
LE MOHICAN réalisé par Frédéric Farrucci, disponible en DVD & Blu-ray le 17 juin 2025 chez Ad Vitam.
Acteurs : Alexis Manenti, Mara Taquin, Théo Frimigacci, Paul Garatte, Marie-Pierre Nouveau, Michel Ferracci, Jean Michelangeli, Luiza Benaïssa…
Scénario : Frédéric Farrucci
Photographie : Jeanne Lapoirie
Musique : Rone
Durée : 1h27
Date de sortie initiale : 2025
LE FILM
En plein cœur de l’été, Joseph, l’un des derniers bergers du littoral corse, voit son terrain convoité par la mafia pour un projet immobilier. Il refuse de céder. Cela signerait la fin d’un monde. Quand il tue accidentellement l’homme venu l’intimider, il est forcé de prendre la fuite et devient la proie d’une traque sans répit du sud au nord de l’île. Portée par sa nièce Vannina, la légende de Joseph, incarnant une résistance réputée impossible, grandit au fil des jours et se propage dans toute la Corse…

C’est ce qu’on appelle un grand cinéaste en devenir ! Le Mohican est seulement le second long-métrage du réalisateur Frédéric Farrucci, remarqué en 2020 avec La Nuit venue, drame néo-noir avec Camélia Jordana, récompensé par le César de la meilleure musique originale. On attendait avec impatience son deuxième coup d’essai et nous ne sommes pas déçus. Le Mohican impose bel et bien un nouvel auteur doublé d’un metteur en scène virtuose, qui a profité d’une présentation de son film à la Biennale de Venise en 2024. Loin de la capitale et de l’asphalte où se déroulait principalement l’action de son précédent opus, Frédéric Farrucci, amoureux du cinéma de genre, livre un vrai et formidable western moderne tenté de polar, entièrement tourné dans le maquis, pour lequel il retrouve d’ailleurs sa terre natale, étant né à Ajaccio et ayant grandi sur l’Île de Beauté. Le Mohican est une œuvre personnelle, engagée, anxiogène, qui prend à la gorge du début à la fin, pour résumer, un superbe objet de cinéma.


Joseph est devenu « une anomalie dans le paysage » comme certains ont tendance à lui rappeler. Il est en effet l’un des derniers bergers du littoral corse et demeure très attaché à son exploitation agricole. Dès l’instant où le milieu se met à convoiter son terrain pour un projet immobilier, ses réticences lui valent d’être de plus en plus mis sous pression, jusqu’au jour où il tue par accident l’homme qui était venu l’intimider. Désormais en fuite dans le maquis et traqué par des hommes armés, il devient malgré lui un symbole de résistance, porté par les réseaux sociaux et le soutien de sa nièce Vannina…


Frédéric Farrucci revient en Corse, là où il avait déjà tourné deux courts-métrages (Mehret va à l’est, Suis-je le gardien de mon frère ?) et un documentaire en 2017 (Via Di Vita: In Terra Pasturale). C’est ce dernier, qui est à la base du Mohican, puisque le réalisateur se penchait sur le quotidien d’un homme, Joseph Terazzoni, éleveur caprin, installé à Santa Manza avec sa femme, éleveur et berger du littoral, qui sentait alors que l’exploitation de sa femme était en danger à cause des nombreux projets de construction liés à la mafia. Le Mohican est comme qui dirait une adaptation, une continuité aussi de cette histoire, mais le tout passé à la sauce romanesque, puisqu’il faut bien l’admettre, cette cavale sans issue dans le maquis est avant tout un spectacle, quand bien même le message politique passe tout de même, en dépit d’invraisemblances assumées.


S’il n’atteint pas l’immense réussite récente du Royaume de Julien Colonna ou les œuvres de Thierry de Peretti, Le Mohican prouve que Frédéric Farrucci en a sacrément sous le capot et l’on pense entre autres beaucoup à Gomorra de Matteo Garrone, adaptation du roman de Roberto Saviano, sortie en 2008. Le Mohican est un film sec comme un coup de trique, qui montre le dernier résistant d’un monde quasi-disparu, dont la violence omniprésente n’a de cesse de contraster avec la magnificence des paysages encerclant Porto-Vecchio. De plus, le film bénéficie de la talentueuse Jeanne Lapoirie (Benedetta, 120 battements par minute, L’Été dernier) à la photographie, qui peint littéralement certains plans comme de véritables tableaux de maître.


Formidable directeur d’acteurs, Frédéric Farrucci s’entoure d’un solide casting, mené par Alexis Manenti, dont la carrure et le jeu rappellent Karim Leklou (ce qui n’est pas un mince compliment), comédien déjà vu chez Thierry de Peretti (À son image, Enquête sur un scandale d’État), Fabrice Du Welz (Le Dossier Maldoror), Iris Kaltenbäck (Le Ravissement), Ladj Ly (Les Misérables) et qui n’a de cesse de faire parler de lui. Son personnage mutique est de ceux qu’on n’oublie pas dans Le Mohican, celui qui a osé dire non à « ces gens-là », à qui d’habitude on obéit sans sourciller. Le visage fermé, le regard bas, les épaules carrées, Joseph a refusé les 300.000 euros qu’on lui proposait, trop attaché à ses 120 chèvres et à son terrain sauvage, qui en plus n’est pas constructible, même si on lui répète que ce n’est pas son problème. Au cours de sa fuite désespérée et sans le savoir, il sera aidé par sa nièce Vannina, qui saura utiliser les réseaux sociaux, afin de lui trouver des soutiens et alliés, au point de devenir un modèle, une icône, qui sera baptisée le Mohican. Vannina est incarnée par l’un des grands espoirs du cinéma francophone, l’actrice belge Mara Taquin, révélée dans Hors normes d’Olivier Nakache et Éric Toledano et qui avait déjà illuminé La Petite de Guillaume Nicloux.


Le Mohican trouve ce parfait équilibre entre le divertissement populaire (les règlements de comptes sont bien présents), le film d’auteur où le message (la spéculation foncière dévastatrice) passe sans user du marteau piqueur. On en ressort aussi ravi qu’exténué par cette tension maintenue jusqu’à la dernière seconde.


LE BLU-RAY
C’est chez Ad Vitam que Le Mohican apparaît en DVD et Blu-ray, après avoir attiré plus de 100.000 spectateurs dans les salles en février 2025. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Aux côtés de la bande-annonce et du dossier de presse (disponible en partie ROM), l’éditeur livre une très intéressante interview de Frédéric Farruci, mais aussi d’Alexis Manenti et de Mara Taquin (22’). Le réalisateur revient sur la genèse du Mohican, qui découle d’un documentaire réalisé sur Joseph Terazzoni, éleveur caprin, mis en scène en 2017. De là est née l’idée d’en faire un film « de genre », un western. Frédéric Farrucci évoque les lieux et les conditions de tournage (peu de prises, beaucoup de déplacements) et le casting. C’est là que les deux comédiens interviennent, pour parler de leur collaboration avec le cinéaste, ainsi que de la dimension politique de l’histoire.


L’Image et le son
Ad Vitam signe un sans-faute avec ce master HD immaculé du Mohican. Tout d’abord, c’est la clarté et le relief des séquences diurnes qui impressionnent et flattent la rétine. Les couleurs sont chatoyantes, le piqué vigoureusement acéré, les détails abondent aux quatre coins du cadre large, restituant admirablement les partis pris de la photo signée Jeanne Lapoirie et les contrastes affichent une densité remarquable. Ajoutez à cela une profondeur de champ fort appréciable, des ambiances tamisées séduisantes et des teintes irrésistibles et vous obtenez le nec plus ultra de la HD. Un transfert très élégant.

Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 est réellement bluffant. Le spectateur est happé dans le maquis aux côtés de Joseph. Le soutien des enceintes latérales est constant, avec de multiples ambiances naturelles. Les dialogues sont solidement ancrés sur la centrale, la balance frontale est dynamique. D’une précision sans faille, dense, dynamique, le confort acoustique est largement assuré. Les sous-titres français pour les spectateurs sourds et malentendants sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription et une Stéréo de fort bon acabit.


Crédits images : © Ad Vitam / Koro Films – Atelier de production – Les Films Velvet – Novoprod / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr