MADHOUSE réalisé par Jim Clark, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 21 juillet 2021 chez ESC Editions.
Acteurs : Vincent Price, Peter Cushing, Robert Quarry, Adrienne Corri, Natasha Pyne, Michael Parkinson, Linda Hayden, Barry Dennen…
Scénario : Ken Levison & Greg Morrison, d’après le roman Devilday, d’Angus Hall
Photographie : Ray Parslow
Musique : Douglas Gamley
Durée : 1h32
Année de sortie : 1974
LE FILM
Le célèbre acteur de film d’horreur, Paul Toombes, connu notamment pour son interprétation du Dr Death, est frappé par une dépression nerveuse alors qu’il se rend en Angleterre pour le tournage d’une nouvelle série. C’est alors que les différents acteurs et membres de l’équipe technique de cette série commencent à mourir, d’une façon très analogue à celles dont mouraient les personnages des films du Dr Death…
Nous sommes en 1974 et le comédien Vincent Price (1911-1993) a déjà près de quarante ans de carrière derrière lui. Depuis le début de la décennie, il n’a cessé de tourner et l’on peut citer Lâchez les monstres – Scream and Scream Again de Gordon Hessler, L’Abominable Dr. Phibes – The Abominable Dr. Phibes de Robert Fuest et sa suite Le Retour de l’abominable Docteur Phibes – Dr. Phibes Rises Again, sans oublier Théâtre de sang – Theatre of Blood de Douglas Hickox. Parallèlement, Vincent Price apparaît également sur le petit écran, à l’instar de l’épisode de la série Columbo, Adorable mais dangereuse – Lovely but Lethal, mis en scène par Jeannot Szwarc. Tournant principalement pour le compte de la Amicus Productions, l’acteur s’engage sur Madhouse, nouveau et énième film d’épouvante, d’après le roman Devilday d’Angus Hall, dont il trouve le scénario de Greg Morrison pourtant épouvantable et dont il demande la réécriture complète à son ami Ken Levison. Aux manettes de Madhouse, on retrouve Jim Clark (1931-2016), avant tout monteur de renom (Les Innocents de Jack Clayton, Charade de Stanley Donen, Marathon man de John Schlesinger, La Déchirure et Mission de Roland Joffé), dont il s’agit ici du dernier film en tant que réalisateur et qui remplaçait alors Robert Fuest. Le vent tourne au milieu des années 1970 et le cinéma d’horreur dit « traditionnel » donne à la fois quelques signes de fatigue, mais aussi de mutation. Bien avant Freddy sort de la nuit – Wes Craven’s New Nightmare et Scream, qui sortiront respectivement en 1994 et 1996, Madhouse proposait une réflexion quasi-méta sur le genre, où un tueur semblant être sorti d’un film d’épouvante, assassine la compagne de celui qui l’interprétait à l’écran. Est-ce l’acteur lui-même qui revêt le costume de son personnage et s’empare d’une arme blanche pour assouvir ses instincts les plus primaires ? Ou est-ce un de ses fans, qui ne sait plus faire la distinction entre la réalité et la fiction ? Madhouse n’est certes pas exempt de défauts, notamment un rythme en dents de scie et un final assez grotesque, mais n’en reste pas moins un divertissement de qualité dans lequel on est heureux de retrouver Vincent Price, donner la réplique au non moins éminent Peter Cushing.
Paul Toombes (Vincent Price) est un acteur à succès de films d’horreur, dont le rôle de marque est le Dr Death, un tueur à tête de mort. Lors d’une soirée à Hollywood montrant le cinquième film de la franchise, il annonce ses fiançailles avec Ellen Mason (Julie Crosthwait). Plus tard dans la soirée, le producteur de films pour adultes – pornographiques donc – Oliver Quayle (Robert Quarry) révèle qu’Ellen avait déjà travaillé pour lui et avait même été sa maîtresse. Désemparée par la réaction de colère de Toombes, Ellen retourne dans sa chambre, où un homme masqué en costume sombre, semblable à la tenue du Dr Death, s’approche d’elle avec un couteau. Voulant s’excuser pour s’être mal comporté, Toombes la rejoint, mais la découvre morte, décapitée. Accusé, mais acquitté, Toombes voit sa carrière voler en éclats, avant d’être interné plusieurs années dans un hôpital psychiatrique, où même lui ne sait pas s’il a tué Ellen ou non. Douze ans plus tard, après sa libération, Toombes est appelé à Londres par son ami, le scénariste Herbert Flay (Peter Cushing, un peu fantomatique ici, ce qui sert finalement le film), qui s’est associé à Quayle pour produire une série télévisée Dr. Death pour le compte de la BBC. Sur le bateau en route vers l’Angleterre, Toombes rencontre une jeune actrice persistante et arriviste, Elizabeth Peters (Linda Hayden), qui le suit à travers Londres, jusqu’à la maison de Flay. Dans le sous-sol infesté d’araignées, Toombes découvre Faye Carstairs (Adrienne Corri), son ancienne partenaire de Dr. Death, désormais l’épouse de Flay, devenue folle après avoir été défigurée dans un accident de voiture. Pendant ce temps, Elizabeth, qui se cache dans le parc de la demeure de Flay, aperçoit un un homme masqué. Croyant qu’il s’agit de Toombes, elle s’approche de lui, quand soudain une fourche l’empale. Lorsque son corps est découvert, Scotland Yard soupçonne Toombes, car le meurtre ressemble à la scène d’un de ses anciens films.
Vincent Price est comme un poisson dans l’eau dans ce rôle qui lui colle à la peau et qui s’avère proche de sa personnalité. D’ailleurs, il n’hésitera pas à recourir à sa propre garde-robe, à l’instar de cet étrange pyjama rose, dont lui seul aurait pu se vêtir, sans jamais perdre son élégance habituelle. Si Madhouse est souvent passionnant, c’est parce que l’histoire ne cesse d’interroger sur la violence au cinéma et ce qu’elle peut engendrer, ou inspirer à quelques individus déviants et psychologiquement instables. Le film évoque aussi jusqu’où un comédien peut s’investir personnellement pour s’emparer d’un rôle, pour ne faire qu’un avec lui, tout en évoquant la jalousie rencontrée par les collaborateurs ou partenaires de la vedette, qui récolte tous les lauriers en laissant peu de miettes à celles et ceux qui ont contribué à sa popularité, ainsi qu’à sa réussite. Madhouse ne s’en cache pas, Paul Toombes est comme qui dirait une « interprétation » fictionnelle de Vincent Price, dont des extraits de plusieurs de ses films sont diffusés à plusieurs reprises, L’Empire de la terreur – Tales of Terror (1962) et Le Corbeau – The Raven (1963) de Roger Corman, dans lesquels l’acteur donnait la réplique à Basil Rathbone et Boris Karloff, décédés quelques années auparavant, et dont le nom apparaît au générique sous forme de « participations ». D’autres extraits tirés de films produits par la AIP, La Chute de la maison Usher – House of Usher (1960), La Chambre des tortures – The Pit and the Pendulum (1961), La Malédiction d’Arkham – The Haunted Palace (1963), également mis en scène par le boss Roger Corman, grands succès de Vincent Price, sont aussi au programme.
Non seulement Madhouse apparaît comme un chant du cygne d’un genre qui vivait ses derniers soubresauts, surtout après l’avènement du Nouvel Hollywood et du giallo en Italie, et avant l’émergence des blockbusters qui naîtront dès l’année suivante avec Les Dents de la mer – Jaws de Steven Spielberg, mais le film annonce aussi clairement le slasher et ce la même année que Black Christmas de Bob Clark et Massacre à la tronçonneuse – The Texas Chain Saw Massacre de Tobe Hooper, un an après L’Exorciste de William Friedkin. Rétrospectivement, Madhouse s’apparente à un trait d’union entre plusieurs époques et approches d’un même genre, qui n’a fait que changer au fil des décennies, afin de surprendre les spectateurs, de les effrayer toujours plus, en ayant de plus en plus recours aux effusions de sang, mais aussi à une violence plus graphique, directe, malsaine parfois. On ne sait pas de qui proviennent les meilleures idées de Madhouse, de l’écrivain Angus Hall, de Greg Morrison (cela est peu probable), de Ken Levison (qui réécrivait l’histoire au jour le jour) ou même au comédien Robert Quarry (non crédité, mais qui avait repris toutes ses répliques), toujours est-il qu’en l’état, Madhouse vaut pour son hommage rendu au cinéma d’épouvante d’hier, conscient de rendre ici son souffle ultime, mais aussi à l’un des acteurs qui a contribué à lui donner ses lettres de noblesse, et à son caractère quasi-prophétique quant à la chrysalide d’un genre qui allait s’opérer durant près de vingt ans. Autant dire que le film – beaucoup plus ambitieux qu’on l’attendait – de Jim Clark, vaut assurément l’attention des spectateurs friands d’émotions fortes.
L’ÉDITION COLLECTOR BLU-RAY + DVD + LIVRET
Inédit en DVD et en Blu-ray en France, Madhouse intègre la collection British Terrors d’ESC Editions. Un combo Blu-ray + DVD, présenté en Mediabook limité à 2000 exemplaires et comprenant un livret de 16 pages rédigé par Marc Toullec. Le menu principal est animé et musical.
Un seul supplément au programme, mais qui vaut bien tous les commentaires audio ou autres documentaires rétrospectifs. Un bonus de grande qualité présenté par ESC Editions, avec une présentation du film par l’excellent Pascal Françaix (31’). L’essayiste et critique livre une remarquable intervention, dense, passionnante et enrichissante qui revient sur tous les aspects de Madhouse, qu’il replace aussi bien dans la filmographie de Vincent Price, que dans l’histoire du film d’épouvante. L’invité d’ESC Editions explore en long en large « ce film longtemps resté méconnu voire inconnu en France, qui n’a jamais été exploité en VHS et encore moins en DVD, malgré la première véritable rencontre au cinéma de Vincent Price et Peter Cushing ». Une œuvre « qui arrive sans doute cinq ou six ans trop tard » car sortie en 1974 alors que l’épouvante était un genre en pleine mutation. Pascal Français détaille ensuite les aléas de la production (la rivalité entre la AIP et la Amicus, le scénario réécrit au fil du tournage), l’adaptation du livre d’Angus Hall (et les gros changements opérés sur le personnage principal, particulièrement immonde dans le roman), le choix du réalisateur Jim Clark, la rivalité entre Vincent Price et Robert Quarry (qui devenait la nouvelle star de la AIP), le casting, les décors, les problèmes liés au montage, qui connaîtra trois moutures successives. Dans la dernière partie de son entretien, Pascal Français en vient plus précisément aux éléments du film qui annoncent ce que va devenir le cinéma d’horreur, une approche qui permettra à Madhouse d’être réhabilité depuis sa sortie.
L’Image et le son
Le transfert est irréprochable, le master quasi-immaculé (un ou deux points par ci, des griffures par là), stable et dépourvu de déchets résiduels. Les noirs sont concis, la colorimétrie souvent éclatante, parfois froide voire fanée dans les extérieurs, plus chaude sur les séquences de plateau. Les décors sont riches, la gestion des contrastes est également très solide, les gros plans ne manquent pas de détails. Malgré de menus changements chromatiques au cours d’une même séquence et un grain parfois aléatoire (surtout sur les plans repris en postproduction), ce master HD ne manque pas d’attraits. Le Blu-ray est au format 1080p.
Point de version française ici. Le mixage anglais DTS HD Master Audio Mono 2.0 aux sous-titres français (non imposés) instaure une écoute propre avec parfois quelques sensibles chuintements dans les aigus, mais rien de bien méchant.