LA RONDE réalisé par Roger Vadim, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 9 novembre 2022 chez LCJ Editions & Productions.
Acteurs : Jean-Claude Brialy, Francine Bergé, Marie Dubois, Jane Fonda, Claude Giraud, Anna Karina, Bernard Noël, Maurice Ronet, Jean Sorel, Catherine Spaak, Valérie Lagrange…
Scénario : Jean Anouilh, d’après la pièce d’Arthur Schnitzler
Photographie : Henri Decaë
Musique : Michel Magne
Durée : 1h50
Date de diffusion initiale : 1964
LE FILM
Une nouvelle version de la ronde de l’amour qui englobe dans son ballet affectif toutes les couches de la société, autrement dit une fille des rues, un soldat, une soubrette, un jeune homme aisé, une femme mariée, un époux, une midinette, un auteur à la mode, une vedette de la scène et un comte.
Après Le Repos du guerrier (1962), son dernier gros succès en date avec Brigitte Bardot, Roger Vadim connaît un certain revers avec Le Vice et la Vertu (1,6 millions d’entrées) et Château en Suède, qui franchit péniblement la barre du million de spectateurs. Un an après, le réalisateur décide de proposer une relecture de La Ronde, pièce écrite par Arthur Schnitzler en 1903, déjà adaptée en 1950 par Max Ophüls avec un casting quatre étoiles composé de Jean-Louis Barrault, Danielle Darrieux, Daniel Gélin, Gérard Philipe, Simone Signoret, Simone Simon, Serge Reggiani…Roger Vadim mise lui aussi sur une imposante distribution où se croisent Marie Dubois, Claude Giraud, Anna Karina, Jean-Claude Brialy, Jane Fonda, Maurice Ronet, Catherine Spaak, Jean Sorel et bien d’autres…mais cette fois encore, le public ne se pressera pas pour aller découvrir cette Ronde pourtant plus que sympathique, mais ce remake intervenant sans doute trop tôt (même pas quinze ans après la mouture Ophüls), le film parviendra là aussi non sans peine à attirer un million de français dans les salles. Peu importe aujourd’hui les comparaisons, car La Ronde de Roger Vadim demeure un beau spectacle, à la mise en scène élégante, aux costumes et aux décors soignés, qui vaut bien entendu pour son parterre de comédiens de renom, qui rivalisent de charme et de malice. S’il est indéniable que le concept traîne un peu en longueur et que la première heure écrase la seconde sur tous les points, La Ronde de 1964 est une œuvre qui mérite d’être reconsidérée.
Une prostituée entraîne un soldat dans les « fortifs ». Cynique, le soldat la quitte sans la payer et, à sa sortie suivante, séduit une petite bonne qu’il abandonne aussitôt. La petite bonne prend son parti de l’aventure et se prête aux premières armes du fils de son patron. Persuadé d’être un grand séducteur, le jeune homme prend un rendez-vous avec une femme mariée, mais celle-ci a bien du mal à se faire séduire. De son côté, le mari de la jeune femme fait sa maîtresse d’une petite ouvrière, mais celle-ci le quitte bientôt pour un auteur de théâtre en vogue. Lequel renoue avec une actrice, son ancienne maîtresse, une liaison sans illusions. L’actrice s’offre à un jeune lieutenant, comte de surcroît. Et, un beau matin, le lieutenant se retrouve, après une folle nuit et sans savoir comment il y est arrivé, dans la chambre de la prostituée. La boucle est bouclée. Et l’on mobilise pour la guerre de 14.
La vie est une chose grave, le plaisir n’est qu’un dessert…
Il en est où dans ses amours le Vadim ? En 1964, sur le tournage de La Ronde, il s’éprend de la magnifique Jane Fonda âgée de 27 ans. On le comprend, même si la comédienne n’est pas la seule à resplendir à l’écran, le cinéaste ayant toujours mis beaucoup de soin à mettre ses muses en valeur. Ainsi, tour à tour, on s’émerveille devant la beauté de Marie Dubois (la même année que La Chasse à l’homme d’Édouard Molinaro et Week-end à Zuydcoote), Anna Karina (juste avant Bande à part de Jean-Luc Godard), Jane Fonda donc (qui sortait des Félins de René Clément), Catherine Spaak (découverte quatre ans auparavant dans le sublime I Dolci inganni – Les Adolescentes d’Alberto Lattuada), Francine Bergé (Monsieur Klein, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Une histoire simple) et même Françoise Dorléac (bonne chance pour la trouver), pour ne citer qu’elles. D’ailleurs, après la scène de Catherine Spaak, « confrontée » à l’auteur (interprété par Bernard Noël), La Ronde peine à maintenir l’intérêt jusqu’à la fin, sans doute en raison de personnages moins captivants ou tout simplement d’acteurs qui n’ont pas le même prestige ou le même charisme, surtout au niveau de ces messieurs, qui tirent la tronche et qui ont l’air de s’ennuyer comme des rats devant ces belles demoiselles dont ils n’espèrent qu’une chose, avant de retourner vaquer à leurs tristes occupations une fois obtenu ce qu’ils voulaient.
La Ronde n’est assurément pas un grand film, mais un divertissement savoureux, bien écrit Jean Anouilh (La Mort de Belle d’Édouard Molinaro, Caroline Chérie de Richard Pottier), aux dialogues qui étonnent parfois par leur modernité et transpirant le sexe, tandis que Roger Vadim fait preuve d’une liberté de ton assez rare encore dans sa représentation de l’acte proprement dit, ou tout du moins des préliminaires. Rétrospectivement, on admire Jane Fonda en constatant qu’elle est regardée et filmée avec les yeux d’un homme en train de tomber éperdument amoureux d’elle, comme il l’avait été par le passé pour Brigitte Bardot et Annette Stroyberg. Mais avant tout, on se laisse volontiers emporter dans cette danse sans fin durant presque 120 minutes, menées sans interruption, pas avec la même inspiration certes, mais l’expérience en vaut la chandelle, surtout en aussi bonne compagnie.
Notons enfin la superbe composition du maestro Michel Magne, ainsi qu’un générique concocté par le grand Maurice Binder, sans oublier la photo luminescente d’Henri Decaë (Les Enfants terribles, Un château en enfer, Flic ou voyou, La Tulipe Noire), bref du beau monde devant comme derrière la caméra.
LE BLU-RAY
Inédit en DVD, La Ronde apparaît désormais dans les bacs en édition Standard et en Blu-ray chez LCJ Editions & Productions. L’édition HD prend la forme d’un boîtier classique de couleur bleue, la jaquette arborant quant à elle un visuel d’époque attractif. Le menu principal est fixe et musical. À la vente sur le site de l’éditeur.
Aucun supplément.
L’Image et le son
L’élévation HD offre au film de Roger Vadim une nouvelle cure de jouvence, aucune scorie n’est à déplorer, le grain cinéma est restitué (même si certains plans paraissent plus lisses) et les contrastes trouvent une belle densité. L’encodage AVC consolide l’ensemble, les textures sont flatteuses, le piqué est renforcé et rend hommage aux nombreux gros plans sur le visage des comédiennes et de leurs partenaires. La photographie d’Henri Decaë est resplendissante et trouve ici un fabuleux écrin, avec ses quelques plans cotonneux, ses éclairages parfois luminescents et ses gammes de couleurs chatoyantes.
Le mixage DTS-HD Master Audio Stéréo instaure un très bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. De sensibles saturations, mais rien de rédhibitoire. Pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant…
Crédits images : © LCJ Editions & Productions /Studiocanal / Société Nouvelle Pathé Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr