PAR UN BEAU MATIN D’ÉTÉ réalisé par Jacques Deray, disponible en combo DVD/Blu-ray le 21 octobre 2020 chez Pathé.
Acteurs : Jean-Paul Belmondo, Sophie Daumier, Geraldine Chaplin, Gabriele Ferzetti, Georges Géret, Akim Tamiroff, Claude Cerval, Adolfo Celi, Jacques Monod…
Scénario : M. Andriard, Georges Bardawil, Jacques Deray, Maurice Fabre, Didier Goulard, Arturo Rígel, Michel Audiard d’après un roman de James Hadley Chase
Photographie : Juan Julio Baena, Jean Charvein
Musique : Michel Magne
Durée : 1h49
Année de sortie : 1965
LE FILM
Francis et sa sœur Monique vivent de petites magouilles sur la Côte d’Azur. Monique attire des hommes dans sa chambre où Francis fait irruption peu de temps après leur arrivée : pris sur le fait, « les pigeons » doivent payer pour conserver leur réputation. Las de leurs combines, ils acceptent de participer à un kidnapping en Espagne qui devrait leur rapporter des millions. Il s’agit d’enlever la fille d’un richissime Américain.
Après avoir fait ses débuts en tant que comédien, Jacques Desrayaud alias Jacques Deray (1929-2003) devient assistant sur les tournages de Gilles Grangier, Luis Buñuel et Jules Dassin. En 1960, il écrit et réalise son premier film, Le Gigolo, drame psychologique interprété par Jean-Claude Brialy et Alida Valli. Ses deux films suivants, Rififi à Tokyo et Symphonie pour un massacre sortent la même année, en 1963, à quelques mois d’intervalle. Si le premier est un film policier intégralement tourné au Japon, le second est une vraie claque, un polar dans la tradition du film noir américain, qui se déroule entre la France et la Belgique. Un fabuleux exercice de style, un chef d’oeuvre du genre malheureusement oublié aujourd’hui, qui offrait à Jean Rochefort son premier grand rôle dramatique. Ce troisième film atteint presque la barre des 900.000 entrées, un joli score pour le réalisateur, par ailleurs équivalent à ses deux précédents opus. Jacques Deray souhaite continuer sur cette lancée et jette son dévolu sur un roman du britannique James Hadley Chase, auteur dont les œuvres sont souvent jugées inadaptables, qui aura pourtant largement inspiré les cinéastes comme Julien Duvivier, Denys de La Patellière, Henri Verneuil, Joseph Losey, Robert Aldrich et Patrice Chéreau. Pas moins d’une demi-douzaine de scénaristes sont crédités au générique de Par un beau matin d’été, même si l’on retiendra principalement la mention de Michel Audiard aux dialogues. Si Symphonie pour un massacre bénéficiait de l’écriture de José Giovanni et de Claude Sautet, ce n’est pas le cas ici et le récit peine à trouver un souffle et s’enlise parfois dans une intrigue quelque peu fourre-tout, comme si la collaboration Deray-Audiard n’aboutissait jamais vraiment. Pour cela, il faudra attendre les années 1980 avec Le Marginal (1983) et On ne meurt que deux fois (1985), ce dernier étant sorti à titre posthume. Ceci dit, Par un beau matin d’été conserve un intérêt surtout au niveau de son casting on ne peut plus attractif avec Jean-Paul Belmondo entouré des deux belles Sophie Daumier et surtout Geraldine Chaplin dans son premier vrai rôle à l’écran, treize ans après son apparition dans Les Feux de la rampe – Limelight (1952) réalisé par son père. Ajoutez à cela une atmosphère très réussie avec une action se déroulant sous une chaleur écrasante et vous obtenez un polar inclassable, qui oscille parfois entre la comédie dans sa première partie et le drame psychologique dans la seconde. Par un beau matin d’été reste une curiosité, surtout pour les cinéphiles.
Quelque part sur la côte d’Azur, Francis et Monique, sa soeur, vivent d’expédients douteux : Monique attire les messieurs dans sa chambre, survient son frère pour les surprendre. L’invité en sera quitte pour payer une réputation sauve. Las de cette vie, les deux associés acceptent de participer, ainsi qu’un truand voisin, à un audacieux kidnapping en Espagne, complicité qui leur procurera des millions. Sous la conduite de Kramer, il s’agit d’enlever la fille d’un richissime Américain, lequel paiera une forte rançon. L’opération réussit, la fille est séquestrée chez un peintre illustre retiré avec sa femme et son fils sur les montagnes d’Andalousie. Ce sera le peintre qui s’en ira lui-même réclamer rançon. Mais dans la montagne, le drame éclate : un ouvrier venu réparer le téléphone est tué ; une bagarre met aux prises les truands.
Y’a des gens qui sont taulards de père en fils, comme y’en a qui sont pharmaciens.
En fait, ce qui manque à Jacques Deray, c’est cette touche d’authenticité qui faisait l’immense réussite de son film précédent. Ici, l’ambiance est plus romanesque, parfois légère dans le premier acte quand Francis et Monique enchaînent les arnaques comme une mauvaise pièce de boulevard. Puis, le récit bifurque sur quelque chose de plus sérieux et le mélange des genres n’est pas véritablement réussi, avec un équilibre précaire. C’était déjà le cas avec Echappement libre, mis en scène l’année d’avant par Jean Becker, où l’on retrouvait déjà Didier Goulard et Maurice Fabre au scénario, ainsi que Jean-Paul Belmondo devant la caméra.
J’ai besoin d’un type qui sache conduire et qui puisse balancer une pêche en cas d’urgence.
J’ai connu un gars au ballon. Il était à la division trois, moi à la cinq. Avant il tenait un garage à Nice… Il maquillait un peu les charrettes qu’il expédiait ensuite à San Remo.
La carambouille, c’est une branche à part… Comme les faux talbins… C’est le refuge des lymphatiques.
Sois pas sectaire. T’as des violents partout.
Par un beau matin d’été rend compte de la fibre plus sensible de Jacques Deray, souvent oubliée derrière ses thrillers, les deux Borsalino, Flic Story, Le Gang, Le Solitaire, mais qui irrigue pourtant une bonne partie de son œuvre à l’instar du formidable Un peu de soleil dans l’eau froide (1971) avec Marc Porel et Claudine Auger, et même Un papillon sur l’épaule (1978) avec un Lino Ventura transfiguré et bouleversant. Jacques Deray ne propose pas une plongée dans le « milieu » et contrairement à Symphonie pour un massacre, le cinéaste met de côté sa virtuosité liée au genre du polar qu’il affectionnait tout particulièrement, pour se concentrer avant tout sur les personnages. A ce titre, Jean-Paul Belmondo est encore à mi—chemin entre le cinéma d’auteur et le film commercial, en passant allègrement d’Henri Verneuil à Jean-Pierre Melville, de Philippe de Broca à Jean-Luc Godard. En 1965, avant Pierrot le fou et Les Tribulations d’un Chinois en Chine, Bebel concilie les deux, mais même le comédien semble lui aussi avoir le cul entre deux chaises. Cela est évidemment imputable au ton d’Un beau matin d’été, dont le rythme quelque peu étiré peut décontenancer celles et ceux qui s’attendaient à diverses séquences d’action ou règlements de comptes. Ce n’est pas le cas ici et ce n’est sûrement pas ce qui intéresse Jacques Deray. Non, ce qui semble lui tenir à coeur ce sont surtout les deux beaux rôles féminins interprétés par Sophie Daumier et Geraldine Chaplin, qui sont pour ainsi dire le moteur dramatique du film, tout en révélant le personnage de Francis.
A sa sortie, Par un beau matin d’été devient le plus grand succès de Jacques Deray avec plus d’1,5 million d’entrées. Il faudra cependant attendre de longues années pour que le film connaisse un certain regain d’intérêt car trop souvent éclipsé dans la carrière du cinéaste par ses titres plus emblématiques.
LE BLU-RAY
Troisième titre classique édité par Pathé en octobre 2020, Par un beau matin d’été bénéficie lui aussi d’une Édition Collector Blu-ray + DVD à l’instar de L’Enfer des anges et de La Mariée est trop belle. Edition limitée à 3 000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical. Le titre du film n’y apparaît pas.
Le module rétrospectif (27’) présent sur cette édition croise les propos de Gérard Camy (historien du cinéma), François Guérif (historien du cinéma et éditeur) et Pierre Gaffié (producteur). Pas de redondances sur ce supplément où les arguments avancés se complètent parfaitement sur le casting (on apprend que Jacques Deray a dû convaincre Charlie Chaplin pour laisser sa fille jouer dans le film), sur la première collaboration entre le réalisateur et Jean-Paul Belmondo, sur l’évolution et la psychologie des personnages, sur l’adaptation de James Hadley Chase (et donc les différences entre le roman et le film), sur le travail entre Jacques Deray et Michel Audiard, sur la musique de Michel Magne et sur la sortie du film. La deuxième partie se concentre surtout sur le style du cinéaste et sur celui de Michel Audiard, deux univers qui ont souvent du mal à s’unir selon les intervenants, qui déclarent entre autres « que le film semble échapper au metteur en scène ».
L’Image et le son
Par un beau matin d’été a été restauré en 4K par Pathé, un lifting effectué par L’Immagine Ritrovata (Bologne). Le film de Jacques Deray peut enfin être redécouvert dans un nouveau master au format respecté 2.35. Ce Blu-ray au format 1080p (AVC) en met souvent plein les yeux. La restauration est étincelante, les contrastes denses, la copie est stable, les gris riches, les blancs lumineux, la profondeur de champ évidente et le grain original heureusement préservé. Les séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes diurnes, le piqué est joliment acéré pour un film de 1965 et les détails étonnent parfois par leur précision, surtout sur nombreux les gros plans. C’est superbe.
Aucun souci acoustique constaté sur ce mixage DTS-HD Master Audio Mono. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets. La musique de Michel Magne est joliment délivrée. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision.