MARCHE À L’OMBRE réalisé par Michel Blanc, disponible en Blu-ray le 1er juin 2020 chez Studiocanal.
Acteurs : Gérard Lanvin, Michel Blanc, Sophie Duez, Katrine Boorman, Mimi Félixine, Béatrice Camurat, Pierre Forget, Maka Kotto, Jean-François Dérec, Bernard Farcy, François Berléand…
Scénario : Michel Blanc, Patrick Dewolf
Photographie : Eduardo Serra
Musique : Jacques Delaporte, Xalam, Téléphone, Renaud
Durée : 1h25
Date de sortie initiale : 1984
LE FILM
De retour de Grèce, deux amis inséparables François et Denis débarquent à Marseille. Pour tenter de réussir, ils montent à Paris, mais les illusions de la capitale s’envolent bien vite. Ils sont bientôt contraints de faire la manche à l’entrée des cinémas où François rencontre Mathilde dont il va tomber amoureux. A partir de là, ils vont vivre dans les couloirs du métro parisien avec attaque de loubards, affaire de vêtements et de montres volées, descente de CRS dans le squat où ils habitent…
« J’ai du mal à parler parce que j’ai les dents qui poussent ! »
Depuis le triomphe inattendu des Bronzés en 1978, le comédien Michel Blanc et le cinéaste Patrice Leconte ont enchaîné les collaborations et les succès. Si l’on ajoute le nombre d’entrées de ce film, à celles des Bronzés font du ski (1979), Viens chez moi, j’habite chez une copine (1980), Ma femme s’appelle reviens (1981) et Circulez y a rien à voir (1983), l’association Blanc/Leconte aura attiré près de 9 millions de français dans les salles. Quand sur le tournage de leur dernier film Michel Blanc indique à Patrice Leconte avoir une nouvelle idée pour leur prochain opus, le réalisateur refuse en lui disant qu’il devrait la mettre en scène lui-même. Un pari pour le comédien qui n’avait jamais encore réalisé. Michel Blanc se lance alors dans l’aventure de son premier long métrage. Bien lui a pris, puisque Marche à l’ombre fera un carton au box-office en octobre 1984 avec plus de six millions d’entrées, ce qui le place sur la première marche du podium cette année-là devant Les Ripoux de Claude Zidi (5,9 millions d’entrées) et Indiana Jones et le temple maudit de Steven Spielberg (5,7 millions). Un succès qui ne s’est jamais démenti et qui s’accompagnera constamment de records d’audience à la télévision. Une comédie culte.
Deux sans domicile fixe, François, baroudeur costaud mais sensible, et Denis, éternel râleur et hypocondriaque, sont de retour en France afin de se relancer dans la musique avec l’aide d’un vague ami résidant près de Paris. Une fois parvenus à la porte de leur comparse, ils apprennent brutalement que celui-ci a dû partir sans laisser d’adresse ni même d’explication. Désappointés et pratiquement sans le sou, François et Denis logent dans un hôtel miteux et font la manche dans la rue ainsi que dans le métro, en jouant quelques morceaux avec la guitare de François. C’est lors de l’une de ses représentations que François rencontre la jolie Mathilde, une danseuse professionnelle, et en tombe immédiatement amoureux, tandis que son compagnon Denis se voit vivre des histoires successives sans lendemain. N’ayant plus d’argent pour s’héberger ni pour se nourrir, ils sont accueillis dans un bâtiment désaffecté au sein d’une troupe de gens d’origine africaine. Entre notes de musiques, rixes et affaires louches, ils tenteront malgré tout de parvenir au bout de leurs rêves.
Véritable buddy movie à la française, Marche à l’ombre, qui emprunte évidemment son titre à la chanson de Renaud, est une comédie dans l’air du temps. Raison pour laquelle le film avait bien pris à sa sortie, car Michel Blanc avait su capter un langage, une musique (Renaud donc, mais aussi Téléphone), un humour, une émotion qui avaient su immédiatement conquérir les spectateurs. 35 ans après, ce serait mentir de dire que Marche à l’ombre n’a pas pris de rides. Si Viens chez moi, j’habite chez une copine ou Circulez y a rien à voir ont su traverser les décennies grâce à la technique solide de Patrice Leconte, ce n’est pas la même chose pour Marche à l’ombre qui pâtit d’un rythme en dents de scie. De trop nombreuses longueurs, comme l’interminable séquence de danse, témoignent des hésitations de Michel Blanc, catapulté réalisateur du jour au lendemain. Néanmoins, ce qui fait la force de son premier long métrage demeure la très grande réussite des dialogues et son interprétation.
Michel Blanc est irrésistible en hypocondriaque hargneux et trouve en Gérard Lanvin (que l’acteur souhaitait déjà pour Viens chez moi, j’habite chez une copine) le partenaire idéal car diamétralement opposé. L’ancien Chevalier Blanc de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine de Coluche a fait du chemin et vient alors d’enchaîner Tir groupé et Ronde de nuit de Jean-Claude Missiaen, ainsi que Le Prix du danger d’Yves Boisset. Non seulement Marche à l’ombre va faire de lui une vedette incontournable du cinéma français, mais il deviendra même une véritable star quelques mois plus tard avec le triomphe des Spécialistes de Patrice Leconte (5,3 millions d’entrées) dont il tiendra le haut de l’affiche avec Bernard Giraudeau. Tout en muscles, mais pas seulement, il n’y a qu’à voir comment François prend soin de son pote Denis (la scène mythique des « renards »), Gérard Lanvin tire son épingle du jeu et se voit constamment mis en valeur par son partenaire et metteur en scène. Sophie Duez, 22 ans, apparaît ici pour la première fois devant la caméra et apporte une petite touche d’innocence et de sensualité. D’autres « tronches » reconnaissables, celles de Jean-François Dérec, Bernard Farcy, François Berléand, Dominique Besnehard et même Patrick Bruel dans une apparition dans le métro (où il aurait dû rester) complètent le casting.
Marche à l’ombre peut également compter sur une jolie photographie signée Eduardo Serra, chef opérateur capable de passer de Pinot simple flic à La Jeune Fille à la perle, en passant par Les Grands Ducs et Harry Potter et les Reliques de la Mort, qui exploite un cadre large singulier pour donner à Paris un visage inattendu.
Malgré ses millions d’entrées et ses deux nominations aux Césars en 1985 dans les catégories Meilleure première œuvre et Meilleur espoir féminin, Michel Blanc ne reviendra derrière la caméra que dix ans plus tard avec Grosse fatigue.
LE BLU-RAY
Il y a eu plusieurs éditions DVD de Marche à l’ombre. Une chez H2F il y a vingt ans, dépourvue de bonus, puis la suivante chez Studiocanal en 2002 dans une collection « comédies avec les acteurs du Splendid » comprenant quelques petites interviews. En 2009, la collection « RTL » éditée par Studiocanal reprend le même disque précédent, mais l’éditeur ajoute un DVD de bonus spécial « RTL ». La même année, le disque de 2002 change de visuel. Il aura donc fallu attendre dix ans pour voir débarquer en Blu-ray le premier long métrage réalisé par Michel Blanc ! La jaquette reprend le visuel de l’affiche original, partis pris que l’on aimerait retrouver chez les autres éditeurs, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue. Le menu principal est fixe et muet.
S’il n’intervenait pas dans les suppléments des anciennes éditions, Michel Blanc a répondu présent pour la sortie en Haute-Définition de Marche à l’ombre (41’). Le co-scénariste, réalisateur et comédien revient sur la genèse du film, né de sa fascination pour Macadam Cowboy (1969) de John Schlesinger, dont il imaginait l’histoire vue sous l’angle de la comédie. Il évoque ensuite son désir de parler de la France du début des années 1980 et donc détaille ses intentions et ses partis pris. Michel Blanc aborde donc ses doutes et ses difficultés rencontrés sur le tournage de son premier long métrage en tant que réalisateur. Il en vient ensuite à la musique (et de l’emprunt du titre à la chanson de Renaud), au casting (dont la découverte de Sophie Duez, la participation de Katrine Boorman, la fille de John) et parle longuement de sa rencontre avec Gérard Lanvin (avec lequel il voulait faire Viens chez moi, j’habite chez une copine) et sur ce que le comédien a apporté au rôle qu’il avait d’ailleurs écrit spécialement pour lui. Un excellent moment passé en compagnie de Michel Blanc.
L’Image et le son
Fort d’un master au format respecté 2.39 et d’une solide compression AVC, ce Blu-ray en met plein les yeux dès les premiers plans. La restauration est étincelante, les contrastes d’une indéniable densité, la copie est propre et lumineuse. Les détails étonnent souvent par leur précision, les couleurs retrouvent un éclat inespéré, le relief des séquences diurnes est inédit et le piqué demeure acéré du début à la fin. La définition flanche très légèrement durant le générique, mais cela reste anecdotique. Un superbe lifting.
La piste française DTS-HD Master Audio Mono 2.0 de Marche à l’ombre est plutôt percutante. Aucun souffle n’est à déplorer, ni aucune saturation dans les aigus. Les dialogues sont vifs, toujours bien détachés, la musique est délivrée avec une belle ampleur. L’ensemble est aéré, fluide et dynamique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.