PANIQUE ANNÉE ZÉRO (Panic in Year Zero!) réalisé par Ray Milland, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 18 mai 2022 chez Rimini Editions.
Acteurs : Ray Milland, Jean Hagen, Frankie Avalon, Mary Mitchel, Joan Freeman, Richard Garland, Richard Bakalyan, Rex Holman…
Scénario : Jay Simms & John Morton
Photographie : Gilbert Warrenton
Musique : Les Baxter
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 1962
LE FILM
Tandis que la famille Baldwin est en route pour un week-end à la campagne, Los Angeles est victime d’une attaque nucléaire. Réalisant peu à peu l’ampleur de l’événement, ils vont devoir s’organiser pour se mettre à l’abri, survivre et faire face aux survivants, dont certains sont prêts à tout.
En 1962, un an après l’érection du mur de Berlin, quelques semaines après le débarquement de la baie des Cochons et trois mois avant la Crise des missiles de Cuba, le péril atomique fait trembler la planète. Une Troisième Guerre mondiale semble imminente. Le cinéma s’empare de cette paranoïa omniprésente et internationale. Plusieurs films vont alors traiter, à leur façon, de cette hystérie qui couve, The Creation of the Humanoids de Wesley Barry, La Jetée de Chris Marker, This Is Not a Test de Fredric Gadette et Panique année zéro – Panic in Year Zero! de Ray Milland. En effet, l’acteur d’Uniformes et jupon court, Le Poison (Prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes et Oscar du meilleur acteur), Californie, terre promise, La Fille sur la balançoire, Espions sur la Tamise, Un pacte avec le diable et Le Crime était presque parfait était déjà passé derrière la caméra à plusieurs reprises et ce depuis 1955, année d’Un homme traqué – A Man Alone. Si ses travaux en tant que réalisateur seront essentiellement destinés à la télévision, Ray Milland dirigera également quatre autres longs-métrages pour le cinéma, dont Panique année zéro, survival (il s’agissait d’ailleurs du titre original), film de science-fiction à tout petit budget, mais rempli d’imagination et qui repose sur un script malin signé Jay Simms (The Giant Gila Monster, Les Musaraignes tueuses et cette fois encore de The Creation of the Humanoids), d’après deux nouvelles de Ward Moore, L’Aube des nouveaux jours (Lot, 1953) et Les Nouveaux Jours (Lot’s Daughter, 1954), contes post-apocalyptiques d’inspiration biblique. En dépit d’un manque évident de moyens, Ray Milland se défend très bien à la mise en scène et livre un opus bourré de charme, pas si sympathique que ça, qui rend compte de la complexité et de la noirceur de l’âme humaine en cas de situation extrême. Panique année zéro est à la fois rétro dans sa forme, mais on ne peut plus d’actualité…
Harry Baldwin, sa femme Ann, leur fils Rick et leur fille Karen quittent la banlieue de Los Angeles pour aller camper dans la Sierra Nevada juste après le lever du soleil. Après avoir conduit pendant deux heures, les Baldwin remarquent des éclairs de lumière. Des reportages radiophoniques font allusion au début d’une guerre atomique, confirmés plus tard lorsque les Baldwin voient un gros champignon se formant au-dessus de ce qui était Los Angeles. La famille tente d’abord de faire demi-tour pour sauver la mère d’Ann, mais ils abandonnent rapidement alors que des personnes prises de panique essayent d’échapper aux retombées des multiples explosions nucléaires. Voyant la société se déchirer, Harry décide que sa famille doit trouver refuge dans leur lieu de vacances isolé. Les Baldwin s’arrêtent pour s’approvisionner dans une petite ville à l’écart de la route principale, qui n’a pas encore été inondée par la foule fuyant Los Angeles. Lorsque Harry tente d’acheter des outils et des armes au propriétaire de la quincaillerie Ed Johnson, celui-ci, pensant que seul Los Angeles a été touché et que le gouvernement restera intact, retient les armes conformément à la loi de l’État, car Harry ne peut les régler que par chèque. Avec l’aide de Rick, Harry s’enfuit avec les armes, mais indique à Johnson qu’il reviendra les payer en totalité. Sur la route, la famille rencontre trois jeunes voyous menaçants, Carl, Mickey et Andy, mais parvient à les chasser. Après un voyage éprouvant, les Baldwin arrivent à destination et trouvent refuge dans une grotte, en attendant que l’ordre soit rétabli. Sur leur radio portable, ils écoutent les nouvelles de la guerre et apprennent que ce qui reste des Nations Unies a déclaré que « l’année zéro » avait été proclamée. Harry et Rick découvrent bientôt qu’Ed Johnson et sa femme sont leurs voisins, mais pas pour longtemps : les Johnson sont tués par les trois voyous rencontrés plus tôt.
« Il ne doit pas y avoir de fin. Uniquement un nouveau départ. »
Panique année zéro est une production modeste, mais indéniablement roublarde. Après avoir présenté rapidement la famille Baldwin, les parents et leurs deux rejetons qui ont bien du mal à se lever aux aurores, ceux-ci sont témoins de quelques flashs de lumière aveuglante et comprennent très vite, en voyant le « champignon » tant redouté que Los Angeles a été rayé de la carte. Harry (Ray Milland donc) garde visiblement son sang-froid et prend d’emblée les choses en main. L’instinct primaire reprend immédiatement le dessus, Harry veut protéger les siens et la première étape est de faire le plein de provisions et de s’armer, non seulement pour riposter aux incivilités, mais aussi pour palier au manque d’argent, étant donné que certains commerçants peu scrupuleux ont fait flamber leurs prix dès l’annonce de l’attaque nucléaire de provenance non-identifiée. Les Baldwin vont ainsi « remonter le temps » de l’évolution dans leur fuite en avant, utilisant le feu pour se frayer un passage à travers une autoroute bouchée, se défendant avec les moyens du bord contre des voyous (dont certains lubriques à la recherche de quelques donzelles), jusqu’à leur installation dans une grotte, où le fils ira même jusqu’à dessiner sur une des parois.
Ray Milland a déjà sa carrière derrière-lui quand il joue et réalise Panique année zéro. Il se fera relativement discret dans les années 1960, même s’il enchaînera coup sur coup les formidables L’Enterré vivant – Premature Burial et L’Horrible Cas du Dr X – X: The Man with the X-Ray Eyes de Roger Corman, se tournant progressivement vers la télévision. Il dirige et donne la réplique ici à Frankie Avalon, alors idole des jeunes américains, des jeunes filles en fleur surtout il est vrai. Essentiellement connu en France pour son apparition dans le mythique Grease de Randal Kleiser, dans lequel il interprète Beauty School Drop-Out durant le rêve de Frenchie, il campe dans Panique année zéro Rick Baldwin, qui va prendre un malin plaisir à manier les armes, avec lesquelles il deviendra « un homme », tandis que son père commencera à s’inquiéter devant l’aisance et la facilité avec lesquelles son fils se débrouille en tirant au fusil. Si la présence de la jolie Mary Mitchel (Dementia 13 de Francis Ford Coppola) est plus anecdotique, le personnage étant souvent réduit à de la chair fraîche pour les types malintentionnés, Jean Hagen (Le Grand couteau de Robert Aldrich, Quand la ville dort de John Huston, La Rue de la mort d’Anthony Mann) signe une belle et par ailleurs l’une de ses dernières prestations pour le grand écran.
Diaboliquement efficace, joliment photographié par le prolifique et éclectique Gilbert Warrenton (L’Homme qui rit de Paul Leni) avant que celui-ci ne tire sa révérence, sans oublier la partition free jazz de Les Baxter (parfois un peu décalée il est vrai), Panic in Year Zero ! s’avère une série B de SF vintage on ne peut plus séduisante, nourrie de peurs et de questionnements intemporels. Quand on voit à l’heure actuelle la menace atomique qui pèse sur l’Ukraine et sur certaines puissances mondiales qui viendraient contrecarrer l’objectif que s’est fixé Vladimir Poutine, le film de Ray Milland paraît furieusement contemporain.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Avec Panique année zéro, Rimini Editions inaugure une nouvelle anthologie intitulée SF Collection ! Les deux disques reposent dans un superbe Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau merveilleusement illustré, estampillé du logo de la collection. Le menu principal est animé et musical.
Nous trouvons sur les deux disques une présentation du film réalisée par Alexandre Piletitch, journaliste à Revus & Corrigés (25’30). Très à l’aise dans l’exercice, malgré de très légères hésitations, le journaliste replace intelligemment Panique année zéro dans son contexte historique, 1962 étant une année centrale dans la Guerre froide qui s’emparait du monde entier, tandis qu’un climat de paranoïa se généralisait et ce juste avant la Crise des missiles de Cuba. C’est dans ce climat de « la peur de la bombe » et de tension extrême que Ray Milland interprète et réalise le film qui nous intéresse aujourd’hui. Alexandre Piletitch donne ainsi beaucoup d’informations sur les longs-métrages d’anticipation surfant sur ce thème, mais aussi sur le casting, tout en analysant certaines séquences et les partis-pris.
Rimini Editions a repris également l’intervention du grand Joe Dante, présente sur le Blu-ray américain sorti en 2016 chez Kino Lorber (9’). Le réalisateur de Panic sur Florida Beach – Matinee, proche de la thématique explorée par Ray Milland dans son film, replace celui-ci dans son contexte historique (qu’il a très bien connu, ayant lui-même grandi dans les années 1950-60), aborde les intentions des scénaristes (qui se sont inspirés de deux nouvelles de Ward Moore) et du metteur en scène, ainsi que les partis-pris, tout en mettant l’accent sur le casting (il déclare avoir été amoureux de Mary Mitchel, qu’il fera tourner en 2003 dans Les Looney Tunes passent à l’action), ainsi que sur les restrictions imposées par un budget somme toute modeste et le caractère « pertinent et toujours d’actualité » de Panique année zéro.
L’Image et le son
Quel plaisir de découvrir cette petite perle SF dans de telles conditions ! Rimini Editions restitue la beauté originelle du N&B (noirs denses, blancs éclatants) de Panique année zéro, présenté pour l’occasion dans sa version intégralement restaurée, vraisemblablement en 4K. L’apport HD demeure omniprésent, impressionnant, offrant aux spectateurs un relief inédit, des contrastes denses et chatoyants, ainsi qu’un rendu ahurissant des gros plans. La propreté du master (2.35, 16/9 compatible 4/3) est ébouriffante, aucune scorie n’a survécu au lifting numérique, la stabilité (y compris sur les fondus enchaînés), les détails et la clarté sont de mise, le grain cinéma respecté (certains le trouveront peut-être trop lissé) et la compression AVC de haute volée restitue les clairs-obscurs pour le plus grand plaisir des cinéphiles…et des yeux.
Seule la version originale DTS HD Master Audio Mono 2.0 est disponible et se révèle heureusement riche et propre. La musique est joliment restituée, le report des voix est appréciable, malgré quelques échanges sensiblement plus étouffés, mais les saturations sont évitées et l’ensemble est au final suffisamment dynamique et sans souffle parasite.