LES ENVAHISSEURS DE LA PLANÈTE ROUGE (Invaders from Mars) réalisé par William Cameron Menzies, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 21 novembre 2023 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Helena Carter, Arthur Franz, Jimmy Hunt, Leif Erickson, Hillary Brooke, Morris Ankrum, Max Wagner, William Phipps, Milburn Stone, Janine Perreau…
Scénario : Richard Blake
Photographie : John F. Seitz
Musique : Raoul Kraushaar
Durée : 1h19
Date de sortie initiale : 1953
LE FILM
Une nuit, alors qu’il est à la fenêtre de sa chambre, le jeune David McLean, passionné d’astronomie, aperçoit un engin spatial qui se pose près de sa maison. Il prévient son père George McLean, un scientifique, qui part investiguer les lieux. Revenu du site suspect, celui-ci n’est désormais plus tout à fait le même. David soupçonne une emprise extraterrestre. Et, très vite, celle-ci s’étend, transformant les habitants de la localité en marionnettes humaines.
Vous ne le savez peut-être pas, mais on doit au réalisateur William Cameron Menzies (1896-1957) l’un des films de science-fiction les plus importants de l’histoire du cinéma, La Vie future – Things To Come (1936), adaptation du roman d’H.G. Wells, produit par Alexander Korda et supervisé par l’écrivain lui-même. Également décorateur et scénariste, William Cameron Menzies signait une fresque méconnue, troublante, ahurissante, prophétique et souvent prodigieuse, une réflexion politique sur la société sous la forme d’un pamphlet virulent ainsi que sur l’avenir de l’homme, étroitement lié au progrès technologique, rendant compte de l’anxiété ambiante à l’idée de voir le monde basculer à nouveau dans un conflit mondial. Formidable cinéaste à réhabiliter d’urgence, connu aussi pour son western Le Rocher du diable – Drums in the Deep South (1951), qui se déroulait essentiellement au pied de la Devils Tower, monolithe naturel situé dans le Nord-Est du Wyoming aux Etats-Unis, rendu célèbre par Rencontres du troisième type de Steven Spielberg, William Cameron Menzies avait plusieurs cordes à son arc et était l’un des artistes les plus respectés à Hollywood. En 1953, il se voit confier les rênes d’un gros film de science-fiction, supposé concurrencer La Guerre des mondes de Byron Haskin, qui marquera alors toute une génération de metteurs en scène en devenir (John Landis, Joe Dante, Steven Spielberg, George Lucas, Don Coscarelli), Les Envahisseurs de la planète rouge – Invaders from Mars, qui sera son avant-dernier long-métrage comme réalisateur. Avec ses effets spéciaux soignés qui n’ont rien perdu de leur magie (le film devait même être exploité en 3D, procédé abandonné par manque de moyens), mais aussi ses décors conçus à hauteur d’enfant, cet opus de SF vintage a tout de même pris du plomb dans l’aile et en dépit d’une première partie très réussie, le film finit par s’enliser dès l’arrivée de l’armée qui prend le relais aux côtés de notre jeune héros. Sympathique, amusant, mais nullement indispensable.
Tard dans la nuit, le jeune David MacLean est réveillé par un violent orage. Depuis la fenêtre de sa chambre, il voit une soucoupe volante (quasiment la même que La Soupe aux choux en fait) descendre et disparaître dans le sable derrière sa maison. Après s’être empressé d’en parler à ses parents, son père scientifique part enquêter sur les affirmations de David. Lorsque son père revient beaucoup plus tard dans la matinée, David remarque une piqûre rouge inhabituelle sur la nuque de son père ; son père se comporte désormais de manière froide et hostile. David se rend vite compte que quelque chose ne va pas. Certains citadins agissent exactement de la même manière. Grâce à son télescope, David voit la petite voisine Kathy Wilson disparaître soudainement sous terre alors qu’elle marchait dans le sable. David s’enfuit au poste de police pour demander de l’aide et est finalement placé sous la protection du médecin du département de la santé, le Dr Pat Blake, qui commence peu à peu à croire à sa folle histoire. Avec l’aide de l’astronome local Stuart Kelston et du Dr Blake, David comprend que la soucoupe volante est probablement l’avant-garde d’une invasion depuis la planète Mars, désormais à proximité orbitale de la Terre. Le Dr Kelston contacte l’armée américaine et les convainc d’enquêter immédiatement : une importante usine gouvernementale de recherche sur les fusées se trouve à proximité. En peu de temps, le Pentagone rassemble des troupes et des chars sous le commandement du colonel Fielding. Un complot de sabotage extraterrestre à l’usine est bientôt découvert, menant au site d’atterrissage des soucoupes.
Décorateur, réalisateur, producteur et scénariste, William Cameron Menzies n’est clairement pas un « faiseur » dans l’industrie cinématographique. Essentiellement connu pour avoir officié en tant que directeur artistique et décorateur sur quelques films aussi prestigieux que leurs metteurs en scène comme Raoul Walsh à cinq reprises (y compris pour Le Voleur de Bagdad), Victor Fleming (Autant en emporte le vent, également réalisateur de seconde équipe), ou bien encore Allan Dwan (Robin des Bois, Le Masque de fer). William Cameron Menzies passe à la mise en scène dès le début des années 1930. Dans Les Envahisseurs de la planète rouge, on retrouve ce qui a toujours été le point fort du cinéaste, la qualité et l’élégance de la mise en scène, des décors et des maquettes, sans oublier une solide direction d’acteurs. Le récit se focalise sur un jeune garçon d’une dizaine d’années, interprété par Jimmy Hunt, qui la même année apparaissait dans Le Solitaire des Rocheuses – The Lone Hand de George Sherman, aux côtés de Joel McCrea. Avant d’interrompre définitivement sa carrière pour se consacrer au sport, il tient ici son plus grand rôle et porte solidement le film sur ses petites épaules. Attachant et jamais tête à claque comme pouvaient souvent l’être ceux de son âge quand ils essayaient d’être naturels devant la caméra, Jimmy Hunt avec sa bouille qui aurait pu figurer sur les briques de lait, campe un personnage attachant. La caméra le colle du début à la fin, raison pour laquelle les décors ont été pensés comme s’ils étaient vus à travers ses yeux, avec des portes immenses ou des vues en contre-plongées.
Le reste de la distribution est aussi impeccable avec les belles Helena Carter (Le Fauve en liberté de Gordon Douglas, Le Trappeurs des Grands Lacs de Sidney Salkow) et Hillary Brooke (L’Homme qui en savait trop, Le Démon de la chair, Espions sur la Tamise), Arthur Franz (L’Homme à l’affût d’Edward Dmytryk, Le Monstre des abîmes de Jack Arnold, L’Invraisemblable vérité de Fritz Lang), Leif Erickson (Mirage, Thé et sympathie, À feu et à sang), et tout un tas d’acteurs à la tronche burinée qui interprètent les militaires. C’est d’ailleurs lors de l’arrivée de ces derniers que le film ralentit considérablement et tourne à la démonstration technique, renforçant la métaphore de l’armée solidement équipée (une vraie propagande maccarthyste, accentuée par l’utilisation de stock-shots venant probablement de la Défense) contre les aliens provenant de la planète rouge…qui renvoient bien sûr au danger communiste en cette période de guerre froide.
S’il est toujours présent, David est quelque peu mis en retrait et devient lui-même spectateur du déploiement impressionnant des soldats, qui installent leur matos (armes lourdes, véhicules blindés, troupes multiples), autour du périmètre signalé par le gamin. Puis arrivent les humanoïdes verts aux yeux bridés (tient, tiens…), en fait de grands échalas vêtus d’un pyjama pilou-pilou Cetelem à fermeture éclair que le réalisateur aurait dû laisser dans l’ombre, tout comme le « cerveau » martien qui prend l’apparence d’une tête (également verte) au visage humain, environné de plusieurs tentacules, enfermé dans une sphère transparente soutenue par les deux mutants-arbustes silencieux à deux jambes.
Dommage que le film perde en intérêt à mesure que le récit avance, au point que l’on trouve finalement le temps long et ce en dépit de sa courte durée (à peine 1h20) et d’un premier acte qui était franchement prometteur. À noter que le film connaîtra un remake en 1986 signé Tobe Hooper, L’Invasion vient de Mars, dans lequel Jimmy Hunt fera une apparition en guise de clin d’oeil.
LE BLU-RAY
Les Envahisseurs de la planète rouge avait déjà bénéficié d’une sortie en DVD dans nos contrées en 2016, chez Bach Films, en double-programme avec La Planète rouge de Harry Horner. Le film de William Cameron Menzies fait désormais cavalier seul et chez un autre éditeur, Sidonis Calysta, en Combo Blu-ray + DVD + Livret (« La Science des rêves » écrit par Marc Toullec, 24 pages), en édition limitée à 1000 exemplaires. Très beau visuel que ce boîtier Digibook. Le menu principal est animé et musical.
On démarre les bonus avec la présentation de la bande-annonce de la restauration 4K (4’35) par Ernest Dickerson, réalisateur (et directeur de la photographie sur les premiers films de Spike Lee), visiblement grand admirateur des Envahisseurs de la planète rouge.
James Curtis, auteur de l’ouvrage William Cameron Menzies: The Shape of Films to Come (2015), dresse ensuite le portrait de « L’Architecte des rêves », autrement dit du production designer et réalisateur des Envahisseurs de la planète rouge (16’30). L’occasion d’en savoir plus sur cet immense artiste, considéré aujourd’hui comme le père de la direction artistique moderne. La carrière de ce dernier est longuement retracée, ses rencontres déterminantes dévoilées, ainsi que les différentes étapes l’ayant conduit à devenir l’un des hommes les plus indispensables à Hollywood. Des anecdotes de tournage concernant Invaders from Mars sont au programme. On apprend que William Cameron Menzies, qui avait storyboardé tout son film avant le début des prises de vue, s’est fait voler tous ses dessins juste avant le tournage. Témoignage également de la petite-fille du réalisateur, qui partage quelques souvenirs liés à la sortie du Tour du monde en quatre-vingts jours de Michael Anderson, que son grand-père avait produit.
Qu’est devenu Jimmy Hunt, qui incarnait le petit David dans Les Envahisseurs de la planète rouge ? Lors d’un entretien réalisé en 2022 (10’30), celui-ci, né en 1939, s’exprime sur sa courte carrière d’acteur et bien sûr sur le film qui nous intéresse aujourd’hui, dans lequel il trouvait alors son plus grand rôle. Jimmy Hunt parle de ses partenaires, de ses souvenirs de tournage, du reshoot emballé un an après la fin du tournage, dans le cadre de l’exploitation britannique, le dénouement original (dont subsistent quelques images) ayant été rejeté par le Royaume-Uni en raison de son ambiguïté.
Avant de terminer par un lot de bandes-annonces, n’hésitez pas à visionner le module consacré à la lourde restauration des Envahisseurs de la planète rouge (6’50), supervisée par Scott MacQueen, qui s’exprime ici en off, en faisant quelques comparatifs avant/après. Très technique, les images parlent néanmoins d’elles-mêmes et dévoilent le travail de titan réalisé par les génies de la restauration. Le plus frustrant est sans doute de ne pas disposer de la fin alternative anglaise, largement évoquée dans les bonus, présente sur l’édition US, mais non reprise chez Sidonis Calysta.
L’Image et le son
Les Envahisseurs de la planète rouge a bénéficié d’un tournage en Eastmancolor, avant d’être exploité en SuperCinecolor, procédé trichrome que le réalisateur réutilisera pour Le Rocher du diable. Le master HD restauré 4K à partir du négatif original s’en sort bien, même s’il s’avère aléatoire, tantôt lisse, tantôt grumeleux. Les plans à effets spéciaux tiennent le coup, la qualité des divers stock-shots diffère par rapport aux images tournées par William Cameron Menzies, mais la propreté est éloquente. Le piqué et les contrastes sont forcément moyens (le film revient de loin), tandis que la clarté est parfois trop appuyée. Blu-ray au format 1080p.
Pas de version française, juste une piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0. Une option efficace et dynamique à souhait, avec un report suffisant des dialogues, de la musique et des effets annexes. Les sous-titres français ne sont pas imposés.