
LA TAVERNE DE L’IRLANDAIS (Donovan’s Reef) réalisé par John Ford, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD le 14 novembre 2025 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : John Wayne, Lee Marvin, Elizabeth Allen, Jack Warden, Cesar Romero, Dick Foran, Dorothy Lamour, Marcel Dalio…
Scénario : Frank Nugent & James Edward Grant
Photographie : William H. Clothier
Musique : Cyril J. Mockridge
Durée : 1h48
Date de sortie initiale : 1963
LE FILM
Guns et Boats, deux anciens combattants du Pacifique se sont installés en Polynésie. La fille d’un troisième camarade, élévée dans la société puritaine de Boston, vient à la recherche de son père. Alors qu’ils se retrouvent, comme chaque année, dans l’île de Haleakaloa, où habite Guns, pour une rituelle bagarre, cet ancien marin irlandais va donner à la jeune héritière prude et pleine de préjugés une leçon de charité et de joie de vivre.

Le dernier baroud d’honneur ! La Taverne de l’irlandais – Donovan’s Reef est en effet l’ultime collaboration avec John Ford et John Wayne. On serait tenté de dire que le comédien doit tout au cinéaste, mais ce serait franchement réducteur, d’autant plus que Raoul Walsh avant lui avait confié son premier grand rôle au Duke dans La Piste des géants – The Big Trail (1930). Cette association fut néanmoins décisive, marquée par un respect réciproque, des engueulades, des beuveries à n’en plus finir, mais aussi et surtout par un amour incommensurable qui devait lier à jamais les deux hommes. Environ 20 films, cela compte dans une carrière. Si John Wayne avait fait quelques panouilles chez John Ford de 1928 (Maman de mon coeur – Mother Machree) à Born Reckless (1930), La Chevauchée fantastique –Stagecoach va changer la donne en 1939. Suivront Les Hommes de la mer – The Long Voyage Home (1940), Les Sacrifiés – They Were Expendable (1945), Le Massacre de Fort Apache –Ford Apache et Le Fils du désert –3 Godfathers en 1948, La Charge héroïque – She Wore a Yellow Ribbon (1949), Rio Grande (1950), L’Homme tranquille – The Quiet Man (1952), La Prisonnière du désert – The Searchers (1956), L’Aigle vole au soleil – The Wings of Eagles (1957), Les Cavaliers – The Horse Soldiers (1959), L’Homme qui tua Liberty Valance – The Man Who Shot Liberty Valance et La Conquête de l’Ouest – How the West Was Won en 1962, puis enfin La Taverne de l’irlandais en 1963. Et comme il s’agit plus ou moins d’une œuvre « testamentaire » sur leur relation et association, autant que cela finisse en beauté. Certes, Donovan’s Reef n’a pas et n’aura jamais l’aura, le prestige des monuments susmentionnés, mais le film agit comme un dernier verre avant que les deux John ne voient leur chemin se séparer. Si Wayne continuera encore d’incarner le cowboy pendant plus de dix ans, à quelques exceptions près (Le Plus Grand Cirque du monde de Henry Hathaway, Première victoire d’Otto Preminger, Les Feux de l’enfer d’Andrew V. McLaglen, Brannigan de Douglas Hickox), La Taverne de l’irlandais est l’antépénultième opus du réalisateur. Après celui-ci, John Ford ne reviendra derrière la caméra que pour Les Cheyennes – Cheyenne Autumn (1964) et Frontière chinoise – Seven Women (1965). Grand succès au box-office, contrairement à ce qui a longtemps été dit, histoire d’enfoncer le clou sur le fait qu’il ne s’agissait que d’un « simple divertissement », La Taverne de l’irlandais, au-delà de son évidente légèreté, contient tout de même d’immenses séquences et mérite d’être largement redécouvert. D’autant plus que plastiquement, on en prend plein les mirettes. Alors pourquoi faire la fine bouche ?



Thomas « Boats » Gilhooley retourne dans l’île d’Haleakaloha en Polynésie pour son anniversaire. Né le même jour que Michael « Guns » Donovan, il veut respecter la tradition du combat annuel qu’ils se livrent à cette occasion sous l’œil attentif de toute la population locale. Les deux hommes sont séparés par le Docteur William Dedham. Les trois amis sont d’anciens combattants du Pacifique qui sont restés sur l’île après la guerre et se dévouent pour la population qui les a protégés des Japonais. En particulier, le Docteur Dedham y a installé un dispensaire au lieu de retourner auprès des siens à Boston. Sur l’île, il a épousé la princesse Manulani, décédée durant l’accouchement du dernier de leurs 3 enfants. Les choses se compliquent alors lorsque Amélia Dedham, la fille née du premier mariage du Docteur, débarque sur l’île à l’improviste. Elle entend vérifier que son père, qu’elle n’a jamais connu, mène une vie contraire aux bonnes mœurs de la société bostonienne pour pouvoir, grâce à une clause de moralité, le déposséder de ses parts dans une riche société maritime. Le Docteur étant parti en tournée, Donovan prétend que les 3 enfants sont les siens mais peu à peu Amélia découvre que cette île est pleine de surprises et de charme.


Ça picole et ça castagne dans La Taverne de l’irlandais ! Les potes se retrouvent pour se mettre sur la tronche, car c’est ainsi que l’on célèbre l’amitié, la vraie. À la base de Donovan’s Reef, il y a un scénario original de James Michener (Sayonara, Les Ponts de Toko-Ri), préparé pour Paramount, bien que son nom n’apparaîtra pas au générique par la suite. En février 1962, le studio annonce fièrement que John Wayne et John Ford ont jeté leur dévolu sur cette histoire, alors intitulée South Sea Story, d’après un scénario de James Edward Grant, en collaboration avec Frank S. Nugent, complices du Duke et du metteur en scène. Ouvertement, John Ford fait savoir que La Taverne de l’irlandais a été conçu comme « un film parodique – un truc déjanté et absurde », avec lequel ils n’espéraient sûrement pas être récompensés. Il n’empêche que des récréations comme celle-là, on aimerait en voir davantage !


La photographie du grand William H. Clothier (Alamo, Big Jake, La Caravane de feu, La Route de l’Ouest, 7 hommes à abattre) est à se damner, la musique de Cyril J. Mockridge (Les Rôdeurs de la plaine, La Brune brûlante, Bas les masques, L’Étrange incident) apporte au récit un côté bande-dessinée, et rien à redire au niveau des décors, des costumes (signés Edith Head), du montage, c’est une leçon de chaque instant. Nous voici donc transportés en Polynésie française (en fait, le film a été tourné à Hawaï) où la toujours très chic Amelia Sarah Dedham (Elizabeth Allen, vue dans Du haut de la terrasse – From the Terrace de Mark Robson), débarque afin d’y retrouver son père, William Bedham (Jack Warden, Tant qu’il y aura des hommes, Les Fuyards du Zahrain), un médecin dont elle apprend le départ en tournée. Impatiente de vérifier s’il est digne d’hériter d’une véritable fortune, elle fait la connaissance de deux de ses amis : Michael Patrick Donovan (John Wayne) et Thomas Gilhooley (Lee Marvin), des anciens militaires installés là depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. De sacrés numéros, portés sur la bouteille et la bagarre. Pas vraiment les meilleurs avocats de la « moralité » de son père…


On sent que tout le monde s’éclate dans La Taverne de l’irlandais, et l’on imagine très bien John Ford jubiler derrière la caméra, quand bien même le cinéaste ne montrait pas véritablement de signes d’affection ou de jubilation, en public tout du moins. Un an après L’Homme qui tua Liberty Valance, le réalisateur se détendait avec ce spectacle haut de gamme, dans lequel il fait même preuve de tendresse, avant d’être rattrapé petit à petit par la maladie. Pour l’heure, Donovan’s Reef est assurément l’un des opus les plus optimistes, drôles, exotiques, chaleureux, charmants et dynamiques de toute son illustre filmographie.



LE BLU-RAY
On peut dire qu’il était attendu celui-là ! En effet, en France, La Taverne de l’irlandais ne bénéficiait que d’un DVD sorti chez Paramount, sorti en 2003, et qui surtout ne proposait pas de sous-titres français ! Même chose quand le film était ressorti trois ans plus tard, toujours chez le même éditeur, dans la collection Mes meilleures séances – Eddy Mitchell. C’est enfin réparé ici, la version originale bénéficie enfin de sous-titres dans notre langue ! Sidonis Calysta propose Donovan’s Reef en Combo Blu-ray + DVD, ainsi qu’en édition Standard. Visuel clinquant, menu principal animé et musical.

Pour cette édition, l’éditeur reprend tout d’abord le formidable documentaire consacré à Lee Marvin, présenté par son ami John Boorman et réalisé en 1998 (49’), déjà proposé dernièrement sur le Blu-ray du magnifique Monte Walsh. Le cinéaste anglais, qui a dirigé Lee Marvin dans Le Point de non-retour – Point Blank (1967) et Duel dans le Pacifique – Hell in the Pacific (1968), se lance dans une quête pour comprendre l’homme qui a eu un effet si profond sur sa propre vie et son travail. Un fabuleux portrait se dessine, le tout composé d’entretiens divers (avec Jim Jarmusch, William Hurt, la veuve de l’acteur), beaucoup d’extraits illustrent l’ensemble, ainsi que diverses images de tournage. Les fans de Lee Marvin vont être aux anges.











En revanche, une seule présentation est proposée sur cette édition. On la doit à Noël Simsolo (21’30), qui passe la première partie de son intervention à parler de la longue et fructueuse collaboration entre John Ford et John Wayne. Malgré quelques erreurs (les deux hommes ont tourné au bas mot 20 films ensemble et non pas 12) et sempiternelles divagations, l’historien et critique du cinéma réalise une belle analyse de La Taverne de l’irlandais, qui peut se voir comme une radiographie des sentiments qui liaient le cinéaste et le comédien. De plus, Noël Simsolo rappelle qu’en dépit de certains propos qui ont longtemps circulé, Donovan’s Reef a connu un très beau succès dans les salles, en rapportant trois fois plus que ce qu’il avait coûté à la Paramount.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Qui dit « Polynésie Française » (les guillemets étant de rigueur, le film ayant été tourné à Hawaï), dit mer et ciel azurés. Il est évident que le master a subi un sacré coup de scalpel numérique, car aucune scorie, dépôt ou autre poussière ne subsistent. Sidonis Calysta s’arme d’une compression somme toute solide afin de restituer la belle luminosité des scènes diurnes ainsi que la densité des noirs durant les séquences nocturnes. Le rendu des matières est en plus extrêmement appréciable, le grain argentique palpable, la copie d’une stabilité à toutes épreuves, y compris durant les credits d’ouverture. Les teintes bleues, vertes bordeaux et brunes-bois sont riches et bien saturées. Le relief est omniprésent et met en valeur la richesse des images. Voilà une superbe édition HD qui nous permet de profiter de la beauté des paysages et des décors naturels, incontestablement les points forts de cette édition. Blu-ray au format 1080p.

Les versions originale et française bénéficient d’un mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Dans les deux cas, l’espace phonique se révèle probant et dynamique, le confort est indéniable, et les dialogues sont clairs, nets, précis. Sans surprise, au jeu des comparaisons, la piste anglaise s’avère plus naturelle et harmonieuse. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière (un festival Raymond Loyer et Georges Aminel), aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre.



Crédits images : © Sidonis Calysta / Paramount Pictures / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
