LA RÉVÉLATION réalisé par Alain Lavalle, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Olga Georges-Picot, Juliette Mills, Sady Rebbot, Robert Etcheverry, Jacques Santi, Danièle Vlaminck, Daniel Sarky, France Verdier, Garlonne Errlichman…
Scénario : Giova Selly
Photographie : Claude Beausoleil
Musique : Nachum Heiman
Durée : 1h21
Date de sortie initiale : 1973
LE FILM
Claire est seule pendant les vacances, enfants et mari étant partis. Elle connaîtra les joies de l’adultère grâce à une amie.
Avant de réaliser La Révélation, qui restera probablement son seul long-métrage de fiction, Alain Lavalle avait été l’assistant d’Eddy Matalon (Trop petit mon ami). C’est ce dernier qui confie à Alain Lavalle le soin de tourner La Révélation, d’après un scénario de Giova Selly, alias Giova Lavalle, sa compagne. Avant tout ethnologue et psychologue, romancière spécialisée dans les histoires sentimentales (elle a écrit des célèbres romans-photos pour Nous-Deux), historiques et policières, Giova Selly signe ici son unique histoire pour le cinéma. Vu le bagage de l’écrivaine et son talent pour dépeindre les comportements, ainsi que les mœurs de ses personnages, il n’est pas étonnant que La Révélation détonne quelque peu dans le cinéma érotique des années 1970, avec notamment un spleen qui accompagne la protagoniste, Claire, interprétée par la troublante Olga Georges-Picot, dont le regard triste foudroie instantanément et ce durant les 80 minutes de cet étrange long-métrage, à la fois maladroit (de par sa mise en scène), souvent ennuyant en raison de digressions dites « auteuristes », mais aussi généralement fascinant grâce à la présence, l’aura et le charisme de son actrice principale.
Mariée, deux enfants, jolie femme, Claire a tout pour être heureuse. Mais voilà, son mari, homme d’affaires, est souvent absent. Lorsque ses enfants partent en classe de neige, Claire se retrouve seule. Désemparée, elle sort un soir avec son amie Gisèle et fait la connaissance d’un couturier, Michel. Gisèle et lui s’adonnent avec assiduité au libertinage, et Claire finit par se laisser séduire par le couturier. Tombée dans le piège de l’adultère, la jeune femme sera-t-elle en mesure d’accepter tous les fantasmes de son amant ?
Le générique donne le ton. Claire, la femme que l’on suivra dans La Révélation, est paumée au fin fond de sa banlieue parisienne. Errant dans la cité où elle est plantée avec époux et enfants, elle ne sait pas quoi faire de ses journées, d’autant plus que ses rejetons ont été confiés pour les vacances et que son mari s’est une fois de plus absenté pour raisons professionnelles. Au fil de ses pérégrinations, Claire sera tentée par les pièges de la sexualité moderne, grâce à son amie Gisèle dont elle découvre un soir les relations libertines et qu’elle surprend avec son amant. Le lendemain, elle se rend au magasin de Michel, célèbre couturier, où elle essaie la même robe transparente que Gisèle et succombe à l’adultère, suivant le fringant séducteur dans sa luxueuse villa. Cependant, la libération sexuelle implique d’aller encore plus loin et Claire n’est sans doute pas prête. Peut-être souhaite-t-elle retourner au bercail ou aller accueillir son mari qui ne devrait pas tarder à rentrer. Le spectateur observe à la fois Claire et ce qui devient l’objet de sa curiosité. Nous ne pouvons détacher nos yeux d’Olga Georges-Picot. Magnétique et sensuelle, à la fois innocente et pourtant furieusement provocante, la comédienne alors âgée de 33 ans (et qui mettra malheureusement fin à ses jours en 1997), crève l’écran dans La Révélation, comme elle l’avait déjà fait précédemment dans l’incroyable Je t’aime, je t’aime d’Alain Resnais et le sympathique Les Confidences érotiques d’un lit trop accueillant de Michel Lemoine. La scénariste Giova Selly dépeint non seulement un personnage à la limite ou carrément dépressif, qui se perd le temps d’une journée dans le sexe, ce qui lui apportera sans doute un plaisir immédiat, mais fugace, subliminal, puisque Claire gardera finalement les pieds sur terre une fois l’orgasme dissipé. Elle devra se résigner, devant accepter que ces petits jeux, qui se termineront inévitablement en partouze, ne sont pas faits pour elle. Toutefois, on peut imaginer qu’elle repartira chez elle, nouvellement « armée » et qu’elle saura mettre ses nouveaux talents au service de sa vie sexuelle personnelle, afin de pimenter son existence avec celui qui partage son existence et qui n’a jamais su la combler.
Si le reste du casting est pas mal du tout, surtout la divine Juliette Mills (La Grosse caisse, Canicule), Sady Rebbot (Rue des prairies, Le Tueur) et Robert Etcheverry en tête, La Révélation pâtit de séquences inutiles qui semblent avoir été filmées pour «remplir», à l’instar du repas au restaurant – un sommet d’ennui – qui s’éternise sur la « révolution biologique » avec des dialogues pompeux de circonstance, ou bien encore la séance de psychothérapie en public où les quatre comédiens se tordent dans tous les sens avant de terminer à poil. Dans La Révélation, il y a du boobs fièrement dressé, on se rince l’oeil paisiblement, mais ce que l’on gardera indéniablement du seul coup d’essai fictionnel d’Alain Lavalle, c’est la beauté triste d’Olga Georges-Picot, astre éphémère qui illumine le film et lui donne aujourd’hui sa raison d’être.
LE BLU-RAY
La Révélation débarque sans crier gare chez Le Chat qui fume en Blu-ray. La jaquette – glissée dans un boîtier transparent – reprend l’un des photogrammes inoubliables du film d’Alain Lavalle, tiré de la scène où Claire regarde partir le train qui emmène ses enfants, la laissant seule sur le quai de la gare. Le menu principal est animé et musical.
Après La Révélation, n’hésitez pas à vous rendre directement dans la section des suppléments pour visionner les scènes érotiques inédites (13’). Un carton indique que cette poignée de séquences dénudées ont été tournées avec de doublures pour l’exploitation du film à l’étranger, et que celles-ci n’ont pas été réalisées par Alain Lavalle. Ces scènes sont disponibles en anglais non sous-titré, mais comme il n’y a pas beaucoup de dialogues et qu’elles reposent essentiellement sur des personnages qui font (ou essayent de faire, comme c’est le cas ici de Claire avec son mari) l’amour, avec des gros plans sur quelques poitrines et masturbations, cela n’a pas trop d’importance.
Sélectionnez ensuite la présentation du film par Jessica (4’). Excellente initiative d’avoir fait appel à une comédienne (très jolie de surcroît) pour nous donner quelques indications sur le film qui nous intéresse aujourd’hui, à l’instar d’un ersatz de La Dernière séance. Confortablement installée dans une des salles de l’Escurial, Jessica (Jhean) replace La Révélation dans son contexte dit « historique », autrement dit après mai 68 et au début de la révolution sexuelle, en 1973, quand l’érotisme et le porno ont explosé au cinéma. Le texte est aussi drôle qu’informatif, notre hôtesse pince-sans-rire, et l’on en apprend assez sur l’oeuvre d’Alain Lavalle (ainsi que sur son casting, la scénariste), tout en se divertissant.
Mais outre un lot de bandes-annonces (dont celle de La Révélation), la pièce centrale des bonus est une formidable interview d’Alain Lavalle. Tout au long de cet entretien, le metteur en scène revient sur ses débuts au cinéma (un stage sur Si Paris nous était conté de Sacha Guitry en 1956), parle de ses différentes collaborations (André Téchiné, John Huston, Michel Boisrond et bien sûr Eddy Matalon) et de sa première réalisation (Quand la liberté venait du ciel en 1967). Puis, Alain Lavalle en vient à son premier et unique long-métrage de fiction à ce jour, La Révélation, en indiquant comment le film a vu le jour (« on avait de l’argent et c’était dans le vent, pas un film d’auteur, mais d’opportunité »), même s’il confie immédiatement qu’il n’était pas prêt « à faire ce genre de choses ni trop envie de le faire ». L’invité du Chat qui fume raconte moult anecdotes sur le tournage du film (à Trappes, Houlgate et dans les environs de Chartres), « difficile, compliqué et douloureux par moments, mais qui me laisse un très bon souvenir », sur sa carrière en général, sans oublier le casting (Olga Georges-Picot, « très gentille, mais triste et aux failles énormes, qui ne savait pas où elle allait », Juliette Mills, « l’opposé d’Olga, qui avait la vie ») qu’il résume comme étant constitué « de gens charmants, mais qui se détestaient pour des raisons X ou Y ». Dans la dernière partie de ce module, Alain Lavalle aborde la sortie et l’accueil critique de La Révélation (« Dans France Soir, Robert Chazal indiquait que je devais faire autre chose, et il avait raison »), les scènes érotiques ajoutées au montage pour l’exploitation du film à l’étranger, avant d’expliquer qu’il est devenu réalisateur de documentaires (Envoyé Spécial), producteur et créateur de la SERTIS, société de production audiovisuelle indépendante et agence de communication. S’il avoue avoir revu son film à la hausse après une projection récente, tout en indiquant encore une fois qu’il avait bien fait d’arrêter le cinéma, Alain Lavalle, grand défenseur du septième art (il dit voir plus de 150 films par an) officie toujours aujourd’hui dans une commission où il voit passer « des perles, mais aussi de très mauvais films, surtout français », fustigeant entre autres le système de l’avance sur recettes et des rapports entre le cinéma et la télévision, « une aberration économique, qui donne naissance à des films insensés […] un système qui ne fonctionne plus ».
L’Image et le son
La Révélation sort de nulle part, et pourtant le film d’Alain Lavalle a connu une restauration 4K à partir du négatif original. Un traitement royal pour ce petit film, qui mine de rien profite de cette promotion, notamment au niveau des couleurs, avec de jolis bleus lavande, et une clarté HD indéniable. La photographie de Claude Beausoleil (Le Bonheur d’Agnès Varda, L’Enfance nue de Maurice Pialat) est donc la plus grande bénéficiaire de ce lifting numérique. La propreté de la copie est impressionnante, l’ensemble est stable, certaines séquences sortent véritablement du lot, à l’instar de celles en bord de mer qui sont vraiment superbes.
Dans l’ensemble, les dialogues sont clairs, même si la chanson en début de film frôle la saturation et que certains échanges, non repris en postsynchronisation, sont parfois moins intelligibles, comme lorsque Claire retrouve Gisèle après avoir déposé ses enfants à la gare. L’éditeur joint également une piste anglaise, mais oublie malheureusement en cours de route les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.