L’OASIS DES TEMPÊTES (The Land Unknown) réalisé par Virgil W. Vogel, disponible en DVD et Blu-ray le 11 avril 2023 chez Elephant Films.
Acteurs : Jock Mahoney, Shirley Patterson, William Reynolds, Henry Brandon, Douglas Kennedy, Phil Harvey…
Scénario : William N. Robson & Laszlo Gorog, d’après une histoire originale de Charles Palmer
Photographie : Ellis W. Carter
Musique : Henry Mancini, Heinz Roemheld, Hans J. Salter & Herman Stein
Durée : 1h18
Date de sortie initiale: 1957
LE FILM
Maggie Hathaway, reporter, accompagne trois scientifiques pour une expédition en Antarctique. En survolant la zone en hélicoptère, ils sont pris dans une tempête qui les emporte dans un cratère. Ils vont y découvrir un monde totalement nouveau, au climat tropical et extrêmement dangereux…
Depuis Le Monde perdu – The Lost World (1925) de Harry O. Hoyt et King Kong (1933) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, les producteurs et les réalisateurs se sont engouffrés dans la brèche pour offrir aux spectateurs un bestiaire divers et varié grâce à la stop-motion, avec une prédilection pour les dinosaures. L’univers de la série B, voire Z, regorge de titres ayant exploité le filon, Le Monstre des temps perdus (1953) d’Eugène Lourié, King Dinosaur (1955) de Bert I. Gordon, L’île inconnue (1948) de Jack Bernhard, La Montagne mystérieuse (1956) d’Edward Nassour et Ismael Rodriguez, Le Continent perdu (1951) de Sam Newfield, Two Lost Worlds (1951) de Norman Dawn. Autant dire que quand sort sur les écrans L’Oasis des tempêtes – The Land Unknown en 1957, également connu sous le titre de L’Oasis de la terreur, le public connaît la formule et commence à se lasser. Tout d’abord prévu comme un spectacle de classe A, en couleur et avec un casting de renom, L’Oasis des tempêtes est rétrogradé en raison des résultats jugés décevants au box-office des Survivants de l’infini – This Island Earth de Joseph M. Newman. Le film se fera tout de même, mais en N&B, avec une distribution moins prestigieuse, même si le CinemaScope est maintenu. Réalisé par Virgil W. Vogel, ancien monteur de Douglas Sirk, William Castle, Joseph Pevney, Kurt Neumann, Budd Boetticher, King Vidor et Orson Welles, The Land Unknown est un divertissement sympathique, qui a su conserver un charme forcément vintage, porté par des acteurs charismatiques et des effets spéciaux amusants.
Désigné par le gouvernement américain, en tête de pont d’une importante expédition navale, trois militaires et une journaliste spécialisée dans l’étude des pôles, survolent l’Antarctique en hélicoptère. Le commandant Harold Robert, le lieutenant Jack Carmen, le pilote Steve Miller et la reporter Margaret Hathaway ont pour mission, en dehors des relevés géographiques et météorologiques, de trouver une région décrite par l’explorateur Bird en 1947 : une zone à la température particulièrement élevée. Leur appareil est malheureusement emporté par une tempête, puis agressé, au cours d’une chute vertigineuse, par un énigmatique et gigantesque animal volant. L’hélicoptère fini par se poser en catastrophe dans un paysage stupéfiant, qui présente bien des caractéristiques d’un monde disparu depuis des dizaines de millénaire : l’ère secondaire.
L’Oasis des tempêtes est l’une des rares incursions au cinéma de Virgil W. Voger, qui en tant que réalisateur passera l’essentiel de sa carrière à la télévision, en emballant des téléfilms et des épisodes de séries à foison, de Mike Hammer jusqu’à Walker Texas Ranger, en passant par L’Homme à la Rolls, Bonanza, Mission impossible, L’Homme qui valait trois milliards, Les Rues de San Francisco, L’Homme de l’Atlantide, K 2000, Tonnerre Mécanique…et on pourrait continuer encore longtemps ainsi. Considéré comme l’un des plus habiles techniciens du petit écran, Virgil W. Voger a donc aussi mis son talent au service des studios hollywoodiens, comme c’est le cas pour The Land Unknown, produit par William Alland (Escale à Tokyo de Jack Arnold, Crazy Horse – Le Grand Chef de George Sherman, Victime du destin de Raoul Walsh) pour Universal International Pictures. Le film s’inspire à la base d’une histoire vraie (calmez-vous, pas de dinosaures vivants en vue hein), par ailleurs évoquée dans le prologue, après la découverte d’une source d’eau exceptionnellement chaude en Antarctique à la fin des années 1940. Là-dessus, une poignée de scénaristes a su broder un récit classique d’aventure de science-fiction, qui réunit une petite équipe composée de militaires et d’une journaliste, qui en reconnaissance dans l’Antarctique, voient leur hélicoptère percuter…un ptéranodon. Leur rotor se brise et quand ils atterrissent à 1000 m en dessous de la mer dans un cratère volcanique, ils découvrent une jungle tropicale peuplée de dinosaures vivants et de plantes géantes mangeuses de chair. Ainsi que des empreintes humaines. Serait-ce un survivant de la précédente expédition de 1947 ?
Il faut s’armer de patience avant l’apparition du premier dinosaure dans L’Oasis des tempêtes. Après une exposition de près de dix minutes se déroulant au Pentagone, où le décor et les enjeux sont dressés, on en apprend un peu plus sur les protagonistes durant le quart d’heure suivant. Puis, nos chers dinos se dévoilent enfin, avec un tyrannosaure par ci, un élasmosaure par là…et un barbu hirsute frappadingue qui vient se mêler à la partie. Point d’animation image par image ici, mais un type dans un costume plutôt réussi pour le t-rex (à l’instar de Godzilla d’Ishirô Honda), quelques gros plans sur des varans (dans le rôle des stégosaures) qui se mettent (réellement) sur la tronche, ou des créatures mécaniques, les acteurs étant incrustés par la suite à ces images dans un respect d’échelle.
En parlant des personnages, la distribution fait le job avec Jock Mahoney (Duel dans la Sierra, Le Temps d’aimer et le temps de mourir, Les Ailes de l’espérance, Tarzan aux Indes), Shirley Patterson (belle comédienne sous contrat avec la Columbia, qui n’apparaîtra que dans quelques séries B, avant d’arrêter sa carrière à la fin des années 1950), qui reste toujours bien coiffée et maquillée en toutes circonstances, William Reynolds (Qui donc a vu ma belle ?, Tout ce que le ciel permet), Henry Brandon (Vera Cruz, À l’assaut du Fort Clark, Les Boucaniers), Douglas Kennedy (Sitting Bull) et Phil Harvey (Le Monstre des abîmes, La Cité pétrifiée, La Soif du mal). Des acteurs qui entrent directement dans la catégorie « On ne sait jamais comment ils s’appellent », mais qui s’avèrent très crédibles et attachants. Une fois la première demi-heure passée, L’Oasis des tempêtes fonctionne bien et on se prend au jeu de ce survival aux décors élégants et surtout très joliment photographié par Ellis W. Carter (Californie en flammes de Lew Landers).
L’Oasis des tempêtes n’est pas un nanar, mais un digne représentant d’un genre de spectacle suranné, qui devra attendre près de 45 ans pour être relancé par, je vous le donne en mille, Jurassic Park de Steven Spielberg, qui donnera à nouveau naissance à moult ersatz souvent fauchés, qui n’ont absolument rien inventé quand on voit The Land Unknown. En l’état, le film de Virgil W. Vogel est un plaisir, même pas coupable (on laisse cette expression à ceux qui n’assument pas leurs goûts), pour les cinéphiles/ages, avec un côté Jules Verne qui manque cruellement aujourd’hui. D’ailleurs, à quand une adaptation hexagonale d’un roman de l’écrivain nantais ?
LE BLU-RAY
En fouinant un peu, on découvre que L’Oasis des tempêtes avait connu une première édition en DVD en 2012 chez Universal Pictures France. 2023, le titre arrive dans la musette d’Elephant Films, qui à cette occasion propose le film de Virgil W. Vogel dans une nouvelle édition Standard, mais aussi et surtout pour la première fois en Haute-Définition. Le Blu-ray repose dans un boîtier classique de couleur noire. Très belle jaquette arborant le visuel vintage. Le menu principal est très légèrement animé et musical.
Place ensuite à l’excellent Fabien Mauro, auteur/essayiste (L’Écran Fantastique), auteur de Ishiro Honda: Humanisme monstre (Broché, 2018) et Kaiju, envahisseurs & apocalypse (Aardvark éditions, 2020). qui nous présente L’Oasis des tempêtes (23’). Une intervention on ne peut plus sympathique et enrichissante, extrêmement bien menée et passionnante, solidement travaillée, qui donne moult informations sur le sous-genre de SF dit du film de dinosaures, sur la production, le casting, le réalisateur, la création des décors et des effets visuels, rapprochant aussi The Land Unknown de Jurassic Park III de Joe Johnston.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Elephant Films reprend le même master édité en 2019 outre-Atlantique chez Kino Lorber. Une copie impressionnante, non dénuée de petits défauts (d’infimes poussières, des rayures, des fils en bord de cadre), ainsi que des stockshots visibles comme le nez au milieu de la figure (et étrangement plus lisses et usés, avec parfois des griffures), mais qui n’en reste pas moins exemplaire. La luminosité est omniprésente, les gros plans détaillés, le piqué aiguisé (on peut apercevoir des fils « invisibles » soutenant la maquette de l’hélicoptère), les contrastes solides, la texture argentique préservée, fine, organique, excellemment gérée. Quelques plans flous, mais qui semblent d’origine. Magnifique cadre large, qui permet d’apprécier chaque recoin des décors. Blu-ray au format 1080p.
Les versions anglaise et française sont proposées en DTS-HD Dual mono 2.0. Passons rapidement sur la version française au doublage old-school très réussi, mais dont les voix paraissent parfois couvertes. Privilégiez forcément la version originale, évidemment plus riche, vive, propre et aérée. Dans les deux cas, pas de souffle constaté et la musique bénéficie d’une jolie restitution. Les sous-titres français ne sont pas imposés et sont présentés soit en blanc, soit en jaune. Une excellente initiative.
Crédits images : © Elephant Films / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr