séquence peut être interprétée de deux façons quant à l’identité de la Présence. Il s’agit soit de celle de Nadia, soit celle de la personne aperçue dans le miroir vintage intégré au manteau de la cheminée à la fin du film, puisque comme l’indique la médium à un moment donné, la Présence est dans la maison pour une raison précise, sans doute piégée dans un temps suspendu, confondant le passé et le présent.


Cette seconde hypothèse rend Presence encore plus troublant et donne sérieusement envie de le visionner encore une fois. Il est fort à parier qu’on y reviendra tôt ou tard, Presence ayant tout pour devenir un vrai classique du fantastique.


LE BLU-RAY
Le dernier film récent de Steven Soderbergh à avoir connu une sortie en DVD est Magic Mike’s Last Dance chez Warner, qui n’était même pas proposé en HD. On accueille donc Presence les bras ouverts, d’autant plus que le film est aussi bien présenté en édition Standard qu’en Blu-ray par Blaq Out. Le menu principal est fixe et musical.

Le seul supplément de Presence est de qualité, puisqu’il s’agit d’une présentation du film par Frédéric Mercier et Christophe Chabert (33’). Les auteurs de Steven Soderbergh vol. 1 : Les années analogiques (chez Marest) étaient les plus indiqués pour nous parler de Presence, qu’ils analyseront d’ailleurs dans un deuxième ouvrage. Où se situe Presence dans l’oeuvre éclectique et prolifique de Steven Soderbergh ? Mercier et Chabert répondent tout d’abord à cette question, avant de croiser le fond et la forme, avec une passion réellement contagieuse. La mise en scène est longuement disséquée, ainsi que la position des êtres dans l’espace, la caméra-personnage (ou comment le réalisateur prend à rebrousse-pied les codes du cinéma de genre), les partis-pris et intentions sont passés en revue, ainsi que le final dont l’interprétation diffère entre les deux intervenants.


L’Image et le son
D’après les informations trouvées sur internet, Presence a été tournée au moyen d’un appareil photo numérique Sony A9 III d’une valeur de 7000 euros. Le Blu-ray proposé par Blaq Out est au format 1080p. La définition est la plupart du temps exemplaire, quand bien même le piqué ne s’avère pas aussi aiguisé qu’un tournage dit « traditionnel ». Le rendu numérique a moins de patine, se révèle plus clinique peut-être, plus froid dans son ensemble. Cependant, les détails sont pointus, surtout au niveau des gros plans et du rendu des matières. Superbes couleurs en revanche et l’on reconnaît bien là la patte Soderbergh lors des ambiances plus tamisées.

Les deux versions DTS-HD Master Audio 5.1 font quasiment match nul en ce qui concerne la délivrance des ambiances sur les enceintes latérales, la restitution des dialogues et la balance frontale. Le spectateur est complètement plongé dans ce huis clos, la spatialisation reste solide tout du long. Sans surprise, la version originale l’emporte de peu avec une fluidité acoustique plus ronde. Deux pistes Stéréo sont aussi au programme.

Crédits images : © Blaq Out / The Spectral Spirit Company / Franck Brissard pour Homepopcorn.fr