PAS DE VAGUES réalisé par Teddy Lussi-Modeste, disponible en DVD & Blu-ray le 20 août 2024 chez Ad Vitam.
Acteurs : François Civil, Shaïn Boumedine, Toscane Duquesne, Bakary Kebe, Mallory Wanecque, Emma Boumali, Marianne Ehouman, Luna Ho Poumey…
Scénario : Teddy Lussi-Modeste & Audrey Diwan
Photographie : Hichaeme Alaouie
Musique : Jean-Benoît Dunckel
Durée : 1h31
Date de sortie initiale : 2024
LE FILM
Julien est professeur au collège. Jeune et volontaire, il essaie de créer du lien avec sa classe en prenant sous son aile quelques élèves, dont la timide Leslie. Ce traitement de faveur est mal perçu par certains camarades qui prêtent au professeur d’autres intentions. Julien est accusé de harcèlement. La rumeur se propage. Le professeur et son élève se retrouvent pris chacun dans un engrenage. Mais devant un collège qui risque de s’embraser, un seul mot d’ordre : pas de vagues…
En deux longs-métrages seulement, Jimmy Rivière (2011) et Le Prix du succès (2017), Teddy Lussi-Modeste (né en 1978) est devenu l’un des réalisateurs français les plus précieux de notre cinéma. Son troisième film, Pas de vagues ne contredira pas cela. Le cinéaste s’inspire d’une histoire vraie, la sienne, quand il était professeur de français dans un collège d’Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, où il fut accusé à tort de harcèlement par une élève. Forcément très documenté, on ne peut plus personnel, Pas de vagues rend compte du mouvement de libération de la parole des professeurs (qui sera baptisé Mouvement des Stylos rouges, groupe autonome de défense des intérêts du personnel de l’éducation française créé en 2018), face au sentiment d’abandon qu’ils peuvent parfois ressentir de la part de leur hiérarchie, comme cela arrive au personnage de Julien, alors au début de sa carrière d’enseignant. Celui-ci est magistralement interprété par François Civil, incontestablement à un tournant de sa carrière, celui de la maturité, le comédien étant enfin capable de porter définitivement un projet sur ses épaules, même s’il est ici solidement épaulé par un casting au diapason. Pas de vagues est ni plus ni moins l’un des meilleurs films hexagonaux de l’année 2024.
Julien est un jeune professeur de français qui est accusé à tort de harcèlement par une élève adolescente, Leslie, et tente de prouver son innocence alors qu’il fait face à des pressions multiples de la part du frère aîné de la jeune fille et de ses camarades de classe. Cet incident tourne à l’incendie et embrase le collège, alors que Julien cherche du soutien parmi ses collègues et sa hiérarchie. Mais devant le risque d’embrasement, le silence règne dans l’école. Parallèlement, il cache son homosexualité à ses élèves et collègues, jusqu’à ce qu’une vidéo intime ne commence à circuler à l’école et révèle son secret, ce qui finit par amplifier la spirale de violence dont il est la victime.
Le harcèlement en milieu scolaire s’inscrit des deux côtés du bureau. C’est ce que dévoile Pas de vagues, qui montre comment un mensonge, un doute, une rumeur peut non seulement détruire une vie professionnelle, mais aussi et surtout la personne accusée à tort. Teddy Lussi-Modeste a coécrit son film avec Audrey Diwan (BAC Nord, L’Événement, Visions) et dissèque les différents stades par lesquels passe ce professeur, à partir du moment où la conseillère principale d’éducation lui tend une lettre écrite par une de ses élèves, l’accusant de propos et d’un comportement déplacés. Une attitude jugée « inappropriée », dont l’élève a fait part à son frère aîné, qui désormais le menace de mort. Alors qu’on lui conseille de se tenir à carreau (car cela finira forcément pas se tasser), Julien va subir de plus en plus de pression, de la part de son entourage, de ses collègues (une prof intéressée par lui va lui apporter son soutien, puis se mettra en retrait quand elle apprendra son homosexualité), de ses élèves, tandis que des révélations sont faites sur sa vie privée, son intimité, son orientation sexuelle. S’il tente de faire bonne figure, en adoptant de plus en plus un ton ironique ou volontiers sarcastique, sa santé mentale décline et l’implosion est imminente.
Outre François Civil, Shaïn Boumedine, découvert chez Abdellatif Kechiche (Mektoub, My Love), tire son épingle du jeu dans le rôle du compagnon de Julien, qui se donne corps et âme pour celui qu’il aime, mais désespère de le voir perdre espoir (porter plainte serait un aveu de culpabilité), ainsi que ses forces et l’aide de ses collègues. Mention spéciale également aux jeunes acteurs, dont Mallory Wanecque (prochainement dans L’Amour ouf de Gilles Lellouche) et Toscane Duquesne, impressionnante dans sa première apparition au cinéma. Brillamment photographié par Hichame Alaouie (Tout s’est bien passé, Été 85), élégant, complexe, percutant comme un thriller (l’éducation nationale prend l’apparence d’une machine à broyer quand elle ne sait pas quoi faire pour défendre un de ses membres), d’intérêt public.
La scène finale et le dernier plan s’inscrivent longtemps dans les mémoires. Signe des grands films, le troisième de son auteur donc, à ranger aux côtés de l’indispensable chef d’oeuvre d’André Cayatte, Les Risques du métier.
LE BLU-RAY
À l’instar du Prix du succès, Pas de vagues apparaît dans les bacs en DVD et Blu-ray chez Ad Vitam. Une juste récompense de trouver l’édition HD du film de Teddy Lussi-Modeste après son joli succès dans les salles (410.000 entrées). Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
On pouvait néanmoins s’attendre à un peu plus concernant les suppléments. Il faudra se contenter d’une petite interview de François Civil (5’), réalisée à l’occasion de la sortie de Pas de vagues. Le comédien s’exprime sur l’histoire vraie vécue par Teddy Lussi-Modeste, sur « la beauté et la puissance du scénario », sur sa préparation (ses deux parents sont professeurs et ont pu l’éclairer sur leur vocation, ou non), ainsi que sur le travail avec les jeunes acteurs non-professionnels.
L’Image et le son
Le film de Teddy Lussi-Modeste bénéficie d’un beau traitement de faveur en Haute-Définition. Les contrastes sont à l’avenant, la luminosité des scènes diurnes est éclatante, le piqué acéré y compris en intérieur, les noirs sont denses. Évidemment, la propreté est de mise, les détails foisonnent aux quatre coins du cadre, la palette chromatique demeure agréablement naturelle, précise et élégante.
L’éditeur joint une piste Dolby Digital 5.1 qui instaure une spatialisation musicale indéniable. Les ambiances naturelles et les effets annexes sont plutôt rares et la scène acoustique reste essentiellement frontale. De ce point de vue il n’y a rien à redire, les enceintes avant assurent tout du long, les dialogues étant quant à eux exsudés avec force par la centrale. La Stéréo n’a souvent rien à envier à la DD 5.1. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également de la partie, ainsi qu’une piste Audiodescription.