L’AUTOROUTE DE L’ENFER (Highway to Hell) réalisé Ate de Jong, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 10 mars 2022 chez Rimini Editions.
Acteurs : Patrick Bergin, Adam Storke, Chad Lowe, Kristy Swanson, Pamela Gidley, Jarrett Lennon, C.J. Graham, Richard Farnsworth…
Scénario : Brian Helgeland
Photographie : Robin Vidgeon
Musique : Hidden Faces
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 1991
LE FILM
Décidés à se marier malgré l’opposition de leurs familles, Charlie et Rachel se rendent à Las Vegas. Ils vont croiser la route du sergent Bedlam, une sorte de flic zombie qui enlève Rachel et disparaît. Charlie découvre que pour retrouver sa fiancée, il doit aller en Enfer.
Quand on parle de Brian Helgeland, on évoque tour à tour L.A Confidential (1997) de Curtis Hanson, merveilleuse adaptation du roman éponyme de James Ellroy récompensée par deux Oscars, Mystic River (2003) de Clint Eastwood, une autre transposition, celle d’un des meilleurs livres de Dennis Lehane, film lui qui sera lui aussi lauréat de deux belles statuettes dorées, Payback (1999), même si renvoyé avant la fin du tournage, avant qu’une Directors’s Cut ne soit dévoilée en 2006. Brian Helgeland est un nom connu des cinéphiles. On oublie un peu plus facilement ce qu’il a fait par la suite, Man on fire et L’Attaque du métro 123 de Tony Scott, Green Zone de Paul Greengrass, Salt de Phillip Noyce, Robin des Bois de Ridley Scott, ainsi que ses propres mises en scène, Chevalier – A Knight’s Tale (2001), Le Purificateur – The Order (2003), ou bien Legend (2015), dans lequel Tom Hardy a cette mauvaise idée de jouer un double-rôle et donc d’être deux fois plus irritant. On connaît encore moins ses débuts, placés sous le signe du film d’épouvante. Emballés par leur collaboration sur La Ligne du diable – 976-EVIL, Robert Englund, dont il s’agissait du premier film en tant que réalisateur, et Brian Helgeland se retrouvent sur le quatrième opus de la série Freddy Krueger, Le Cauchemar de Freddy – A Nightmare on Elm Street 4: The Dream Master (1988) de Renny Harlin. Puis, après deux épisodes de la série Vendredi 13, le scénariste signe le script de L’Autoroute de l’enfer – Highway to Hell, connu aussi en France sous le titre Bienvenue en enfer. En revanche, le réalisateur néerlandais Ate de Jong demeure totalement oublié. Pourtant, en dépit d’une exploitation limitée à sa sortie, L’Autoroute de l’enfer est devenu un film chéri par les aficionados du genre. Comédie horrifique et fantastique, survoltée, menée sur un train d’enfer, interprétée par des comédiens en mode frappadingue, dans de superbes décors, avec des effets spéciaux cheap et néanmoins très réussis, Highway to Hell (ne cherchez pas, il n’y a aucun lien avec la chanson d’AC/DC ici) s’apparente à un rollercoaster déglingué, aux armatures fragiles, mais dans lequel on prend place volontiers, pour être brinquebalé de tous les côtés. Ça fait un bien fou !
Charlie Sykes et Rachel Clark décident de s’enfuir, pour se marier à Las Vegas. Sur la route, ils ignorent l’avertissement du pompiste local, Sam. Ils empruntent une route abandonnée où Rachel est kidnappée par un flic zombie venu de l’enfer. Charlie retourne chez Sam, qui lui explique qui est ce « Hellcop » et comment sauver celle qu’il aime. Il lui confie un fusil de chasse muni de munitions spéciales, ainsi qu’un véhicule du même acabit. Après quelques tentatives, Charlie traverse le portail de l’enfer et débarque dans un vaste désert, avec des bâtiments éparpillés. Sur l’autoroute, Charlie rencontre d’autres morts qui vivent en enfer et même un gang de motards. Celui-ci est dirigé par le rebelle Royce. Charlie retrouve le Hell Cop, mais sa voiture se fait tirer dessus pendant la poursuite et devient hors-service. Sa voiture est ensuite prise en charge par le dépanneur Beezle. Le jeune homme continue sa poursuite et découvre finalement que l’enfant qui assistait Beezle, Adam, s’est faufilé dans sa voiture, voulant l’aider à retrouver Rachel. Adam lui indique que Hell Cop a tué sa famille, puis l’a emmené en enfer, avant de le confier à Beezle. Charlie promet de le ramener sur « Terre » avec lui.
Il y a on ne sait combien d’idées à la seconde il y a dans L’Autoroute de l’enfer, qui semble avoir été créé spécialement pour les drive-in et plus tard pour les soirées entre potes, accompagnées de pizzas Sodebo et de quelques liquides mousseux ambrés. Mais tout gros délire qu’il soit, Highway to Hell n’est en aucun cas un film bâclé, bien au contraire. Ce qui frappe d’emblée, c’est sa beauté plastique, en particulier celle de la photographie de Robin Videgeon, chef opérateur sur Cabal – Nightbreed (Bip Bip dirait Speedfire 93 sur le Blu-ray d’ESCcrocs), La Mouche 2 de Chris Walas et Hellraiser : Le pacte de Clive Barker, Hellraiser II : Les écorchés de Tony Randell, qui donne au film d’Ate de Jong une véritable identité et une atmosphère très réussie quand Charlie débarque en enfer, afin d’y retrouver celle qu’il aime. La mise en scène énergique, bourrée de trouvailles, déjantée et même – osons le mot – virtuose, embarque très rapidement l’audience dans un délire jamais démenti, qui ne laisse pas un moment de répit, qui compile les scènes cultes comme des perles sur un collier et qui donnent lieu à des numéros d’acteurs complètement givrés. A ce titre, nous retiendrons l’apparition de la famille Stiller au grand complet, Ben, son père Jerry, sa sœur Amy et sa mère Anne Meara, incarnant respectivement le cuisinier de Pluto’s et Attila, un policier, Cléopâtre et Medea, la serveuse du Pluto’s. Les rôles principaux sont confiés à Chad Lowe (frère cadet de l’acteur Rob Lowe), l’une des futures vedettes de la série Pretty Little Liars, Patrick Bergin (ici dans le rôle de Beezle), connu pour avoir campé la même année le mari violent de Julia Roberts dans Les Nuits avec mon ennemi de Joseph Ruben. La jolie blonde est quant à elle interprétée par Kristy Swanson, l’une des camarades de classe de Ferris Bueller dans le film de John Hughes, Kowalski dans le mythique Hot Shots ! de Jim Abrahams, Diana Palmer dans le génial Le Fantôme du Bengale – The Phantom de Simon Wincer et surtout célèbre pour avoir créé le rôle de Buffy Summers dans Buffy, tueuse de vampires – Buffy the Vampire Slayer de Fran Rubel Kuzui, cinq ans avant d’être repris et immortalisé à la télévision par Sarah Michelle Gellar dans la série du même nom. Si la suite de sa carrière n’a guère brillé, cela n’a pas empêché la comédienne de se faire un nom et de rester dans la mémoire de beaucoup de spectateurs.
Mais l’un des personnages à avoir largement contribué au statut du film aujourd’hui reste celui du sergent Bedlam, aka Le Flic de l’enfer, à qui C.J. Graham prête son impressionnante carrure de près de deux mètres. Avec son visage brûlé, gravé d’inscriptions et ses lunettes de soleil vissées sur son crâne, celui qui avait tenu le rôle-titre de Jason le mort-vivant – Friday the 13th Part VI: Jason Lives de Tom McLoughlin en 1986, puis plus tard le père du tueur dans Vengeance (2019) de Jeremy W. Brown & Dustin Montierth et prochainement dans Friday the 13th Vengeance 2: Bloodlines de Jason Brooks, s’impose comme un boogeyman inoubliable. Les plus cinéphiles reconnaîtront quant à eux Richard Farnsworth, avant tout cascadeur, qui aura participé aux plus grands films d’Hollywood, La Rivière rouge – Red River de Howard Hawks (1948), Le Massacre de Fort Apache (1948) de John Ford, L’Équipée sauvage – The Wild One (1953) de László Benedek, Les Dix Commandements – The Ten Commandments (1956) de Cecil B. DeMille, Spartacus (1960) de Stanley Kubrick et bien d’autres, avant d’obtenir le rôle principal, le seul et le dernier de sa carrière, dans Une histoire vraie – The Straight story (1999) de David Lynch. Un rôle qui lui vaudra d’être nommé à l’Oscar du meilleur acteur, avant que le comédien, âgé de 80 ans, ne mette fin à ses jours, après avoir été diagnostiqué d’un cancer au stade terminal.
Avec ses répliques savoureuses (« Non, pas ici, pas dans une Ford Pinto ! » « Ferme les yeux et pense à une Porsche ! »), ses gags visuels (la machine à broyer les âmes damnées dirigée par des clones d’Andy Warhol,le diner Jimmy Hoffa les panneaux publicitaires, son spot pour une bière conçue avec les eaux du Styx ou les pancartes du genre « Vous allez regretter d’être parti de chez vous ! »), sa représentation de l’enfer (qui finalement de change pas du monde réel), ses maquillages tordants (mention spéciale à la goule libidineuse), son charme rétro (avec même l’animation d’un cerbère réalisée en stop-motion) et ses punchlines percutantes, L’Autoroute de l’enfer, chaînon manquant entre Max Max et le mythe d’Orphée, a clairement mérité ses galons de film culte incontesté.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
L’Autoroute de l’enfer est le 17ème titre à rejoindre la collection fantastique/horreur inaugurée par Rimini Editions en mai 2019, et dont vous pouvez d’ores et déjà retrouver toutes les chroniques sur notre site ! Comme d’habitude, l’objet prend la forme d’un Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet et au visuel on ne peut plus attractif. Le menu principal est animé et musical. Cette édition se compose du DVD et du Blu-ray du film, sans oublier un livret de 24 pages rédigé par Marc Toullec, bien illustré et qui donne moult informations sur la production, la sortie et la pérennité du film qui nous intéresse.
Nous avons beaucoup d’affection pour Gilles Gressard, que nous avons croisé dernièrement sur les galettes Blu-ray de Beethoven et de Beethoven 2, et qui avait déjà été appelé par Rimini Editions pour nous présenter Les Griffes de la peur de David Lowell Rich (disponible dans la même collection). L’auteur d’ouvrages sur Christophe Lambert, Sergio Leone, Jane Fonda revient avec son élégance, son humour habituel et décalé qu’on adore, sur L’Autoroute de l’enfer, « un objet visuel non identifié », en croisant à la fois le fond et la forme, en donnant moult indications sur la production, le casting, l’équipe technique, les lieux de tournage, la sortie limitée au cinéma, puis son gros succès en VHS et en DVD, avant de terminer cette intervention en disant que Highway to Hell « est un véritable film culte ».
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
S’il n’a rien pu faire pour la peau cramée du Sergent Bedlam, qui aurait pourtant bien besoin d’un peeling, le lifting numérique donne véritablement une « nouvelle seconde vie » au film d’Art de Jong. La copie – vraisemblablement reprise de l’édition Kino Lorber sortie en 2016 aux Etats-Unis – est resplendissante, lumineuse, stable, quasi-immaculée (une rayure par ci, quelques poussières par là). La promotion HD prend tout son sens quand Charlie débarque en enfer, où le Blu-ray en met plein la vue avec une large profondeur de champ, un piqué affûté, des contrastes profonds, une texture argentique bien gérée, des détails à foison. Sur ce dernier point, certains pourront même distinguer la richesse des maquillages et d’autres éléments éparpillés dans le décor, difficiles à discerner à la première projection. Toujours est-il que L’Autoroute de l’enfer demeure un film à petit budget, qui n’a donc pas bénéficié du « confort » alloué aux productions plus choyées par les studios. Le résultat final s’en ressent encore avec une patine propre à ce genre de séries B. Les partis-pris esthétiques se trouvent entièrement respectés, sans qu’une manipulation quelconque ait été tentée pour « nettoyer » les couacs d’origine et c’est tout aussi bien comme ça. Blu-ray au format 1080p.
Evitez la piste française, la plus faible du lot et qui mise avant tout sur le report des voix. La version originale est de plus mieux équilibrée, dynamique, sans aucun souffle, avec des dialogues clairs, une solide restitution de la musique. Les sous-titres français ne sont pas imposés.