LA VALLÉE DES ABEILLES (Údolí vcel) réalisé par Frantisek Vlácil, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 7 novembre 2023 chez Artus Films.
Acteurs : Petr Cepek, Jan Kacer, Vera Galatíková, Zdenek Kryzánek, Miroslav Machácek, Josef Somr, Václav Kotva, Jana Hlavácková…
Scénario : Vladimír Körner & Frantisek Vlácil
Photographie : Frantisek Uldrich
Musique : Zdenek Liska
Durée : 1h36
Date de sortie initiale : 1968
LE FILM
Le jour du remariage de son père avec une jeune fille, Ondrej offre à la mariée, selon la coutume, un panier rempli de fleurs. Mais tandis que la jeune femme lance joyeusement les fleurs en l’air, des chauves-souris s’échappent du panier : funeste présage pour le mariage. Le père, fou de rage, attrape son fils, le frappe contre un mur et demandant pardon à Dieu, lui offre son fils. C’est ainsi que Ondrej rentre dans l’ordre des moines chevaliers.
C’est toujours complexe d’aborder un film dont ne connaît ni le réalisateur, ni le sujet. Si l’auteur de ces mots devait vous donner un conseil avant de lancer La Vallée des abeilles, c’est de vous laisser aller à l’histoire qui vous est racontée et surtout à la beauté incommensurable des images. Le cinéaste tchèque Frantisek Vlácil (1924-1999) signait ici son quatrième long-métrage, dans la foulée de son imposant Marketa Lazarova, très inspiré par le cinéma d’Ingmar Bergman. On y retrouve en effet cette apparente austérité, qui dissimule en réalité une radiographie des sentiments humains, quand l’être, désirant décider pour lui-même de son existence, se retrouve à affronter un groupe, une entité, un mouvement bien décidé du contraire. Difficilement racontable, La Vallée des abeilles est une véritable expérience de cinéma, qui demande l’implication totale du spectateur et cinéphile pur et dur, afin de mieux profiter du voyage singulier et cette fois encore à se damner visuellement. De quoi ravir les sens.
Le film se déroule au XIIIe siècle. Le seigneur de Vlkov épouse Lenora, beaucoup plus jeune. Son fils Ondřej donne des chauves-souris vivantes à Lenora comme cadeau de mariage, ce qui met en colère son père qui manque de le tuer. Il prie pour que le garçon survive. Il promet à Dieu qu’il donnera Ondřej à l’Ordre Teutonique s’il survit. Ondřej est guéri et envoyé dans la mer Baltique, où il rejoint l’Ordre Teutonique. Il se lie d’amitié avec Armin qui devient son mentor et protecteur. Armin a participé aux croisades en Terre Sainte et est un fanatique dévoué à Dieu. Le chevalier Rotgier tente de quitter l’ordre et s’échappe. Ondřej, Armin et d’autres membres le poursuivent. Il est retrouvé par Ondřej et tente de convaincre Ondřej de quitter l’ordre. Ondřej hésite à l’arrêter mais refuse. Rotgier le blesse et lui vole son cheval. Rotgier est finalement capturé et exécuté pour avoir attaqué Ondřej. Ondřej est puni par la pénitence pour sa faiblesse. Ondřej décide de s’enfuir. Armin décide de le retrouver. Armin se rend en Bohême où il entend parler d’Ondřej par des charbonniers qui voulaient lui voler son épée.
Peut-on échapper à son destin ? Qu’est-ce que le libre arbitre ? Doit-on systématiquement se plier aux exigences de ceux dont la parole ne saurait être contredite ? Pour espérer une place auprès de Dieu après la mort, l’être humain doit-il vivre dans l’ascétisme ? Autant de questions et même plus qui effleurent notre esprit à la vision de cette étonnante Vallée des abeilles, dans laquelle un jeune garçon, suite à une mauvaise plaisanterie lors du mariage de son père, est envoyé dans une commanderie templière afin d’intégrer l’ordre chevaleresque. Quelques années plus tard, il s’enfuit pour retrouver le château familial. Son ami Armin, extrêmement dévoué à l’ordre a mission de le ramener. František Vláčil évoque le fanatisme religieux, les croyances ancestrales qui deviennent dangereuses, pour ne pas dire mortelles, quand celles-ci sont remises en question. Scénariste, mais aussi peintre et artiste graphique, František Vláčil pense, conçoit et donne naissance à une succession de plans et de scènes qui rappellent des tableaux, à l’aide de la splendide photographie N&B de Frantisek Uldrich. On pense bien évidemment au mythique Septième Sceau, sorti dix ans auparavant et qui a dû marquer l’esprit du cinéaste, tout comme à Alexandre Nevski (1938) de Sergueï Eisenstein et Andreï Roublev d’Andreï Tarkovski, qui pour le coup sortira un an après La Vallée des abeilles.
Pourquoi les abeilles ? Pourquoi celles-ci envahissent l’écran dès le générique en ouverture ? Sans doute pour mettre en relief le fait que toutes les ouvrières qui s’activent, le font au service de leur ruche et bien sûr de celle qui les dirige. Si au départ La Vallée des abeilles a été un projet comme qui dirait imposé à František Vláčil, qui devait alors tourner un nouveau film se déroulant au Moyen âge, afin de réutiliser les décors et les costumes de Marketa Lazarova, histoire d’amortir les coûts de production imposants de son opus précédent, le réalisateur s’empare de ce récit et livre un nouveau film personnel, une fresque médiévale somptueuse, aux décors naturels hypnotiques, aux personnages très recherchés et par ailleurs brillamment incarnés par Petr Cepek (Morgiana de Juraj Herz) et Jan Kacer (dans le rôle d’Armin).
Les passionnés du septième art devraient prendre le temps de se pencher sur la filmographie de František Vláčil, qui grâce au travail acharné d’éditeurs français, Artus Films et Malavida, bénéficie enfin d’un vecteur de diffusion et donc de découverte.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Artus Films débarque souvent là où on ne l’attendait pas et ses dernières sorties dans les bacs démontrent encore une fois l’ambition, la passion et le courage de l’ours ! La Vallée des abeilles et Marketa Lazarova (sur lequel nous nous pencherons prochainement) sont désormais disponibles en Combo Blu-ray et DVD. Le film qui nous intéresse aujourd’hui se présente sous la forme d’un Digipack à deux volets, magnifiquement illustré, glissé dans un fourreau cartonné du même acabit. Le menu principal est fixe et musical.
Pour en savoir plus, pour ne pas dire tout savoir sur František Vláčil et sur sa carrière, Christian Lucas a rédigé un livre formidable intitulé « Frantisek Vlácil : L’Esthète des contrastes », présent dans l’édition de Marketa Lazarova dont nous parlerons prochainement. Le critique est aussi présent sur le Blu-ray de La Vallée des abeilles. Il nous présente ainsi Údolí vcel (22’) dans un module comme d’habitude très travaillé, blindé d’informations (on se demande même souvent où il est allé cherché tout ça) sur la genèse du film, sa production, le casting, l’équipe technique, les lieux et les conditions de tournage, l’accueil à sa sortie, ainsi que sur la suite et l’évolution de la carrière de František Vláčil. Bravo encore à Christian Lucas, que nous saluons, probablement l’un des intervenants les plus intéressants à écouter du moment.
L’interactivité se clôt sur un Diaporama constitué de photos et d’affiches.
L’Image et le son
La restauration numérique 2K de La Vallée des abeilles s’avère très impressionnante. Le nouveau master HD (codec AVC) au format respecté 2.35 se révèle extrêmement pointilleux en matière de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de František Vláčil et le grain d’origine a heureusement été conservé. Seuls petits bémols, certains plans flous demeurent constatables, mais cela reste vraiment anecdotique, car ce Blu-ray est réellement élégant.
Comme pour l’image, le son a également un dépoussiérage de premier ordre. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage tchèque, pas même un souffle parasite sur les nombreux silences. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets.
Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr