Test Blu-ray / Le Marchand de Venise, réalisé par Michael Radford

LE MARCHAND DE VENISE (The Merchant of Venice) réalisé par Michael Radford, disponible en DVD et Blu-ray le 19 mars 2025 chez LCJ Editions & Productions.

Acteurs : Al Pacino, Jeremy Irons, Joseph Fiennes, Lynn Collins, Zuleikha Robinson, Kris Marshall, Charlie Cox, Heather Goldenhersh…

Scénario : Michael Radford, d’après la pièce de William Shakespeare

Photographie : Benoît Delhomme

Musique : Jocelyn Pook

Durée : 2h11

Date de diffusion initiale : 2004

LE FILM

Venise 1596. Afin de courtiser la belle Portia, Bassanio demande à son ami Antonio, un talentueux marchand, de lui prêter une forte somme. Contraint d’emprunter l’argent à l’usurier juif Shylock, Antonio promet de lui donner une livre de sa chair s’il ne peut rembourser le prêt à la date convenue.

Ceux qui ont eu la bonne idée de lire l’autobiographie d’Al Pacino intitulé Sonny Boy (Paris, éditions du Seuil, 2024), savent à quel point l’oeuvre de William Sheakespeare a été importante dans la vie du comédien né en 1940 et ce depuis ses débuts. En 1977, il joue Richard III au théâtre, puis Jules César, également sur les planches, avant de passer derrière la caméra pour réaliser et jouer dans Looking for Richard (1996), un documentaire sur la pièce Richard III, mi-adaptation, mi-documentaire sur le tournage de la pièce dans le film. Les années 2000 sont rétrospectivement les pires pour Al Pacino. Quelques titres ? Amours troubles Gigli de Martin Brest, 88 Minutes et La Loi et l’OrdreRighteous Kill de Jon Avnet…on va arrêter là. Certains évoqueront Memento de Christopher Nolan, mais non, cela reste un mauvais remake du film éponyme d’Erik Skjoldbjærg, qui ne vaut que pour la confrontation Pacino/Williams. C’est alors que débarque Le Marchand de VeniseThe Merchant of Venice, tourné entre La Recrue – The Recruit de Roger Donaldson  et Two for the Money de D. J. Caruso, un projet très personnel pour la star, dans lequel il tient le rôle de Shylock. Si la presse sera positive, le film se fera discret dans les salles, au point qu’il ne parviendra même pas en France autrement qu’en DVD en 2006. Cela est d’autant plus dommage que Le Marchand de Venise demeure le plus grand film d’Al Pacino depuis L’Enfer du dimancheAny Given Sunday d’Oliver Stone et il faudra attendre encore 2019 pour que le comédien retrouve encore de sa superbe dans The Irishman de Martin Scorsese, dans lequel il campe Jimmy Hoffa. Mais là nous en sommes en 2004 et Michael Radford, réalisateur acclamé pour 1984 et Le Facteur Il Postino, s’occupe de l’adaptation de la pièce de Shakespeare. Et c’est une immense réussite, plastique tout d’abord, mais aussi une œuvre passionnante à suivre. Si quelques bémols sont à signaler au niveau de la distribution, nous n’avons d’yeux que pour Al Pacino quand il apparaît à l’écran et ses scènes sont en tout point magistrales, virtuoses, inoubliables. Encore méconnu, même plus de vingt ans après, Le Marchand de Venise plaira sûrement aux passionnés et amateurs de Shakespeare, comme aux néophytes.

Bassanio, un jeune Vénitien, souhaite se rendre à Belmont pour courtiser la riche héritière Portia. Il sollicite auprès de son ami marchand Antonio les 3 000 ducats nécessaires à son voyage. Alors que tous les navires et marchandises d’Antonio sont amarrés, Antonio sollicite un prêt auprès de l’usurier juif Shylock. Ce dernier, rancunier envers Antonio (que le film présente comme un ancien juif converti au christianisme) pour l’avoir insulté et craché dessus (en raison de sa judéité), propose une condition : si Antonio ne peut rembourser le prêt à la date prévue, Shylock sera libre de prendre une livre de chair sur Antonio. Bassanio tente de l’en empêcher, mais Antonio, surpris par l’apparente générosité de l’usurier, signe l’accord. Muni de l’argent, Bassanio part avec un autre ami, Gratiano. À Belmont, Portia ne manque pas de prétendants. Son père, cependant, a laissé un testament stipulant que chaque prétendant choisirait l’un des trois coffrets : un en or, un en argent et un en plomb. Pour avoir la chance d’épouser Portia, chaque homme doit accepter à l’avance de vivre célibataire s’il se trompait. Le prétendant qui verra au-delà de l’apparence des coffrets trouvera le portrait de Portia à l’intérieur et remportera sa main. Bassanio fait le bon choix : celui du coffret en plomb.À Venise, tous les navires transportant les biens d’Antonio sont déclarés perdus en mer, le laissant dans l’impossibilité de remplir sa promesse. Shylock est déterminé à se venger des chrétiens après que sa fille Jessica a fui son foyer pour se convertir au christianisme et s’enfuir avec le chrétien Lorenzo, emportant avec elle une grande partie de sa fortune. Shylock fait arrêter Antonio et le traduit en justice.

« Un Juif n’a-t-il pas des yeux ? un Juif n’a-t-il pas des mains, des
organes, des proportions, des sens, des affections, des passions ? ne
se nourrit-il pas des mêmes aliments ? n’est-il pas blessé des mêmes
armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes remèdes,
réchauffé par le même été et glacé par le même hiver qu’un
chrétien ? si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? si vous nous
chatouillez, ne rions-nous pas ? si vous nous empoisonnez, ne
mourons-nous pas ? et si vous nous outragez, ne nous vengerons-nous pas ? »

Tourné en à peine deux mois, dans l’urgence, avec un budget somme toute raisonnable de 30 millions de dollars, Le Marchand de Venise impressionne dès son entrée en matière. La photographie signée Benoît Delhomme (Un air de famille, Chacun cherche son chat, Mortel transfert) subjugue dès les premiers plans, qui nous transportent à la fin du 16ème siècle, au coeur de la Reine de l’Adriatique. Il faut néanmoins un certain temps d’adaptation, pour se familiariser avec les très abondants dialogues, qui demandent réflexion et qui laissent peu de temps aux spectateurs pour cela, les intrigues étant rapidement exposées, ainsi que les nombreux personnages.

Al Pacino et Jeremy Irons trônent sur Le Marchand de Venise, mais le reste de la distribution peut laisser quelque peu dubitatif. C’est le cas de Joseph Fiennes, qui promène alors son absence de charisme dans les films historiques, dans l’excellent Elizabeth de Shekhar Kapur, dans l’improbable Shakespeare in Love de John Madden (dans lequel il incarnait d’ailleurs le dramaturge) et dans l’impressionnant StalingradEnemy at the Gates de Jean-Jacques Annaud. Il est ici comme à son habitude, insignifiant, transparent. Sa partenaire Lynn Collins minaude et s’avère peu crédible dans le rôle de Portia, maîtresse et future épouse de Bassanio, le protégé d’Antonio, le fameux « marchand de Venise » auquel Jeremy Irons apporte lui toute son élégance et son phrasé extraordinaire. Ce dernier est bouleversant et tire son épingle du jeu face au monstre Pacino lors de la scène la plus célèbre de la pièce et donc celle de cette transposition, celle du procès où Shylock est prêt à prélever la livre de chair sur le corps d’Antonio, comme cela avait été stipulé sur leur contrat.

En écrivant cela, on se rend à quel point Le Marchand de Venise aura influencé moult écrivains et réalisateurs, de David Fincher dans Se7en (dans le cas du péché d’avarice), à Mel Gibson dans L’Homme sans visage (la pièce est citée), en passant par Ernest Lubitsch dans To Be or Not to Be, jusqu’au Pianiste de Roman Polanski.

Rien de poussiéreux dans cette adaptation, le montage est vif et nerveux, les décors et les costumes sublimes, les seconds rôles soignés (on reconnaîtra le jeune Charlie – Daredevil – Cox, dans une de ses premières apparitions à l’écran), les dialogues raffinés, le propos sur l’antisémitisme demeure percutant et évidemment d’actualité, et la performance flamboyante d’Al Pacino vaut bien tous les éloges.

LE BLU-RAY

Depuis sa première édition en 2006 chez La Fabrique de Films, Le Marchand de Venise avait disparu de la circulation, malgré un réassort en 2008. C’est LCJ Éditions & Productions qui exhume ce superbe long-métrage de Michael Radford, en DVD et pour la première fois en Blu-ray. Le visuel reprend celui de l’affiche originale d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Un seul bonus, mais de choix avec l’intervention de Ludovic Girard, comédien, metteur en scène et auteur de Al Pacino, le grand jeu (GM Editions, 2024). Pendant un peu plus d’une demi-heure, Le Marchand de Venise est replacé dans la carrière du comédien, mais ce supplément va ensuite se focaliser sur les liens étroits d’Al Pacino avec le théâtre, Shakespeare (qui le poursuivra toute sa vie) et sa manière de jouer Shylock dans le film de Michael Radford. L’adaptation de la pièce (qui a toujours été précédée d’un parfum de scandale), l’origine du projet, les conditions de tournage, les intentions du réalisateur (montrer que Shakespeare est un auteur très actuel et s’adresse aussi aux spectateurs d’aujourd’hui), le casting, l’implication d’Al Pacino et la sortie quelque peu confidentielle du film, sont aussi les points abordés.

L’Image et le son

La qualité de ce nouveau master HD est suffisamment éloquente pour que vous puissiez revendre votre ancien DVD au Cash Converters le plus proche de chez vous. Un lifting très appréciable, parfois même exceptionnel, qui redonne un vrai coup de fouet au film de Michael Radford. Les contrastes affichent une densité inédite, la copie est très propre, le piqué est impressionnant sur les gros plans et les détails abondent surtout sur les plans diurnes en extérieur. Si l’on excepte deux ou trois plans un peu flous, ces menus accrocs sont bien trop anecdotiques compte tenu de la clarté réjouissante, de la colorimétrie vive, de la stabilité et du relief inattendu.

L’éditeur ne propose pas un remixage inutile, mais encode les pistes originale et française en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française, qui se concentre souvent sur le report des voix parfois au détriment de certains effets annexes. L’écoute demeure propre et nette. Elle n’est pas en revanche aussi fluide et homogène que la version originale. Dans les deux cas, l’écoute est dynamique et vive, tandis que le score de Jocelyn Pook (Eyes Wide Shut, Augustine) profite d’une excellente exploitation des frontales.

Crédits images : © LCJ Editions & Productions / Movision Entertainment / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.