Test Blu-ray / Le Procès Goldman, réalisé par Cédric Kahn

LE PROCÈS GOLDMAN réalisé par Cédric Kahn, disponible en DVD & Blu-ray le 6 février 2024 chez Ad Vitam.

Acteurs : Arieh Worthalter, Arthur Harari, Stéphan Guérin-Tillié, Nicolas Briançon, Aurélien Chaussade, Christian Mazucchini, Jeremy Lewin, Jerzy Radziwilowicz…

Scénario : Cédric Kahn & Nathalie Hertzberg

Photographie : Patrick Ghiringhelli

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

En 1976 débute à Amiens le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient l’icône de la gauche intellectuelle. Georges Kiejman, jeune avocat, assure sa défense.

Voilà un César du meilleur acteur bien mérité ! Même si la concurrence a été rude avec comme autres nommés Romain Duris pour Le Règne animal, Raphaël Quenard pour Yannick, Benjamin Lavernhe pour L’Abbé Pierre et Melvil Poupaud dans L’Amour et les Forêts, Arieh Worthalter méritait haut la main la compression pour le rôle-titre du Procès Goldman. Le douzième long-métrage de l’excellent Cédric Kahn est une expérience cinématographique à part entière. Quelques cartons en introduction placent le spectateur dans le contexte spatio-temporel et présentent les faits. Avril 1970, Pierre Goldman est inculpé pour quatre agressions à main armée, dont une ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Décembre 1974, il est condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité, mais Goldman clame son innocence dans l’affaire de la pharmacie. Octobre 1975, l’incarcéré publie son livre plaidoyer écrit en prison, Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France. Un mois plus tard, la Cour de Cassation annule le premier jugement et renvoie l’affaire devant la Cour d’Assises d’Amiens. Avril 1976, ses avocats se préparent à cette nouvelle confrontation. Remarquablement réalisé, Le Procès Goldman est une plongée en apnée (il n’y a aucune scène se déroulant en extérieur, aucun flashback, aucune musique) au sein du tribunal, lieu où se déroule la quasi-intégralité de l’action, avec – en dehors de l’introduction dans le cabinet de maître Georges Kiejman – quelques petits apartés dans les « coulisses » entre deux témoignages. Pas un seul moment d’ennui devant Le Procès Goldman, qui rappelle certaines œuvres de Raymond Depardon (on pense bien sûr à 10e chambre, instants d’audience), mais qui évite toute théâtralité (ce qui aurait pu arriver avec cette unité de lieu, de temps et d’action) et côté documentaire, à travers une leçon de mise en scène de chaque instant. Un film captivant, passionnant par son sujet et à disséquer sur la forme.

En avril 1976, se tient le second procès de Pierre Goldman. En prison depuis six ans, il est soupçonné d’avoir tué deux pharmaciennes lors d’un vol à main armé en décembre 1969. Alors qu’il a reconnu dès son arrestation en avril 1970 trois braquages sans envergure, commis un peu avant et après Noël 1969, il clame cependant son innocence pour le double meurtre perpétré à la même époque, au cours duquel un jeune Gardien de La Paix courageux a tenté dans la nuit d’arrêter le coupable en fuite. Après la publication d’un livre dans lequel il dénonce une série d’erreurs dans l’enquête ayant pesé sur le premier procès, il obtient l’annulation du procès par la Cour de cassation et la tenue d’un nouveau procès aux assises. Plusieurs passages de ce livre sont d’ailleurs lus lors du second procès. Goldman refuse de produire des témoins de moralité, ce qui serait selon lui contradictoire avec le pardon qu’il demande pour les hold-up de Noël 1969, en priorité à son père et à sa belle-mère. Il tient par ailleurs se montrer digne de la mémoire de la Shoah transmise par sa mère naturelle, expulsée après la guerre car soupçonnée d’espionnage au profit de l’Union soviétique, qu’il rejoignait les étés en Pologne. Son père Alter Mojsze Goldman, ex-héros de la résistance juive polonaise et communiste de la première heure, mais aussi sa compagne et future épouse Christiane Succab-Goldman, ainsi que le groupe d’Antillais chez qui il était le soir du double meurtre, sont questionnés par un ténor du barreau, Henri-René Garaud, classé à droite, qui multiplie les passes d’armes avec Georges Kiejman, classé à gauche et défendant Goldman. Chaque partie tente de gérer au mieux les nombreux supporters des deux camps présents dans la salle d’audience, illustrant « les passions, convulsions et scissions françaises », déjà à l’œuvre dans les années 1970. Persuadé qu’il est victime d’une justice bourgeoise et d’une police raciste, l’accusé se montre combatif et déstabilise parfois ses nouveaux avocats, notamment le jeune Georges Kiejman, qui fait ses débuts au pénal et que son client froisse, mais sans le décourager, en le traitant de « juif de salon » dans une lettre adressée à un autre de ses avocats. Henri-René Garaud, quant à lui, se moque par exemple de la mobilisation d’intellectuels politisés à la veille du second procès et réclame, avec parfois le soutien du président du tribunal, l’équilibre des temps de parole, ou veille encore à plusieurs reprises à ce que la présence bruyante de supporters ne pèse pas sur les témoins de l’accusation. Mais certains témoignages, en faveur ou à charge contre Pierre Goldman, paraissent avoir changé depuis quelques années. C’est le cas de celui de Joël Lautric, un des amis antillais de Goldman, qui admet avoir modifié plusieurs fois ses dires pendant l’instruction. De leur côté, les avocats de l’accusé sont hésitants quant à la plaidoirie à adopter.

Je suis innocent parce que je suis innocent.

Le Procès Goldman est un film tendu, du genre de ceux qui vous font gigoter les jambes durant deux heures, qui vous aspirent à travers l’écran, qui créent une immersion totale (renforcée par l’utilisation cloisonnée du cadre 1.33) qui vous font presque oublier que vous êtes au cinéma et que vous êtes en train d’assister vous-même au procès magistralement reconstitué de Pierre Goldman. S’il n’existe aucune image archive de cet événement, Cédric Kahn et sa coscénariste Nathalie Hertzberg reprennent en quasi-intégralité les propos tenus lors du procès, une partition phénoménale et presque dramaturgique pourrait-on dire, que les comédiens, tous exceptionnels, s’approprient et respirent. Le cinéaste passe parfois en revue les visages des présents, acteurs du procès, mais aussi spectateurs ou proches de l’accusé. Au détour d’un plan, même si son nom n’est jamais dit, un membre de la famille sans doute. Il s’agit de Jean-Jacques Goldman, 25 ans, demi-frère de Pierre Goldman, en pleine période Taï Phong. Mais il s’agit d’une présence comme celle des autres (même si l’on aperçoit Simone Signoret, venue soutenir Pierre Goldman), car le noyau de cet atome autour duquel gravitent les électrons-avocats est et demeure Pierre Goldman.

Ce dernier est incarné, habité par le franco-belge Arieh Worthalter (né en 1985), vu dans les superbes Girl de Lukas Dhont, Un monde plus grand de Fabienne Berthaud et Rien à perdre de Delphine Deloget. Multi-récompensé pour Le Procès Goldman, l’acteur livre une composition explosive, qui risque de marquer longtemps les esprits. On imagine la longue et importante préparation de Cédric Kahn et de Nathalie Hertzberg, enquête réalisée à partir des journaux de l’époque et d’une partie des véritables plaidoiries conservées par les avocats ou leurs diverses correspondances. Une somme d’informations conséquentes imputable essentiellement à la scénariste, que Cédric Kahn a ensuite repris en main, avant d’y ajouter divers éléments fictifs nécessaires à la « confection » d’un long-métrage. En ce qui concerne le tournage lui-même, Cédric Kahn s’est armé de trois caméras, braquées sur les principaux personnages, en s’attachant à réaliser les prises de vue dans l’ordre chronologique des événements, le tout sans ayant recours à un éclairage artificiel.

On ressort lessivé du Procès Goldman, les émotions fusent, le stress est contagieux, le cerveau est sans cesse mis sans dessus dessous, où l’on est à la fois effaré, ému, dégoûté par/pour le personnage principal (qui aujourd’hui aurait été invité à Quotidien et banni sur CNews), homme éminemment complexe, jamais jugé par Cédric Kahn, mais dont on ressent chaque seconde la fascination pour sa représentation, son charisme et son éloquence.

LE BLU-RAY

Après un score honorable de 350.000 entrées, Le Procès Goldman a été pris en charge par Ad Vitam pour son entrée dans les bacs, en DVD et Blu-ray. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.

Nous trouvons tout d’abord un podcast tiré du site Timeline, 5.000 ans d’Histoire, mis en ligne le 26 septembre 2023, en compagnie du réalisateur Cédric Khan et de sa coscénariste Nathalie Hertzberg (24’). L’occasion pour eux de revenir sur la genèse du film, les partis-pris (pourquoi uniquement se focaliser sur le procès et avoir refusé de faire un biopic ? Pourquoi avoir choisi le cadre 1.33 ?), leurs intentions, le roman de Pierre Goldman. La psychologie de ce dernier est aussi passée au peigne fin et Cédric Kahn explique pourquoi il s’agit bel et bien d’un vrai personnage de cinéma. Les recherches pour l’écriture du scénario, l’absence du film et bien d’autres sujets sont abordés.

On passe aux interviews promotionnelles (18’). Cédric Kahn, Arieh Worthalter et Arthur Harari voient leurs propos s’entrecroiser dans ce module extrêmement intéressant, dont certains éléments font forcément écho avec ce qui a été entendu précédemment. On notera que le réalisateur mûrissait ce projet depuis longtemps, après avoir lu le livre de Pierre Goldman (« qui était dans la bibliothèque de mes parents »), une « personnalité incandescente, stupéfiante, brillante […] une parole à laquelle je voulais donner un écrin ». Les comédiens et Cédric Kahn s’expriment sur les conditions de tournage (« on part du faux, mais on a essayé de reconstituer du vrai »), sur la reconstitution, l’approche des personnages et leur expérience personnelle.

L’Image et le son

Cédric Kahn a tout d’abord pensé tourner Le Procès Goldman en N&B. Des tests ont été faits, mais en dépit de très belles images, le réalisateur ne voulait pas tomber dans l’effet esthétique appuyé. Un travail a donc été effectué sur les couleurs, afin de les atténuer, pour « arriver à une espèce de monochromie » dit le cinéaste. Ce Blu-ray édité par AdVitam en met plein les yeux. Le master HD au format 1080p respecte les partis-pris esthétiques de la photographie du chef opérateur Patrick Ghiringhelli (La Nuit du 12, Seules les bêtes). Un léger grain se fait ressentir, la colorimétrie volontairement fanée passe bien le cap du petit écran, le piqué est élégant, les contrastes sont soignés. Les gros plans fourmillent de détails et l’encodage AVC consolide l’ensemble. Rien d’autre à ajouter, c’est superbe.

Nous trouvons ici une piste française DTS-HD Master Audio 5.1. Disons le d’emblée, le soutien des latérales est anecdotique pour un film de cet acabit. Les enceintes arrière ne servent même pas ici à spatialiser la musique du film, tout simplement parce qu’il n’y en a pas. Quelques ambiances naturelles percent, mais demeurent anecdotiques. Les dialogues et la balance frontale jouissent d’une large ouverture, et parviennent à instaurer un confort acoustique suffisant. La Stéréo est également très bonne et contentera largement ceux qui ne seraient équipés uniquement que sur la scène avant. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Ad Vitam / Séverine Brigeot / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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