L’AMBULANCE (The Ambulance) réalisé par Larry Cohen, disponible en Blu-ray le 23 mars 2022 chez Extralucid Films.
Acteurs : Eric Roberts, James Earl Jones, Megan Gallagher, Red Buttons, Janine Turner, Eric Braeden, Richard Bright, James Dixon…
Scénario : Larry Cohen
Photographie : Jacques Haitkin
Musique : Jay Chattaway
Durée : 1h36
Année de sortie : 1990
LE FILM
Josh Baker, dessinateur à New York, tombe amoureux d’une jeune femme, Cheryl. S’effondrant en pleine rue, celle-ci est récupérée par une mystérieuse ambulance. Josh s’aperçoit alors que Cheryl n’a été admise dans aucun hôpital de la ville, et va alors mener son enquête, la police ne croyant pas ses dires…
Je ne vais pas refaire le parcours du légendaire Larry Cohen (1936-2019). Ceux qui voudront en savoir plus sur la vie et la carrière du scénariste et réalisateur pourront se reporter à la chronique consacrée à Meurtres sous contrôle –God Told Me To (1976). Allons donc faire un tour au début des années 1990. Alors qu’il vient de réunir Bette Davis (dans son dernier rôle et qui meurt peu de temps après la sortie du film) et Barbara Carrera dans Ma belle-mère est une sorcière –Wicked Stepmother, Larry Cohen a de la suite dans les idées et enchaîne directement avec L’Ambulance – The Ambulance, qui sera son avant-dernier opus mis en scène pour le cinéma, six ans avant Original Gangstas avec Fred Williamson et Pam Grier. Mais pour l’heure, L’Ambulance restera sans doute le film le plus célèbre du créateur des Envahisseurs et de Maniac Cop, dont l’affiche est par ailleurs connue de ceux qui ne l’ont pourtant jamais vu, ce qui prouve le statut culte dont jouit le long-métrage. Incontestable réussite, série B de luxe, L’Ambulance est un divertissement haut de gamme, pour ainsi dire inclassable, comédie, thriller paranoïaque, film d’épouvante, polar, à la lisière du fantastique, qui entraîne les spectateurs dans une succession de rebondissements qui vont à cent à l’heure. En dehors de l’improbable coupe mulet et des costumes laaaarges d’Eric Roberts, L’Ambulance, sur lequel plane l’ombre de La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock, n’a pas pris une ride et reste représentatif du cinéma de Larry Cohen, qui n’avait pas son pareil pour doser les émotions fortes avec une virtuosité évidente, en revenant aux bases mêmes du cinéma, à savoir une attraction, son dix-septième film faisant souvent penser à un rollercoaster. Un manège parfois branlant sur ses fondations, mais dans lequel on embarque volontiers en sachant qu’on ne regrettera sûrement pas le voyage.
À New York, Josh Baker est un dessinateur de bande dessinée pour Marvel Comics. Alors qu’il cherche un restaurant avec un collègue de travail, il tombe sous le charme d’une parfaite inconnue prénommée Cheryl. Baker l’accoste et essaye de la séduire. Cependant, la jeune femme fait un malaise. Une ambulance, datant des années 1970, arrive et prend en charge la jeune femme, leur révélant qu’elle est diabétique. Josh lui promet de venir lui rendre visite après son travail. Néanmoins, aucun hôpital de New York n’a reçu de patiente propre à la description de Cheryl. La jeune femme se trouve dans un hôpital clandestin dans lequel un médecin mène des expériences, contraire à l’éthique, sur des diabétiques. De plus, il fait partie d’un trafic d’être humains, vendant ses cobayes à des chercheurs de la côte Est. Josh se rend à la police et parle de l’enlèvement au Lieutenant Spencer, qui ne le prend pas au sérieux, pensant que la jeune femme est rentrée chez elle. Le jeune homme décide alors de faire sa propre enquête. Il rencontre Jerilyn, la colocataire de Cheryl, elle aussi diabétique. Cheryl laisse un message sur leur répondeur, affirmant qu’elle a des problèmes et lui donnant rendez-vous dans une écurie. Cela se révèle être un piège car la femme est enlevée, elle-aussi, par cette mystérieuse ambulance sous les yeux de Josh. Le lendemain matin, Josh se rend compte qu’il a été empoisonné et demande de l’aide à sa concierge, qui appelle une ambulance. À son réveil, on lui apprend que rien n’a été trouvé dans son estomac. Le lieutenant Spencer le considère dès à présent comme un suspect et est prié de rester à l’hôpital. Durant la nuit, il manque de se faire enlever par les ambulanciers du médecin et est sauvé par Elias Zacharai, un vieux journaliste au New York Post hospitalisé.
Il est malin ce Larry Cohen, il a toujours, ou tout du moins souvent su brouiller les pistes dans ses histoires, emmenant son audience vers quelque chose d’insoupçonné, ayant lui-même déclaré qu’il ne savait jamais où ses personnages l’entraînaient quand il écrivait. L’Ambulance ne déroge pas à la règle et prend un plaisir évident à rabattre constamment les cartes, en changeant de protagoniste, le récit passant du point de vue de Joshua « Josh » Baker (Eric Roberts avec ses yeux hallucinés et ses cheveux raidis par le sébum), que l’on délaisse finalement un petit peu pour se concentrer ensuite sur le flic incarné par James Earl Jones (la même année qu’À la poursuite d’Octobre rouge de John McTiernan), avant d’en venir à la «fliquette » interprétée par la bad-ass et sexy Megan Gallagher (tout droit sortie de la série Capitaine Furillo et avant Millenium de Chris Carter), tout cela en revenant de temps en temps à Josh, qui continue son enquête de son côté. Ajoutons à tout ce petit monde la présence de Red Buttons, merveilleux comédien apparu chez Howard Hawks (Hatari !), Billy Wilder (Un, deux, trois), Sydney Pollack (On achève bien les chevaux), Ronald Neame (L’Aventure du Poséidon), sans oublier sa prestation dans Le Jour le plus long – The Longest Day (le malheureux parachutiste américain qui reste accroché au clocher de Sainte-Mère-Église, c’est lui !), ainsi que dans les formidables films familiaux que sont Peter et Elliott le dragon – Pete’s Dragon (1977) et C.H.O.M.P.S. (1979) de Don Chaffey. Outre l’excellent Eric Braden (Le Cerveau d’acier – Colossus : The Forbin Project de Joseph Sargent, Les Cent fusils de Tom Gries, Les Évadés de la planète des singes – Escape from the planet of the Apes de Don Taylor), particulièrement glaçant, nous noterons aussi l’apparition du mythique Stan Lee, dans son propre rôle, ami de Larry Cohen, qui profite de cette opportunité pour faire un peu de pub pour Marvel, où Josh officie en tant que dessinateur.
Avec sa Cadillac Miller-Meteor de 1973 qui rappelle celle des Ghosbusters (qui était en réalité une Cadillac Eldorado Biarritz datant de la fin des années 1950), L’Ambulance surfe quelque peu sur la mode des voitures maléfiques du genre Christine (1983) de John Carpenter ou le méconnu, mais néanmoins fort recommandable Enfer mécanique – The Car (1977) d’Elliot Silverstein, fortement inspiré par Duel (1971) de Steven Spielberg. Mais point ou peu d’éléments surnaturels ici, le film repose avant tout sur sa poignée de personnages attachants, y compris dans leurs côtés agaçants (Josh est un gros lourdingue, le lieutenant Spencer est caractériel, Elias est dangereux pour lui-même et pour les autres), une ambiance singulière renforcée par la superbe photographie de Jacques Haitkin (l’immense Enterré vivant – Buried Alive de Frank Darabont, Wishmaster de Robert Kurtzman, Les Griffes de la nuit de Wes Craven), qui donne au film une vraie patine. Car L’Ambulance a beau bénéficié d’un budget somme toute modeste, le film a vraiment de la gueule et flatte la rétine, du début à la fin.
Malgré son cachet estampillé 90’s, mais pas trop, L’Ambulance demeure un joli tour de force, rondement mené, avec des personnages bien dépeints, une violence sèche et inattendue avec quelques fulgurances bien senties et surtout beaucoup d’humour qui donne au film un aspect BD, la musique de Jay Chattaway lui donnant un ton sérieux qui crée parfois un décalage avec « l’hénaurmité » des situations. C’est ce qu’on appelle une valeur sûre, comme un bon pote vers qui se tourner en étant sûr de passer un bon moment.
LE BLU-RAY
N’attendez plus et jetez-vous sur le numéro 9 de la collection Extra Culte, anthologie créée par nos amis d’Extralucid Films, qui n’ont de cesse de nous régaler depuis leur émergence dans le monde du support physique et dont vous retrouverez le catalogue disséqué par nos soins dans les colonnes de Homepopcorn.fr. Inédit en DVD en France, L’Ambulance débarque directement en HD ! L’objet est magnifique, prenant la forme d’un Slim Digipack à deux volets, merveilleusement illustré, glissé dans un fourreau cartonné qui reprend l’un des célèbres visuels d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
L’excelleeeent Christophe Lemaire nous fait une brillante présentation de L’Ambulance (24’). Le journaliste de cinéma revient sur ce film qu’il affectionne tout particulièrement, réalisé par « le plus grand spécialiste du genre ». Il aborde plus précisément ce petit thriller de série B, qui repose avant tout sur les personnages, inspiré quelque peu par La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock, dont il évoque les conditions de tournage (« parfois à l’arrache, avec des plans vraisemblablement volés dans les rues de New York »). La genèse du film (« le plus gros succès de Larry Cohen en France, un bide aux Etats-Unis, mais un carton en VHS »), le casting, l’apparition de Stan Lee, la carrière du réalisateur et la musique de Jay Chattaway sont aussi passés au peigne fin.
L’éditeur a pu mettre la main sur une masterclass de Larry Cohen, proposée en 2013 au Festival international du film fantastique de Neuchâtel (35’). En short, toujours décontracté et heureux de revenir sur ses films, même s’il s’agira ici de délivrer moult conseils aux aspirants metteurs en scène et scénaristes, le cinéaste donnait tous ses « petits trucs » pour « faire un film ». Nous n’énumérerons pas tout ce qui est dévoilé ici, mais on y parle de l’importance du son, de la nécessité de toujours avoir un plan B sous le coude au cas où le tournage ne se déroulerait pas comme prévu, de la priorité à accorder à l’écriture du scénario. Larry Cohen revient sur son propre processus créatif (« il faut écrire avec frénésie »), de son amour pour tous les genres de cinéma, du fossé séparant les films de studio et les productions indépendantes, incitant son public à pouvoir accéder à la liberté créatrice.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Ce nouveau master HD de L’Ambulance brille de mille feux. D’une propreté absolue, l’image met en valeur la superbe photo signée Jacques Haitkin (Faust de Brian Yuzna, Cherry 2000 de Steve De Jarnatt, Shocker de Wes Craven) et offre un rendu très impressionnant des séquences en extérieur un relief marqué. La définition est souvent optimale avec très peu de fourmillements, le rendu de la carnation est naturel, on apprécie le niveau des détails, l’affûtage du piqué, le grain cinéma respecté, la richesse des contrastes, et l’aplomb de la compression numérique qui consolide les scènes plus agitées. Les noirs sont fermes, c’est stable, élégant. Clair et net, ce Blu-ray – au format 1080p – de L’Ambulance offre une deuxième jeunesse bien méritée au film de Larry Cohen. La très longue attente des fans du réalisateur est donc largement récompensée.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 2.0 Surround sont propres et distillent parfaitement la musique de Jay Chattaway. La piste anglaise est la plus équilibrée du lot avec une homogénéité entre les dialogues et les bruitages. Au jeu des différences, la version française (au doublage excellent avec Nicolas Marié qui prête sa voix à Eric Roberts, tandis que Megan Gallagher peut compter sur celle de la grande Céline Montsarrat) s’avère sensiblement plus couverte.