LES FEUX DE L’ENFER (Hellfighters) réalisé par Andrew V. McLaglen, disponible en DVD et combo Blu-ray + DVD le 6 juillet 2021 chez Elephant Films.
Acteurs : John Wayne, Katharine Ross, Jim Hutton, Vera Miles, Jay C. Flippen, Bruce Cabot, Edward Faulkner, Barbara Stuart…
Scénario : Clair Huffaker
Photographie : William H. Clothier
Musique : Leonard Rosenman
Durée : 2h01
Date de sortie initiale: 1968
LE FILM
Chance Buckman dirige une entreprise spécialisée dans l’extinction des feux liés aux puits de pétrole. Lors d’une intervention périlleuse il est gravement blessé et finit à l’hôpital. L’un de ses associés appelle alors la fille de Chance, avec laquelle il est brouillé. L’homme blessé va renouer petit à petit avec sa fille et son ex-femme, toujours traumatisée par les années passées…
Les années 1960 prennent fin et à Hollywood tout est bouleversé depuis l’abandon du tristement célèbre Code Hays. Bonnie and Clyde d’Arthur Penn et Le Lauréat – The Graduate de Mike Nichols déboulent sur les écrans. Le fonctionnement des studios est remis en question, ainsi que la crédibilité des stars déjà bien installées, qui apparaissent soudainement anachroniques, pour ne pas dire archaïques. C’est le cas de notre cher John Wayne, qui juste après El Dorado de Howard Hawks, avait enchaîné avec Les Bérets verts – The Green Berets, qu’il avait coréalisé avec Ray Kellogg, film foncièrement conservateur mis en œuvre pour justifier l’intervention américaine au Viêt Nam. Alors qu’il s’évertue à illustrer son engagement personnel, patriote jusqu’au bout des ongles et fervent républicain, le comédien est également bien décidé à ne pas se laisser écraser par ce nouveau courant en vogue et par une nouvelle génération prête à remettre en cause les idéaux fondamentaux des Etats-Unis. Il s’investit corps et âme dans Les Feux de l’enfer – Hellfighters de son ami Andrew V. McLaglen (1920-2014), avec lequel il avait déjà tourné Le Grand McLintock – McLintock! cinq ans auparavant et qu’il retrouvera encore à trois reprises (Les Géants de l’Ouest – The Undefeated, Chisum et Les Cordes de la potence – Cahill U. S. Marshal). Dans cet apparent film d’action, John Wayne incarne le mâle alpha, le patriarche, comme une réincarnation de l’Oncle Sam. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas prêt à raccrocher les gants (ignifugés) dans Les Feux de l’enfer, dans lequel il interprète le héros US dans toute sa splendeur et qui malgré ses soixante balais, compte bien faire la morale à la jeunesse décadente. Contrairement à ce que l’on pouvait penser après avoir découvert la bande-annonce et vu les photos d’exploitation, Hellfighters n’est pas un film catastrophe, mais une comédie de remariage teinté de romance et de mélo, où John Wayne se confronte à la magnifique Katharine Ross, révélée par Andrew V. McLaglen trois ans auparavant dans le superbe Shenandoah – Les Prairies de l’honneur, avant d’exploser aux yeux du monde dans Le Lauréat. Deux écoles s’affrontent dans ce spectacle fort sympathique, même si on se rend compte très vite que ce sont bien les mecs font tout le boulot et que les « bonnes femmes » devraient rester à la maison pour faire le ménage, s’occuper des gamins s’il y en a et préparer un bon petit plat prêt à servir du four quand nos héros reviennent du turbin. C’était le bon temps…on rigole bien sûr, mais à l’écran cela demeure rigolo et divertissant, surtout que les séquences enflammées valent sacrément le coup d’oeil.
Chance Buckman dirige une entreprise spécialisée dans l’extinction des feux de puits de pétrole, partout dans le monde. Ses principaux collaborateurs sont Greg Parker, Jack Lomax, Joe Horn et George Harris. Lors d’une intervention délicate, Chance est grièvement blessé et se retrouve à l’hôpital. Sa fille qui s’est éloignée de lui, Tish, est alors rappelée à son chevet par Jack. Finalement rétabli, Chance retrouve également Madelyn, sa femme qui l’avait quitté car ne supportant plus les dangers de son travail. Quant à Greg, il tombe amoureux de Tish…
Les Feux de l’enfer n’est pas avare en scènes dites d’action, qui se concentrent sur le travail dangereux, impressionnant et fantastique des pompiers, spécialisés ici dans l’extinction des feux de pétrole aux quatre coins de la Terre. Librement inspiré par la vie de Paul Neal « Red » Adair (1915-2004), pompier américain, grand innovateur et pionnier dans le domaine du bouchage des éruptions de puits de pétrole (notamment dans la technique consistant à utiliser une charge de nitroglycérine pour étouffer le feu), terrestres et offshore, Hellfighters convie le spectateur dans le quotidien d’une équipe de pompiers, sur le terrain, mais aussi dans la vie privée du grand manitou représenté par le Duke. Contre un gros chèque d’un million de dollars (pour la première fois de sa carrière), John Wayne enfile le scaphandre, plonge dans les flammes, donne de sa personne, puis est capable dans la même scène de dire à sa fille que sa place et comme les autres femmes, derrière les fourneaux. Il est comme ça et le pire c’est qu’on l’aime pour cela aussi.
De son côté, Katharine Ross est bien belle, mais n’est pas aidée par l’écriture de son personnage (scénario signé Clair Huffaker, auteur de La Caravane de feu de Burt Kennedy et Les Cent fusils de Tom Gries) qui la résume essentiellement à la jeune femme qui fait connaissance avec son père (John Wayne donc), tombe amoureuse d’un de ses hommes de main (Jim Hutton, déjà présent auprès du Duke dans Les Bérets verts) et se marie avec cinq jours après, avant d’apparaître comme le boulet à traîner qui souhaite suivre son époux où son travail le conduit. Pendant ce temps, sa mère (Vera Miles, coupée au montage des Bérets verts pour le coup), qui avait décidé de quitter l’homme de sa vie en raison de son boulot dangereux, est très inquiète en voyant sa fille prête à suivre le même chemin. Après des années de séparation, toute cette famille va peut-être connaître une chance d’être enfin réunie.
Alors oui Les Feux de l’enfer demeure ponctué par quelques séquences d’incendies on ne peut plus ahurissantes et qui ont probablement contribué à percer la couche d’ozone, mais le principal du film se focalise sur les sentiments de ses personnages, à la fois agaçants (car vieux-jeu) et attachants (grâce au talent des acteurs). A première vue, ce mélange pourrait paraître étrange, mais l’efficacité de la mise en scène d’Andrew V. McLaglen (Les Oies sauvages, Les Loups de haute mer), la beauté de la photographie de William H. Clothier (Alamo, L’Homme qui tua Liberty Valance, La Taverne de l’irlandais), l’entraînante partition de Leonard Rosenman (Enfer mécanique, Le Voyage fantastique, L’Enfer est pour les héros) et bien sûr l’élégance, le charisme et le talent des comédiens emportent très largement l’adhésion.
LE BLU-RAY
Vous possédiez peut-être l’ancien DVD Universal édité en 2011 et ressorti en 2016. Les Feux de l’enfer refait surface dans les bacs en édition Standard et combo Blu-ray + DVD chez Elephant Films. Boîtier Blu-ray avec fourreau et jaquette réversible. Le menu principal est animé et musical.
Si l’on avait été un peu dur avec Julien Comelli il y a quelques années, on l’aime bien maintenant notre suisse qui a toujours de bons mots pour nous parler des films édités par Elephant Films. C’est encore le cas pour Les Feux de l’enfer, que le journaliste en culture-pop nous présente ici en long en large (22’), avant d’enfiler la combinaison de pompier et de partir en camion rouge. Dans un premier temps, Julien Comelli explique pourquoi Hellfighters n’est pas à classer dans le registre du film catastrophe, contrairement à Krakatoa, à l’est de Java de Bernard L. Kowalski qui en posait les bases, un an avant Airport de George Seaton. L’oeuvre d’Andrew V. McLaglen est pour lui « un mélo, constitué de petites histoires d’une équipe de pompiers et de leurs familles respectives, contrairement à ce que l’affiche promettait et qui a d’ailleurs des liens avec Hatari ! de Howard Hawks, déjà lui-même très inspiré par Mogambo de John Ford ». Puis, le journaliste en vient à cette « pièce de musée » qui débarque alors qu’émerge le Nouvel Hollywood. C’est ainsi l’occasion pour Julien Comelli d’évoquer les rapports difficiles voire houleux entre John Wayne et Katharine Ross, deux générations diamétralement opposées, y compris sur le plan professionnel, avec d’un côté la (très) vieille école et de l’autre la rébellion du septième art. Le côté « non écologique » (avec l’utilisation massive d’un mélange de kérosène et d’huile) du tournage des séquences d’incendie, la représentation d’une vieille Amérique conservatrice, la carrière du réalisateur Andrew V. McLaglen, le casting, la réception critique et d’autres éléments passionnants à écouter sont également au programme.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces, dont celle des Feux de l’enfer constituée entre autres de commentaires de John Wayne sur les conditions de tournage.
L’Image et le son
Merci à Elephant Films de nous permettre d’ajouter Les Feux de l’enfer à notre collection de Blu-ray ! Pour son passage en HD, ce film se refait une petite beauté. Excellent travail de restauration puisque les scories et poussières ont été éliminées. L’ensemble est plutôt riche et stable, la gestion du grain équilibrée et les fourmillements limités. Le piqué demeure pointu. Certaines séquences tirent agréablement profit de cette élévation HD, notamment toutes celles tournées en extérieur. Les couleurs sont également pimpantes avec des contrastes au top et une luminosité souvent impressionnante. Blu-ray au format 1080p.
Hellfighters est disponible en version originale et française DTS-HD Master Audio 2.0. La première instaure un confort acoustique plaisant avec une délivrance suffisante des dialogues, des effets annexes convaincants et surtout une belle restitution de la musique. La piste française se focalise souvent sur les voix au détriment des ambiances environnantes, même si le doublage est particulièrement réussi avec l’immense Claude Bertrand à la barre. Les deux options acoustiques sont propres et dynamiques. Les sous-titres ne sont pas imposés sur la VO.